Introduction
1. – Pour ne pas être précipité dans la comédie du pouvoir ou verser
dans la tragédie de l'arbitraire, il s’imposait déjà aux yeux de Madison,
quatrième Président des Etats-Unis, de reconnaître au citoyen le droit de
savoir1.
Il fallut tout de même plus d’un siècle et demi pour qu’un tel principe
démocratique soit traduit en véritable droit subjectif, processus qui prit
quelques décennies de plus encore pour être généralisé de ce côté de
l’Atlantique. L’invitation à franchir un tel pas, contenue dans
1 J. MADISON, Lettre du 4 août 1822. Sur les pas de Madison, le « right to know » a
fait l’objet de diverses théories, notamment concernant le lien qui peut être établi
entre ce « right » et la liberté d’expression consacrée dans le Premier
Amendement de la Constitution américaine : voy. par exemple W. PARKS, « The
Open Government Principle : Applying the Right to Know under the
Constitution », George Washington Law Review, 1957/26, 9 et s. ; Th. EMERSON,
« Legal Foundations of the Right to Know », Washington Univ. Law Qu., 1976/1,
13 : « The public, as sovereign, must have all information available in order to
instruct its servants, the governement. As a general position if democracy is to
work, there can be no holding back of information ; otherwise ultimate
decisionmaking by the people, to whom that function is committed, becomes
impossible. Wether or not such a guarantee of the right to know is the sole
purpose of the first amendment, it is surely a main element of that provision and
should be recognized as such ». Il est intéressant de confronter l’argument de
fond soulevé par Emerson avec la position d’E. Jorion qui soutient que l’ancien
article 25 de la Constitution belge stipulant que tous les pouvoirs émanent de la
Nation (l’actuel article 33) « implies that every citizen, in order to be able to
exercise his ‘sovereign’ prerogatives, should be informed of everything affecting
the interests of the nation ». L’auteur ajoute « any principle or general regulation
whose effect would be to deprive Belgian citizens of any access to information,
even if the data were held by the government authorities themselves, would
therefore be contrary to the spirit of the Constitution » (E. JORION, « Belgium »,
in Administrative Secrecy in Developed Countries, Paris, I.I.S.A., 1977, pp. 127-128).
C’est donc aussi du principe de souveraineté du peuple qu’E. Jorion dérive un
droit d’accès à l’information pour les citoyens (même si ce droit n’est ni organisé
ni contrôlé). Dans la vision de l’auteur, le principe de liberté de la presse vient
soutenir l’interdiction de restriction systématique à l’accès. L’approche plus
répandue consiste à faire découler directement de la liberté de presse et de la
liberté d’expression et d’information le principe du libre accès aux informations
publiques (voy. infra, Chapitre 2 de la première Partie). Voy. par ailleurs les
théories sur le « droit à l’information », notamment P. TRUDEL et alii, Le droit à
l’information : émergence, reconnaissance, mise en œuvre, Montréal, Presses de l’Université
de Montréal, 1981 ; B. VOYENNE, Le droit à l’information, Paris, Aubier-
Montargne, 1970 ; J.-M. AUBY, R. DUCOSADER, Droit de l’information, Paris,
Dalloz, 1976, spéc. p. 6 ; PINTO, La liberté d'information et d'opinion en droit
international, Paris, Economica, 1984 ; E. MACKAAY, « The Public’s Right to
Information », in W.F. KORTHALS ALTES, E.J. DOMMERING, P.B.
HUGENHOLTZ, J.J.C. KABEL (ed.), Information Law towards the 21st Century,
Deventer, Boston, Kluwer Law and Taxation Publishers, 1992, pp. 167 et s. ; P.
TRUDEL, « Réflexion pour une approche critique de la notion de droit à
l’information en droit international », Les Cahiers de Droit, décembre 1982, Vol.
23, n° 4, pp. 847-871.
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