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Cette note a été réalisée en collaboration avec
Vincent Hirsch et Julien Molesin
Etudiants dans le Master Economics and Public Policy de l’Ecole Polytechnique, de l’Ecole Nationale
de la Statistique et de l’Administration Economique (ENSAE) et de Sciences-Po.
La réforme de l’hôpital
1) Ce qui a changé
Le candidat Sarkozy était resté vague sur ses volontés de réformes de l’hôpital. Il avait juste
annoncé vouloir libérer les professionnels « étouffant sous le poids de la bureaucratie ».
Dans les années précédant sa prise de fonction comme président de la République, les
établissements de santé avaient connus de profondes évolutions. Ainsi l’ordonnance n°2005-406
du 2 mai 2005 avait mis en place les « pôles d’activité » (comme par exemple l’anesthésie-
réanimation ou la chirurgie maxillo-faciale) au sein des hôpitaux, afin de préparer au passage à la
« tarification à l’activité » (T2A). Avant 2005, chaque établissement hospitalier bénéficiait d’une
dotation globale qui évoluait indépendamment de l’activité de l’établissement puisqu’elle n’était
jamais revue à la baisse. La tarification à l’activité introduite progressivement à partir de 2005 vise
à rapprocher l’allocation des ressources dévolue à un établissement de son activité. Le principe de
base de la T2A consiste à payer les établissements en fonction de leur activité mesurée sur des
« groupe homogène de malades » (GHM). La mise en place de la T2A s’est poursuivie pendant le
quinquennat, mais il ne s’agit pas d’une réforme impulsée par Nicolas Sarkozy. Nous reviendrons
plus longuement dans la troisième partie sur ce mode de fixation des tarifs hospitaliers qui a été
adopté, avec des variantes, par un grand nombre de pays.
La nouveauté du quinquennat touche à la gouvernance de l’hôpital. C’est un des principaux
objets de loi portant « réforme de l’hôpital et relatif aux patients, à la santé et aux territoires »,
plus connue sous le nom de loi HPST, et qui est la principale loi du quinquennat dans le domaine
de la santé.
La Loi HPST et la réforme de la gouvernance hospitalière
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La loi HPST, adoptée le 21 juillet 2009, fait suite à une réflexion déjà ancienne concernant
l’évolution de l’offre de soins, autant dans le secteur hospitalier qu’ambulatoire. Elle est issue
notamment du rapport de Gérard Larcher
1
, remis au Président de la République en avril 2008
2
.
La gouvernance des hôpitaux est un sujet largement controversé tant dans la communauté
hospitalière que dans la société civile. La loi HPST entendait accroître les capacités de décisions
des différents niveaux hiérarchiques de l’hôpital. Les établissements de santé se trouvent ainsi
dotés d’un conseil de surveillance qui remplace le conseil d’administration. Le conseil de
surveillance est composé d’élus locaux, de représentants du personnel et de personnalités
extérieurs qualifiées. A sa tête se trouve un directeur assisté d’un directoire majoritairement
composé de représentants du corps médical. Cette nouvelle architecture est destinée à séparer les
activités de gestion, assurées par le directoire et le directeur d’établissement, de la surveillance de
l’activité de l’établissement, assumée par le conseil de surveillance. Selon les propos de Nicolas
Sarkozy, le directeur de l’hôpital devait être « le vrai patron » (et le seul) de l’hôpital.
En réalité le directeur de l’hôpital doit partager ses pouvoirs avec le président de la
Commission Médicale d’Etablissement (CME) qui est l’instance représentative de la communauté
médicale (médecins, sages-femmes, pharmaciens, etc.). La loi HPST renforce ses compétences en
matière consultative et accroît son droit à l’information sur l’activité et l’orientation de
l’établissement. Ainsi, elle lui confie la mission d’établir le projet médical de l’établissement.
Précédemment, la CME était appelée à préparer avec le directeur la politique d’amélioration de la
qualité et de la sécurité des soins, notamment en ce qui concerne les dispositifs de vigilance, la
lutte contre les infections nosocomiales et la définition de la politique du médicament. La loi
HPST n’énumère plus le champ d’action de la CME, et offre donc plus de souplesse dans
l’élaboration de la politique à mener au sein des hôpitaux. De fait, la CME se pose en
commission incontournable pour le directeur qui peut difficilement ne pas suivre ses
recommandations, sauf à risquer de braquer la communauté médicale contre lui. D’ailleurs, le
président de la CME (un médecin donc) est aussi le vice-président du directoire, il est donc
officiellement le numéro deux de l’hôpital. Au total, la réforme n’a pas modifié substantiellement,
ni le rôle, ni les compétences de la CME.
La Loi HPST et la territorialisation
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Rapport de la commission de concertation sur les missions de l’hôpital, avril 2008,
http://www.sofcot.fr/Data/ModuleGestionDeContenu/application/652.pdf
2
Pour plus de précisions sur la loi HPST, voir La loi HPST à l’hôpital, les clefs pour comprendre,
http://www.sante.gouv.fr/IMG/pdf/vademecum_loi_HPST.pdf
3
Afin d’accroître l’efficience du secteur hospitalier, un des premiers objectifs de la loi
HPST était de « territorialiser » la production des soins, et donc d’insérer les hôpitaux dans
l’ensemble des acteurs de la chaîne de soins d’un territoire. Une des innovations majeures de la loi
HPST est la création le 1er avril 2010 des Agences Régionales de Santé (ARS) qui ont pour but «
d’assurer un pilotage unifié de la santé en région, de mieux répondre aux besoins de la population
et d’accroître l’efficacité du système »
3
. Le directeur de chaque ARS est nommé par le
gouvernement, par exemple le directeur de l’ARS Ile-de-France est l’ancien ministre de la santé
Claude Evin. Les ARS ont pour rôle de mettre un terme au cloisonnement public/privé au
travers des Communautés Hospitalières de Territoire (CHT)
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et d’améliorer la coordination entre
secteur hospitalier et secteur ambulatoire au moyen des « projets régionaux de santé »
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. Ces
derniers sont censés coordonner les acteurs régionaux de la chaîne de soins (pharmacie
d’officines, secteur ambulatoire et établissements de santé). Ils établissent les objectifs de santé
au niveau régional et coordonnent l’action médicale dans la région avec la Protection Maternelle
et Infantile (PMI), la médecine du travail et la médecine scolaire et universitaire.
Outre une mission d’inspection sanitaire et de formation des personnels, les ARS accèdent
aussi à un rôle de régulateur de l’offre de soins. Elles ont ainsi la lourde tâche de restructurer ou
de fermer certains établissements si nécessaires, afin de réduire les inégalités territoriales.
La contractualisation, levier d’une meilleure répartition médicale
Outre les « projets régionaux de santé », les ARS deviennent les artisans principaux des
Contrats Pluriannuels d’Objectifs et de Moyens (CPOM) qui contractualisent la politique de santé pour
les établissements hospitaliers. Différents champs sont concernés par ces contrats négociés sous
l’égide des ARS, mais il s’agit principalement de la répartition de l’offre de soins au sein des
territoires -- via les « contrats d’engagements de service public » -- et de la qualité et la
coordination des soins au sein des territoires -- via les « contrats d’amélioration de la qualité des
soins ».
3
On trouvera plus de précisions sur le site des ARS http://www.ars.sante.fr/Portail-des-Agences-
Regionales.portail.0.html
4
Le rapport sur la mise en application de la loi 2009-879 du 21 juillet 2009 portant réforme de l’hôpital et relative aux
patients, à la santé et aux territoires, remis à l’Assemblée Nationale par Christian Paul et Jean-Marie Rolland le 30 mars
2011 indiquait qu’une seule CHT avait était mise en place jusque-là. http://www.assemblee-nationale.fr/13/pdf/rap-
info/i3265.pdf
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L’article L 6111-1 du code de la santé publique tel qu’institué par la loi HPST prévoyait ainsi que les établissements
de santé « participent à la coordination des soins en relation avec les membres des professions de santé exerçant en
pratique de ville et les établissements et services dico-sociaux, dans le cadre défini par l’agence régionale de santé
en concertation avec les conseils généraux pour les compétences qui les concernent. » (art. L 6111-1 CSP).
4
Ces contrats destinés au secteur hospitalier comportent différents mécanismes incitatifs
dont les effets attendent d’être évalués. Les « contrats d’engagements de service public » sont
destinés aux étudiants en médecine et ont pour objectif d’améliorer la répartition médicale sur le
territoire. Ainsi, les étudiants peuvent s’engager à exercer un nombre d’années données sur un
territoire ficitaire (défini et listé par les ARS) en échange d’une contribution financière versée
durant l’ensemble de leurs études et comportant un certain nombre d’engagements : à l’issue des
épreuves d’internat, le bénéficiaire doit choisir un site médical déficitaire dans sa spécialité, et le
lieu de sa première installation doit être choisi sur une liste définie par les ARS. Le
remboursement de l’allocation est prévu en cas de non-respect des engagements pris. Pour
l’année 2010-2011, 200 contrats d’engagement de service public ont été signés sur les 400
proposés, un bilan donc fort modeste.
Les « contrats d’amélioration de la qualité des soins » sont signés entre les ARS et les
acteurs de la chaîne de production des soins et définissent un certain nombre d’objectifs à
atteindre par exemple en termes de vaccination des populations à risque pour la grippe ou de
prise en charge de la maladie d’Alzheimer. Ces contrats sont assortis d’incitations financières,
négociées entre les ARS et les acteurs du système de santé.
Au terme de la réforme HPST, l’ARS devient donc le principal pilote du système de santé
régional. Mais il est encore trop tôt pour savoir si la réforme est parvenue à réduire les inégalités
territoriales d’accès aux soins.
2) A l’étranger
Allemagne : un système décentralisé ouvert très largement au marché
En Allemagne, l’Etat Fédéral définit un cadre réglementaire global mais ce sont les Länder et
les municipalités qui assument principalement la responsabilité financière du système hospitalier.
Les Länder et les municipalités prennent en charge toutes les dépenses d’investissement et de
« planification hospitalière » comme, par exemple, le nombre de lits et l’orientation par spécialité
médicale. En revanche, les penses de fonctionnement (salaires, soins, entretien) sont prises en
charge par les caisses d’assurance maladie. Chaque résident sur le territoire allemand est obligé de
s’affilier à une des 450 caisses d’assurance maladie qui sont indépendantes et en concurrence
entre elles.
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Dans les hôpitaux, la tarification à l’activité a été introduite au début des années 1990 et elle
couvre tous les établissements depuis 2004. Ce système d'allocation des ressources a entraîné une
pression financière importante sur les hôpitaux publics conduisant à un déficit de l'ordre de 2
milliards d'euros en 2008. Pour beaucoup de municipalités, qui ont la responsabilité directe de la
gestion hospitalière, la privatisation est apparue alors comme une solution. La part des
établissements commerciaux à but lucratif dans l’ensemble des hôpitaux est passée de 14,8% à
27,8% entre 1991 et 2006. Cette montée de la privatisation ne s’est pas faite sans résistance. En
2004, un référendum à Hambourg a retardé d'une année la vente des hôpitaux, 77 % des votants
s'étant exprimés contre la privatisation. L’Allemagne occupe aujourd’hui la deuxième place du
classement européen pour la part des hôpitaux privés à but lucratif (derrière la France). Le secteur
public représente désormais 32% des établissements (50% de la capacité d’accueil) contre 46% en
1991, le secteur privé non lucratif 38% (35% de la capacité) et le privé lucratif 30% (15% de la
capacité). En réalité, plus de la moitié des établissements publics (53,5%) sont des groupements
public-privé dont la commune ou l’Etat détient au moins 51% des parts.
Dans le domaine de la médecine de ville, les caisses financent les dépenses courantes et à ce
titre contractent avec les unions professionnelles de médecins libéraux pour organiser les soins
primaires, c’est-à-dire les premiers soins ambulatoires qui précédent des interventions plus
lourdes (voir la note sur la médecine de ville sur le site de l’observatoire du quinquennat). Dans le
domaine hospitalier, les caisses d’assurance négocient avec les établissements qui sont mis en
concurrence à la fois sur le volume et la nature des soins. Il n’y a donc pas de tarif universel,
chaque établissement possède sa propre grille tarifaire. Cela s’applique aussi aux salaires qui ne
sont plus fixés par les grilles de la fonction publique, mais sont négociés dans chaque hôpital.
Royaume-Uni : régulation et incitation
Le National Health Service (NHS) a vu le jour après la seconde guerre mondiale dans la
foulée du rapport publié par Lord Beveridge qui dégageait les principes clés de l’organisation du
système de santé : universalité, généralité et uniformité des prestations. Les établissements publics
étaient alors dans une situation de quasi-monopole pour l'offre de soins, la plupart des structures
étant contrôlées par le NHS. Ce dernier est financé par les impôts et non par les cotisations
sociales. Encore aujourd’hui, les soins de médecine générale, les soins hospitaliers et tous les
soins dispensés par le NHS sont gratuits pour toutes les personnes résidant au Royaume-Uni.
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