Le procédé contractuel dans l`action administrative

Le contrat dans l’action administrative.
Introduction.
Le droit public semble a priori être défini comme un domaine de droit unilatéral. Mais
au quotidien, le recours au contrat se développe.
Il existe de fait depuis toujours (surtout dans le domaine des travaux publics)
I) Le recours au procédé contractuel se développe depuis les années 1960
A) Originalité du procédé contractuel et raisons de son développement.
Un acte unilatéral règle la conduite de personnes qui n’en sont pas l’auteur.
Un contrat règle la conduite des personnes qui en sont l’auteur. Un contrat doit
recueillir le consentement du cocontractant, sur toutes les clauses (CE 1972, OPHLM du
Calvados), de façon éclairée et libre.
De fait, en droit public, ce sont les contrats d’adhésion qui prédominent, dans
lesquels le cocontractant ne fait qu’adhérer à des dispositions déjà prises (ex : concession dans
les cimetières).
Développement du procédé contractuel :
Le procédé contractuel connaît une apogée dans les années 1980, avec notamment le
lancement des contrats de plan Etat région par une loi de 1982, qui dispose que l’aide
accordée par l’Etat aux régions doit passer avant tout par la voie de ce nouveau type de
contrat.
1988 : circulaire du Premier ministre (Rocard), qui invite à privilégier les négociations et
les conventions.
Pourquoi ce développement ?
Les contrats permettent à l’administration de se procurer de nouvelles ressources
diversifiées : biens et services, ressources humaines afin de pourvoir à des emplois à temps
partiel, à des emplois saisonniers, à des fonctions non remplies par un corps-, ressources
financières (emprunt), ressources nécessaires à la délégation d’un service public, partenariats
public privé qui associent personne publique et personne privée au financement, à la
conception, à la réalisation ou à la transformation et à l’exploitation d’équipements publics
(loi du 23 juin 2003, habilitant le gouvernement à simplifier le droit, qui n’a toujours pas
débouché sur une ordonnance créant un nouveau type de contrat). Les PPP ne sont autorisés
par le Conseil constitutionnel qu’en cas d’urgence ou de complexité particulière répondant à
des préoccupations d’intérêt général.
Influence du droit communautaire libéral, qui ignore quasiment la distinction entre
personne privée et personne publique.
L’administration n’a plus les moyens ni la volonté de gouverner seule.
L’administration centrale doit associer les collectivités territoriales (des personnes publiques
depuis 1982) et les acteurs économiques à son action.
B) Excès et limites.
Développement des « faux contrats ».
- l’acte unilatéral négocié avec les partenaires sociaux.
- politique « contractuelle » dans la fonction publique, avec les syndicats
- pseudo contrats liés à l’aménagement du territoire, qui ne créent pas d’obligations ni
de droits, et n’ont pas de force exécutive (ex des contrats de plan, qui ne sont que des
« actes préparatoires », CE 1996 Association Estuaire écologie).
- pseudo contrat entre l’Etat et ses administrations (contrats d’objectifs). Ceci ne va-t-
il pas contre le pouvoir réglementaire du chef de service dans l’organisation de son
service ? (CE 1936 Jamart)
- contrats dans des domaines sensibles (rappel : CE 1932, Castelnaudary). Exemple
des contrats locaux de sécurité (loi de 1985).
Encadrement
- Encadrement par les principes constitutionnels. Les contrats de l’administration
doivent respecter le principe d’égalité devant la loi (DC 1994).
- Encadrement par le gislateur, qui fixe la nature des contrats passés par
l’administration. Ex : marchés publics et directives européennes. Seules les dispositions
législatives peuvent limiter la liberté contractuelle de l’administration (CE 1988 Borg
Warner)
- Encadrement par le juge.
Le juge disqualifie les faux contrats, surtout les actes unilatéraux négociés.
CE 1932, Ville de Castelnaudary : interdiction du procédé contractuel dans le domaine de la
police. D’une façon générale, le CE juge qu’une convention ne peut transférer l’exercice d’un
pouvoir réglementaire, ni limiter la liberté d’exercice de ce pouvoir dans le futur.
Procédure du référé précontractuel (dès 1992) et du déféré préfectoral contre un contrat passé
par une collectivité territoriale.
CE 1961 Barbaro : l’administration ne peut procéder par voie contractuelle dans le domaine
de l’organisation des services publics.
CE 1973, dération du personnel de la Défense Nationale : un pseudo « contrat » passé
avec les syndicats n’oblige en rien le gouvernement.
CE 1974 Vallet : le juge requalifie en acte unilatéral un « contrat ».
CE1996 Cayzeele : Les clauses réglementaires des contrats administratifs sont susceptibles
d’un REP.
- Encadrement par la gociation : si les contrats d’objectifs et les contrats de plans
etc.… n’ont pas de force juridique, les négociateurs s’assurent, lors de l’exécution du contrat
(par les comités de suivi), qu’ils sont respectés. La négociation est préférée au recours
contentieux.
II) L’existence d’une spécificité juridique est limitée au contrat administratif.
A) Contrat administratif ou de droit privé ?
1) Détermination par la loi.
Ex : la loi du 28 pluviôse an 8 dispose que les marchés de travaux publics sont des contrats
administratifs ; la loi MURCEF 2001 dispose qu’un contrat passé dans le cadre d’une
procédure de marché public est un contrat administratif.
2) Critères jurisprudentiels.
- Contrat entre deux personnes publiques : le contrat est un contrat administratif sauf si
il est clairement spécifié qu’il ne concerne que des rapports de droit privé (TC 1983
UAP).
- Contrat entre deux personnes privées. En principe, le contrat est de droit privé.
Exceptions :
- si un organisme est chargé de l’exécution d’un service public (CE 1963 Société
entreprise Peyrot : un contrat passée par une entreprise agissant dans le domaine de
compétence de l’Etat (autoroute) est un contrat administratif)
- si le contrat est signé « pour le compte » d’une personne publique, même sans mandat
exprès (TC 1975 Commune d’Agdes)
- Contrat entre une personne publique et une personne privée :
Il existe deux critères cumulatifs :
- un critère organique (une personne publique)
- un critère matériel : 1) la présence dans le contrat de clauses exorbitantes du droit
commun (CE 1912, Société des granits porphyroïdes des Vosges). Exemple de clauses
exorbitantes : résiliation après simple mise en demeure, contrôle financier. Ce critère des
clauses peut être compris dans une interprétation large : il s’agit alors de savoir si le contrat
est compris dans un « environnement de droit public », un « régime de droit public) (CE
1973, Société d’exploitation électrique de la rivière du Sant).
Ou
2) l’objet du contrat doit être l’exécution du service public (CE 1956
Epoux Bertin) ou les modalités de son exécution (CE 1956 Grimouard). Plus cas particulier
des contrats concernant le domaine public (CE 1956 Société Le Béton) et les travaux publics
(TC 1955 Effimieff).
Note : un contrat passé entre un SPIC et un usager est toujours un contrat de droit privé.
B) Le particularisme du contrat administratif, qui accorde de larges prérogatives à
l’administration, est affirmé.
1) Dans la formation du contrat.
Ex : encadrement des contrats de marchés publics.
D’une façon générale, la plupart des contrats administratifs répondent à des modèles et à des
cahiers des charges types.
2) Dans l’exécution du contrat.
Les prérogatives de l’administration peuvent être nombreuses :
- Direction et contrôle de l’exécution du contrat (par des ingénieurs de l’administration
pour les contrats de travaux publics.
- Pouvoir de sanction pécuniaire non prévue au contrat (CE 1907 Deplanque),
pouvoir de sanction coercitive
- Pouvoir de modification unilatérale du contrat (CE 1910, Compagnie générale
française des tramway)
- Pouvoir de modification et de résiliation unilatérale du contrat pour sanction ou pour
l’intérêt du service (CE 1958 Distillerie de Magnac Laval)
Les droits du cocontractant sont limités :
- il ne peut invoquer l’exception d’inexécution et doit exécuter le contrat quoi que
fasse l’administration (CE 1976 Ville d’Amiens)
- il a droit au paiement au prix convenu.
Il a droit à certaines indemnisations si
- fait du prince : indemnisation intégrale (CE 1949 Ville d’Elbeuf)
- imprévision (bouleversement extérieur, imprévisible et temporaire (sinon, c’est un cas de
force majeure) de l’équilibre du contrat) : indemnisation partielle CE 1916 Gaz de
Bordeaux.
Conclusion :
Le recours au contrat se développe. Pourtant, il se fait souvent au désavantage du
cocontractant et de ses droits (retour au « féodalisme de l’administration »). Le
développement du procédé contractuel est plus le développement de nouvelles relations de
travail entre l’administration et ses partenaires que le développement de nouvelles relations
purement juridiques.
L’acte unilatéral est sans doute préférable (plus clair), surtout s’il est précédé d’une
procédure de consultation.
D’une façon générale, le gouvernement ne peut se faire que via le contrat. Les AAU
sont nécessaires pour faire primer l’intérêt général.
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