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Le progrès technique et son incidence sur la croissance et les fluctuations économiques
depuis le début du XIXème siècle
Depuis l'apparition des termes « Révolution industrielle » (A. Blanqui (1837)), l'étude
de l'essor du capitalisme industriel de sa naissance, début XIXème siècle, à aujourd'hui, est
indissociable de celle du progrès technique. Progrès technique que l'on peut définir, dans un
sens large et en suivant la classification proposée par Joseph Allois Schumpeter dans
Business cycles, comme regroupant les innovations de produit, les nouvelles méthodes de
production, les nouveaux débouchés, les nouvelles sources de matière première et les
nouvelles organisations structurelles de la production.
Pourtant, la pensée économique moderne, qui naît également au début de XIXème
siècle avec le courant classique et dont l'objet d'étude principal est la croissance
économique, autrement dit la croissance, dans une perspective de long terme, du volume
des biens et services produits, accorde peu d'importance au rôle du progrès technique ; ce
dernier ne pouvant éviter l'état stationnaire. Au contraire, c'est ce progrès technique qui est
vu par Schumpeter au XXème siècle comme le facteur explicatif central de la dynamique
économique ; dynamique économique qui n'est plus appréhendée à partir d'un "trend" de
croissance sur le très long terme mais à partir de cycles supposés la caractériser.
On voit ainsi que la question du progrès technique et de son incidence sur la
croissance et les fluctuations économiques depuis le début du XIXème siècle soulève
principalement deux types de problèmes. Premièrement, le problème de l'importance du
rôle du progrès technique dans la dynamique économique. Deuxièmement, le problème de
la nature de ce rôle. Le progrès technique induit-t-il simplement, de manière continue et
régulière, une pente plus ou moins forte du trend matérialisant la croissance économique
des XIXème et XXème siècles ? Ou, le progrès technique est-il caractérisé par une
discontinuité qui expliquerait les fluctuations observées dans les pays industrialisés depuis le
début du XIXème siècle ; fluctuations alternant des périodes plus ou moins longues
d'expansion et de récession voire de dépression et qui tendent parfois à s'apparenter à des
cycles (au sens de Kondratieff, de Juglar ou de Kitchin selon leur longueur) lorsqu'elles
apparaissent récurrentes et régulières.
Nous tenterons de résoudre ces problèmes en nous plaçant d'abord dans la
perspective de la croissance économique (le trend de très long terme) puis dans la celle des
fluctuations économiques.
I) LE RÔLE EXPLICATIF MAJEUR, BIEN QUE DIFFICILEMENT MESURABLE, DU PROGRES
TECHNIQUE DANS LA CROISSANCE ECONOMIQUE
Idée générale : A partir de la révolution industrielle, la multiplication des innovations
permettant notamment d'améliorer les techniques de production va se traduire
progressivement par le passage d'une croissance extensive à une croissance
intensive, par définition tirée principalement par le progrès technique. Le faible rôle
de l'accroissement quantitatif des facteurs de production (capital, travail) est précisé
par les études économétriques de Denison, de Carré-Dubois-Malinvaud ou de
Maddison qui assimilent le résidu obtenu au progrès technique. Cette mise en
évidence influence le débat théorique sur la croissance économique
(endogénéisation du progrès technique). Cependant, les limites empiriques des