CNRS/DR15/SPL 1Octobre 2006
MODIFICATION DES MARCHES
Le lancement d’une consultation est fondé sur une évaluation a priori des besoins.
Néanmoins la réalisation des prestations peut être soumise à un certain nombre d’aléas qui
rendent nécessaires l’aménagement des dispositions initiales du marché.
MODIFICATION DES MARCHES ET TRAVAUX SUPPLÉMENTAIRES
Principe d’intangibilité du contrat
Dans le cadre d’un marché conclu à prix forfaitaire, le principe est celui de l’intangibilité de
l’accord établi entre les parties, impliquant l’invariabilité des prix et l’absence de modification
des documents contractuels.
Définition du prix forfaitaire
On entend par marché à prix forfaitaire, un marché pour lequel l’entrepreneur consent à
s’engager pour un prix forfaitaire, montant global et irrévocable, pour des prestations bien
définies, d’après un contrat écrit.
Définition des travaux supplémentaires
Ce sont des travaux à la fois complémentaires par rapport à la convention initiale, et ayant
un lien direct avec lui. Ne peuvent être considérés comme des travaux supplémentaires ceux
qui découlent du marché initial et qui sont nécessaires à l’obtention du résultat attendu.
Indemnisation des travaux supplémentaires
Dans le cadre d’un marché forfaitaire, l’entrepreneur n’a droit à une rémunération
supplémentaire que s’il établi que les modifications ont été commandées et acceptées par le
maître de l’ouvrage.
Cela suppose trois conditions :
- nécessité d’une autorisation de travaux supplémentaires, via un ordre de service écrit
préalable à l’exécution des travaux
- caractère non équivoque de l’autorisation
- autorisation émanant du maître de l’ouvrage
Exception au principe d’intangibilité
En matière de marchés publics, bien que le principe soit l’intangibilité de l’accord des
parties ; il existe des exceptions au non paiement des travaux supplémentaires. Ces
exceptions sont de 4 ordres :
- sujétion imprévue
- imprévision
- réalisation de travaux supplémentaires indispensables aux règles de l’art
- théorie du fait du prince
Ø Sujétions techniques imprévues
Il s’agit de difficultés matérielles d’exécution pouvant résulter, soit de l’état du sous-sol, soit
d’aléas climatiques, soit même du fait de l’homme (vestiges, canalisations etc..).Elles
impliquent l’utilisation de techniques ou la mise en œuvre de travaux supplémentaires qui ne
pouvaient être prescrits à l’origine.
CNRS/DR15/SPL 2Octobre 2006
Toutefois, cette théorie ne peut trouver à s’appliquer que si les difficultés techniques
présentent les caractéristiques suivantes :
- être extérieures aux parties ;
- avoir un caractère exceptionnel ;
- être imprévisibles ;
- rendre plus onéreuse l’exécution des travaux.
Ainsi, lorsque l’ensemble de ces conditions est réuni, l’entreprise peut obtenir une indemnité
pour l’intégralité des pertes subies en présentant au maître de l’ouvrage un mémoire en
réclamation faisant état des faits et du préjudice.
L’indemnisation consiste alors en :
- soit un supplément de prix par rapport au bordereau initial ;
- soit en l’application d’un prix nouveau ;
- soit en une indemnité globale qui tient compte de la totalité des frais résultant des
sujétions rencontrées.
N.B : Dans le cadre d’un marché à prix forfaitaire, les sujétions techniques imprévues ne
sont indemnisées que si elles causent un bouleversement de l’économie du marché.
CE, 19 février 1975, société Camperon-Bernard
Ø Imprévision
Cette théorie jurisprudentielle concerne la rencontre de difficultés anormales indépendantes
et étrangères de la volonté des parties, relevant de considérations économiques, politiques
ou sociales.
L’évènement perturbateur doit comporter trois éléments cumulatifs :
- ne pas avoir pu raisonnablement être prévu par le titulaire du marché ;
- être indépendant de la volonté du titulaire et s’imposer à lui ;
- occasionner des charges supplémentaires généralement qualifiées «d’extra-
contractuelles» car non prévues lors de la signature du marché et bouleversant
l’économie du contrat
Lorsque le bouleversement de l’économie du marché est établi, le titulaire peut obtenir une
indemnité d’imprévision. L’indemnisation du titulaire ne couvre que les pertes qu’il a subies,
et non un éventuel manque à gagner. De plus, elle n’est pas intégrale ; le surcoût financier
constaté n’est pas mis en totalité à la charge du maître de l’ouvrage public. Le titulaire du
marché doit en supporter une part qui est au moins égale à 10%.
Dans une espèce, CE, 29 avril 1981, Bernard c/ Ville de Nouméa, le Conseil d’Etat a pris en
compte un dépassement de 10% du montant du marché pour indemniser une entreprise
apportant la preuve de son préjudice.
Après vérification de la réunion des critères d’extériorité et d’imprévisibilité, le maître de
l’ouvrage passe un avenant constatant l’accord sur le montant de l’indemnité.
Ø Réalisation de travaux supplémentaires indispensables aux règles de l’art
La réalisation de travaux supplémentaires indispensables à la construction d’un ouvrage
selon les règles de l’art : dans ce cas, l’entrepreneur sera indemnisé sauf lorsque le maître
de l’ouvrage lui a opposé un refus clair et exprès.
Ø Théorie du fait du prince
L’entreprise titulaire a le droit d’être indemnisée en cas d’aléas administratif. Cette théorie se
rapporte à l’indemnisation de mesures prises par une autorité publique, extérieure ou non au
contrat, ayant pour effet de bouleverser l’économie du contrat et de rendre son exécution
plus difficile ou impossible.
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TABLEAU RECAPITULATIF
Sujétions techniques
imprévues Imprévision Force majeure
Nature de l’évènement Aléa matériel Aléa économique Aléa matériel ou
économique
Conditions
d’indemnisation Sujétion extérieure aux
parties, présentant un
caractère exceptionnel
et étant imprévisible
Aléa entraînant un
bouleversement
anormal du marché, un
surcoût important pour
l’entrepreneur et doit
être extérieur au
contractant
Evènement extérieur
aux parties, imprévisible
et ayant des effets
irrésistibles,
insurmontables pour le
titulaire du marché
Impact sur le marché Exécution du marché
possible mais utilisation
de techniques plus
onéreuses ou travaux
supplémentaires
indispensables
Exécution du marché
plus onéreuse mais
demeurant en principe
toujours possible
Exécution du marché
impossible
(temporairement ou
définitivement)
CNRS/DR15/SPL 4Octobre 2006
MODALITES DE MODIFICATIONS DU MARCHE INITIAL
Comme le précise le Code des marchés publics (CMP) en son article 118 :
«Dans le cas particulier où le montant des prestations exécutées atteint le montant prévu par le
marché, la poursuite de l'exécution des prestations est subordonnée, que les prix indiqués au
marché soient forfaitaires ou unitaires, à la conclusion d'un avenant ou, si le marché le prévoit, à
une décision de poursuivre prise par le pouvoir adjudicateur. »
Il existe donc deux modes de poursuite de l’exécution des prestations :
Modification contractuelle : avenant
Un avenant est un document écrit constatant un accord de volonté des parties et ayant pour
objet de modifier une ou plusieurs des dispositions initiales d’un contrat. Cette modification
peut porter sur des prestations à réaliser, le calendrier d’exécution, le règlement financier du
marché...Un avenant ne doit pas en principe changer l’objet du marché, ni bouleverser
l’économie de celui-ci (ni quantitativement, ni qualitativement), sauf en cas de sujétions
techniques imprévues.
Contrairement à la décision de poursuivre, l’avenant est un acte synallagmatique qui
suppose un accord de volonté entre les deux parties contractantes.
L’avenant doit être pris selon des conditions et des formes identiques à celles du marché
initial. Les personnes compétentes pour le signer sont les mêmes et la conclusion de
l’avenant n’est valable que si les deux parties l’on signé.
Avenants de régularisation:
Un avenant ne peut couvrir des prestations complémentaires au marché initial, prestations
qui auraient été effectuées avant même la procédure de passation et de notification dudit
avenant.
Avenants et marchés complémentaires:
L’avenant, comme le marché complémentaire, est attribué au titulaire du marché initial. Mais
il ne peut être dissocié du contrat de base ni constituer un nouveau marché, alors que le
marché complémentaire constitue un nouveau marché, autonome, mais justifié notamment
par l’existence d’un précédent contrat. La passation de l’avenant ayant pour objet l’exécution
de travaux dissociables des travaux prévus par la marché initial est régulière : l’exécution de
ces travaux doit donner lieu à la conclusion d’un marché distinct.
Modification par décision unilatérale
Ø Décisions de poursuivre
C’est l’acte unilatéral par lequel la personne publique prend l’initiative de s’obliger à
poursuivre l’exécution du marché au-delà de la masse et du coût initialement fixé par les
pièces contractuelles.
Le recours à cette modalité qui n’est prévu que pour les marchés de travaux, n’est possible
que si elle est expressément spécifiée par le marché. Ainsi, le CCAP doit mentionner la
possibilité de recourir à une décision de poursuivre, ou à défaut faire référence au CCAG-
Travaux (article 15).
Le seul objet de la décision de poursuivre est de permettre l’exécution des prestations au
delà du montant initialement prévu par le marché et jusqu’au montant qu’elle fixe. En
revanche, elle ne doit en aucun cas bouleverser l’économie du marché ni en changer l’objet
et ne peut pas comporter d’autres dispositions et elle ne peut notamment pas fixer de
nouveaux prix. Elles sont donc soumises aux mêmes limites que les avenants prévus à
l’article 20 du CMP.
« Sauf sujétions techniques imprévues ne résultant pas du fait des parties, un avenant ou une
décision de poursuivre ne peut bouleverser l'économie du marché ou de l'accord-cadre, ni en
changer l'objet. »
CNRS/DR15/SPL 5Octobre 2006
Ø Ordres de service
Il s’agit d’un acte administratif pris par l’acheteur public (ou le maître d’oeuvre au nom de
l’administration) à l’intention du titulaire du marché. Il est la manifestation de son pouvoir de
direction dans l’exécution du marché. En principe, les ordres de service sont écrits, datés et
signés par l’autorité qui les prend. Lorsqu’ils sont réguliers, ils s’imposent à l’entrepreneur.
Il existe trois exceptions à ce principe selon lesquelles le titulaire peut valablement refuser de
se conformer à un ordre de service:
- lorsque l’ordre de démarrage des travaux n’intervient pas dans le délai prévu au contrat ou,
à défaut, dans les 6 mois suivant la notification;
- lorsque l’ordre de service concerne des travaux supplémentaires d’une nature différente de
l’objet du marché et dépassant la masse initiale des travaux de plus d’un dixième;
- et, quand une tranche conditionnelle du marché n’est pas débloquée dans le délai
contractuellement prévu.
Quoi qu’il en soit, l’entreprise, peut toujours contester l’ordre reçu en émettant des réserves
écrites dans les 15 jours à compter de leur réception pour les marchés de travaux.
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