10 Les recours juridictionnels en matière de régulation
LARCIER
À l’éclatement du contentieux entre ces diverses institutions, auxquelles
on peut ajouter le Conseil de la concurrence, s’ajoute dès lors une seconde
source de complexité et surtout d’incertitude qui touche à ces compétences
particulières de la cour d’appel de Bruxelles.
Tout ici est incertain : la nature de ces recours, d’abord – souvent quali-
és de « pleine juridiction », ils peuvent même parfois, suivant les textes,
aboutir à une « réformation » de la décision attaquée 2 alors que, s’agis-
sant de décisions administratives, on s’attendrait plutôt à des recours en
annulation puisque le juge (qu’il soit administratif ou judiciaire) ne peut,
en règle, substituer sa propre appréciation à celle de l’Administration, du
moins lorsque celle-ci dispose d’un certain pouvoir discrétionnaire 3 – ; la
procédure applicable, ensuite, car si le législateur l’a voulue ecace et donc
accélérée, elle n’est, pour reprendre les mots de Verlaine, « chaque fois ni
tout à fait la même ni tout à fait une autre ».
Si, pour le praticien, les choses se sont donc accélérées, elles ne sont pas
simpliées.
Un examen systématique et critique de la matière s’imposait à l’évi-
dence.
Xavier Taton a eu le courage de s’engager dans cet exercice dicile
consistant à aborder tous les aspects liés à la compétence et à la procédure
concernant les recours juridictionnels contre les décisions de la CBFA, des
autorités sectorielles de régulation (la CREG, les régulateurs régionaux en
matière d’énergie, l’IBPT, les régulateurs communautaires dans le domaine
de l’audiovisuel ainsi que le Service de régulation du transport ferroviaire et
de l’exploitation de l’aéroport de Bruxelles-National) et de l’autorité natio-
nale (et transversale) de la concurrence : le Conseil de la concurrence.
Tâche énorme en soi, mais rendue plus délicate encore par la nature
souvent incertaine de ces décisions, notamment lorsqu’elles prononcent des
sanctions. S’agit-il de simples décisions administratives ou présentent-elles
un caractère juridictionnel ? A priori, une réponse ne s’impose pas et il faut
aller au fond des choses avant de se risquer à un diagnostic.
M. Taton montre à cet égard que les apparences sont trompeuses. Le
Conseil de la concurrence, par exemple, est certes une juridiction, notam-
ment lorsqu’il statue sur des pratiques restrictives ou sur l’appel de décisions
d’autorités sectorielles. Mais il fait aussi, parfois, œuvre d’administrateur,
notamment dans le cadre du contrôle qu’il exerce sur les concentrations.
L’exercice ainsi entrepris par Xavier Taton s’est transformé en tour de
force. Car c’est un tour de force d’exposer avec clarté un entrelacs de régle-
mentations souvent discordantes, tout en prenant nettement position sur
les (nombreuses) questions controversées qui émaillent la matière.
2 Voy. articles 120, §6, et 121, §6, de la loi du 2 août 2002 relative à la surveillance du
secteur nancier et aux services nanciers.
3 Cass., 16juin 2006, Pas., 2006, no334 ; Cass., 24novembre 2006, Pas., 2006, no559 ; Cass.,
3janvier 2008, Pas., 2008, no4.