POSITION DU PROBLEME
Les tumeurs germinales non séminomateuses (TGNS) de stade I
se caractérisent par l’absence d’extension métastatique décela-
ble au diagnostic de la maladie. Cette définition implique donc
l’absence d’anomalie sur le bilan tomodensitométrique thoraco-
abdomino-pelvien et la normalité ou la normalisation des mar-
queurs tumoraux sériques (alphafoetoprotéine [AFP], hormone
chorionique gonadotrope [hCG] et lacticodéshydrogénase) au
décours de l’orchidectomie. En présence d’une élévation pré-
opératoire des marqueurs tumoraux sériques, la connaissance
des demi-vies de l’AFP et l’hCG (environ 6 jours et 3 jours,
respectivement) permet d’anticiper la durée de suivi attendue
pour confirmer la normalisation. Ainsi, pour une élévation de
l’AFP à 1000 avant l’orchidectomie, environ 6 semaines sont
nécessaires pour obtenir une normalisation. Il est indispensable
de respecter ce délai avant de prendre une éventuelle décision
thérapeutique complémentaire.
L’expérience acquise des curages ganglionnaires rétropéritonéaux
de stadification ou des cohortes de surveillance démontre qu’envi-
ron 30% des patients présentant un tableau clinique de TGNS de
stade I sont néanmoins porteurs de micro-métastases [18]. Dans ce
contexte, la prise en charge doit-elle être attentiste ou proposer
d’emblée un complément thérapeutique ? En théorie, l’évaluation
du risque de dissémination micro-métastatique par des critères pré-
dictifs devrait permettre de guider la conduite à tenir afin de limiter
les traitements aux patients à haut risque et ne pas induire de sur-
traitement [3] chez les patients à faible risque.
ARTICLE DE REVUE Progrès en Urologie (2004), 14, 1112-1118
<Prise en charge des tumeurs germinales non séminomateuses de stade I
après orchidectomie
>
<Stéphane CULINE
>
<Département d’Oncologie Médicale, CRIC Val d’Aurelle, Montpellier, France>
RESUME
Exposé : Les tumeurs germinales non séminomateuses de stade I se caractérisent par l’absence d’extension
métastatique décelable au diagnostic de la maladie. L’expérience acquise des curages ganglionnaires rétropéri-
tonéaux de stadification ou des cohortes de surveillance démontre qu’environ 30% des patients sont néanmoins
porteurs de micro-métastases. La prise en charge après l’orchidectomie doit-elle être attentiste ou proposer
d’emblée un traitement complémentaire ?
Moyens : Une analyse de la littérature internationale a eu pour objectifs 1) d’évaluer l’apport dans le processus
décisionnel des variables histologiques susceptibles de prédire le risque de dissémination micro-métastatique, 2)
de préciser les avantages et inconvénients potentiels des trois attitudes habituellement envisagées au décours de
l’orchidectomie (curage ganglionnaire rétropéritonéal, surveillance et chimiothérapie adjuvante), 3) d’établir
des recommandations pour la pratique quotidienne.
Résultats : Les variables histologiques sont surtout performantes dans la prédiction de l’absence de risque micro-
métastatique. Les attitudes possibles au décours de l’orchidectomie permettent d’obtenir des taux de guérison
similaires et excellents. Les effets secondaires potentiels sont tout à fait différents. La surveillance est à privilé-
gier chez les patients à faible risque (absence ou faible proportion de carcinome embryonnaire et absence d’in-
vasion vasculairedans la tumeur primitive). La chimiothérapie adjuvante doit impérativement être réservée aux
patients à haut risque (composante prédominante de carcinome embryonnaire et présence d’une invasion vas-
culaire). Le curage ganglionnaire rétropéritonéal doit être réalisé, au sein d’équipes spécialisées, chez des
patients à risque faible ou intermédiaire, surtout si la surveillance ne peut être effective, si les marqueurs tumo-
raux sériques sont normaux au diagnostic ou si la tumeur primitive présente une composante prédominante de
tératome mature associée à une invasion vasculaire.
Conclusion : Les données histologiques de la pièce d’orchidectomie, la courbe d’apprentissage de l’urologue vis-
à-vis du curage ganglionnairerétropéritonéal et le terrain (adhérence prévisible du patient au suivi, effets secon-
daires attendus des attitudes possibles) sont les principaux paramètres décisionnels à prendre en compte dans
les unités de concertation pluridisciplinaire. L’option individuelle optimale ne pourra être déterminée qu’après
discussion avec le patient.
Mots clés : Tumeur germinale du testicule, stade I, curage ganglionnaire rétropéritonéal, surveillance, chimiothérapie.
1112
Travail du Sous-comité “Organes Génitaux Externes” du Comité de Cancérologie de
l’Association Française d’Urologie
Manuscrit reçu : janvier 2004, accepté : octobre 2004
Adresse pour correspondance : Dr.S. Culine, Département d’Oncologie Médicale,
C.L.R.C. Val d’Aurelle, Parc Euromédecine, 34298 Montpellier Cedex 5.
Ref : CULINE S., Prog. Urol., 2004, 14, 112-1118
L’EV
ALUATION DU RISQUE METASTATIQUE
Une analyse récente de la littérature a identifié, entre 1986 et 2001,
23 études consacrées à l’identification rétrospective de variables
susceptibles de prédire le risque micro-métastatique chez les
patients présentant une TGNS de stade I [52]. Les variables étu-
diées ont été l’âge, les marqueurs tumoraux sériques et surtout les
caractéristiques histologiques de la tumeur primitive. Le nombre
total de patients pris en compte a été de 2587, dont 759 (29,3%)
avaient une dissémination métastatique microscopique diagnosti-
quée par un curage ganglionnaire rétropéritonéal (6 études, 193
[31,1%] parmi 621 patients) ou la découverte d’une évolutivité
métastatique (rétropéritonéale ou autre) au cours de la surveillance
(17 études, 566 [28,8%] parmi 1966 patients). Le tableau I détaille,
par ordre d’importance décroissant, les variables prédictives d’une
dissémination métastatique identifiées dans les analyses unifacto-
rielles réalisées. Les variables les plus significatives ont été l’inva-
sion vasculaire, veineuse ou lymphatique, le pourcentage de cellu-
les marquées en immunohistochimie par le marqueur de proliféra-
tion MIB-1 (Ki-67), le pourcentage de carcinome embryonnaire
dans la tumeur primitive et le stade pathologique. Quatre analyses
multifactorielles ont été rapportées (Tableau II). Les deux variables
indépendantes les plus fréquemment identifiées ont été l’invasion
vasculaire et la présence de carcinome embryonnaire, étudiée qua-
litativement ou quantitativement. Bien qu’il existe une corrélation
certaine entre ces deux variables, leur pouvoir prédictif respectif est
suffisamment fort pour avoir été souligné par trois études. Les pro-
babilités de dissémination métastatique microscopique ont ainsi été
estimées entre 4% et 92% selon la présence ou l’absence d’une
invasion vasculaire et la proportion de carcinome embryonnaire
dans la tumeur primitive (Tableau III) [26, 34]. Les analyses multi-
factorielles ont également mis en évidence le caractère plutôt “pro-
tecteur” de la présence de tumeur vitelline (ou de l’élévation du
taux sérique de l’alphafoetoprotéine) et de tératome mature. La
place du MIB-1 reste à déterminer dans la mesure où cette variable
n’a jamais été confrontée en analyse multifactorielle avec l’inva-
sion vasculaire et la composante de carcinome embryonnaire.
Ces données sont-elles suffisamment fiables pour proposer pro-
spectivement aux patients une attitude adaptée à ces variables pré-
dictives ? La réponse à cette question a été abordée dans une cohor-
te de 157 patients allemands ayant eu un curage ganglionnaire
rétropéritonéal de stadification systématique, sans prendre en
compte les caractéristiques histologiques de la tumeur primitive [4].
La valeur prédictive positive (VPP) de l’invasion vasculaire vis-à-
vis de la présence de micro-métastases n’a été que de 53%. Le cou-
plage de l’invasion vasculaire au MIB-1 (>70% des cellules mar-
quées) et à la présence de carcinome embryonnaire (50% de la
tumeur primitive) a permis d’augmenter la VPP de ces variables à
64%. Parallèlement, la valeur prédictive négative (VPN) de l’ab-
sence d’invasion vasculaire vis-à-vis de l’absence de micro-métas-
tases a été respectivement de 77% et 86,5% lorqu’utilisée seule ou
en association avec le MIB-1. Ainsi, la prédiction de l’absence de
risque micro-métastatique est apparue meilleure que la prédiction
Stéphane Culine, Progrès en Urologie (2004), 14, 1112-1118
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Tableau I. Variables prédicitives d’une dissémination métastatique microscopique. Analyses unifactorielles
Variable Nombre d’études Nombre de patients Risque relatif Références
(Intervalle de
Confiance à 95%)
Invasion vasculaire 15 1364 5,2 (4,0-6,8) [2, 3, 5, 11, 12, 19, 24, 30, 31, 35, 37,
(veineuse ou lymphatique) 43,47,48,50]
Présence versus absence
Marquage par le MIB-1 3 212 4,7 (2,0-11,0) [1-3]
(immunohistochimie)
>70% versus < 70% des cellules
Carcinome embryonnaire
Présence versus absence 9 1505 2,9 (2,0-4,4) [18, 23, 25, 31, 35, 41, 48, 50]
>50% versus < 50% de la tumeur 5 369 2,8 (1,7-4,6) [1, 3, 24, 35, 43]
Stade pathologique (TNM 1992) 6 1066 2,6 (1,8-3,8) [11, 23, 25, 35, 37, 41]
pT2-4 versus pT1
Age (années) 5 683 1,6 (1,2-2,4) [5, 24, 29, 41, 51]
<30 versus > 30
Taille tumorale (cm) 5 594 1,5 (1,0-2,3) [19, 24, 29, 31, 51]
>3 versus < 3
Taux sérique de l’hCG 6 550 1,1 (0,5-1,8) [5, 24, 25, 29, 43, 51]
Elevé versus normal
Taux sérique de l’AFP 8 990 0,9 (0,6-1,5) [5, 11, 24, 25, 29, 31, 43, 53]
Elevé versus normal
Tumeur vitelline 10 1599 0,9 (0,7-1,3) [2, 5, 19, 23, 25, 31, 37, 41, 43, 50]
Présence versus absence
Tératome mature 4 434 0,5 (0,3-0,7) [5, 19, 31, 43]
Présence versus absence
hCG : hormone chorionique gonadotrope ; AFP :Alphafoetoprotéine
du risque. Il sera très important de garder à l’esprit les limites de ces
variables prédictives lors de la décision de l’attitude à adopter après
l’orchidectomie.
LES ATTITUDES POSSIBLES
Le curage ganglionnaire rétropéritonéal : savoir pour traiter
Le curage ganglionnaire rétropéritonéal (CGR) a pour avantages de
faire le diagnostic de micro-métastases lymphatiques et de les trai-
ter lorsqu’elles existent en effectuant leur exérèse. Il a pour
inconvénient de ne pas prendre en compte la dissémination héma-
togène et d’induire un risque d’éjaculation rétrograde en raison
d’une rupture des fibres sympathiques rétropéritonéales.
A l’Université d’Indiana, un CGR a été proposé comme attitude
standard chez 756 patients présentant une TGNS de stade I de 1969
à1995 [17,28]. Une dissémination ganglionnaire micro-métasta-
tique a été découverte chez 207 (27%) patients. De cette expérien-
ce, la plus importante rapportée dans la littérature, plusieurs ensei-
gnements peuvent être tirés :
-Parmi les 549 patients de stade I pathologique (pas de micro-
métastase ganglionnaire rétropéritonéale), 60 (11%) ont présenté
une rechute ultérieure, de topographie très majoritairement sus-
diaphragmatique : la négativité du CGR ne dispense donc pas
d’une surveillance ultérieure afin de traiter les patients ayant une
dissémination hématogène de leur maladie germinale [28];
-Parmi les 104 (50%) patients de stade II pathologique (présence
de micro-métastases ganglionnaires rétropéritonéales) n’ayant
reçu aucun traitement post-opératoire, 33 (32%) ont présenté une
rechute ultérieure : le CGR a donc au total été curatif à lui seul
chez 68% des patients de stade II pathologique ;
-Parmi les 103 (50%) patients de stade II pathologique ayant reçu
une chimiothérapie complémentaire (principalement 2 cycles
d’une association de bléomycine, étoposide et cisplatine), seule-
ment 1 décès lié à la maladie a été observé, avant l’ère du cispla-
tine : la délivrance d’une chimiothérapie, basée sur le cisplatine et
limitée à 2 cycles, est très efficace dans la réduction du risque de
rechute ultérieure ;
-Au total, 4 décès liés à la maladie concernant respectivement 2
patients de stade I pathologique et 2 patients de stade II patholo-
gique ont été observés pour une survie globale de 99% ;
- L’évolution des pratiques chirurgicales, avec le développement de
techniques préservant les fibres nerveuses responsables de l’éja-
culation [16], a permis de limiter les risques d’éjaculation rétro-
grade à moins de 5% des patients [6].
Plusieurs expériences complémentaires, menées aux Etats-Unis
[40, 42] et en Allemagne [27], ont confirmé les résultats suivants :
-Le CGR peut être curatif à lui seul chez environ deux tiers à trois
quarts des patients ; la chimiothérapie peut ainsi être limitée aux
patients présentant les critères suivants : plus de 5 ganglions
métastatiques ou un ganglion de plus de 2 cm ou présence d’une
effraction capsulaire aux Etats-Unis, plus de 3 ganglions métasta-
tiques en Allemagne ;
-Le taux de préservation d’une éjaculation antérograde est supé-
rieure à 90%.
Ces expériences, monocentriques et menées au sein d’équipes hau-
tement spécialisées, posent clairement le problème de leur “expor-
tation” dans notre pratique quotidienne française, par définition
multicentrique, pour une pathologie rare. Les résultats énoncés ci-
dessus ne peuvent être en effet reproduits en termes d’efficacité et
de toxicité que si la connaissance des territoires ganglionnaires
optimaux est diffusée et respectée.
Par ailleurs, il est important de rappeler que les métastases gan-
glionnaires d’histologie tératomateuse (mature ou immature) ne
peuvent être prises en charge que par le CGR [46]. Il apparaît
cependant difficile de définir une population à risque d’évolutivité
microscopique tératomateuse. Le caractère plutôt “protecteur”
d’une composante prédominante de tératome dans la tumeur primi-
tive a été souligné dans le paragraphe précédent. Ainsi, dans l’ex-
périence de l’Université d’Indiana, la présence de métastases gan-
glionnaires sous forme de tératome n’a été retrouvée que chez 21
(5%) des 388 patients présentant une composante tératomateuse
dans la tumeur primitive. Parallèlement, parmi 307 patients n’ayant
pas de composante tératomateuse dans la tumeur primitive, 10 (3%)
Stéphane Culine, Progrès en Urologie (2004), 14, 1112-1118
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Tableau II. Variables prédicitives d’une dissémination métastatique microscopique. Analyses multifactorielles.
Variable Risque relatif Nombre de patients Référence
Invasion vasculaire 4,5 259 [23]
Présence de carcinome embryonnaire 4,1
Présence de tumeur vitelline 0,5
Invasion vasculaire 8,2 92 [34
Pourcentage de carcinome embryonnaire 1,03
Invasion vasculaire 4,1 154 [25]
Présence de carcinome embryonnaire 3,7
Invasion vasculaire 3,8 88 [5]
Présence de tératome mature 0,2
Tableau III. Probabilités de dissémination métastatique microsco-
pique en fonction du pourcentage de carcinome embryonnaire et de
la présence ou l’absence d’invasion vasculaire dans la tumeur primi-
tive dans une cohorte de 92 patients. D’après [34]
Pourcentage de carcinome Invasion vasculaire
embryonnaire dans la Présente Absente
tumeur primitive
100% 92% 58%
75% 83% 37%
50% 67% 20%
25% 46% 10%
0% 27% 4%
avaient des métastases ganglionnaires sous forme de tératome dans
le CGR [21]. Néanmoins, l’association de tératome mature prédo-
minant et d’une invasion vasculaire paraît être une situation où le
CGR peut être logiquement indiqué.
Enfin, l’efficacité et la toxicité d’un CGR ceolioscopique demande
àêtre évalué. Il n’y a a priori pas de différence attendue si le cura-
ge coelioscopique permet de disséquer les mêmes territoires que
ceux abordés lors d’un curage par laparotomie.
La surveillance : attendre pour savoir et traiter
La surveillance a pour avantage de ne proposer un traitement que
chez les patients dont l’évolutivité métastatique est prouvée lors du
suivi. Le principal inconvénient est de nécessiter un programme de
suivi rapproché, notamment dans les deux premières années, qui
soulève le problème de l’adhérence des patients. Les modalités
recommandées comprennent un dosage mensuel des marqueurs
tumoraux sériques et une tomodensitométrie thoraco-abdomino-
pelvienne tous les 3 mois la première année, un dosage des mar-
queurs tumoraux sériques tous les 2 mois et une tomodensitométrie
thoraco-abdomino-pelvienne tous les 4 mois la deuxième année.
Les marqueurs tumoraux sériques et le bilan tomodensitométrique
peuvent ensuite être espacés à respectivement 3 et 6 mois jusqu’à 5
ans [18].
Les résultats des principales expériences de surveillance sont résu-
més dans le tableau IV. Ils sont homogènes et attestent d’un taux
d’évolutivité métastatique d’environ 30%, la très grande majorité
des rechutes étant survenue dans les deux premières années. Les
traitements alors mis en œuvre, principalement une chimiothérapie
des formes de bon pronostic dans la classification internationale
(soit 3 cycles de bléomycine, étoposide et cisplatine), ont permis
d’obtenir des taux de guérison excellents, identiques à ceux obtenus
après CGR.
La chimiothérapie : traiter sans savoir
La délivrance d’une chimiothérapie adjuvante a pour objectif de
détruire les micro-métastases présentes au diagnostic. Elle a pour
inconvénients de traiter une maladie potentielle, non formellement
prouvée, et d’induire des effets secondaires aigus et éventuellement
retardés. Afin de ne pas traiter inutilement trop de patients, il sem-
ble logique de réduire les indications aux patients présentant un
risque élevé d’évolutivité métastatique microscopique.
Les expériences rapportées dans la littérature ont donc porté sur des
populations jugées à haut risque (Tableau V). Plusieurs points méri-
tent d’être soulignés :
-Le nombre total de patients est très faible ;
-Les critères de sélection ne sont pas homogènes : l’invasion vas-
culaire et la composante de carcinome embryonnaire prédomi-
nent, mais leur VPP relativement faible a été soulignée ci-dessus ;
-Deux cycles d’une association de bléomycine, étoposide et cisplati-
ne, avec une limitation des doses d’étoposide à 360 mg/m
2
par cycle,
paraissent suffisants : le protocole optimal reste cependant à définir ;
-Les survies à long terme sont excellentes, similaires à celles rap-
portées avec le CGR ou la surveillance ;
-Les toxicités à long terme doivent être évaluées : les rares études
rapportées à ce jour n’ont cependant pas soulevé de problèmes
significatifs, notamment en ce qui concerne la fertilité et les
risques de leucémie secondaire [9].
EN PRATIQUE … LES INDICATIONS
Au terme de cette analyse de la littérature, les indications doivent
s’appuyer sur trois constats :
-Les modèles prédictifs de dissémination micro-métastatique rap-
portés à ce jour dans la littérature ne sont pas optimaux, notam-
ment dans la prédiction du haut risque ;
-Les trois alternatives possibles permettent d’obtenir des taux de
guérison similaires et excellents ;
-Les modalités pratiques et les effets secondaires potentiels sont
tout à fait différents.
Un premier niveau d’approche est de s’appuyer sur une logique de
prise en charge. Deux attitudes prédominent alors : le CGR pour
savoir et traiter ou la surveillance pour attendre de savoir et traiter.
La chimiothérapie apparaît en retrait puisqu’elle propose de traiter
sans savoir.
Un deuxième niveau d’approche est de s’appuyer sur les variables
prédictives du risque de dissémination micro-métastatique, avec les
limites précédemment soulignées. Dans la mesure où ces variables
apparaissent surtout performantes par leur VPN, la proposition de
la surveillance pour les patients à faible risque de dissémination
paraît appropriée afin de ne pas traiter inutilement. Chez les patients
àhaut risque, l’indication d’une chimiothérapie adjuvante peut
paraître pertinente mais est remise en cause par la VPP relativement
faible des variables prédictives actuelles. Le risque de dissémina-
tion micro-métastatique a ainsi été certainement surévalué chez les
patients inclus dans les séries rapportées dans la littérature. Dans
l’état actuel de nos connaissances, l’indication de chimiothérapie
semble devoir être réservée aux patients présentant une invasion
vasculaire et un contingent prédominant de carcinome embryonnai-
Stéphane Culine, Progrès en Urologie (2004), 14, 1112-1118
1115
Tableau IV. Expériences de surveillance dans les tumeurs germinales non séminomateuses de stade I.
Nombre de patients Nombre de rechutes (%) Nombre de rechutes Nombre de décès Références
après 2 ans de suivi (%)
77 23 (30%) 4 (17%) 0 [44]
115 34 (29,5%) 2 (6%) 2 (2%) [11]
396 100 (27%) 8 (8%) 5 (1%) [41]
85 25 (29%) 3 (12%) 3 (3,5%) [35]
154 42 (27%) 0 2 (1%) [25]
105 27 (26%) 0 3 (3%) [47]
170 48 (28%) 0 1 (2%) [45]
90 23 (26%) 3 (13%) 1 (4%) [43]
Total 1192 322 (27%) 20 (6%) 17 (1,5%)
re. Quant au CGR, il représente actuellement l’attitude la plus
logique à proposer aux patients de risque faible ou intermédiaire,
afin d’évaluer la dissémination micro-métastatique lymphatique et
de traiter à lui seul les atteintes de faible volume, en particulier s’il
s’agit de lésions de tératome mature. Il impose cependant une cour-
be d’apprentissage afin d’en respecter les modalités pratiques
(connaissance des territoires ganglionnaires et limitation des
risques d’éjaculation rétrograde) ainsi qu’une surveillance liée au
risque de dissémination hématogène. Une prise en charge en milieu
chirurgical spécialisé paraît donc optimale.
Un troisième niveau d’approche est de s’intéresser à l’aspect médi-
co-économique. Aux Etats-Unis, l’équipe de l’Université d’Indiana
arapporté une équivalence des coûts entre le CGR et la surveillan-
ce [7]. En Angleterre, une étude a mis en avant l’intérêt de la chi-
miothérapie vis-à-vis de la surveillance et du CGR [22]. En France,
une autre étude a suggéré une tendance en faveur de la surveillance
vis-à-vis du CGR [20]. Les systèmes de santé propres à chaque pays
peuvent expliquer les divergences observées.
Un quatrième et dernier niveau d’approche est d’apprécier la préfé-
rence des patients. Le nombre de publications dans ce cadre est trop
limité pour avancer des conclusions. Une étude a soulevé la grande
hétérogénéité de décision des patients en fonction du risque énoncé
de dissémination micro-métastatique [14]. Il semble que les patients
soient prêts à choisir une chimiothérapie adjuvante pour un risque
de dissémination plus bas que les cliniciens [49].
Au total, quels facteurs doivent être pris en compte dans les déci-
sions de concertation pluri-disciplinaire ? Très certainement l’expé-
rience de l’urologue dans la pratique du CGR, les données histolo-
giques de la pièce d’orchidectomie et le patient (terrain, adhérence
prévisible au suivi, effets secondaires potentiels …). L’orientation
retenue aura pour objectif de servir de base à l’étape décisionnelle
finale, la discussion avec le patient, dont l’objectif sera de faire
émerger l’option individuelle optimale.
Membres du Sous-Comité “Organes Génitaux Externes” du
Comité de Cancérologie de l’Association Française d’Urologie :
C. AVANCES,C. BASTIDE,S. CULINE, F. IBORRA,G. KOURI,A. LESOURD,
F. M ICHEL,N. MOTTET,L. ROCHER.
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Tableau V. Expériences de chimiothérapie dans les tumeurs germinales non séminomateuses de stade I.
Variables prédictives du Nombre de patients Chimiothérapie Rechute Références
risque d’évolutivité métastatique
IV ou pT>1 30 3 PVB 0 [33]
IV et/ou CE et/ou absence de tumeur vitelline 22 2 BE360P 1 RA [36]
IV et CE et/ou absence de tumeur vitelline 114 2 BE360P 1 RA [15]
IV 29 2 BE500P 1 RA + 1 TM [39]
IV ou CE 38 2 PVB/2 BE360P 0 [10]
IV et AFP sérique normal 32 3 BE360P 1 TM [32]
IV et CE et/ou absence de tumeur vitelline 115 2 BOP 2 RA [15]
IV et CE 18 2 BE360P 0 [38]
IV et/ou CE et/ou pT>1 58 2 PVB/2 BE360P 1 TM [8]
Total 456 5 RA (1%) + 3 TM
IV : Invasion Vasculaire ; CE : Carcinome Embryonnaire ; B : Bléomycine; E : Etoposide ; P : Cisplatine ; V: Vinblastine ; O : Vincristine ; RA : Rechute Active ; TM : Tératome Matu-
re.
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