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LA DÉMONSTRATIONSUJET 20
Le sujet
La culture
La raison et le réel
La politique
La morale
Sujets d’oral
Les titres en gras servent à guider la lecture et ne doivent en aucun cas
figurer sur la copie.
Introduction
La science a pu affirmer pendant des siècles avec le système ptoléméen que
le Soleil tournait autour de la Terre. Il a fallu attendre la révolution coperni-
cienne pour démontrer l’inverse. Les deux systèmes ont chacun revendiqué
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en leur temps leur scientificité, pourtant seul le dernier atteint la vérité.
Comment distinguer alors le savoir, d’une croyance qui se prétend science ?
C’est pour répondre à cette question que Nietzsche dans cet extrait de
Humain, trop humain, affirme la primauté de la méthode sur les résultats
scientifiques. En effet, une conclusion dont on ne peut retrouver le chemi-
nement peut s’apparenter à une simple opinion. Il faut se méfier de
l’instruction sans pratique scientifique car elle peut produire des convictions
aptes à nourrir les pires fanatismes, tant scientifiques que politiques.
1. En science, la méthode est aussi importante
que les résultats
A. La scientificité d’un résultat dépend de sa méthode
Un problème en science peut souvent se présenter comme une énigme et
prendre la forme d’un exercice ludique. Comme une devinette, on peut
vouloir en mathématique chercher la réponse, en particulier en calcul. Mais
les étudiants le savent bien, ce qui intéresse leur professeur est la manière
dont ils obtiennent le résultat : la démonstration.
Si l’on demande par exemple combien pèse un cachet d’aspirine, on doit
chercher et obtenir un certain résultat. Le simple fait de se souvenir que
dans sa pharmacie ils faisaient tous un gramme ne suffit pas pour réussir
son examen ; tout au plus cette indication éveille le bon sens nécessaire
pour vérifier si le résultat n’est pas inepte.
B. L’oubli de la méthode renvoie à la superstition
Ainsi lors d’une « recherche » scientifique, la méthode obtenue est aussi
« importante » que le résultat. Nietzsche s’explique à l’aide d’un raisonne-
ment par l’absurde. Si la science ne gardait que ses résultats sans les
méthodes qui leur sont associées, alors la science ne serait plus qu’une
« recrudescence de la superstition et de l’absurdité », et de ce fait elle se
trahirait elle-même.
En effet elle doit se placer non pas dans le domaine subjectif de la foi, mais
dans le domaine objectif du savoir, et pour cela elle doit faire preuve de
logique et de cohérence, qui sont des caractéristiques de la rationalité. La
foi s’appuie sur les facultés subjectives de la sensibilité, des sentiments et
de l’imagination, et même du désir puisque selon Spinoza la superstition
serait l’expression d’un désir ignorant ; le savoir en revanche doit s’appuyer
sur la faculté universelle qu’est la raison. Descartes dit en ce sens que le
bon sens est la chose la mieux partagée. Si la science négligeait la
méthode, elle tomberait dans le domaine de la croyance et serait en pleine
contradiction avec elle-même.
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Ainsi l’auteur porte un jugement de valeur sur la scientificité d’une
discipline : elle ne dépend pas seulement de la véracité du résultat, mais de
la méthode employée pour l’obtenir. Si l’on oublie celle-ci, le résultat risque
de perdre sa scientificité. Mais en quoi, une fois le résultat obtenu scientifi-
quement, la science est-elle menacée ?
2. L’instruction sans la pratique scientifique reste
insuffisante pour se préserver de la croyance
A. L’instruction n’est pas l’esprit scientifique
Une science désigne une discipline prétendant détenir des connaissances
exactes, objectives (indépendamment de nos idées ou représentations sub-
jectives). Une loi scientifique établit une relation permanente et universelle
de cause à effet entre des phénomènes. Mais l’histoire de la science n’est
pas l’histoire de la connaissance : elle avance grâce aux erreurs qu’elle fait
puis elle les rectifie. Par exemple le système de Ptolémée (faux, mais scien-
tifique à son époque) n’empêchait pas de faire des prédictions sur les
éclipses ou autres phénomènes cosmiques, même s’il a fallu attendre
Copernic pour passer du géocentrisme à l’héliocentrisme.
En ce sens, l’intelligence d’un homme ne se calcule pas aux nombres de
connaissances accumulées, à la quantité de résultats appris (il s’agirait
plus ici de ce que l’on appelle un singe savant), mais à son « esprit scienti-
fique ». Celui-ci permet d’avoir une « méfiance instinctive pour les
aberrations de la pensée », c’est-à-dire des productions intellectuelles,
théoriques, qui ne s’arrêtent pas à des idées toutes faites, fausses, de
simples opinions, autrement dit à ne pas « recevoir » certaines idées, à ne
pas accepter certaines « idées reçues » ! L’esprit scientifique, proche de
l’esprit philosophique tel que le définit la tradition socratique, consiste à ne
pas figer sa pensée, mais à continuer à questionner toute affirmation tant
qu’elle n’est pas démontrée, c’est-à-dire tant qu’elle n’est pas accompa-
gnée de la méthode qui a permis de l’établir. Comment s’acquiert cet esprit
scientifique qui évite de se fourvoyer ? Par « un long exercice », c’est-à-dire
par la répétition de la méthode qui a permis d’atteindre le résultat : en
science pour Nietzsche, le processus (la recherche) est aussi important que
le produit (la découverte).
B. L’éducation ne doit pas être que la transmission
d’une somme de connaissances
Il en résulte que l’esprit scientifique, l’intelligence, est bien plus la capacité à
comprendre les choses, une compétence transférable à tout objet, qu’une
somme de savoirs, de théories déjà digérées qui ne peuvent servir à
comprendre d’autres choses. En ce sens, Montaigne affirme qu’en matière
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d’éducation, il vaut mieux préparer à avoir une « tête bien faite, qu’une tête
bien pleine ».
L’éducation, à la différence de la simple instruction, consiste à former un
homme capable de penser et d’agir par lui-même. Il lui faudra certes pour
cela disposer des références que fournit la culture. Mais seule la puissance
du jugement éclairé peut donner sens et réalité à ce projet. L’érudition ne
saurait suffire à construire l’autonomie rationnelle de la personne.
Comprendre, ce n’est pas seulement se souvenir, et l’on peut « apprendre
par cœur » sans avoir l’intelligence réelle des choses ainsi « apprises ».
Quant aux savoirs, ils ne peuvent s’accumuler sans ordre à la façon d’objets
inertes transmis rangés. Il ne s’agit donc pas de s’en remplir comme on
remplirait un vase, mais de s’en nourrir intérieurement, pour façonner cette
puissance de jugement qui fonde réellement la lucidité. Comment alors
s’instruire en échappant à cet apprentissage mécanique qui ne permet pas
de penser réellement ?
3. Chacun devrait donc étudier en profondeur
au moins une science
A. Pour éviter tout fanatisme, même en politique,
il faut pratiquer une science
Pour acquérir « l’esprit scientifique », Nietzsche préconise de « connaître à
fond au moins une science ». Si cette affirmation prend la forme d’un impé-
ratif pratique, c’est que l’absence d’esprit scientifique peut être dangereux
pour la science, mais aussi en politique. En effet, l’esprit scientifique semble
protéger du fanatisme. Celui-ci consiste à défendre avec un zèle excessif
une idée non scientifique à laquelle on croit passionnément. Il s’appuie sur
une « conviction », et la conviction traduit souvent une grande fermeté dans
le jugement et passe pour une grande qualité.
Or ces convictions, quand elles portent sur des résultats dont on a oublié le
cheminement, sont en réalité la marque d’une faiblesse, d’un aveuglement
buté. Cet enthousiasme qui consiste à s’échauffer pour la « première fan-
taisie qui […] passe par la tête » repose sur la confusion entre la vérité et le
vraisemblable, ce qui n’en a que l’apparence. En ce sens, un individu ins-
truit de résultats scientifiques sans être capable de les retrouver par lui-
même, peut se montrer plus dangereux qu’un ignorant qui, lui, n’introduira
pas d’idées fausses puisqu’il n’en a aucune. Seule la pratique d’une science
en profondeur permet d’apporter de la prudence face aux convictions
destructrices.
B. Le bon sens peut conduire aux pires vices
Le scientisme consiste à croire que seule la science est capable de
résoudre l’ensemble des problèmes. Mais lorsqu’on utilise uniquement des
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résultats en les appuyant par cette phrase, « c’est scientifiquement
prouvé », sans en révéler l’origine, on les fait fonctionner comme des argu-
ments par autorité. La publicité s’approprie très souvent cette démarche.
C’est une forme de sophisme que l’on peut alors utiliser dans le domaine de
la morale comme de la politique, le vernis culturel encourageant d’autant
plus l’adhésion de celui qui se laisse convaincre.
Si Descartes affirme que le bon sens est la chose la mieux partagée, que
tout le monde est pourvu d’une raison, il ajoute que l’usage qui en est fait
diffère d’un individu à l’autre. Pour lui, « les plus grandes âmes sont capa-
bles des plus grands vices, aussi bien que des plus grandes vertus ». En
effet, la capacité à bien se conduire et à bien penser ne repose pas sur la
possession plus ou moins grande de la raison mais, l’ayant tous, sur l’usage
plus ou moins bon que l’on en fait pour distinguer le bien du mal, et le vrai
du faux. Cet usage désigne la manière que l’on va choisir pour arriver à ses
fins, c’est-à-dire le chemin que l’on va prendre. En ce sens, on retrouve
l’importance de la méthode, dont l’étymologie n’est autre que méta-odos, le
« chemin vers ».
Conclusion
Ainsi, en partant de la distinction entre méthode et résultat scientifiques,
Nietzsche définit le véritable « esprit scientifique » comme capacité à porter
un jugement éclairé par un savoir, mais un savoir compris, que l’on s’est
approprié par la pratique d’une science.
Seule cette formation permet de se prémunir du fanatisme qui fait passer
des convictions pour des énoncés scientifiques, et cela dans des domaines
qui dépassent même celui de la science.
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