Avenants et modifications des marchés et contrats des communes

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Contrats des Communes
Marché public - Modification contractuelle - Avenant
Imprévision - Fait du prince
Commune de
moins de 10 000 habitants
février 1999
Dans quelle mesure un marché passé entre une collectivité publique et
une entreprise privée peut-il faire l’objet d’un avenant, dès lors que les
coûts initialement prévus ont connu une sensible augmentation du fait
d’importants travaux d’aménagement que le cocontractant de la collectivité a dû réaliser pour se mettre en conformité avec une nouvelle réglementation européenne qui s’impose à son activité ?
D’une manière générale, le Code des marchés publics prévoit, dans son article 255
bis (applicable aux marchés des collectivités territoriales et de leurs établissements publics),
que :
“Lorsque le montant des prestations exécutées atteint le montant fixé
par le marché, la poursuite de l’exécution des prestations est
subordonnée :
- soit à la conclusion d’un avenant ;
- soit, si le marché le prévoit, à une décision de poursuivre prise par la
collectivité ou l’établissement contractant.
Sauf en cas de sujétions techniques imprévues ne résultant pas du
fait des parties, avenants et décisions de poursuivre ne peuvent
bouleverser l’économie du marché ni en changer l’objet.”
Il apparaît donc que des avenants aux marchés publics sont toujours possibles dès
lors qu’ils ne s’agit pas de bouleverser l’économie du contrat initial ou d’en modifier l’objet.
En effet, dans la mesure où un tel bouleversement interviendrait, il y aurait lieu de considérer
que la collectivité est dans l’obligation de passer un nouveau contrat de manière à ne pas se
soustraire artificiellement aux règles édictées pour que ne soit pas faussé le jeu de la
concurrence (cf. article de E. Fatôme, “Les avenants”, in AJDA 1998, p. 760 et s.).
Toutefois, l’article 255 bis précité prévoit une exception à cette règle lorsqu’apparaissent des sujétions techniques imprévues et indépendantes de la volonté des parties.
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aurait pour effet de bouleverser l’économie générale du contrat.
Ici semble transparaître la notion d’imprévision. En effet, en vertu de la théorie qui s’y
rapporte, l’exécution d’un contrat peut être poursuivie, de façon à assurer la continuité du
service public, tout en dédommageant le cocontractant qui, du fait d’événements imprévisibles et indépendants de la volonté des parties, voit ses charges s’accroître dans des
proportions massives (cf. “Application de la théorie de l’imprévision”, in Jurisclasseur
administratif, Fasc. 512).
Cette théorie, qui ne concerne que les contrats administratifs – mais qui est susceptible de les concerner tous (ex : concession de service public, marché de fourniture, marché
de travaux) - ne peut trouver à s’appliquer que lorsque les trois conditions suivantes sont
réunies :
l L’événement invoqué doit être anormal et imprévisible, c’est-à-dire qu’il peut
s’agir d’un aléa mais d’un aléa extraordinaire, “déjouant tous les calculs que les
parties ont pu faire au moment [de la signature] du contrat” (cf. Conseil d’Etat,
3 décembre 1920, “Fromassol”, conclusions du Commissaire du Gouvernement
Corneille). Cet aléa est le plus souvent économique, mais il peut aussi être
administratif dans la mesure où l’événement peut avoir consisté dans une
intervention de la puissance publique génératrice de troubles économiques
(cf. Conseil d’Etat, 4 mai 1949, “Ville de Toulon”).
l
L’événement invoqué doit avoir été indépendant de la volonté des parties,
car si le bouleversement de l’économie générale du contrat provenait de l’administration cocontractante, il y aurait lieu de se placer sur le terrain non plus de
l’imprévision mais du “fait du prince” qui, notamment pour le cocontractant,
implique
des
conséquences
différentes
(voir
ci-dessous).
l
L’événement invoqué doit avoir entraîné une telle perturbation dans l’exécution
du contrat que cela crée une situation dite “extracontractuelle”, c’est-à-dire
une situation faisant apparaître un déficit subi par le cocontractant de l’administration du fait du dépassement d’un “prix limite” (dépassement de la marge de
hausse éventuelle dont le cocontractant aurait dû tenir compte comme d’un risque
normal) ainsi que du bouleversement du contrat lui-même.
Dès lors, le cocontractant de l’administration doit continuer à exécuter les charges
issues du contrat mais a droit à une compensation pécuniaire pour la période
– temporaire – pendant laquelle il va, en quelque sorte, travailler “à perte”.
Toutefois, il est important de relever que la compensation pécuniaire – ou indemnité
d’imprévision – ne couvre pas la totalité du déficit que subit le cocontractant.
En effet, à la différence de ce qui se produit par application de la théorie du fait du
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prince où l’administration indemnise totalement son cocontractant pour le préjudice qu’elle lui
fait subir, en matière d’imprévision, la charge issue de la période “extracontractuelle”
précitée est partagée entre les deux parties. L’administration ne supporte donc qu’une partie
de la charge, le reste demeurant au passif du cocontractant.
A cet égard, il est généralement considéré que les parties doivent, dans la mesure du
possible, modifier le contrat sur des bases nouvelles par le biais d’un nouvel accord ou d’un
avenant. A défaut, il revient au juge d’établir un règlement financier sur la base d’une
“interprétation raisonnable du contrat”.
Il convient enfin de rappeler que les conséquences juridiques de l’imprévision ne
peuvent qu’être temporaires et que, si le déséquilibre financier devient définitif, ces mêmes
conséquences doivent cesser de produire des effets.
Dans de telles conditions, il faudrait peut-être envisager de se placer sur le terrain de
la force majeure, c’est-à-dire celui de l’intervention d’événements extérieurs, indépendants
de la volonté des parties et tels qu’ils rendent radicalement impossible l’exécution du contrat.
l Code des marchés publics, article 255 bis
l Conseil d’Etat, 3 décembre 1920, “Fromassol”
l Conseil d’Etat, 4 mai 1949, “Ville de Toulon”
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