
réciproque de ces lésions dans le déterminisme de la
démence, ce qui laisse une grande marge de subjecti-
vité dans le classement de ces cas, aussi bien au plan
clinique que neuropathologique.
Un travail récent, portant sur les 382 cerveaux de
patients déments de la banque de cerveaux de Floride
[12], a montré une fréquence globale de 18 % des cas
classés comme démences vasculaires, loin derrière la
MA (77 %) et la démence à corps de Lewy (26 %). La
fréquence des démences vasculaires était liée à l’âge :
elle passait de 5 % des cas avant 60 ans à 26 % après
80 ans. Mais, fait essentiel, seulement 3 % des cas clas-
sés comme démences vasculaires ne présentaient que
des lésions vasculaires pures. La fréquence des cas de
démences vasculaires pures apparaît ainsi, dans les
travaux neuropathologiques, très inférieure à celle que
lui attribuent beaucoup de cliniciens.
L’incertitude
des critères de diagnostic
de démence vasculaire
Plusieurs types de critères ont été proposés pour le
diagnostic de démence vasculaire. Les plus communé-
ment utilisés sont présentés dans les tableaux 1 à 3.
Tous reposent, en fait, sur la triple association : 1) d’une
démence définie selon les critères de l’Association psy-
chiatrique américaine (DSM-III), c’est-à-dire un déficit
cognitif multiple comportant obligatoirement des trou-
bles de mémoire et d’intensité suffisante pour entraîner
un déclin des activités de la vie quotidienne ; 2) de
lésions vasculaires cérébrales ; 3) d’un jugement que 1
et 2 sont liés.
Aucun de ces critères, en réalité, ne permet de clari-
fier la situation et les différents critères définissent des
groupes de patients différents [14]. Au plan clinique, la
question de la démence vasculaire se pose dans deux
circonstances cliniques très différentes selon que la
démence survient dans les suites d’un ou plusieurs
AVC clairement identifiés ou que les troubles cognitifs
apparaissent primitifs.
AVC et démence
Les études portant sur les accidents vasculaires
cérébraux (AVC) du sujet âgé insistent sur le caractère
réservé du pronostic, particulièrement en raison de la
fréquence d’apparition d’une démence dans les suites
de l’AVC.
Deux questions se posent :
1) la difficulté d’application des critères de démence.
Les déficits moteurs et cognitifs de l’AVC peuvent réali-
ser un tableau de déficits cognitifs multiples retentis-
sant sur la vie quotidienne. Sur quels éléments peut-on
alors porter le diagnostic de démence vasculaire ? On
peut d’ailleurs se poser la question de l’utilité d’un tel
diagnostic qui n’a guère d’intérêt ni au plan de la prise
en charge du patient ni du traitement de l’AVC qui sont
parfaitement codifiés. En revanche, parler de démence
comporte le risque de méconnaître une dépression
post-AVC accessible à la thérapeutique ;
2) l’AVC peut favoriser l’apparition d’une démence chez
des patients présentant une MA débutante. Les argu-
ments en faveur d’une MA associée sont : l’importance
des troubles de mémoire dans la vie quotidienne, les
caractères du déficit mnésique évoquant une atteinte
hippocampique (trouble de la mémorisation plus que
du rappel), la présence d’une atrophie franche des cor-
nes temporales, une aggravation progressive.
Devant un déclin cognitif apparemment primitif
La situation est différente selon que l’installation
des troubles cognitifs est brutale ou progressive.
L’installation brutale d’un tableau démentiel est
évocatrice d’une origine vasculaire. L’origine peut être
un accident ischémique localisé dans un territoire qui
ne donne pas de manifestations cliniques évidentes :
lobe temporal droit, lésions thalamiques, frontales ou
occipitales bilatérales. Cliniquement, la présence de
signes neurologiques focaux est à rechercher systéma-
tiquement (signe de Babinski, asymétrie des réflexes
ostéotendineux, hémianopsie latérale homonyme).
L’imagerie cérébrale, tout particulièrement l’IRM,
beaucoup plus sensible que le scanner-X, permet de
confirmer la présence et le siège d’anomalies de type
ischémique.
Les difficultés les plus importantes sont observées
lorsque le déclin cognitif est insidieux et progressif.
Dans un souci de simplification, il est possible de dis-
tinguer deux situations selon le tableau clinique :
1) lorsque les déficits mnésiques sont au premier
plan, que leurs caractères évoquent une atteinte hippo-
campique, qu’il existe des troubles d’autres fonctions
supérieures (langage, praxies...), qu’il existe une atro-
phie hippocampique franche, le diagnostic de MA est
hautement probable. La présence de signes focaux à
l’examen neurologique ou d’anomalies vasculaires à
l’imagerie pose simplement la question du rôle des
lésions vasculaires associées. Le classement comme
démence vasculaire, démence dégénérative avec
lésions vasculaires associées ou encore comme
démence mixte dépend largement des idées de chacun
et des critères utilisés. Ce caractère subjectif du juge-
ment sous-tend la polémique sur la fréquence de la
démence vasculaire qui est considérée par certains
comme la 2
e
cause de démence derrière la MA et, par
d’autres, comme une cause rare de démence en
Démence vasculaire
Psychol NeuroPsychiatr Vieil, vol. 3, n° 2, juin 2005 93