Techniques neuro-musculaires basées sur l`étirement et pathologie

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Techniques neuro-musculaires basées sur l’étirement
et pathologie mécanique du membre inférieur
Dominique Bonneau Dr Md-Dr Sc
Institut Supérieur de Thérapeutique Manuelle 23, Avenue des Lierres -84000 Avignon
www.medecinemanuelle.fr
Résumé.
Les techniques neuro-musculaires basées sur l’étirement tendino-corporéal constituent une
base fondamentale de la prise en charge manuelle des dysfonctionnement mécaniques, bénins
et réductibles, des membres inférieurs. Elles sont plus particulièrement indiquées dans les
pathologies l’on retrouve une hypo-extensibilité douloureuse du muscle. Cette réaction
musculaire est en rapport, soit avec un traumatisme direct musculaire, soit un
dysfonctionnement mécanique articulaire ou rachidien dont la cause est locale ou posturale
globale . Plus qu’une attitude thérapeutique analytique, il est parfois utile de traiter le
groupe musculaire anatomique ou fonctionnel, tel le système propulseur du pied ou l‘appareil
extenseur du genou. L’étirement post isométrique permet une action musculaire spécifique
alors que la pression glissée met en jeu les capteurs cutanés, permettant une diffusion de
l’information et la « reprogrammation » des capteurs. Un apprentissage de technique d’auto-
étirement musculaire, analytique ou global, par le patient est le garant d’une stabilité du
résultat.
Les techniques neuro-musculaires basées sur l’étirement musculaire tendino-corporéal font
parties des armes thérapeutiques efficaces dans la prise en charge manuelle des affections
mécaniques, bénignes et réversibles touchant le membre inférieur. L’empirisme de cette
discipline tend à montrer que les techniques myotensives paraissent plus efficaces sur les
muscles toniques que sur les phasiques. Leur application aux dysfonctionnements mécaniques
bénins du membre inférieur est donc de premier ordre, du fait de la présence d’un grand
nombre de fibres toniques dans chacun des groupes musculaires du plan dorsal et ventral (7,
8, 9, 10, 14).
Mais tout dysfonctionnement algique de l’appareil locomoteur du membre inférieur impose,
comme pour n’importe quelle autre localisation, une analyse fine de la symptomatologie et un
examen clinique précis pour en préciser l’étiologie. En effet, elle peut être aussi bien
articulaire périphérique que rachidienne, segmentaire (traumatique ou dégénérative) ou
posturale (1, 11, 12, 16). Les projections viscérales proximales se localisent habituellement en
regard du segment fémoral ou du genou, et orientent vers une cause souvent genito-urinaire.
Après un rappel des différentes techniques manuelles flexes dont l’objectif est la
réinitialisation des capteurs cutanées et tendino-musculaires, nous décrirons les méthodes
reposant sur l’étirement musculaire tendino-corporéal et les particularités liées au membre
pelvien.
Nous en préciserons les principales indications et nous terminerons par l’importance de
l’apprentissage par le patient des techniques d’auto-étirement afin de prévenir les récidives.
Principes des techniques neuro-musculaires
Le terme de techniques neuro-musculaires regroupe les méthodes réflexes qui reposent sur les
mécanismes de régulation de la contraction musculaire. Si la boucle gamma est la référence,
elle n’est pas la seule mise en cause (2).
Tout muscle squelettique possède des mécanorécepteurs et des métaborécepteurs qui
informent les centres supra-segmentaires de l’état mécanique et métabolique du muscle.
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Le muscle est un corps viscoélastique qui se caractérise par deux états fondamentaux sous la
dépendance du système nerveux, l’état contracté ou relâché. Il peut aussi, sous l’action de
force extérieure (résistance manuelle du thérapeute), connaître l’état étiré et raccourci.
Les techniques neuromusculaires agissent sur un muscle défini soit en l’étirant soit en le
raccourcissant ce qui entraîne le phénomène inverse sur l’antagoniste.
On peut donc évoquer une forme de réinitialisation de ces capteurs lors de la réalisation de ces
méthodes, expliquant leur action de normalisation de la tension musculaire.
Fuseau neuro-musculaire et réflexe myotatique
Le fuseau neuro-musculaire, et son innervation sensitive Ia, est le récepteur hautement
spécialisé qui est à l’origine de la réponse réflexe myotatique. Le fuseau neuro-musculaire est
sensible à l’allongement du muscle et plus particulièrement à sa raideur, faisant intervenir,
outre l’allongement, le paramètre de force (13). Il est un capteur adaptatif qui grâce à la
coactivation des motoneurones alpha et gamma conserve sa sensibilité de mesure quelque soit
l’état du muscle. Il ajuste en permanence le niveau de contraction selon le degré de la
résistance à l’effort initial. Le réflexe myotatique contrôle la raideur du muscle. Il se traduit
par une augmentation du niveau de contraction du muscle en réponse à son propre étirement
stretch flex » des anglo-saxons). La contraction supplémentaire qui en résulte tend à
ramener le muscle à sa longueur initiale, il s’agit donc d’un asservissement du muscle en
raideur.
L’organe neuro-tendineux de Golgi et l’inhibition autogénique
L’organe neuro-tendineux de Golgi est un mécanorécepteur, de type capteur de force, situé
dans le tendon et les aponévroses musculaires. Il est stimulé par la force contractile des fibres
musculaires en série avec lui. Sa sensibilité dynamique lui confère la fonction de détecteur
des variations de la force exercée par les unités motrices sur leur attache tendineuse. Il est
innervé par les fibres sensitives Ib et il permet de corriger les informations transmises par les
tensiomètres. Le réflexe d’inhibition autogénique trouve son origine dans l’ONT. Il se traduit
par l’inhibition des motoneurones a innervant un muscle en réponse à la contraction de ce
même muscle (15).
Ce phénomène a été décrit expérimentalement sur le chat mésencéphalique lorsque l’on
cherche à vaincre l’hypertonie des extenseurs du genou en le fléchissant de force. Dans un
premier temps, le tonus augmente, à la base de la description du réflexe myotatique, puis
secondairement, le tonus chute brutalement lors de la disparition brutale du tonus des
extenseurs et le genou de fléchit brutalement comme une lame de canif.
Mais, organes neuro-tendineux de Golgi et fuseaux neuro-musculaires, ne sont pas les seuls
capteurs mis en cause dans le mode d’action des thérapies manuelles. Récepteurs cutanés et
péri-articulaires tels les Pacini (sensible à la vibration) et les Ruffini (sensibles à l’étirement)
occupent une place privilégiée (6).
Le réflexe ipsi-latéral de flexion
Il est mis en jeu par l’action d’un fort stimulus appliqué sur la peau d’un membre qui entraîne
l’activation des motoneurones provoquant le retrait du membre stimulé.
Les afférents au réflexe de flexion (ARF) ne sont pas seulement cutanés mais aussi tendino-
musculaires. Ce réflexe est couplé à l’inhibition réciproque permettant l’inhibition des
extenseurs (15).
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Peau et récepteurs
Il est fondamental de rappeler, une nouvelle fois, que tout traitement manuel, qu’il soit à
destinée musculaire ou articulaire, met en jeu avant tout la peau et ses capteurs. Il est donc
primordial de repositionner la place du support du tact qu’est le revêtement cutané.
Les études histologiques ont montré l’extrême spécialisation des capteurs incorporés dans le
revêtement cutané dont le rôle est d’identifier le stimulus mécanique, thermique ou nociceptif
perçu, de le transformer en un signal électrique à destinée centrale ou il est analysé et intégré
dans un système de réponse adaptée. On décrit des récepteurs thermiques sensibles aux
variations de température et à leur vitesse de variation et dont l’analyse sera modulée par les
données des capteurs pileux qui informent de la rapidité d’écoulement du flux de la colonne
aérique. Les récepteurs mécaniques sont extrêmement diversifiés, allant de la simple
terminaison libre sensible à l’étirement du conjonctif environnant aux corpuscules hautement
spécialisés tels ceux décrits par Pacini, Ruffini, Meissner ou Krause où la terminaison
nerveuse se trouve entourée par une capsule formée de lamelles conjonctives. (6)
Les critères d’analyse de ces capteurs ne sont pas simplement focalisés sur la nature du
stimulus mécanique telle que la déformation de la peau. Cette dernière peut être provoquée
par une traction, une torsion ou une pression. Mais il est important de prendre en compte et
d’analyser les caractères spatio-temporels tel que le mode d’installation, son maintien
(continu ou vibratoire) ou son interruption mais aussi la surface d’application du stimulus
dont la configuration géométrique est un facteur primordial dans la modulation de
l’information transmise. Parmi les autres critères de différenciations entrent en jeu
l’adaptation lente ou rapide, la sensibilité à la vitesse du mouvement ou au maintien d’une
position. Ainsi force est de constater que la peau, organe du tact dont la surface et la richesse
en capteur est colossale par rapport aux autres organes sensoriels, exerce la fonction
d’analyse et de transfert des informations mécanique, thermique, immunologique et
électromagnétique appliquées aux corps, sollicitations qui interfèrent sur le mode de
fonctionnement de l’organisme humain. Désormais, il apparaît plus évident qu’on ne peut
tenir à l’écart la peau dans les études consacrées au mode d’action de la médecine manuelle,
discipline qui s’intègre pleinement dans la grande famille des réflexothérapies aux cotés des
autres thérapies telle que l’acupuncture (2).
Les techniques basées sur l’étirement musculaire tendino-corporéal
(7,8,9,10,16,)
L’étirement post isométrique
Appelée aussi myotensif, cette méthode dérive du contracter-relacher employé en
rééducation. Le but est d’étirer et décontracter le muscle spasmé. Cela s’applique en priorité à
une pathologie musculaire douloureuse associée à une restriction de mobilité en rapport avec
la contracture musculaire.
En pratique, après avoir identifié le muscle ou le plus souvent un groupe de muscles
agonistes, tel le quadriceps, on demande au patient d’effectuer une contraction isométrique
(sans déplacement des leviers articulaires), dont l’intensité de la force est faible. Une
résistance manuelle est appliquée en distalité sur le segment de membre intéressé. Le vecteur
de cette résistance est directement appliqué dans le sens inverse du mouvement provoqué
par le muscle à étirer durant les 6 à 8 secondes du maintien de la contraction.
Au terme de cette contraction, après un temps mort d’une à deux secondes, nécessaire au
relâchement de l’ensemble des fibres musculaires, un étirement "post-isométrique " est
effectué par le médecin jusqu'à la perception d'une résistance appelée barrière motrice, et cet
étirement est maintenu une douzaine de secondes.
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Une nouvelle contraction est demandée, suivie d'un étirement, puis renouvelée jusqu'au gain
d'amplitude désirée.
Les variantes sont nombreuses et se différencient par le nombre de cycles et leur durée.
On peut utiliser la respiration en demandant au patient d’inspirer lentement durant la
contraction isométrique et de souffler durant la période d’étirement.
Pression glissée
Cette technique doit être largement utilisée au niveau du membre inférieur. Sollicitant
muscles et peau, son action s‘applique non seulement aux contractures secondaires à un
dysfonctionnement articulaire, mais aussi s’étend aux myalgies que l’on rencontre dans les
syndromes cellulo-teno-myalgiques. Elles sont dues à des dysfonctionnements douloureux
intervertébraux mineurs (12). Par ailleurs, on rencontre fréquemment des zones de
contracture musculaire, sans limitation articulaire, d’évolution favorable après utilisation de
cette méthode.
Dans un premier temps, on recherche par la palpation en profondeur en suivant le sens des
fibres des muscles la présence d’une zone contracturée douloureuse, perçue comme une
induration solidaire du corps musculaire. On prendra soin d’éliminer par échographie, en cas
de doute, une autre étiologie, tel un hématome récent. Dans un deuxième temps, le muscle est
mis en position d’étirement maximal, et le praticien exerce des pressions glissées profondes,
dans le sens des fibres, en insistant sur la zone de contracture, jusqu’à l’obtention de
l’atténuation palpatoire de la tension.
L’amélioration subjective par le patient est parfois vécue comme une « douleur qui fait du
bien » !!
Compression ischémique
Cette manoeuvre consiste en l’application d’une pression soutenue sur le point le plus
douloureux du muscle en cause, (de 6 à 13 kgfs), après avoir étiré le muscle préalablement
détendu, durant le temps nécessaire à l’atténuation de la douleur du point-détente, environ une
minute.
Comparable d’efficacité avec la précédente, elle est plus mal vécue par le patient…
L’étirement tendineux transversal ou décordage :
Moins décrite que les précédentes, cette méthode est d’un apport non négligeable en
thérapeutiques manuelles car elle s’applique autant sur les muscles du squelette axial
(décordage inter-épineux) que sur le squelette appendiculaire.
La technique consiste en l’application d’une force perpendiculaire au tendon à solliciter, afin
de réaliser un étirement transversal bref, tel le repli d’une lame de canif, par l’intermédiaire de
la face dorsale de l’IPP de l’index ou de la pulpe du majeur, à la manière d’un joueur de
contrebasse actionnant les cordes de son instrument.
Son action semble mettre en jeu les organes neuro-tendineux de Golgi dont on connaît le rôle
inhibiteur dans la contraction musculaire.
Les variantes
Étirement vaporisation proposé par Travell et Simons (16)
La technique originelle consiste à vaporiser du cryo-fluoro-méthane sur la peau selon des
lignes parallèles au grand axe du muscle à traiter, selon un angle de 30° et à une distance de
40 cms de la peau, et dans une seule direction, en se dirigeant vers la zone de la douleur
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référée, à une vitesse régulière de 10 cm/s, en recouvrant la totalité de la surface du muscle,
sans dépasser trois passages.
Étirement vaporisation
Nous proposons une variante de la technique consistant à déplacer sur la peau sèche de la
glace pilée dans une tasse en carton ou un cube de glace enveloppé dans du plastique.
Le point fondamental est l’écart de température et la rapidité de son installation, ce qui
élimine toute technique proposant l’application prolongée de glace dans une vessie.
Le but est la création d’un point localisé de changement de température et non un
refroidissement global que l’on obtiendrait par l’application de « cold pack ».
L’étirement est réalisé en même temps que l’application du froid.
On mesure l’amplitude d’extension du muscle avant et après (auto-évaluation du patient:
menton- acromion par exemple).
Infiltration-étirement
Injection dans le point détente de Procaïne à 0.5 % dans du sérum salé isotonique, jusqu’à ce
que le point soit insensible, puis on étire le muscle, et on applique des enveloppements chauds
pendant quelques minutes . Enfin, le patient procède à des exercices de mobilisations actives.
Massage
À type de friction ferme appuyée, comparable au Rolfing
À type de massage en bande à vitesse lente de la distalité vers la proximalité,
à une vitesse de l’ordre de 8 mm/sec
Le massage à la glace
Le massage périosté
Applications aux muscles du membre inférieur
Le plan dorsal pelvi-crural : les ischio-jambiers
En préambule, il paraît utile de rappeler que le terme de crural a été longtemps utilisé à tort
pour qualifier le segment fémoral. En effet, ce terme, dont l’éthymologie provient du latin
crus (nom.), cruris (gen.), désigne la jambe.
Nous connaissons le rôle important des ischio-jambiers dans la stabilisation du bassin. Ils
s’exprimeront précocément lors de dysfonctionnement du genou, responsable du flessum
caractéristique. Ils sont innervés par les deux racines constitutives du nerf sciatique, L5 pour
les médiaux et S1 pour le biceps fémoral. Il est fréquent de retrouver des contractures
douloureuses en phase séquellaires accessibles au traitement manuel local. Rappelons qu’ils
sont extenseurs de la hanche, fléchisseurs du genou et stabilisateurs du squelette pelvi-
rachidien axial.
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