t - HEC Lausanne

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Ecole des HEC
Université de Lausanne
FINANCE EMPIRIQUE
Eric Jondeau
FINANCE EMPIRIQUE
La prévisibilité des rendements
Eric Jondeau
L’hypothèse d’efficience des marchés
Motivation
L’idée de base de l’hypothèse d’efficience des marchés est que les prix observés sur les
marchés financiers reflètent à tout moment toute l’information disponible. Les
intervenants sur les marchés ne peuvent donc pas espérer dégager un rendement
« anormal » en se lançant dans une activité de prévision des prix d’actif.
Pour pouvoir tester cette capacité à dégager un rendement anormal, il faut au préalable
définir ce qu’est un rendement normal. On peut admettre par exemple que le
rendement normal est celui qui est cohérent avec le MEDAF.
Les objectifs de ce chapitre sont les suivants :
- définir précisément la notion d’efficience des marchés
- déterminer les implications de l’efficience
- présenter les principaux tests de l’efficience
- proposer des résultats empiriques concernant l’efficience selon différentes approches
L’hypothèse d’efficience des marchés
Implications de l’hypothèse d’efficience des marchés
Si l’efficience des marchés est vraie,
- le rôle des analystes financiers et des gestionnaires de fonds est extrêmement réduit.
Pour l’essentiel, il consiste à constituer un portefeuille imitant le portefeuille de
marché au coût le moins élevé possible ;
- le rôle des trésoriers d’entreprise est également très limité, puisque la structure de
financement de l’entreprise est indifférente quand les marchés sont efficients ;
- enfin, si les fluctuations qu’on trouve souvent excessives des prix des actions
proviennent d’un fonctionnement efficient des marchés, l’intervention publique
(comme par exemple, fermer le marché lors d’un crash boursier) est inutile.
L’hypothèse d’efficience des marchés
Définitions : anticipations, martingale et fair game
Il existe un grand nombre de définitions possibles de l’efficience des marchés. La plus
naturelle consiste à dire que les marchés sont efficients si les rendements futurs sont
imprévisibles compte tenu de l’information disponible.
Cette définition fait référence directement à la notion d’espérance conditionnelle.
Supposons ainsi que les agents connaissent la valeur prise par certaines variables
jusqu’à aujourd’hui. L’ensemble d’information est noté I t = {Y1,t , Y2,t ,...} où Yi ,t est
connu par l’agent à la date t. En général, cet ensemble d’information inclut les
réalisations passées de la variable à prévoir, mais il peut aussi être beaucoup plus vaste.
On note cette espérance conditionnelle
Et [ X t +1 ] = E[ X t +1 | I t ] =
∫
∞
−∞
xt +1 f ( xt +1 | I t )dxt +1
où f ( xt +1 | I t ) est la distribution conditionnelle. L’espérance conditionnelle est la
prévision optimale de la variable X t +1 en fonction de toute l’information disponible I t .
L’hypothèse d’efficience des marchés
Définitions : anticipations, martingale et fair game
L’espérance conditionnelle a certaines propriétés intéressantes :
1. La prévision est sans biais : l’erreur de prévision ε t +1 = X t +1 − Et [ X t +1 ] est d’espérance nulle car Et [ε t +1 ] = Et [ X t +1 ] − Et [ X t +1 ] = 0 . On a donc X t +1 = Et [ X t +1 ] + ε t +1 .
2. L’erreur n’est corrélée avec aucune information connue à la date t ou avant.
Autrement dit, on a Covt [ε t +1 , Yi ,t ] = 0 pour tout Yi ,t ⊂ I t . Cette propriété traduit le fait
que les agents utilisent au mieux l’information dont ils disposent et, en particulier,
qu’ils ne pourraient utiliser aucune information accessible pour améliorer leur
prévision. L’erreur de prévision est donc de variance minimale.
3. L’erreur de prévision est imprévisible. Si on cherche à connaître à la date t
l’erreur de prévision qu’on fera à la date t+1 pour la variable X t + 2 , la meilleure
prévision qu’on peut faire est Et [ X t + 2 − Et +1[ X t + 2 ]] = 0 . (loi des espérances itérées).
Remarque : l’erreur de prévision ε t +1 peut être très large, mais elle ne peut pas être
réduite compte tenu de l’information disponible.
L’hypothèse d’efficience des marchés
Définitions : anticipations, martingale et fair game
Supposons maintenant que le processus aléatoire Xt soit tel que
Et [ X t +1 ] = X t
Un tel processus est appelé une martingale. La meilleure prévision de toutes les
valeurs futures X t +i (i ≥ 1) est la valeur actuelle X t . Donc aucune information
supplémentaire dans I t n’est nécessaire si l’agent connaît déjà X t .
Un processus aléatoire yt est appelé fair game si
Et [ yt +1 ] = 0
Un fair game est imprévisible compte tenu de I t . Donc si X t est une martingale alors
la différence y t +1 = X t +1 − X t est un fair game. Un fair game est aussi appelé une
différence de martingale.
L’hypothèse d’efficience des marchés
Définitions : anticipations, martingale et fair game
On peut maintenant caractériser l’efficience de la façon suivante : les rendements
anormaux y t +1 = rt +1 − rt*+1 vérifient la propriété de fair game, avec rt*+1 le rendement
normal (ou d’équilibre).
Le rendement anormal obtenu par la détention d’un actif risqué doit être nul en
moyenne.
Supposons maintenant que le rendement normal est une constante k. Alors la propriété
de fair game implique que le rendement anormal anticipé s’écrit
Et [rt +1 − k ] = 0
Comme le rendement rt +1 est défini comme rt +1 = ln( Pt +1 + Dt +1 ) − ln( Pt ) , on a aussi
Et [ln( Pt +1 + Dt +1 ) − ln( Pt )] = k
L’hypothèse d’efficience des marchés
Définitions : anticipations, martingale et fair game
Comme les dividendes varient dans le temps, le log des prix ne peut pas être une
martingale.
En revanche, l’efficience implique que les prix incluant les dividendes sont une
martingale.
~
En effet, si on définit Pt le prix incluant les dividendes, alors on a
~
~
ln( Pt +1 ) − ln( Pt ) = rt +1
ou
~
~
Et [ln( Pt +1 )] = ln( Pt ) + k .
L’hypothèse d’efficience des marchés
Définitions : les notions d’efficience
Selon l’information incluse dans I t , on peut définir trois formes d’efficience :
1. Selon l’efficience faible, les rendements reflètent pleinement l’information contenue
dans l'historique des rendements. L'analyse du comportement des rendements passés
(« analyse technique ») ne permet donc pas d’améliorer la prévision des rendements.
2. L’efficience semi-forte stipule que les rendements courants reflètent l’ensemble de
l’information disponible à tous utile pour prévoir l’évolution des marchés. Elle
implique notamment que l’« analyse fondamentale » fondée sur l’information
disponible ne permet pas d’améliorer la prévision des rendements.
3. Enfin l’efficience forte établit que toute l’information connue de l’un des
participants au marché est pleinement reflétée dans les rendements. Dans ce cas, même
ceux qui disposent d’informations privilégiées (ou privées) ne peuvent pas mieux
prévoir les rendements futurs.
L’hypothèse d’efficience des marchés
Définitions : les notions d’efficience
Une première approche du test de l’efficience des marchés repose donc sur la capacité
à prévoir les rendements futurs.
Il existe une autre implication intéressante de l’efficience : Si le marché est efficient,
on ne peut pas dégager de rendement anormal sur la base d’une information.
Ainsi, il est peut-être possible de prévoir l'évolution des prix futurs de façon plus
précise que ne le font les autres investisseurs, mais le rendement dégagé (net des frais)
doit rester nul. Les frais associés à l'activité de prévision sont nombreux : collecte et
achat d'information, construction de modèles, maintien d'une présence sur le marché.
Finalement, l'activité de prévision est rémunérée, mais son exercice ne permet pas de
dégager un rendement anormal.
Ce résultat est très intéressant, car il permet une confrontation aux données :
-
Performances des professionnels du marché (gestionnaires de fonds, analystes).
Mise en place d’une stratégie de placement hypothétique.
L’hypothèse d’efficience des marchés
Définitions : les notions d’efficience
L’efficience des marchés n’implique pas que les rendements doivent être nuls, mais
qu’il ne doit pas y avoir de profit au-delà du rendement normal.
Le rendement normal peut être supposé constant au cours du temps, mais il peut aussi
être déterminé selon le MEDAF. Ce point est important, car le fait que le rendement
soit prévisible peut venir du fait que le rendement normal est lui-même prévisible pour
un ensemble d’information donné.
Le rendement anormal est déterminé comme la différence entre le rendement observé
et le rendement normal. Les prévisions des rendements anormaux sont construites à
partir de l’ensemble d’information choisi. Si les rendements anormaux sont prévisibles,
l’efficience des marchés est rejetée.
Les tests d’efficience sont donc des tests joints : (1) de l’efficience et (2) du modèle
pour les rendements normaux. Donc si l’hypothèse nulle est rejetée, cela peut-être dû
au rejet du modèle d’équilibre ou de l’efficience.
Test d’efficience faible
Caractérisation du fair game
Il y a plusieurs façons de décrire l’hypothèse de fair game.
1) Le processus iid (indépendamment et identiquement distribué)
Un processus iid ε t +1 vérifie
E[ε t +1 ] = 0
V [ε t +1 ] = σ 2
et
Cov[ε s , ε m ] = 0
∀s ≠ m
Cette hypothèse est plus restrictive que le fair game. Il interdit notamment toute
dépendance entre ε s et ε m , alors que le fair game suppose seulement qu’il n’existe pas
de relation linéaire entre ε s et ε m .
2) Le processus non autocorrélé
Le processus ε t +1 est supposé non autocorrélé ( Cov[ε t , ε t −k ] = 0 pour tout k ≠ 0), mais
le carré des ε t +1 peut être autocorrélé ( Cov[ε t2 , ε t2−k ] ≠ 0 pour un k ≠ 0).
Test d’efficience faible
Test d’absence d’autocorrélation
Si on admet la stationnarité des rendements, le coefficient d’autocorrélation s’écrit
ρk =
Cov[rt , rt − k ] Cov[ rt , rt − k ]
=
V [rt ]
V [ rt ]V [rt − k ]
Pour un échantillon de rendements donné {rt }, on a
(r − r )(rt −k − r )
∑
t = k +1 t
ρˆ k =
T
∑t =1(rt − r ) 2
T
∀0 ≤ k ≤ T − 1
Sous l’hypothèse iid, ρ̂ k a la distribution asymptotique suivante
a
T ρˆ k ~ N (0,1) .
Test d’efficience faible
Test d’absence d’autocorrélation
Ljung et Box (1978) ont propose la statistique Portmanteau pour l’hypothèse nulle
H 0 : ρ1 = ... = ρ K = 0 , contre l’hypothèse alternative H 0 : ρ i ≠ 0 pour un i ∈ {1,..., K }:
K
QK = T (T + 2)
1
ρˆ k2
T −k
k =1
∑
a
Sous l’hypothèse nulle, si {rt } est iid, on a QK ~ χ 2 ( K ) .
Le choix du nombre de retards K peut être guidé par des considérations théoriques,
mais il est sage en général de tester différentes valeurs de K.
Remarque : Quand on s’intéresse à des rendements quotidiens, on s’attend à ce que le
rendement normal varie peu au cours du temps. Les rendements quotidiens fournissent
donc une bonne approximation du rendement anormal (à un terme constant près).
Test d’efficience faible
Test de prévisibilité
Même s’il semble naturel de tester l’efficience faible à partir d’un simple test
d’autocorrélation, l’efficience faible présente un caractère plus général. Par exemple,
les termes d’erreur passés sur le rendement ou des effets saisonniers peuvent affecter
l’évolution des rendements.
Exemple : Etude de Fortune (1991) sur les rendements quotidiens du S&P 500 entre
janvier 1980 et septembre 1990. Il obtient la régression :
rt = 0,0007 + 0,054 ε t −1 − 0,037 ε t −2 − 0,019 ε t −3 − 0,054 ε t −4 + 0,051ε t −5
( 2 ,8 )
( 2 ,8 )
(1, 9 )
(1, 0 )
( 2 ,8 )
( 2,7 )
− 0,0017WEt + 0,0006 HOLt + 0,0006 JAN t + ε t
( 3, 2 )
( 0, 2 )
( 0 ,82 )
où R 2 = 0,0119 , σ ε = 1,08% et (.) = t stat. WEt = 1 si le jour de la date t est un lundi et
0 sinon, HOLt = 1 si la date t est précédent d’un jour férié et 0 sinon et JAN t = 1 pour
les jours du mois de janvier.
Test d’efficience faible
Test de prévisibilité
Comment interpréter ces résultats :
- même si l’efficience faible est globalement valide pour des fréquences
hebdomadaires ou mensuelles, elle est souvent rejetée à la fréquence
quotidienne.
- la meilleure représentation de la dynamique des rendements n’est pas un
processus autorégressif où le rendement dépend des rendements passés, mais un
processus moyenne mobile où le rendement dépend des erreurs passées. Il s’agit
bien d’un rejet de l’efficience faible.
- il existe un effet week-end marqué, qui implique que les rendements ont
tendance à être plus faibles le lundi que les autres jours de la semaine. La raison
est que les mauvaises nouvelles sont plutôt annoncées le week-end.
Ces résultats suggèrent que les marchés ne sont pas efficients, puisqu’on peut
prévoir, dans une certaine mesure, les rendements futurs.
Test d’efficience faible
Test de prévisibilité
Est-ce suffisant toutefois pour conclure qu’il est possible de dégager des rendements
anormaux sur la base de cette information ?
Pas nécessairement. Le R 2 indique que le modèle n’est capable d’expliquer que 1% de
la variabilité du rendement. Le gain par rapport à une situation de fair game sera sans
doute très limité.
Ainsi, si on cherche à profiter de l’effet week-end, l’idée serait de vendre à découvert
l’indice le vendredi et de le racheter le lundi. Toutefois, le gain moyen serait de 0,17%
seulement. Comme le portefeuille de marché (l’indice S&P 500) est composé d’un
grand nombre de titres, les frais de transaction compenseraient très largement le faible
gain lié à cette stratégie.
La leçon de cet exemple est que (1) on peut être amené à rejeter l’hypothèse
d’efficience des marchés au sens strict de « non prévisibilité » des rendements, mais
(2) sans être en mesure pour autant réaliser des gains anormaux.
Test d’efficience semi-forte
Test de prévisibilité (ou d’efficience informationnelle)
Un test plus adapté de l’incapacité à réaliser des rendements anormaux devrait porter
sur des stratégies réalistes : il s’agit de considérer des stratégies portant sur des titres
(et non des indices) et de prendre en compte l’ensemble des coûts de transaction, ainsi
que les coûts de collecte et de traitement de l’information.
Le principe est de tester si les rendements anormaux ri ,t +1 − Et [ri ,t +1 ] sont indépendants
des variables Λ t appartenant à l’ensemble d’information, à partir de la régression
ri ,t +1 = Et [ri ,t +1 ] + γ ' Λ t + ε i ,t +1
où Et [ri ,t +1 ] est le rendement normal. Si Λ t a un pouvoir explicatif additionnel, alors le
rendement anormal ri ,t +1 − Et [ri ,t +1 ] est prévisible.
L’hypothèse d’efficience porte alors sur le test de l’hypothèse H 0 : γ = 0 .
Remarque : Dans ces tests, ε t +1 doit être non autocorrélé, mais il pourrait être
hétéroscédastique sans pour autant violer l’hypothèse d’efficience informationnelle.
Test d’efficience semi-forte
Test de prévisibilité (ou d’efficience informationnelle)
Exemple 1 : Goetzmann et Jorion (1993) étudient le lien entre le rendement des
actions sur différents horizons et le dividend yield (D/P)
E[rt , t + T ] = α T + βT ( Dt / Pt ) + ε t , t + T
où rt ,t +T est le rendement moyen du titre entre les dates t+1 et t+T. Le rendement
normal est supposé constant au cours du temps (et intégré dans la constante α ). Ils
estiment cette relation pour le rendement mensuel et les rendements sur 1 à 4 ans, pour
l’indice S&P500 de New York.
Les principaux résultats sont les suivants :
- pour les rendements mensuels, le dividend yield a un coefficient significatif et
positif ( βT > 0 ) mais moins de 1% de la variance du rendement est expliquée
par le modèle.
- pour des horizons plus éloignés, le pouvoir explicatif augmente. Par exemple, sur
1927-90, le R 2 pour les horizons 1, 2, 3 et 4 ans est de 12, 18, 24 et 39%.
Test d’efficience semi-forte
Test de prévisibilité (ou d’efficience informationnelle)
Horizon
1
12
24
36
48
1
12
24
36
48
1927-90
βT
t-stat
0,386
2,80
5,108
9,97
9,071
12,73
12,939
15,38
21,392
21,42
R2
0,010
0,116
0,179
0,244
0,390
1927-58
βT
t-stat
0,415
1,89
5,846
6,97
10,778
8,97
16,167
11,30
28,987
18,06
R2
0,009
0,116
0,186
0,269
0,493
1959-90
βT
t-stat
0,668
2,76
8,757
11,04
14,401
14,29
19,740
17,15
27,911
20,26
R2
0,020
0,247
0,363
0,459
0,551
Test d’efficience semi-forte
Test de prévisibilité (ou d’efficience informationnelle)
Une limite de ce type d’approche où le rendement d’équilibre (normal) est supposé
constant est qu’on ne sait pas si une augmentation du dividend yield reflète un
changement du rendement d’équilibre (rejet du modèle d’équilibre) ou la prévisibilité
des rendements anormaux (rejet de l’efficience des marchés).
Exemple 2 : Pesaran et Timmermann (1992) étudient de façon très complète
l’ensemble des problèmes économétriques posés par les tests d’efficience. Ils
s’intéressent aux excès de rendement (à un mois, un trimestre et un an) pour l’indice
S&P 500 entre 1954 et 1971. Ils trouvent qu’un petit ensemble de variables expliquent
l’évolution des rendements :
- pour l’horizon annuel, l’inflation, la variation du taux à 3 mois et la prime de
terme (taux long – taux court) expliquent 60% de la variance de l’excès de rendement.
- pour les horizons mensuels et trimestriels, le pouvoir explicatif est de 10 et 20%
Test d’efficience semi-forte
Test de prévisibilité (ou d’efficience informationnelle)
- ils vérifient que les estimations ne souffrent d’aucune mauvaise spécification
(autocorrélation des erreurs, hétéroscédasticité, normalité, etc.).
- ils étudient la capacité de leur modèle à prévoir les rendements futurs. Ils
montrent que 70-80% des rendements annuels prévus et 65% des rendements
trimestriels prévus ont le bon signe. Les excès de rendement peuvent donc être
relativement bien prévus, à partir d’un petit nombre de variables explicatives.
- ils considèrent alors la stratégie de placement suivante (stratégie active) :
Si l’excès de rendement prévu est positif, alors achète le portefeuille
d’actions, sinon achète des obligations gouvernementales de maturité
égale à l’horizon du placement (annuel, trimestriel ou mensuel).
Test d’efficience semi-forte
Test de prévisibilité (ou d’efficience informationnelle)
Cette stratégie active ne présente pas de risque de faillite, puisqu’il n’y a aucune vente
à découvert. Elle est comparée à une stratégie de référence qui consiste à détenir le
portefeuille d’actions tout le temps (stratégie passive). La profitabilité de la stratégie
active par rapport à la stratégie passive est mesurée pour différents niveaux des coûts
de transaction.
Les principaux résultats sont les suivants :
- la stratégie active dégage toujours un rendement anormal par rapport à la
stratégie passive pour un horizon de placement annuel, quel que soit le niveau des
coûts de transaction considérés.
- en revanche, pour les horizons trimestriels et mensuels, la stratégie active n’est
gagnante que pour des coûts de transaction bas.
- la volatilité de la stratégie active est inférieure à celle de la stratégie passive pour
les horizons annuels et trimestriels, mais pas pour l’horizon mensuel.
Test d’efficience semi-forte
Test de prévisibilité (ou d’efficience informationnelle)
Coûts de transaction
Stratégie passive
(ptf de marché)
aucun
élevés
Stratégie active
aucun
élevés
Bons du Trésor
(actif sans risque)
aucun
élevés
Rendement moyen (en %)
Ecart-type (en %)
10,8
13,1
10,7
13,1
12,7
7,24
12,21
7,16
6,75
2,82
6,64
2,82
Indice de Sharpe
Indice de Treynor
Indice de Jensen
0,31
0,040
−
0,30
0,039
−
0,82
0,089
0,045
0,76
0,081
0,041
−
−
−
−
−
−
Richesse de fin de période
(=100$ en janvier 1960)
1913
1855
3833
3346
749
726
Anomalies
Sur un marché efficient, tous les investisseurs ont accès à la même information, ils
utilisent cette information de la même manière, et ils ont les mêmes opportunités
d'emprunt ou de placement.
Dans le monde réel, ces conditions ne sont en général pas remplies :
- les investisseurs n'ont pas les mêmes anticipations concernant les revenus futurs
ou les conditions économiques futures ;
- ils peuvent faire face à des coûts de transaction différents, des taux d'imposition
différents ;
- ils ne disposent pas des mêmes ressources (en temps et en argent) dans la
collecte et l'utilisation de l'information.
Si ces éléments d'hétérogénéité des investisseurs sont importants pour la détermination
des prix et des rendements, ils peuvent affecter substantiellement et de façon
persistante les valeurs fondamentales des actifs. Ces hétérogénéités conduisent à ce
qu'on appelle des anomalies sur les marchés financiers.
Anomalies
L'effet week-end
L'effet week-end fait référence au fait que le taux de rendement quotidien de certains
titres ou indices boursiers est systématiquement plus bas entre le cours de clôture du
vendredi et le cours d'ouverture du lundi par rapport aux autres jours de la semaine.
Une explication qui a été souvent avancée de l'effet week-end est que les entreprises et
le gouvernement distribuent les bonnes nouvelles entre le lundi et le vendredi, mais
attendent le week-end pour annoncer les mauvaises nouvelles. Une mauvaise nouvelle
annoncée le week-end est donc reflétée dans une baisse du prix le lundi matin.
Dans un marché efficient, certains investisseurs devraient mettre en œuvre une
stratégie d'investissement permettant de profiter de cette anomalie. Par exemple, ils
devraient vendre le titre le vendredi (quand le prix est haut) et le racheter le lundi
(quand le prix est bas). Pour que les investisseurs dégagent un rendement anormal, il
faut supposer que le profit anticipé dépasse les coûts de transaction et la rémunération
du risque. Un tel comportement devrait conduire à une élimination de l'anomalie,
puisque le prix devrait baisser le vendredi et augmenter le lundi.
Anomalies
L'effet week-end
Estimation menée à partir des rendements quotidiens pour l’indice CRSP (Etats-Unis)
entre janvier 1963 et décembre 1998. La semaine du Black Monday (19 octobre 1987,
environ -23% pour l’indice américain) a été supprimée.
1963-1998
Rendement
t-stat
1963-1987
Rendement
t-stat
1988-1998
Rendement
t-stat
Lundi
Mardi
Mercredi
Jeudi
Vendredi
-0,056
1,745
0,061
1,853
0,105
1,838
0,036
1,821
0,093
1,808
-0,123
-4,129
0,038
1,718
0,118
5,029
0,062
2,844
0,107
5,193
0,096
2,560
0,114
3,680
0,077
2,780
-0,019
-0,059
0,063
1,790
Source : Brusa, Liu, Schulman (2004), « Weekend Effect, "Reverse" Weekend Effect, and Investor Trading
Activities »
Anomalies
L'effet week-end
Que se passe-t-il ?
- L’effet week-end (rendement négatif le lundi) existe sur toute la période et sur la
période avant le crash de 1987, mais s’inverse après le crash de 1987.
- Parallèlement, on a observé un basculement du comportement des investisseurs.
La part des investisseurs individuels a diminué sensiblement (90% dans les
années 50 à moins de 50% dans les années 90). La part des investisseurs
institutionnels a augmenté de 8% à plus de 40% dans le même temps.
- Les investisseurs institutionnels ont tendance à investir plus naturellement dans
les titres les plus liquides. Or l’effet « week-end inversé » est nettement plus
marqué pour les firmes les plus liquides, mais on n’a pas d’effet inversé pour les
petites firmes. Il semble donc que cette inversion soit liée au changement de
composition dans l’actionnariat des grandes firmes et à un comportement
différent des investisseurs individuels et institutionnels.
Anomalies
L'effet janvier
L’effet janvier est un phénomène similaire à l'effet week-end. Le taux de rendement
quotidien apparaît inhabituellement élevé lors des premiers jours de janvier.
Une explication du phénomène repose sur les ventes d'actions en fin d'année. Ces
ventes ont pour objectif de réaliser les pertes en capital sur certains titres, afin de
compenser les gains en capital obtenus sur d'autres titres au cours de l'année (window
dressing). L'intérêt est alors de réduire le montant de l'impôt sur les plus-values. En
janvier, les investisseurs reconstituent leur portefeuille d'équilibre et rachètent les titres
qu'ils ont vendus en décembre.
Si l'hypothèse d'efficience est valide, cet effet janvier devrait conduire les investisseurs
qui ne paient pas d'impôts (comme les fonds de pension) à acheter en décembre quand
les prix sont bas et à vendre en janvier quand les prix remontent, de façon à éliminer
des opportunités d'arbitrage. L'effet janvier semble se produire au cours des cinq
premiers jours de janvier et se concentrer plus surtout sur les petites entreprises.
Anomalies
L'effet janvier
Estimation menée à partir des rendements quotidiens pour l’indice CRSP (Etats-Unis)
entre janvier 1963 et décembre 1982.
Ratio de Sharpe
t-stat de la différence par
rapport à janvier
Janvier
0,259
Février
-0,014
6,54
Mars
0,026
5,87
Avril
0,038
5,25
Mai
-0,072
8,41
Juin
-0,055
7,98
Juillet
-0,008
6,74
Août
-0,005
6,73
Septembre
0,012
6,13
Octobre
-0,041
7,63
Novembre
0,031
5,81
Décembre
0,022
6,07
Source : Rathinasamy, Mantripragada (1996), “The January size effect revisited: Is it a case of risk mismeasurement?”
Anomalies
L'effet taille
De nombreuses études ont montré que le rendement est inversement lié à la
capitalisation boursière des actions. Les entreprises de petite capitalisation ont en
moyenne un rendement supérieur à la moyenne.
Selon les modèles d'équilibre usuels (comme le MEDAF), comme les petites
entreprises sont plus risquées, elles devraient rapporter un rendement supérieur aux
grandes entreprises de façon à rémunérer le risque lié à la détention de leurs actions.
Or, même une fois ajusté du risque, le rendement des petites entreprises reste excessif.
Pour l’essentiel, l’effet taille joue surtout au mois de janvier. De ce fait, les deux effets
janvier et taille sont largement liés. En fait, les petites firmes ont un ensemble de
caractéristiques qui rendent difficiles d’identifier la source de cette anomalie :
- les petites firmes font l’objet de peu de recherche et communication, ce qui les
rend plus risquées pour les investisseurs.
- elles sont aussi moins liquides, donc le risque de ne pas pouvoir revendre les
titres des petites firmes est plus élevé.
Anomalies
L'effet taille
Estimation menée à partir des rendements quotidiens pour l’indice CRSP (Etats-Unis)
entre janvier 1986 et décembre 1990.
Portefeuilles classés
selon la taille
1 (plus grandes entreprises)
2
3
4
5
6
7
8
9
10 (plus petites entreprises)
Excès de rendement moyen
( µ p − rf )
-2,59
-1,78
-1,70
-0,97
-0,82
-0,67
-1,06
-0,73
-0,64
-0,65
Risque total
(σ )
14,65
14,01
13,52
12,05
11,45
11,11
11,16
10,14
10,17
10,45
Source : Elfakhani et Zeher (1998), “Differential information hypothesis, firm neglect and the small firm size effect”.
Anomalies
Les fonds d'investissement à capital fermé
Les fonds d'investissement à capital fermé émettent un nombre fixe d'actions lors de
leur création et ces actions peuvent faire l'objet d'échanges sur le marché boursier. Or
la principale activité des fonds à capital est de détenir des titres, eux-mêmes
généralement cotés sur le marché. La valeur du fonds devrait donc être égal à la valeur
de marchés des titres détenus par le fonds.
On observe en général que les actions des fonds à capital fermé s'échangent à un prix
moindre que leur valeur de marché. Cette anomalie est contraire à l'efficience des
marchés. Un investisseur pourrait en effet acheter des actions du fonds à un prix faible
et, dans le même temps, vendre un portefeuille contenant les titres dans les mêmes
proportions que le fonds. L'investisseur s'assurerait ainsi un gain sans risque égal à la
sous-évaluation du fonds.
Anomalies
Les fonds d'investissement à capital fermé
Toutefois, plusieurs raisons peuvent être avancées pour expliquer une telle sousévaluation des fonds à capital fermé. Tout d'abord, les membres du fond devraient
payer des impôts (sous forme d'impôts sur les plus-values), si le fonds vendait les titres
après qu'ils se soient appréciés. Cet impôt potentiel justifie que le fonds se paie un prix
moindre que la valeur de marché des actifs sous-jacents.
De plus, certains des actifs des fonds à capital fermé ne sont pas échangeables sur le
marché (ou ont des capitalisations très étroites). En outre, la rémunération des
gestionnaires du fonds justifie une sous-évaluation du fonds.
Il n'en reste pas moins que ces explications sont sans doute insuffisantes pour expliquer
la forte sous-évaluation observée des fonds à capital fermé.
Anomalies
The Winner's Curse
Il existe une autocorrélation négative forte pour les rendements des titres qui ont connu
des mouvements de prix extrêmes (en particulier, ceux qui ont connu une forte baisse).
Ainsi, pour certains titres, il existe un retour à la moyenne du prix. Les rendements
sont donc partiellement prévisibles. La question, du point de vue de l'efficience, est
« une telle prévisibilité peut-elle conduire à des profits nets des coûts de transaction et
du risque positifs? ».
De Bondt et Thaler (1985) ont pris 35 des titres ayant le plus progressé (winners) et 35
des titres ayant le plus chuté (losers) au cours des cinq années de janvier 1928 à
décembre 1932 (à partir des rendements mensuels du NYSE). Ils ont formé deux
portefeuilles distincts de ces titres. Ils suivent ces sociétés au cours des cinq années
suivantes (période de test). Ils répètent l'exercice 46 fois, en avançant la date de départ
d'une année à chaque fois. Finalement, ils calculent la performance moyenne sur la
période de test (en écart au rendement du NYSE), en affectant un poids égal à chacun
des 35 titres.
Anomalies
The Winner's Curse
Les principaux résultats sont les suivants :
- le retour à la moyenne sur cinq ans du prix du portefeuille perdant (excès de
rendement d'environ 30%) est supérieur à celui du portefeuille gagnant (−10%).
- l’excès de rendement du portefeuille perdant est obtenu surtout en janvier.
- le rendement des portefeuilles retourne vers sa moyenne.
Remarque : le portefeuille perdant (dont les prix ont chuté fortement dans le passé) est
en fait celui qui réalise le plus grand gain dans le futur. Une stratégie d'arbitrage
consistant à vendre le portefeuille gagnant et à acheter le portefeuille perdant conduit à
un profit annuel supplémentaire de l'ordre de 5 à 8% (De Bondt et Thaler, 1989).
Une explication de ce résultat est que le risque perçu diffère beaucoup du risque réel.
Le risque perçu du portefeuille perdant est jugé élevé, ce qui nécessite un excès de
rendement important dans le futur, pour qu'un investisseur accepte de le détenir.
Anomalies
Interprétation
La plupart de ces anomalies mettent en évidence le résultat suivant :
- les anomalies se produisent essentiellement pour les petites firmes, c’est-à-dire
les firmes dans lesquelles les investisseurs institutionnels investissent très peu.
- cela suggère qu’il existe deux types d’agents :
* les investisseurs institutionnels (fonds de pension, fonds d’investissement)
ont un comportement rationnel, donc les grandes firmes dans lesquelles ils
investissent ont de bonnes chances de vérifier l’hypothèse d’efficience ;
* les investisseurs individuels ont un comportement qui peut s’éloigner de la
rationalité (noise traders). Les petites firmes dans lesquelles ils sont
susceptibles d’investir ont un comportement peu compatible avec
l’efficience.
Noise traders
L'hypothèse d'efficience n'impose pas que tous les intervenants sur le marché soient
parfaitement rationnels. Ce qui est nécessaire, c'est que la proportion d'investisseurs
rationnels soit suffisante pour assurer que la valeur fondamentale d'un actif est
effectivement le niveau d'équilibre du prix.
Supposons que certains investisseurs irrationnels (noise traders) fixent comme prix
d'un actif Pt < Vt . Les investisseurs rationnels vont alors chercher à éliminer toutes les
opportunités d'arbitrage présentes sur le marché en prenant des positions sans risque.
Ils vont donc investir dans cet actif de telle sorte que le prix Pt augmentera vers sa
valeur fondamentale Vt . Cependant, si la proportion des noise traders est importante
sur un marché, il se peut que le prix diverge durablement de la valeur fondamentale.
Supposons maintenant que des arbitragistes vendent à terme des actions qui
apparaissent trop chères par rapport aux fondamentaux ( Pt > Vt ). Ils anticipent donc
qu'ils pourront racheter le titre plus tard, quand son prix aura baissé, lors de son retour
vers sa valeur fondamentale. Comme tous les arbitragistes agissent de cette façon, le
prix doit baisser compte tenu de l'excès de ventes.
Noise traders
Les arbitragistes font en fait face à deux types de risque.
- les dividendes pourraient être « meilleurs que prévus » et donc le prix de l'action
pourrait encore monter. C'est ce qu'on appelle le risque fondamental.
- des noise traders peuvent, par leur comportement irrationnel, accroître encore le
prix de l'action, de sorte que les arbitragistes font également face à un risque de
perte en capital : le risque de noise traders.
Le risque encouru en prenant une position d'arbitrage n'existe que parce que les
arbitragistes ont un horizon fini. En effet, les prix finiront bien par retourner vers leur
valeur fondamentale et donc les arbitragistes feront in fine un profit. Toutefois, les
prises de position des arbitragistes ont un coût (coût des emprunts) qui rend de moins
en moins profitables ces prises de position.
Donc, l’existence d’agents non rationnels n’est pas suffisante en elle-même pour
rendre les marchés inefficients, car les agents rationnels (arbitragistes) devraient tirer
avantage de ces opportunités de profit et faire en sorte que le prix revienne vers sa
valeur fondamentale. C’est en fait la capacité d’action limitée des arbitragistes qui rend
les marchés inefficients.
Noise traders
La finance comportementale (behavioral finance) a cherché à identifier les
principales caractéristiques d’un comportement non rationnel.
- la confiance excessive : les investisseurs tendent à surestimer la précision de
leurs prévisions. Par exemple, 90% des conducteurs se jugent meilleurs que la
moyenne. Cette confiance excessive entraîne que les investisseurs ont tendance à
privilégier la gestion active plutôt que la gestion passive.
Exemple : comparaison du mode de gestion des hommes et des femmes (étude de
Barber et Odean, 2001) : les hommes (notamment célibataires) ont tendance à avoir
une gestion plus active que celle des femmes. Or, une forte activité est en général
annonciatrice de piètres performances. Ainsi les 20% de comptes les plus actifs ont
dégagé un rendement moyen de 7 points de moins que les 20% de comptes les moins
actifs. Leur conclusion : « Trading is hazardous to your wealth ».
- le conservatisme : les investisseurs sont trop lents à mettre à jour leurs
croyances ou leurs prévisions en réponse à des informations nouvelles. Ils sousréagissent en général aux nouvelles.
Noise traders
- le mimétisme : intuitivement, un investisseur agit par mimétisme quand il est
prêt à effectuer un placement donné en ignorant les décisions des autres investisseurs,
mais qu’il change d’avis lorsqu’il constate que les autres investisseurs ont renoncé à ce
placement.
Exemple : certains investisseurs détiennent une information privée sur le
rendement du placement envisagé. On choisit donc délibérément d’agir comme eux, de
façon à bénéficier de leur information privée.
Remarque : La finance comportementale permet d’expliquer certaines des anomalies
observées sur les marchés financiers. Elles proviennent essentiellement du
comportement non-rationnel des investisseurs. Toutefois, cette théorie est peu utile
pour comprendre comment exploiter les opportunités de profit.
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