LA LOI HPST POUR LES NULS La loi Hopital Patient Santé Territoire proposée par le tandem Sarkozy-Bachelot doit être discutée au Parlement début 2009. Elle entreprend une réforme profonde du système de santé et en particulier de l’Hôpital Public. En effet, le gouvernement estime que le poids des dépenses de santé en France est trop lourd pour l’Etat et la collectivité et que les hôpitaux publics, très largement déficitaires ,représentent une variable d’ajustement intéressante dans les comptes de l’Assurance Maladie . Le but de cet article est de souligner comment la loi HPST va modifier de manière brutale le fonctionnement des hôpitaux publics. Cette réforme est hautement politique puisqu’elle met en danger tout un pan du service public de santé, acteurs et utilisateurs. Comment l’Etat entend-il faire des économies sur l’hôpital public ? Principalement en réduisant l’offre de soins publique quitte à compromettre sa qualité : 1/ Augmenter la rentabilité et gérer l’hôpital comme une entreprise : Travail en flux tendu, occupation maximale des lits , réduction des durées de séjour, confrontation permanente des soignants et de leurs « résultats » chiffrés, passage d’une logique de moyens à une logique de résultats, rationalisation extrême du temps de travail et exigence de flexibilité. 2/ Réduire le nombre d’établissements publics : fermeture d’hôpitaux de proximité ou « reconversion » en établissements de soins de suite ou longs séjours pour personnes âgées, fusion forcées d’établissements , ou « rapprochement » avec des structures privées 3/ Réduire les effectifs humains : administratifs , paramédicaux, personnels techniques, personnel médical ; et diversifier leurs activités afin de supprimer des postes (tout le monde fait un peu de tout) 4/ Transformer le statut des médecins hospitaliers en créant des contrats de droit privé avec intéressement, rémunération proportionnelle à la rentabilité du médecin, et conditions de travail négociées de manière individuelle 5/ Développer au maximum le secteur privé sur le territoire : ouverture de cliniques en particulier obstétricales et chirurgicales, transfert des patients vers les structures privées 6/ Modifier l’attribution du budget des hôpitaux : passage d’une enveloppe globale à la « tarification à l’activité » et à la « convergence des tarifs public-privé » (questions techniques cruciales développées plus loin) Collectif Solidarité Santé – janvier 2009 – http://cjmclf.blog.fr Quels sont les risques de cette réforme ? 1/ Déshumanisation des hôpitaux par recherche permanente d’économie, de rentabilité et de résultats chiffrés, transformation de l’hôpital en « usine à soins » 2/ Surmenage des personnels et crise de vocations en particulier dans chez les infirmières et les médecins, et fuite des personnels vers le secteur privé plus confortable et moins contraignant 3/ Détérioration de l’accès aux soins : plus le secteur privé se développe , plus le reste à charge pour les patients augmente et plus les foyers fragiles reculent devant les soins, par ailleurs risque d’apparition de listes d’attente de plus en plus longue par effet d’entonnoir (demande importante, offre minimisée) 4/ Mise en concurrence déloyale entre le secteur public et le secteur privé et ghettoïsation de l’hôpital public dans lequel risquent de se retrouver les patients les plus graves (refusés par le privés) et les plus précaires (n’ayant pas accès au privé) 5/ Développement des assurances privées et des mutuelles pour couvrir le reste à charge croissant pour les familles 6/ Désengagement de l’Etat dans la garantie d’égalité d’accès aux soins : le secteur privé n’est pas tenu de rester implanté dans les territoires pas assez rentables et les cliniques représentant des placements financiers pour des grands groupes peuvent fermer du jour au lendemain (la Générale de Santé, qui gère 170 cliniques en France est cotée en bourse) 7/ Perte de confiance dans le fonctionnement solidaire de la Sécurité Sociale et perte de son sens : si l’accès au service public de santé n’est plus garanti pour tous pourquoi continuer à cotiser à la Sécu ? En conclusion Le déficit des hopitaux publics est certain et s’allourdit d’année en année, et une réforme semble nécessaire. Cependant cette réforme du service public de santé doit respecter certains principes qui sont inscrits au cœur de notre société : - liberté ( liberté de choisir son médecin selon ses moyens), - égalité ( l’accès aux soins doit être garanti à chacun selon ses besoins), - fraternité (la cotisation au système de santé se fait de manière solidaire). Avec la loi HPST, le gouvernement se cache derrière la démagogie : « si le privé dégage des bénéfice , alignons le fonctionnement du public sur celui du privé ! ». Ce raccourci est pourtant grossier , le secteur public et le secteur privé ne faisant pas le même travail, ne soignant pas les mêmes patients, n’ayant pas les mêmes objectifs. Le Collectif Solidarité Santé se prononce clairement contre cette réforme en rappelant que la santé n’est pas un bien comme les autres et que l’hôpital public ne peut être géré comme une entreprise privée : son objectif premier n’est pas de dégager des profits. Collectif Solidarité Santé – janvier 2009 – http://cjmclf.blog.fr Qu’est-ce que la tarification à l’activité (T2A) ? Il s’agit d’un mode de financement des hôpitaux, publics et privés, en place depuis la loi Hôpital 2007 Avant la T2A, les établissements recevaient une enveloppe globale de la part de l’état qui constituait un budget annuel prévisionnel . Ce type de financement n’est pas toujours adapté puisqu’un établissement a une activité variable d’une année à l’autre et le budget peut donc parfois être largement supérieur ou inférieur aux besoins réels de l’établissement. La T2A se veut un financement « réel » puisque basée sur l’activité « réelle » de l’hôpital : chaque activité médicale est « codée » par le personnel soignant à l’aide d’une classification commune à tous les établissements (chaque acte diagnostique ou thérapeutique se voit attribuer un code). Un algorithme intègre ensuite ces codes et attribue un nouveau code global synthétisant le passage du patient dans l’établissement. Ce code final correspond a une somme d’argent que recevra l’hôpital pour la prise en charge de ce patient. Par exemple : un enfant de 4 ans vient se faire opérer des amygdales et poser des yoyos pour des otites à répétition Cette activité médicale correspond au code FAFA 010 : « Amygdalectomie par dissection avec adénoïdectomie et pose bilatérale d’aérateurs trans-tympaniques ». Elle rapporte 116,47 euros à l’établissement de manière fixe, quelle que soit la réalité du déroulement du séjour de l’enfant, en particulier sa durée. Ainsi les établissements ont un intérêt direct à pratiquer des actes rapides et rentables, écartant ainsi les patients compliqués . Cette somme d’argent reçue par le service de chirurgie n’a rien à voir avec ce que paiera le patient : lui paiera pour sa durée réelle de séjour et sera remboursé en fonction du « tarif sécu ». Par ailleurs le codage des actes est fait par le personnel soignant et prend un temps non négligeable en plus de constituer un stress permanent en rendant le personnel directement responsable de la rentabilité du service (codage mal fait = argent perdu) Qu’est ce que la convergence des tarifs public-privé ? Les établissements privés reçoivent des sommes plus faibles de la part de la sécu pour la même activité (une intervention sur les amygdales codes FAFA010 rapportera moins que 116,47 euros à l’établissement privé) par contre il y aura une compensation directe de la part du patient sous forme de dépassement d’honoraires, quasiment systématiques dans le privé. La loi HPST prévoit de faire converger les tarifications d’activité entre public et privé afin d’homogénéiser les comptes de l’Assurance Maladie et de faire des économies en alignant les tarifs vers le bas. Il s’agit encore d’un coup direct porté à l’hôpital public puisque ce manque a gagné ne sera pas compensé par un dépassement d’honoraires. De plus cet écart de tarification semble justifié par les coûts de fonctionnement de l’hôpital public qui semblent évidemment plus importants dans le public que dans le privé. Collectif Solidarité Santé – janvier 2009 – http://cjmclf.blog.fr