Civisme et démocratie – CIDEM
Marie le Jars de Gournay ( 1565-1645 )
Lithographie du 19ème siècle réalisée
à partir d'un dessin de N. H. JACOB
conservé à la bibliothèque de Bordeaux
Fille d’un secrétaire de la chambre du roi, mort alors qu’elle avait douze ans, aînée de six
enfants, Marie de Gournay eut peine à imposer à sa mère de lui faire apprendre le latin et
le grec. A dix-huit ans, enthousiasmée par la lecture des Essais de Montaigne, elle écrit à
l’auteur dans l’espoir de le rencontrer lors d’un voyage à Paris : « Il vint la voir et la
remercier dès le lendemain, écrit-elle dans son autobiographie, lui présentant l’affection et
l’alliance de père à fille » . En 1588, elle devint sa « fille d’alliance » et en quelque sorte sa
secrétaire, l’aidant à corriger les épreuves de la seconde édition des Essais. Montaigne
l’incita à écrire elle-même. Un humaniste admirateur de Montaigne et professeur à
Louvain la loua en ces termes : « Se peut-il que tant de pénétration et un si solide
jugement, pour ne pas dire tant d’esprit et de savoir, se montrent dans un sexe si différent
du nôtre ? » Après la mort de Montaigne, Marie se fit son exécutrice testamentaire. Elle
s’occupa de son œuvre, en particulier en 1595 d’une édition remaniée, enrichie et
préfacée des Essais. La veuve et la fille de l’auteur la reçurent à Montaigne.
Après un voyage aux Pays-Bas et en Belgique, Marie obtint une pension du roi ;
son indépendance affichée, le pédantisme dont on l’accusait et ses activités d’alchimiste
suscitèrent l’animosité jusqu’à lui valoir un procès en sorcellerie. Elle se mêla aussi des
polémiques littéraires de son temps, défendant Ronsard contre Malherbe, le grand XVIe
siècle contre le classicisme naissant ; elle comprenait mal la préciosité et « le train des
donzelles à bouche sucrée ». Comme Christine de Pisan, elle décida de faire profession
d’écrire ; outre un traité de pédagogie remis au roi en 1600 sous le titre De l’Éducation
des enfants de France, elle produisit un écrit théologique, sorte de défense des jésuites
après la mort du roi. Marie de Gournay fut l’une des premières femmes de lettres
françaises, à la fois reconnue et décriée comme femme.
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