Revue de la littérature sur les thérapies non médicamenteuses dans la maladie d’Alzheimer Mémoire de DIU d’Alzheimérologie et Pathologies Apparentées, Lyon-Reims Dr Genoveva Miriana Dedu 3 décembre 2011 Table des matières 1 Introduction 3 2 Méthodologie des synthèses prises en compte 2.1 Synthèse de synthèses . . . . . . . . . . . . . . 2.2 Synthèses Cochrane . . . . . . . . . . . . . . . 2.3 Synthèses multi-thérapie . . . . . . . . . . . . 2.4 Synthèses sur des thérapies spécifiques . . . . 4 4 5 6 7 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 3 Thérapies basées sur la cognition 4 Thérapies basées sur l’environnement 4.1 Rééducation de l’orientation . . . . . 4.2 Éducation de l’entourage . . . . . . . 4.3 Thérapie par animaux . . . . . . . . 4.4 Jardins thérapeutiques . . . . . . . . 8 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 9 . 9 . 9 . 10 . 10 5 Thérapies basées sur l’activité motrice 11 6 Thérapies basées sur la stimulation sensorielle 6.1 Musicothérapie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 6.2 Aromathérapie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 6.3 Thérapie par massage . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 6.4 Luminothérapie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 6.5 Acupuncture . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 6.6 Stimulation nerveuse électrique transcutaneuse (TENS) 6.7 Stimulation multisensorielle (Snoezelen) . . . . . . . . . . . . . . . . 12 12 13 13 14 15 15 16 7 Thérapies par l’art 7.1 Musicothérapie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 7.2 Dessin, peinture . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 7.3 Danse, mouvement . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 16 16 17 17 8 Interventions psycho-sociales 8.1 Thérapie par évocation du passé (réminiscence) 8.2 Thérapie par empathie (de validation) . . . . . 8.3 Thérapie basée sur la rectitude (l’humanitude) . 8.4 Sociothérapie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 17 17 18 19 19 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 9 Résultats récapitulatifs 20 10 Conclusions 21 2 Objectif L’objectif de ce mémoire est de présenter, dans le cadre de la maladie d’Alzheimer, « les différentes thérapies non-médicamenteuses, les différentes catégories et formes qu’elles peuvent prendre, les principales indications par famille de thérapies non-médicamenteuses et les résultats que l’on peut en attendre en fonction de ce qui apparaît dans la littérature » et cela « en prenant simplement les quelques revues de la littérature bien faites sur ce sujet qui sont parues depuis 2 ou 3 ans, et de faire une synthèse ». 1 Introduction Non seulement la population, mais aussi et surtout la proportion de personnes âgées augmente sans cesse, et comme conséquence l’incidence de la démence augmente aussi. En 2005 en France par exemple, il y avait 855 000 cas de démences, et ce chiffre devrait passer à 1 300 200 en 2020 et 2 100 000 en 2040 si l’incidence et la durée de la maladie ne changent pas d’ici là [9]. Une étude française sur la maladie d’Alzheimer (MA), PAQUID (Personnes Âgées Quid), commencée en 1987, à très large échelle en nombre (environ 3800 patients âgés) et en temps (15 ans), montre toute l’importance donnée à cette maladie en France [15]. La démence décrit un ensemble de symptômes, incluant l’altération de la mémoire, raisonnement et capacités de communication, ainsi qu’une perte graduelle de capacités nécessaires dans la vie quotidienne. C’est une détérioration irréversible de la mémoire, de la fonction exécutive et de la personnalité. Généralement, la démence est divisée en quatre catégories [13] : la maladie d’Alzheimer, la démence vasculaire, la démence du corps de Lewy et la démence fronto-temporale. La maladie d’Alzheimer, la plus fréquente des démences, a une étiologie inconnue et se caractérise par un début insidieux, une détérioration lente et implique des troubles du langage, de la motricité, de la personnalité et de la fonction exécutive. La démence vasculaire résulte d’un infarctus de cerveau suite à une maladie vasculaire ; elle apparaît d’une manière soudaine et la progression peut être ralentie en contrôlant les facteurs de risque comme la pression artérielle. La démence du corps de Lewy est générée par des structures anormales dans les cellules du cerveau appelées corps de Lewy, et se caractérise par des symptômes fluctuants, la présence d’hallucinations visuelles et des certains symptômes parkinsoniens. La démence fronto-temporale est générée par des désordres des lobes frontaux et temporaux antérieurs du cerveau, et se caractérise par des difficultés de lan3 gage, perte de mémoire et d’autres. Ce mémoire se focalise sur la maladie d’Alzheimer, cependant beaucoup d’articles traitent MA et les pathologies apparentées ensemble. Pour les patients atteints de démence, le traitement médicamenteux a des effets adverses. Pour éviter le recours aux antipsychotiques, la Haute Autorité de Santé propose pour la prise en charge de ces malades d’envisager dans un premier temps des interventions non médicamenteuses [11]. Dans ce mémoire seront présentées les différentes thérapies avec leurs indications et résultats. Ce mémoire présente ces interventions (thérapies). Il est organisé selon les thérapies, et dans chacune des thérapies les indications et les résultats seront présentés également. 2 Méthodologie des synthèses prises en compte Plusieurs recherches ont été faites en novembre 2011 avec des mots clés variés sur les thérapies non médicamenteuses de la démence (reminiscence, validation, dementia et beaucoup d’autres) dans PubMed (MedLine), le site Cochrane et Internet. Les critères d’inclusion ont été : l’article doit présenter des résultats de thérapies non médicamenteuses sur des patients atteints de démence, l’article doit être un article de synthèse, l’article doit être récent (2008–2011) et doit être écrit en anglais ou en français. Ont été prises en compte 18 synthèses : une synthèse de synthèses, dix synthèses Cochrane, quatre synthèses générales (multi-thérapie), et trois synthèses spécifiques à une thérapie. 2.1 Synthèse de synthèses Avec ses environs 150 pages en rapport complet, Hulme et al. 2010 [13] est la synthèse la plus riche dans le domaine. Les auteurs ont recherché en novembre 2007 dans sept bases de données électroniques (AMED, CINAHL, EMBASE, MEDLINE, PSYCINFO, Cochrane, DARE) des synthèses suivant les mots clés dementia/Alzheimer’s AND review AND non-drug therapies. Ont été pris en compte seuls les articles écrits en anglais, sur le traitement non pharmacologique, publiés à partir de 2001 et dont le but principal a été d’évaluer l’efficacité du traitement. Ils ont trouvé 784 références uniques. Après lecture des titres et résumés, seuls 114 articles ont été jugés potentiellement pertinents. Après lecture des articles, seuls 35 articles représentant 33 études ont été pris en compte. 4 La méthodologie de recherche étant un facteur important, d’autres synthèses ont été prises en compte aussi, souvent plus récentes aussi, présentées dans ce qui suit. 2.2 Synthèses Cochrane Cette section présente les dix synthèses Cochrane 1 prises en compte dans ce mémoire. Ces synthèses cherchent notamment dans la base de données Cochrane Dementia and Cognitive Improvement Group’s Specialized Register (CDIG), qui contient notamment les bases de données majeures de santé MedLine, EMBASE, CINAHL, LILACS et d’autres, ainsi que dans la littérature grise 2 . Toutes ces synthèses prennent en compte seuls les essais contrôlés aléatoires (RCT, randomised controlled trials) sur des patients déments. Plus de détails sur la méthodologie se trouvent dans les synthèses. Clare et al. 2008 [5] est une synthèse Cochrane sur les thérapies basées sur la cognition pour les personnes avec Alzheimer ou démence vasculaire. La base de données Cochrane CDIG a été recherchée en septembre 2006. Neuf RCTs ont été pris en compte. Vink et al. 2011 [21] présentent une synthèse sur la musicothérapie. Des RCTs ont été recherchés en avril 2010 dans le registre Cochrane CDIG et dans MEDLINE, EMBASE, PSYCinfo, CINAHL et LILACS, ainsi que la littérature grise. Dix RCTs sur des patients atteints de démence ont été inclus. Chung et al. 2009 [4] font une synthèse sur Snoezelen pour la démence. La base de données Cochrane CDIG a été cherchée en mars 2008 avec les termes snoezelen OR "multi-sensory". Quatre RCTs ont été pris en compte. Woods et al. 2009 [23] prennent en compte pour la réminiscence quatre RCTs avec un total de 144 participants. La base de données Cochrane CDIG a été cherchée en février 2005 avec le terme "reminiscence", ainsi que certains spécialistes du domaine et Internet. Cameron et al. 2009 [3] ont fait une recherche en décembre 2005 avec les mots TENS, transcutaneous et d’autres dans la base Cochrane CDIG. Neuf RCTs ont été acceptés, mais seulement trois ont pu être utilisés, les autres n’ayant pas suffisamment de données. 1. The Cochrane Collaboration est un réseau international de personnes du domaine de la santé qui publie régulièrement des synthèses sur des sujets particuliers. 2. « La littérature grise est, selon l’AFNOR, tout “document dactylographié ou imprimé, produit à l’intention d’un public restreint, en dehors des circuits commerciaux de l’édition et de la diffusion et en marge des dispositifs de contrôle bibliographiques ». Exemples de littérature grise : rapports d’études ou de recherches, actes de congrès, thèses, brevets, etc.” (de http://fr.wikipedia.org/wiki/Litterature_grise). 5 Neal et al. 2009 [18], dans leur synthèse sur la thérapie par empathie, ont fait une recherche en décembre 2005 en utilisant les mots clés validation therapy, VTD et emotion-oriented care dans la base de données CDIG Cochrane. Trois RCTs ont été identifiés, sur un total de 116 patients déments. Holt et al. 2009 [12] ont fait des recherches en mars 2008 pour l’aromathérapie dans la base de données Cochrane CDIG et auprès des experts dans le domaine pour des RCTs avec des termes aroma therap*, complementary therap*, alternative therap* et essential oil*. Quatre études ont été incluses dans la synthèse, mais une seule, après avoir contacté l’auteur, a pu être prise en compte. Hansen et al. 2008 [10] présentent une synthèse sur la thérapie par le massage. La base Cochrane CDIG a été recherchée en juillet 2005 avec les termes massage, reflexology, touch et shiatsu, ainsi que les organisations concernées. Sur 34 références initiales, seules sept étaient des RCTs éventuelles ou non, et seulement deux ont rempli le critère minimum de qualité. Forbes et al. 2009 [7] ont fait une recherche en mars 2008 pour la luminothérapie dans la base Cochrane CDIG en utilisant les termes "bright light*", "light box*", "light visor*", "dawn-dusk*", phototherapy et autres. Huit études ont rempli les conditions d’inclusion, dont seulement cinq avaient des données utilisables et ont donc été prises en compte. Forbes et al. 2008 [8], dans une synthèse sur l’activité physique, ont recherché en septembre 2007 dans la base Cochrane CDIG en utilisant des termes comme exercise OR "physical activity" OR cycling OR tai chi OR . . . Quatre études ont rempli les conditions d’inclusion, mais seulement deux avaient des résultats disponibles. 2.3 Synthèses multi-thérapie O’Connor et al. 2009 [19] présentent une synthèse des traitements psychosociaux pour les troubles de comportement dans la démence. Les traitements psycho-sociaux sont définis comme des stratégies dérivées de l’un des trois paradigmes orientés vers la psychologie (théorie de l’apprentissage, les besoins non satisfaits et les seuils de stress modifiés). La musicothérapie, l’aromathérapie, la stimulation multisensorielle font partie des méthodes présentées. Des articles en anglais parus au plus tard en décembre 2006 ont été cherchés dans les bases de données Medline, CINAHL, PsycInfo et Cochrane, ainsi qu’en demandant à une soixantaine de chercheurs dans ce domaine. Les articles pris en compte sont des RCTs ou des études à mesures répétées. Pour augmenter la qualité des résultats, la barrière d’inclusion des articles a été augmentée : nombre de participants adapté, tous les participants doivent être déments, l’intervention et la description des participants doivent être bien expliquées, 6 la randomisation et l’aveuglement doivent être bien faits etc. Seuls 25 articles sur 118 trouvés ont rempli les spécifications de la synthèse. Kong et al. 2009 [14] font une synthèse des cas cliniques randomisés (contrôlés ou cross-over) sur les interventions non pharmacologiques pour l’agitation dans la démence. Sept bases de données (MEDLINE, CINAHL, PsycINFO, AARP Ageline, Cochrane, ACP Journal Club et ISI index) ont été recherchées en 2004 suivant les mots clés agitations OR agitated OR dementia OR demented OR Alzheimer ; les références des articles éligibles ainsi trouvés ont été prises en compte aussi. Seuls les articles en anglais et en coréen ont été éligibles dans la synthèse. Sur 317 articles trouvés, seuls 14 ont rempli les spécifications et ont été analysés. Olazarán et al. 2010 [20] ont fait en septembre 2008 une recherche systématique des RCTs dans des articles de synthèse et dans six bases de données (Medline, PsycINFO, CINAHL, Embase, Lilacs et Cochrane) avec des mots clés variés (non donnés dans l’article), sans tenir compte de la langue. Seuls les articles avec des participants avec troubles cognitifs ont été pris en compte. 1313 articles ont été ainsi recueillis (une croissance exponentielle des RCTs dans le temps a aussi été remarquée), et seulement 179 ont été inclus dans la synthèse (dont 97 % en anglais). Ces articles traitent de diverses thérapies non médicamenteuses pour MA (réminiscence, musicothérapie, stimulation cognitive etc.) Ballard et al. 2009 [1] présentent une synthèse sur plusieurs thérapies non médicamenteuses, comme l’aromathérapie et la validation, ainsi que des thérapies médicamenteuses, ayant comme but la réduction de l’agitation et l’agression des patients avec MA. Les bases de données PubMed (Medline) et Cochrane ont été recherchées (la date à laquelle la recherche a été effectuée n’est pas donnée) avec des termes comme démence, agression, SCPD et d’autres. 47 RCTs ont été sélectionnés dans la synthèse. 2.4 Synthèses sur des thérapies spécifiques Lee et al. 2009 [16] présentent une synthèse sur l’acupuncture seulement. Vingt bases de données ont été recherchées (Medline, AMED, British Nursing Index, CINAHL, EMBASE, PsycInfo, Cochrane, six bases coréennes, quatre chinoises et trois japonaises) depuis leur début jusqu’en août 2008, sans restriction de langue, d’après les mots clé acupuncture AND alzheimer. Un critère d’inclusion a été un RCT avec des patients atteints de MA. La recherche a généré 40 articles, qui après lecture et validation du résumé et de l’article complet ont été réduits à 3. Ce sont ces 3 articles, tous de Chine, qui ont été pris en compte dans la synthèse. Enfin, ils ont trouvé qu’aucune étude n’est méthodologiquement rigoureuse. 7 Wang et al. 2009 [22] présentent une synthèse sur le tai chi pour déceler ses effets sur le bien-être psychosocial. Ont été cherchées pour des RCTs en anglais les bases de données MEDLINE, CINAHL, EMBASE, HEALT, PsycINFO, CISCOM, Cochrane et actes de conférences et dissertations jusqu’à août 2008. 15 études ont été trouvées, dont huit de haute qualité. C’est la seule synthèse récente trouvée sur cette thérapie ; malheureusement, elle n’est pas spécifique aux patients déments. Beard 2011 [2] présente une synthèse sur les thérapies par l’art pour les patients atteints de démence. C’est, d’après l’auteur, la première synthèse spécifique à ces thérapies pour ces patients. La recherche a été effectuée en avril 2010 sur des bases différentes, incluant PubMed, SocAbstracts, PcychInfo, MedLine, CINAHL et Cochrane, avec de mots clés art-, music-, drama-, dance- therapy, combinés avec review, dementia et Alzheimer’s, pour des articles à partir de 1990. 134 articles ont été trouvés, dont 26 synthèses sur les thérapies par l’art, dont 14 avec patients atteints de démence. Peu d’études, cependant, sont de bonne qualité ; beaucoup plus d’études et de meilleure qualité sont nécessaires. 3 Thérapies basées sur la cognition Les interventions cognitives représentent certaines activités et discussions en groupe ou individuelles ayant comme but la stimulation de la fonction cognitive des patients, par exemple la mémoire, l’attention, le langage et la fonction exécutive. Clare et al. [5] la divise en trois parties : stimulation cognitive (améliorer des activités générales, non spécifiques), entraînement cognitif (améliorer le fonctionnement cognitif, comme la mémoire, l’attention et la résolution de problèmes) et réhabilitation cognitive (activités spécifiques à chaque patient pour améliorer le fonctionnement cognitif dans les activités quotidiennes). Il est aussi possible de la classifier en approches collectives (stimulation cognitive ; atelier mémoire, qui sollicite les différents types de mémoire : épisodique, sémantique, lexicale, de travail et procédurale) et approches individuelles (réhabilitation cognitive, apprentissage sans erreurs). La littérature récente les traite ensemble. Hulme et al. [13] passent en revue cinq synthèses sur ce sujet, dont la plupart se focalisent sur MA. La stimulation cognitive pourrait améliorer la mémoire, le fonctionnement cognitif, les symptômes neuropsychiatriques, le comportement, la dépression, la qualité de vie, l’apprentissage et les activités quotidiennes. Cependant, les résultats ne sont pas concluants, car la plupart des études ont un nombre restreint de patients et ont parfois des défauts méthodologiques. 8 Clare et al. [5], une synthèse Cochrane, conclut qu’aucun effet positif ou négatif n’a été remarqué. Également, il n’y a pas de RCT dans la réhabilitation cognitive pour les personnes avec une démence légère. Enfin, davantage d’études sont nécessaires pour obtenir des conclusions sûres. Olazarán et al. [20] présentent notamment un RCT de haute qualité où la stimulation cognitive a été donnée ou non aux patients à la maison en complément au donépézil ; le résultat montrent que la fonction cognitive a été améliorée chez les patients ayant reçu aussi la stimulation cognitive. 4 4.1 Thérapies basées sur l’environnement Rééducation de l’orientation La thérapie basée sur la rééducation de l’orientation tente d’orienter les personnes atteintes de démence en temps, lieu et reconnaissance de personnes dans le but de réduire la confusion et les troubles de comportement de ces personnes. Par exemple, rappeler aux personnes où elles sont et quelle date/heure il est. Cette thérapie inclut le désaccord avec le patient quand il a tort, ce qui contraste avec la thérapie par empathie, présentée dans la section 8.2 en page 18. Les trois synthèses présentées par Hulme et al. [13] concluent que cette thérapie pourrait être efficace, notamment dans l’habilitation cognitive, dépression et apathie, mais que les résultats sont insuffisants pour énoncer des conclusions sûres. La qualité des études trouvées est médiocre, avec en plus un nombre de personnes réduit. 4.2 Éducation de l’entourage À la maison tout comme dans un centre de placement, la personne atteinte de démence est toujours entourée de divers intervenants (famille, voisinage, para-médicaux), qui peuvent tous être considérés comme des soignants. Étant donnée la tâche difficile à laquelle ces soignants sont soumis, une éducation de ceux-ci, spécifique au travail avec ces personnes, paraît utile. Cela passe par exemple par des sessions de formation, en partant de situations concrètes rencontrées au quotidien (par exemple la personne avec démence n’arrive pas à se coucher). Dans ce contexte, O’Connor et al. [19] prennent en compte quatre études. Dans trois études, l’éducation de l’entourage a donné des résultats similaires au placebo. Dans le quatrième, l’agitation des patients a baissé. Les auteurs concluent que les soignants certes changent d’attitude, de comportement et 9 d’habileté. Cependant, contrairement aux attentes, les études n’ont pas donné pour l’instant des résultats prometteurs pour l’éducation de l’entourage. Kong et al. [14], après analyse de deux études, en concluent qu’il n’y a pas eu de différences significatives sur l’agitation des patients des deux groupes (traitement et contrôle). 4.3 Thérapie par animaux La thérapie par animaux représente l’interaction entre le patient et un animal entraîné, facilitée par un thérapeute, avec un but thérapeutique. Cela peut se concrétiser en se concentrant tout simplement sur l’animal pendant un certain temps (lui donner à manger par exemple), ce qui promeut la conversation ou l’activité physique. Hulme et al. [13] prennent en compte deux synthèses dans cette catégorie, une de 2006 et une de 2001, qui se focalisent sur des patients atteints de démence. Ces synthèses ont trouvé que les études se font avec un animal, ou bien avec un animal et un thérapeute. L’animal est toujours à côté du patient, ou bien seulement pour des périodes de temps réduites. Souvent, l’animal est un chien, un chat ou un poisson en aquarium. L’impact mesuré a été sur l’anxiété, sur l’agression, le comportement social, sur la nutrition. Les conclusions de Hulme et al. sont les suivantes. Pour les études avec un thérapeute il est difficile de mesurer l’impact spécifique lié à l’animal. Tous les patients ne répondent pas positivement aux animaux ; les résultats dépendent donc des patients (certains patients étant plus habitués/ouverts que d’autres). L’Association d’Alzheimer 3 suggère même que, pour de meilleurs résultats, l’activité avec l’animal devrait concorder avec celle du patient. Les études ont quelques défauts méthodologiques, comme le nombre réduit de patients ou l’absence de détails qui peuvent s’avérer importants. Cette thérapie pourrait être efficace pour réduire l’agression et l’agitation, améliorer le comportement social et la nutrition. Cependant, davantage d’études sont nécessaires pour confirmer le bénéfice de cette thérapie. 4.4 Jardins thérapeutiques Le jardin thérapeutique est un jardin où les patients atteints de démence se promènent librement, ce qui a comme effet, surtout pour ceux qui pendant leur vie ont beaucoup travaillé dans le jardin, de réduire les troubles de comportement. 3. L’association d’Alzheimer est la plus grande association internationale sur MA, et le plus grand financeur privé, non profit de la recherche sur MA, cf. http://www.alz.org. 10 Aucune synthèse n’a été trouvée dans la littérature. Un cas clinique, décrit dans deux articles, a cependant été pris en compte. Dans l’étude de Detweiler et al. [6] et Murphy et al. [17], 34 patients déments ont été observés pendant 12 mois avant l’ouverture du jardin, et 12 mois après. Les auteurs ont remarqué que le score CMAI total a baissé quand le jardin était disponible, la baisse dépendant du patient qui peut marcher tout seul ou non ; cependant, les incidents physiques ont augmenté. Les auteurs concluent que le jardin a eu des effets positifs, mais aussi négatifs, et que des études additionnelles sont nécessaires pour évaluer les conséquences des jardins thérapeutiques. 5 Thérapies basées sur l’activité motrice L’efficacité des activités physiques sur la santé est bien connue depuis longtemps. Les interventions peuvent être variées : aérobic, endurance, promenade etc. Les activités physiques pourraient être bénéfiques non seulement pour le patient, mais aussi pour le soignant. Hulme et al. [13] présentent cinq synthèses sur les effets de l’activité physique sur les patients avec démence. Il s’ensuit que l’activité physique est efficace : la marche soutenue améliore l’humeur, l’activité physique améliore la qualité de sommeil, l’exercice intensif modéré pourrait réduire la déambulation. D’autres indications sont présentées : dépression, agression, anxiété, hallucinations. L’analyse Cochrane de Forbes et al. [8] faite sur deux articles considère que les preuves sont insuffisantes sur l’efficacité des programmes d’activité physique dans la gestion ou l’amélioration de la cognition, le comportement, la dépression et la mortalité chez les personnes atteintes de démence, car peu d’études appropriées existent. Également, aucun résultat n’a été présenté sur les bénéfices des exercices physiques sur le soignant. Tai chi Tai chi est un art martial chinois. Souvent réduit en Occident à une sorte de gymnastique, il est apprécié par les personnes âgées pour son effet bénéfique sur le corps et la santé. L’analyse Cochrane n’a inclus aucune étude sur le tai chi. Wang et al. [22] présentent une synthèse d’études où ont été mesurés ses effets sur le bienêtre. Cependant, aucune des 15 études prises en compte ne s’est faite sur des personnes avec démence, même si certaines prennent en compte des personnes âgées ou dépressives. Leur conclusion est qu’il y a certains résultats 11 qui montrent effectivement que le tai chi améliore l’état de bien-être des personnes, mais qu’il est prématuré de tirer des conclusions pertinentes. 6 6.1 Thérapies basées sur la stimulation sensorielle Musicothérapie La musicothérapie est un sujet populaire de recherche dans les thérapies non médicamenteuses. Elle peut être faite sous deux formes : des thérapies où le patient est passif, en écoutant de la musique par exemple (c’est le but de cette section), et des thérapies où le patient est actif, où par exemple il danse, il chante ou il joue d’un instrument (c’est le but de la section 7.1, la musicothérapie du groupe de thérapies par l’art). Hulme et al. [13] présentent une analyse sur la musicothérapie passive et active ensemble. Ils ont analysé dix synthèses, ce qui en fait la thérapie avec le plus de synthèses. Toutes les synthèses ont pris en compte des études avec des patients atteints de démence en général, ne se limitant donc pas à MA. La musicothérapie a été utilisée pour plusieurs symptômes, comme l’agitation, la déambulation, la nutrition et d’autres. Diverses interventions ont été essayées : écouter la musique préférée comparée à une musique classique, écouter de la musique pendant la prise du bain, écouter de la musique comparée aux jeux puzzle, chanter etc. La conclusion est que la musicothérapie donne de bons résultats dans plusieurs troubles de comportement et psychologiques, comme l’agitation, l’agressivité, la déambulation, la nutrition et d’autres. Plus précisément, l’évidence suggère qu’écouter sa musique préférée réduirait l’agitation, qu’écouter sa musique préférée pendant la prise du bain réduirait le nombre de fois quand le patient est agressif, et qu’écouter, chanter et jouer d’un instrument en groupe réduirait la déambulation. Cependant, les études ont certaines limitations méthodologiques qui font que les preuves des bénéfices de la musicothérapie ne sont pas évidentes. Vink et al. [21], dans leur synthèse Cochrane sur la musicothérapie, ont inclus dix RCTs, qui montraient que la musicothérapie était bénéfique pour les personnes atteintes de démence. Cependant, la méthodologie de ces derniers a été de faible qualité, et donc leurs résultats n’ont pas pu être validés. Par conséquent, aucune conclusion utile n’a été tirée. La musicothérapie est aussi la plus populaire des thérapies non médicamenteuses de la synthèse d’O’Connor et al. [19], avec huit études sur vingt cinq. La musicothérapie a été trouvée très efficace dans cinq études sur les huit. L’agitation a diminué lors de l’écoute de musique individualisée, et 12 l’agression a diminué significativement quand la musique préférée était écoutée lors de la prise du bain. Au contraire, la musique aléatoire a donné des résultats moins intéressants, au même niveau que d’autres thérapies (massage, lecture de livres etc.) La musique « live » (non pré-enregistrée) a des bénéfices additionnels. 6.2 Aromathérapie L’aromathérapie représente l’utilisation d’huiles essentielles extraites de plantes, dont le but est d’améliorer l’état physique et émotionnel. Elle peut être utilisée par massage, par bain ou par inhalation. Hulme et al. [13], après analyse de trois synthèses, considèrent que l’aromathérapie pourrait réduire l’agitation, les symptômes neuropsychiatriques et la déambulation. Cependant, relativement peu d’études ont été identifiées dans ces synthèses et la preuve d’efficacité est limitée. Une harmonisation des huiles utilisées et de la méthode d’utilisation, ainsi que davantage d’études sont nécessaires. La synthèse Cochrane de 2009 (avec recherche faite en novembre 2008) [12] a généré une seule étude additionnelle par rapport à la version de 2006, qui elle est incluse dans la synthèse précédente de Hulme et al. Cette étude n’a pas été prise en compte à cause de défauts méthodologiques. La synthèse Cochrane n’apporte donc pas de nouveau résultat. La conclusion de l’analyse Cochrane est que l’ancienne étude prise en compte montre un effet significatif en faveur de l’aromathérapie mais qu’elle utilise un petit nombre de patients. Cependant, des RCTs à plus large échelle sont nécessaires avant de prononcer des conclusions solides. O’Connor et al. [19] prennent en compte deux études d’aromathérapie, impliquant de l’huile de lavande et du baume de citron. Les scores d’agitation ont baissé pour les deux études. Ils concluent que « l’aromathérapie paraît prometteuse ». Ballard et al. [1] considèrent que l’aromathérapie est la thérapie non médicamenteuse qui a le plus de résultats pour le traitement de l’agitation et de l’agressivité. Ils mentionnent que de plus en plus de résultats positifs apparaissent avec l’utilisation de l’huile de lavande et du baume de citron. Des études à plus grande échelle (en temps et en nombre de patients) sont toutefois nécessaires. 6.3 Thérapie par massage Cette thérapie a été essayée de deux manières : masser doucement l’avantbras ou masser la main. 13 Hulme et al. [13] utilisent les résultats de trois synthèses. Ils en concluent que le massage est efficace dans un certain nombre de symptômes. La musique suivie de massage sur la main, ou bien les deux simultanément, pendant 10 minutes pour chacun réduit pour une courte période de temps l’agitation. Le massage doux de l’avant-bras avec encouragement verbal augmente la nutrition. En échange, aucun résultat n’a été trouvé pour la déambulation, l’anxiété ou l’agressivité. La synthèse Cochrane [10] trouve qu’il y a des preuves limitées en faveur du massage pour les patients déments. Les études donnent les mêmes résultats que le paragraphe précédent (massage sur la main pour l’agitation et massage doux de l’avant-bras pour la nutrition). Aucune conclusion générale ne peut être tirée de ces études, et plus d’études sont nécessaires pour avoir des preuves de cette thérapie. 6.4 Luminothérapie La luminothérapie signifie l’exposition à de forts niveaux de lumière sous contrôle. Hulme et al. [13] présentent quatre synthèses dans cette catégorie. Dans celles-ci, la luminothérapie a été utilisée pour traiter les problèmes de sommeil, de comportement, d’humeur, cognitifs, d’agitation et psychologiques des personnes avec démence. Les quatre synthèses concordent dans l’idée qu’il n’y a pas d’évidence que la luminothérapie soit bénéfique. Elle pourrait améliorer les symptômes de comportement, psychologiques (sommeil, comportement, humeur, agitation) et cognitifs. Quoique certaines études aient donné des résultats positifs sur la luminothérapie, des RCTs bien conçus sont nécessaires pour le confirmer. Enfin, les conditions de traitement (type de lumière, durée, moments) ou de condition (type de maladie) n’ont pas été suffisamment analysées et ont pu engendrer des effets variés. L’analyse Cochrane de Forbes et al. [7], après analyse de cinq études, n’a montré aucune preuve adéquate sur l’efficacité de la luminothérapie pour les troubles psychiatriques, de la cognition, du sommeil ou du comportement. La plupart des études ne sont pas d’une haute qualité scientifique et davantage de recherches sont nécessaires dans ce domaine. Ballard et al., dans une étude sur l’agitation et l’agression [1], précise que, quoique certaines études montrent que la luminothérapie pourrait améliorer ou stabiliser le sommeil et le rythme repos-activité, les preuves montrant que cette thérapie réduit l’agitation restent limitées. 14 6.5 Acupuncture L’acupuncture consiste à introduire de fines aiguilles dans la peau, laissées dans cette position pour une période courte. Hulme et al. [13] prennent en compte un seul document dans cette catégorie, une synthèse Cochrane de 2007. Cette synthèse souhaitait prendre en compte les RCTs avec des participants atteints de démence vasculaire. Aucune étude remplissant ces critères n’a été trouvée. En conclusion, aucun résultat ne montre que l’acupuncture soit bénéfique pour ces patients. Une synthèse plus récente (recherche faite en 2008), Lee et al. [16], arrive à une conclusion similaire : même si le nombre d’études trouvées est faible, les résultats existants ne montrent pas d’efficacité de l’acupuncture, seule ou en complément médicamenteux, pour les patients atteints de MA. Les cas cliniques pris en compte ont tenté d’améliorer la fonction cognitive des patients en utilisant l’échelle MMSE, ainsi que les symptômes affectant les tâches quotidiennes. La conclusion de ces deux synthèses est que l’acupuncture n’est pas efficace pour les malades atteints de MA ou d’une démence vasculaire, mais que la littérature actuelle sur ce sujet est trop limitée pour énoncer des conclusions solides. 6.6 Stimulation nerveuse électrique transcutaneuse (TENS) Il s’agit ici de l’application d’un courant électrique par des électrodes attachés à la peau. C’est une méthode utilisée surtout dans un autre domaine : soulager la douleur. Hulme et al. [13] ont analysé une seule synthèse, de très bonne qualité, analysant neuf RCTs sur des patients atteints de démence, faits par deux groupes (un aux Pays Bas et un au Japon). Les électrodes ont été attachés dans le dos ou sur la tête. La synthèse en déduit que cette méthode peut produire des améliorations à court terme dans certains troubles neuropsychologiques et de comportement, comme le souvenir, la reconnaissance du visage et la motivation. Hulme et al. considèrent que cette méthode pourrait être efficace mais plus d’études sont nécessaires pour vérifier cette hypothèse. Cameron et al. [3] dans l’étude Cochrane précisent que les études prises en compte ont présenté des résultats positifs à court terme pour TENS dans la démence, comme le rappel de mots, reconnaissance de visage et motivation. Cependant, trop peu de données existent pour TENS et des conclusions définitives ne peuvent pas être établies. 15 6.7 Stimulation multisensorielle (Snoezelen) Il s’agit d’une stimulation visuelle, auditive, tactile ou olfactive appliquée aux patients dans une chambre ou dans un environnement conçu spécialement pour cela. Cette stimulation est augmentée par l’utilisation de lampes en fibres optiques, d’arômes agréables, de musique en sourdine et divers matériaux agréables au toucher. Hulme et al. [13] ont identifié six synthèses, sur la démence en général. Dans celles-ci, la thérapie a été utilisée pour les troubles de comportement, de l’humeur et cognitifs, pour la dépression, l’agression, l’apathie, les comportements sociaux, la déambulation et les symptômes neuropsychiatriques. La conclusion est que la stimulation Snoezelen pourrait fonctionner. En effet, certaines études montrent des résultats positifs pour plusieurs types de troubles de comportement, notamment une réduction de l’apathie dans les stades sévères de démence. Cependant, ces études positives ne sont pas statistiquement significatives. Généralement, le bénéfice existe seulement pendant les sessions de stimulation ou à très court terme. D’autres résultats de bonne qualité sont donc nécessaires. Chung et al. [4], dans une synthèse Cochrane, concluent qu’il n’y a pas de preuve pour l’efficacité de Snoezelen. Des recherches plus approfondies sont nécessaires pour justifier l’utilisation de Snoezelen pour la démence. O’Connor et al. [19] prennent en compte trois études Snoezelen. Deux d’entre elles n’ont montré aucun bénéfice, et la troisième des bénéfices limités (en déambulation). Kong et al. [14] analysent trois études Snoezelen. Ils trouvent qu’il existe des différences statistiquement significatives sur l’agitation en faveur de la thérapie, avec des effets modérés. C’est d’ailleurs la seule thérapie de la synthèse avec des effets positifs. 7 7.1 Thérapies par l’art Musicothérapie Il s’agit des thérapies où le patient est actif, par exemple il danse, il chante ou il joue à un instrument lui-même. Hulme et al. [13] présente cette thérapie avec celle où le patient est passif, voir section 6.1 en page 12. Beard [2], dans sa synthèse sur les thérapies par l’art, a trouvé que la musicothérapie est la plus utilisée de ces thérapies. Une des études précise que dans cette thérapie, les réponses les plus fortes ont été remarquées pour le mouvement, ensuite pour le rythme, et enfin pour le chant. Généralement, 16 les études trouvées montrent une réduction significative des SCPD, quoique cela s’estompe au fil du temps. 7.2 Dessin, peinture Beard [2] a trouvé que les arts visuels sont la deuxième catégorie la plus populaire parmi les thérapies par l’art. Dans un grand projet impliquant la peinture faite par des personnes avec démence, 80 % d’entre elles ont eu une plus grande attention, plaisir, estime de soi pour la peinture que dans un centre traditionnel. 7.3 Danse, mouvement Les études prises en compte par Beard [2] trouvent de petites réductions de SCPD, comme l’agitation, et une augmentation de la performance cognitive. Elles trouvent que le mouvement peut être considéré comme un substitut de la parole. 8 Interventions psycho-sociales 8.1 Thérapie par évocation du passé (réminiscence) La thérapie par réminiscence signifie la discussion sur des activités, événements et expériences passées à l’aide d’objets tangibles, comme des photographies, des objets utilisés par la famille et de la musique. Cette idée repose sur le fait que souvent les personnes atteintes de démence se rappellent des événements anciens plus facilement que des événements récents, et que l’évocation de faits anciens les anime et les rend intéressées 4 ; à noter toutefois que les souvenirs peuvent être bons, mais aussi mauvais 5 . Cette thérapie peut durer quelques semaines, et peut s’appliquer individuellement ou par groupe. La connaissance de la personne est nécessaire pour l’utilisation de cette thérapie. Hulme et al. [13] ont trouvé quatre synthèses, cherchant à traiter par la réminiscence les symptômes cognitifs, de l’humeur, du comportement, psychologiques et neuropsychiatriques, la dépression et l’agression des personnes démentes. Il est intéressant de remarquer qu’une des synthèses a présenté un RCT où l’amélioration a été non significative quand la réminiscence a été précédée par la rééducation de l’orientation. Hulme et al. concluent que la 4. http://www.alzheimers.org.uk/factsheet/505 5. http://www.alzheimers.org.uk/factsheet/526 17 réminiscence pourrait fonctionner, avec des bénéfices potentiels dans le comportement cognitif, de l’humeur et en général. Cependant, comme les études portent sur peu de patients et sont de faible qualité, que le type de réminiscence utilisée est varié, les preuves de l’efficacité de cette thérapie ne sont pas acquises. Dans l’étude Cochrane sur la réminiscence, Woods et al. [23] présentent des résultats de quatre études. Des bénéfices évidents de la réminiscence ont été trouvés dans la cognition, l’humeur et une partie de la fonction de comportement général. Cependant, ces études sont à petite échelle, et présentent des méthodes de réminiscence différentes. Plus de RCT sont nécessaires pour tirer des conclusions fiables. 8.2 Thérapie par empathie (de validation) La thérapie par empathie signifie qu’un soignant communique et aide des personnes désorientées très âgées par une attitude d’empathie et une vision positive des individus. Elle considère que plutôt que de ramener la personne à la réalité, il vaut mieux entrer dans sa réalité 6 . Ainsi, au lieu de la corriger quand elle a tort, il vaut mieux contourner l’idée, acceptant (validant) ainsi ses idées pour lui « sauver la face ». Par exemple, si la personne âgée dit « Je dois partir, ma mère m’attend », une réponse possible serait « Votre mère vous attendait souvent, n’est-ce pas ? » [13]. Cette thérapie est en contraste avec la thérapie par rééducation de l’orientation, déjà présentée dans la section 4.1 en page 9. Pour la thérapie par empathie, Hulme et al. [13] ont analysé trois synthèses. Les trois synthèses, ainsi que Hulme et al., concluent que cette thérapie pourrait être efficace mais qu’il n’y a pas suffisamment de résultats pour le prouver, notamment à cause de la petite quantité de RCTs et des problèmes de méthodologie. Dans ces études, les bénéfices ont été cherchés dans les symptômes neuropsychiatriques, cognition, émotion, habilitation fonctionnelle, dépression, agression et apathie. Neal et al. [18] ont pris en compte trois études. Cependant, les données de ces études n’ont pas pu être comparées du fait soit de la durée différente de traitement, soit du traitement de contrôle, soit des résultats qui n’étaient pas comparables. Les études ont été positives quant au bénéfice du traitement. Neal et al. concluent qu’il y a trop peu de données pour avoir des conclusions utiles. Ballard et al. [1], dans leur synthèse sur l’agitation et l’agression, après prise en compte d’une synthèse systématique de 162 études, mais pas très 6. http://www.vfvalidation.org/web.php?request=what_is_validation 18 pertinentes, sur les interventions psychologiques, mettent en première place la thérapie de validation, qui aurait quelques preuves d’efficacité. 8.3 Thérapie basée sur la rectitude (l’humanitude) Cette thérapie est basée sur les travaux d’Yves Gineste et Rosette Marescotti : « Nous étudions depuis plus de 25 ans le soin et les communications non verbales [...] En France, notre travail en gériatrie, psychiatrie [...] nous a conduit à imaginer la manutention et le soin relationnels, où nous utilisons le corps comme médiateur afin que la douceur rapproche le soignant et le soigné dans leur humanitude. [...] La méthodologie des soins, basée sur la philosophie de l’humanitude que nous avons décrite, permet d’accompagner les personnes âgées dans la tendresse et le respect de l’autonomie, debout jusqu’à la fin. » 7 Cette méthode pourrait être utilisée en particulier sur des patients s’opposant au traitement (les patients agressifs, agités etc.) Aucune synthèse ou RCT n’a été trouvée sur cette thérapie. Aucune conclusion ne peut donc en être objectivée. 8.4 Sociothérapie Les patients atteints de démence souffrent d’une peur phobique de s’impliquer, en plus de leurs déficits. Pour augmenter leur degré d’implication, il est possible de les faire appartenir à un groupe et de les impliquer dans certaines activités au sein du groupe. C’est le but de la sociothérapie. Ici, les patients sont regroupés en petits groupes, qui ne changent pas dans le temps (l’improvisation doit être évitée), avec un médiateur (similaire à un animateur). Le rôle du médiateur n’est pas de stimuler leur fonction cognitive ou de les corriger ou de leur apprendre certaines choses, mais simplement de les impliquer dans le groupe. Pour les impliquer, diverses activités de la vie quotidienne sont utilisées (restauration, promenade, discussions sur divers sujets, bricolage, organisation de spectacles etc.) Malgré nos recherches, aucune synthèse n’a été trouvée dans la littérature. Toutefois, les résultats de certaines études préliminaires montrent empiriquement qu’il n’y a pas eu d’amélioration d’un quelconque critère pour les patients de test, cependant l’impression clinique générale est meilleure que les résultats mesurés 8 . 7. http://www.cec-formation.net 8. Résultats présentés dans le cours de Prof. Louis Ploton, Université de Lyon-2. 19 Thérapie musicothérapie (active et passive) massage aromathérapie exercices physiques réminiscence TENS validation animaux orientation cognition luminothérapie multisensorielle dessin, peinture danse, mouvement acupuncture entourage jardins humanitude sociothérapie Indications agression, agitation, déambulation, cognition Hulme ++ Cochrane + agitation, nutrition agitation, agressivité, déambulation humeur, sommeil, déambulation, dépression agitation, anxiété, dépression, hallucinations troubles neuropsychologiques cognition, dépression, apathie agression, agitation, nutrition dépression, apathie, cognition dépression, cognition agitation, sommeil, cognition, humeur agression, dépression, déambulation attention, estime de soi agitation, cognition ++ + ++ + + + + + + + + + + = + + = = = = = estime de soi motivation Résultats récapitulatifs L’efficacité des différentes thérapies non médicamenteuses pour les personnes atteintes de démence est résumée dans le tableau 1. Dans ce tableau, les thérapies notées ++ (efficaces) sont des thérapies où les études de la littérature donnent des résultats effectifs, mais limités et parfois mitigés. Les thérapies notées + (qui pourraient être efficaces) sont les thérapies où les résultats sont positifs mais ne sont pas concluants, les preuves ne sont pas acquises. Cela peut venir des faiblesses dans la méthodologie et des résultats parfois opposés. La critique qui traverse la grande majorité de ces études est qu’elles se font avec un nombre limité de patients, donc leurs résultats ne sont pas concluants. Par exemple, la réminiscence montre de très bons résultats, mais ce fait repose sur des études avec peu de patients et des types variés de cette thérapie. Les thérapies notées = (pas de preuve d’efficacité) sont les thérapies où les études n’ont pas montré de bénéfices. Il est intéressant de remarquer que l’acupuncture, qui est une méthode complémentaire très populaire dans 20 +, ++ +, ++ Table 1 – Indications et efficacité des thérapies non médicamenteuses pour la démence, d’après la littérature (++ efficace, + pourrait être efficace, = pas de preuve d’efficacité). 9 Autres synthèses ++, ++ + + =, + + + = =, = = certains pays, fait partie de cette catégorie. C’est aussi le cas de la thérapie par l’entourage, qui à la première vue paraît efficace. Les thérapies non médicamenteuses pour les personnes atteintes de démence sont très récentes et par conséquent il n’y a pas beaucoup d’études sur ce sujet. De plus, la plupart de ces études ne sont pas utilisables, soit parce que le nombre de patients est faible, soit parce qu’elles ont des défauts méthodologiques. Plus d’études et de bonne qualité sont donc nécessaires. La mise en pratique de ces thérapies est beaucoup moins chère que les thérapies médicamenteuses. De plus, elle n’ont généralement pas d’effet adverse, contrairement aux médicaments. Cependant, les bénéfices, s’il y en a, sont généralement modérés. 10 Conclusions Après analyse de la littérature sur les thérapies non médicamenteuses sur la démence, certaines (la musicothérapie, le massage manuel et l’aromathérapie et d’autres) ont montré des résultats bénéfiques sur certains symptômes, d’autres doivent encore être soutenues par de meilleures études, et d’autres enfin (l’acupuncture, l’entourage et les jardins thérapeutiques) n’ont pas encore montré d’effets bénéfiques. Davantage d’études avec un nombre de patients plus important et avec une meilleure méthodologie sont nécessaires pour cerner complètement les effets de ces thérapies sur les personnes atteintes de démence. Références [1] C. Ballard, S. Gauthier, J. L. Cummings et al. : Management of agitation and aggression associated with Alzheimer disease. Nature Reviews Neurology, 5(5):245–255, mai 2009. [2] R. 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