répondit : «S’il n’existe pas d’autres moyens et
si, dans les circonstances données, cela n’em-
pêche pas l’accomplissement d’autres devoirs
religieux et moraux : oui (5) ». Dans ce cas en
effet, il est clair que la mort n’est en aucune fa-
çon voulue ou recherchée, même si le risque
en est raisonnablement couru; on a simple-
ment l’intention de calmer efficacement la dou-
leur en employant dans ce but les analgésiques
dont la science médicale dispose.
Mais l’utilisation intensive des analgésiques
ne va pas sans soulever des difficultés, puisque
le phénomène de l’accoutumance oblige géné-
ralement à en augmenter les doses pour en
maintenir l’efficacité. Il convient de rappeler ici
une déclaration de Pie XII (•) qui conserve
toute sa valeur; à des médecins qui lui posaient
la question suivante : «La suppression de la
douleur et de la conscience par le moyen des
narcotiques […] est-elle permise par la religion
et la morale au médecin et au patient (même à
l’approche de la mort et si l’on prévoit que l’em-
ploi des narcotiques abrégera la vie)? », le Pape
(•) Voir encadré
ci-dessous.
Juillet-Août 2001 • 11
Une lecture attentive des
textes proposés dans ce
dossier montrera à quel
point les principes directeurs
énoncés par le Pape Pie XII
lors de ses discours
prononcés devant des
médecins, le 24 février et
le 24 novembre 1957,
sont devenus des points
de repère pour la réflexion
de l’Église sur la question
de l’euthanasie. Voici les
paroles de ces discours les
plus souvent citées :
(Discours du 24 février 1957)
– « L’Église donne aux prêtres et
aux fidèles un “Ordo
commendationis animae”,
une série de prières qui doivent
aider les mourants à quitter cette
terre et à entrer dans l’éternité.
Mais si ces prières conservent
leur valeur et leur sens, même
quand on les prononce près
d’un malade inconscient, elles
apportent normalement et
à qui peut y participer, lumière,
consolation et force. Ainsi
l’Église laisse-t-elle entendre
qu’il ne faut pas, sans raisons
graves, priver le mourant de la
conscience de soi. »
– « L’idéal de l’héroïsme chrétien
n’impose pas, au moins d’une
manière générale, le refus d’une
narcose justifiée par ailleurs, pas
même à l’approche de la mort ;
tout dépend des circonstances
concrètes. La résolution plus
parfaite et plus héroïque peut
se trouver aussi bien dans
l’acceptation que dans le refus. »
– « En résumé, vous nous
demandez : “La suppression de
la douleur et de la conscience
par le moyen des narcotiques
(lorsqu’elle est réclamée par
une indication médicale) est-elle
permise par la religion et la
morale au médecin et au patient
(même à l’approche de la mort
et si on prévoit que l’emploi des
narcotiques abrégera la vie) ?”
Il faudra répondre : “S’il n’existe
pas d’autres moyens et si,
dans les circonstances données,
cela n’empêche pas
l’accomplissement d’autres
devoirs religieux et moraux :
oui”. »
(Discours du 24 novembre 1957)
« La raison naturelle et la
morale chrétienne disent que
l’homme (et quiconque est
chargé de prendre soin de
son semblable) a le droit et
le devoir, en cas de maladie
grave, de prendre les soins
nécessaires pour conserver
la vie et la santé. (…) Mais [ce
devoir] n’oblige habituellement
qu’à l’emploi des moyens
ordinaires (suivant les
circonstances de personnes,
de lieux, d’époques, de culture),
c’est-à-dire des moyens qui
n’imposent aucune charge
extraordinaire pour soi-même
ou pour un autre. (…) »
« Les droits et les devoirs de la
famille, en général, dépendent
de la volonté présumée du
patient inconscient, s’il est
majeur et sui juris. Quant au
devoir propre et indépendant
de la famille, il n’oblige
habituellement qu’à l’emploi
des moyens ordinaires. Par
conséquent, s’il apparaît que
la tentative de réanimation
constitue en réalité pour la
famille une telle charge qu’on
ne puisse pas en conscience la
lui imposer, elle peut licitement
insister pour que le médecin
interrompe ses tentatives,
et le médecin peut licitement
obtemporer. Il n’y a en ce cas
aucune disposition directe de
la vie du patient, ni euthanasie,
ce qui ne serait jamais licite ;
même quand elle entraîne
la cessation de la circulation
sanguine, l’interruption des
tentatives de réanimation n’est
jamais qu’indirectement cause
de la cessation de la vie (…). »
Pour le texte intégral de ces discours, voir
DC 1957, n°1247, col. 325-340 et n°1267,
col. 1605-1610.
PRINCIPES DIRECTEURS ÉNONCÉS PAR LE PAPE PIE XII
(5) Pie XII, Discours du 24 février 1957 (AAS 49 [1957].
p. 147) (DC, 1957, n°1247, col. 325-340).