MODIFICATION DES MARCHES Le lancement d’une consultation est fondé sur une évaluation a priori des besoins. Néanmoins la réalisation des prestations peut être soumise à un certain nombre d’aléas qui rendent nécessaires l’aménagement des dispositions initiales du marché. MODIFICATION DES MARCHES ET TRAVAUX SUPPLÉMENTAIRES • Principe d’intangibilité du contrat Dans le cadre d’un marché conclu à prix forfaitaire, le principe est celui de l’intangibilité de l’accord établi entre les parties, impliquant l’invariabilité des prix et l’absence de modification des documents contractuels. Définition du prix forfaitaire On entend par marché à prix forfaitaire, un marché pour lequel l’entrepreneur consent à s’engager pour un prix forfaitaire, montant global et irrévocable, pour des prestations bien définies, d’après un contrat écrit. Définition des travaux supplémentaires Ce sont des travaux à la fois complémentaires par rapport à la convention initiale, et ayant un lien direct avec lui. Ne peuvent être considérés comme des travaux supplémentaires ceux qui découlent du marché initial et qui sont nécessaires à l’obtention du résultat attendu. Indemnisation des travaux supplémentaires Dans le cadre d’un marché forfaitaire, l’entrepreneur n’a droit à une rémunération supplémentaire que s’il établi que les modifications ont été commandées et acceptées par le maître de l’ouvrage. Cela suppose trois conditions : - nécessité d’une autorisation de travaux supplémentaires, via un ordre de service écrit préalable à l’exécution des travaux - caractère non équivoque de l’autorisation - autorisation émanant du maître de l’ouvrage • Exception au principe d’intangibilité En matière de marchés publics, bien que le principe soit l’intangibilité de l’accord des parties ; il existe des exceptions au non paiement des travaux supplémentaires. Ces exceptions sont de 4 ordres : - sujétion imprévue - imprévision - réalisation de travaux supplémentaires indispensables aux règles de l’art - théorie du fait du prince Ø Sujétions techniques imprévues Il s’agit de difficultés matérielles d’exécution pouvant résulter, soit de l’état du sous-sol, soit d’aléas climatiques, soit même du fait de l’homme (vestiges, canalisations etc..).Elles impliquent l’utilisation de techniques ou la mise en œuvre de travaux supplémentaires qui ne pouvaient être prescrits à l’origine. CNRS/DR15/SPL 1 Octobre 2006 Toutefois, cette théorie ne peut trouver à s’appliquer que si les difficultés techniques présentent les caractéristiques suivantes : - être extérieures aux parties ; - avoir un caractère exceptionnel ; - être imprévisibles ; - rendre plus onéreuse l’exécution des travaux. Ainsi, lorsque l’ensemble de ces conditions est réuni, l’entreprise peut obtenir une indemnité pour l’intégralité des pertes subies en présentant au maître de l’ouvrage un mémoire en réclamation faisant état des faits et du préjudice. L’indemnisation consiste alors en : - soit un supplément de prix par rapport au bordereau initial ; - soit en l’application d’un prix nouveau ; - soit en une indemnité globale qui tient compte de la totalité des frais résultant des sujétions rencontrées. N.B : Dans le cadre d’un marché à prix forfaitaire, les sujétions techniques imprévues ne sont indemnisées que si elles causent un bouleversement de l’économie du marché. CE, 19 février 1975, société Camperon-Bernard Ø Imprévision Cette théorie jurisprudentielle concerne la rencontre de difficultés anormales indépendantes et étrangères de la volonté des parties, relevant de considérations économiques, politiques ou sociales. L’évènement perturbateur doit comporter trois éléments cumulatifs : - ne pas avoir pu raisonnablement être prévu par le titulaire du marché ; - être indépendant de la volonté du titulaire et s’imposer à lui ; - occasionner des charges supplémentaires généralement qualifiées «d’extracontractuelles» car non prévues lors de la signature du marché et bouleversant l’économie du contrat Lorsque le bouleversement de l’économie du marché est établi, le titulaire peut obtenir une indemnité d’imprévision. L’indemnisation du titulaire ne couvre que les pertes qu’il a subies, et non un éventuel manque à gagner. De plus, elle n’est pas intégrale ; le surcoût financier constaté n’est pas mis en totalité à la charge du maître de l’ouvrage public. Le titulaire du marché doit en supporter une part qui est au moins égale à 10%. Dans une espèce, CE, 29 avril 1981, Bernard c/ Ville de Nouméa, le Conseil d’Etat a pris en compte un dépassement de 10% du montant du marché pour indemniser une entreprise apportant la preuve de son préjudice. Après vérification de la réunion des critères d’extériorité et d’imprévisibilité, le maître de l’ouvrage passe un avenant constatant l’accord sur le montant de l’indemnité. Ø Réalisation de travaux supplémentaires indispensables aux règles de l’art La réalisation de travaux supplémentaires indispensables à la construction d’un ouvrage selon les règles de l’art : dans ce cas, l’entrepreneur sera indemnisé sauf lorsque le maître de l’ouvrage lui a opposé un refus clair et exprès. Ø Théorie du fait du prince L’entreprise titulaire a le droit d’être indemnisée en cas d’aléas administratif. Cette théorie se rapporte à l’indemnisation de mesures prises par une autorité publique, extérieure ou non au contrat, ayant pour effet de bouleverser l’économie du contrat et de rendre son exécution plus difficile ou impossible. CNRS/DR15/SPL 2 Octobre 2006 TABLEAU RECAPITULATIF Sujétions techniques imprévues Imprévision Force majeure Nature de l’évènement Aléa matériel Aléa économique Conditions d’indemnisation Sujétion extérieure aux parties, présentant un caractère exceptionnel et étant imprévisible Impact sur le marché Exécution du marché possible mais utilisation de techniques plus onéreuses ou travaux supplémentaires indispensables Aléa entraînant un bouleversement anormal du marché, un surcoût important pour l’entrepreneur et doit être extérieur au contractant Exécution du marché plus onéreuse mais demeurant en principe toujours possible Aléa matériel ou économique Evènement extérieur aux parties, imprévisible et ayant des effets irrésistibles, insurmontables pour le titulaire du marché CNRS/DR15/SPL 3 Exécution du marché impossible (temporairement ou définitivement) Octobre 2006 MODALITES DE MODIFICATIONS DU MARCHE INITIAL Comme le précise le Code des marchés publics (CMP) en son article 118 : «Dans le cas particulier où le montant des prestations exécutées atteint le montant prévu par le marché, la poursuite de l'exécution des prestations est subordonnée, que les prix indiqués au marché soient forfaitaires ou unitaires, à la conclusion d'un avenant ou, si le marché le prévoit, à une décision de poursuivre prise par le pouvoir adjudicateur. » Il existe donc deux modes de poursuite de l’exécution des prestations : • Modification contractuelle : avenant Un avenant est un document écrit constatant un accord de volonté des parties et ayant pour objet de modifier une ou plusieurs des dispositions initiales d’un contrat. Cette modification peut porter sur des prestations à réaliser, le calendrier d’exécution, le règlement financier du marché...Un avenant ne doit pas en principe changer l’objet du marché, ni bouleverser l’économie de celui-ci (ni quantitativement, ni qualitativement), sauf en cas de sujétions techniques imprévues. Contrairement à la décision de poursuivre, l’avenant est un acte synallagmatique qui suppose un accord de volonté entre les deux parties contractantes. L’avenant doit être pris selon des conditions et des formes identiques à celles du marché initial. Les personnes compétentes pour le signer sont les mêmes et la conclusion de l’avenant n’est valable que si les deux parties l’on signé. Avenants de régularisation: Un avenant ne peut couvrir des prestations complémentaires au marché initial, prestations qui auraient été effectuées avant même la procédure de passation et de notification dudit avenant. Avenants et marchés complémentaires: L’avenant, comme le marché complémentaire, est attribué au titulaire du marché initial. Mais il ne peut être dissocié du contrat de base ni constituer un nouveau marché, alors que le marché complémentaire constitue un nouveau marché, autonome, mais justifié notamment par l’existence d’un précédent contrat. La passation de l’avenant ayant pour objet l’exécution de travaux dissociables des travaux prévus par la marché initial est régulière : l’exécution de ces travaux doit donner lieu à la conclusion d’un marché distinct. • Modification par décision unilatérale Ø Décisions de poursuivre C’est l’acte unilatéral par lequel la personne publique prend l’initiative de s’obliger à poursuivre l’exécution du marché au-delà de la masse et du coût initialement fixé par les pièces contractuelles. Le recours à cette modalité qui n’est prévu que pour les marchés de travaux, n’est possible que si elle est expressément spécifiée par le marché. Ainsi, le CCAP doit mentionner la possibilité de recourir à une décision de poursuivre, ou à défaut faire référence au CCAGTravaux (article 15). Le seul objet de la décision de poursuivre est de permettre l’exécution des prestations au delà du montant initialement prévu par le marché et jusqu’au montant qu’elle fixe. En revanche, elle ne doit en aucun cas bouleverser l’économie du marché ni en changer l’objet et ne peut pas comporter d’autres dispositions et elle ne peut notamment pas fixer de nouveaux prix. Elles sont donc soumises aux mêmes limites que les avenants prévus à l’article 20 du CMP. « Sauf sujétions techniques imprévues ne résultant pas du fait des parties, un avenant ou une décision de poursuivre ne peut bouleverser l'économie du marché ou de l'accord-cadre, ni en changer l'objet. » CNRS/DR15/SPL 4 Octobre 2006 Ø Ordres de service Il s’agit d’un acte administratif pris par l’acheteur public (ou le maître d’oeuvre au nom de l’administration) à l’intention du titulaire du marché. Il est la manifestation de son pouvoir de direction dans l’exécution du marché. En principe, les ordres de service sont écrits, datés et signés par l’autorité qui les prend. Lorsqu’ils sont réguliers, ils s’imposent à l’entrepreneur. Il existe trois exceptions à ce principe selon lesquelles le titulaire peut valablement refuser de se conformer à un ordre de service: - lorsque l’ordre de démarrage des travaux n’intervient pas dans le délai prévu au contrat ou, à défaut, dans les 6 mois suivant la notification; - lorsque l’ordre de service concerne des travaux supplémentaires d’une nature différente de l’objet du marché et dépassant la masse initiale des travaux de plus d’un dixième; - et, quand une tranche conditionnelle du marché n’est pas débloquée dans le délai contractuellement prévu. Quoi qu’il en soit, l’entreprise, peut toujours contester l’ordre reçu en émettant des réserves écrites dans les 15 jours à compter de leur réception pour les marchés de travaux. CNRS/DR15/SPL 5 Octobre 2006