NOTES DE VEILLE

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NOTES DE VEILLE
sur les approches, méthodes, stratégies
politiques, programmes et projets de
développement
renforcement de capacités
Centre d’Etudes de Politiques pour le Développement (CEPOD)
04, avenue Carde X rue Calmette - Dakar - Sénégal
TEL : 33 823 34 27 - FAX : 33 821 83 12
Email : [email protected] / site internet : www.cepodsn.org
Mise en place d’un système d’Intelligence économique au
sein du ministère de l’économie et des finances du Sénégal
« Se faire battre est excusable, se faire surprendre
est impardonnable » Napoléon
L’intelligence économique est un puissant moyen de
rapprochement entre l’entreprise et l’Etat. Ce dernier
doit protéger les intérêts nationaux et aider les entreprises locales à combattre à armes égales avec la
concurrence internationale. L’administration doit être
un partenaire du développement de l’entreprise à travers la diffusion des informations qu’elle détient et qui
sont utiles aux acteurs économiques. Il est impératif de
s’interroger sur le fait de savoir comment le secteur public et le secteur privé, peuvent s’engager, en commun,
dans un processus de maîtrise de l’information en vue
de rendre plus compétitive l’économie nationale. Dans
un environnement où la concurrence est de plus en plus
acharnée, une bonne politique d’IE contribue à l’atteinte des objectifs de la politique économique et de
contribuer à la croissance.
La question qui se trouve ainsi posée est alors : comment intégrer une démarche d’intelligence économique
au sein du Ministère de l’Economie et des Finances
afin de rendre plus compétitive l’économie sénégalaise ? Au sein du Ministère de l’Economie et des Finances (MEF), l’intelligence économique doit être
orientée vers la veille stratégique et le soutien à la compétitivité des entreprises. Elle doit aider à promouvoir
l’innovation et l’influence afin de mieux accompagner
le développement des entreprises au travers des différentes étapes de leur évolution et de faciliter leur accès
à l’international, notamment au marché sous-régional.
Cependant, les modalités de mise en œuvre des logiques d’intelligence économique et stratégique au niveau du MEF doivent répondre à un plan formalisé. La
pratique de l’Intelligence économique n’étant pas encore systématisée au Sénégal, sa mise en place au sein
du MEF suppose une forte implication des directeurs
généraux, des directeurs conseillers et des chefs de services, une adaptation des structures, et surtout une mobilisation et une implication de tous les agents en
référence à des missions et des résultats à atteindre.
Dans le contexte actuel où la croissance et le développement repose de plus en plus sur l’entreprise et l’initiative privée, les missions et les résultats à atteindre
par le MEF doivent être fortement articulés autour de
la croissance et du développement de l’entreprise en
relation avec les autres ministères, notamment les ministères dits économiques. Les chefs d’entreprises doivent être également formés de manière adéquate en
intelligence économique.
Une série d’actions doivent être engagées pour asseoir
un dispositif d’Intelligence économique au niveau du
MEF. Ce système doit être coordonné par un responsable chargé de l’Intelligence économique qui travaille
en collaboration avec les directions et services du MEF
à travers des répondants en IE. Il sera placé sous l’autorité du Ministre de l’Economie et des Finances.
Première étape : Identification et expression des besoins en informations
Toute structure qui veut faire de l’intelligence économique conçoit sa démarche selon ses propres préoccupations. Il faut faire un état des lieux formel :
analyser les besoins du ministère et des entreprises, les
moyens humains et matériels nécessaires et définir les
secteurs prioritaires. Il s’agit de répondre à une série
de questions : quelle est notre stratégie ? Quels sont
nos objectifs à court, moyen et long terme ? Quels sont
les besoins du ministère et des entreprises? Que veuton savoir ? Que doit-on savoir ? Quelle information
faut-il collecter ? Où peut-on collecter l’information et
selon quelles contraintes ? Comment et quand peut-on
collecter cette information ? Qui sera en charge de cette
collecte ? Quelle valeur ajoutée peut-on en tirer ? Les
besoins en informations du Ministère de l’Economie
et des Finances concernent surtout des statistiques, des
indicateurs, des agrégats macroéconomiques (le PIB, la
monnaie, les finances et la balance des paiements), la
situation économique, les marchés financiers, les opportunités d’affaires, etc.
La plupart des directions et services du MEF peuvent
trouver les informations qui les intéressent au sein des
autres directions et services du MEF. Pour répondre
aux préoccupations des entreprises en matière d’IE, il
faut comprendre leurs besoins. Les entreprises ont besoin de toutes les informations sur leur environnement : le contexte politique, les tendances économiques,
la législation et la réglementation, les orientations en
matière sociale, la concurrence, la propriété intellectuelle et les brevets, les clients, les développements
technologiques, le marché mondial etc.
La mise en place d’un dispositif d’Intelligence économique au sein du MEF nécessite des séances de travail
avec les directions générales, directions et services du
MEF mais aussi une enquête sur les besoins des entreprises et de leurs dirigeants. Ainsi les entretiens qu’a
déjà eus l’équipe du cabinet DCEG avec les services
du MEF devraient être complétés par une enquête auprès des entreprises sur leurs besoins en informations
et les capacités existantes pour en tirer un programme
de formation.
Deuxième étape : Collecte des informations
Le fait de connaitre les besoins en informations permet d’optimiser et de mieux maitriser cette étape plus
précise, et de minimiser la quantité d’informations inutilisables. Collecter les informations permet, d’une
part, d’apporter des réponses à des questions ponctuelles, d’autre part, de nourrir un fonds d’informations
ou documentaire. L’objectif de cette étape est d’initier
une veille stratégique pour acquérir des informations
sur les évolutions et les défis auxquels est confrontée
l’économie sénégalaise. En particulier, les services de
douanes peuvent jouer un rôle primordial dans une dé-
marche intégrée d’intelligence économique. En effet,
la douane détient une multitude d’informations sur la
circulation des personnes, des marchandises, des capitaux et autres informations sur le territoire national,
sous-régional ou africain et dans le monde. De même,
la DGID dispose à travers la TVA, un moyen de retracer le circuit des achats de biens et de services, en plus
des états financiers des entreprises. La DGCPT a plus
que jamais besoin d’établir des relations fiables avec
les banques et le marché des capitaux. L’introduction
des titres d’Etat participe au besoin de rendre compte
du niveau financier avec le développement des actifs
réputés sans risque. La DGCPT a besoin en collaboration de la DMC et de la DRS-SFD de maitriser le développement de l’épargne intérieure et sous- régionale
et des canaux d’investissement. En rapport avec la
DGF, elle enregistre l’information sur les biens et services objet de la commande publique et sur les entreprises prestataires.
La Direction Générale du Plan et la Direction de la
Coopération économique et financière enregistrent
l’information sur les projets et programmes, l’orientation des politiques sectorielles, les grandes tendances
lourdes ou émergentes de l’environnement national ou
international.
Démarche de l’Intelligence Economique au sein du MEF
L’ANSD a une fonction de base de production, de collecte, de gestion et de diffusion de l’information économique, sociale et environnementale pour l’utilisation
de tous les acteurs. La DPEE a une mission de gestion
macroéconomique et de suivi de la conjoncture.
L’UCSPE assure le suivi à court terme de l’action collective sur les plans économique et social, dans une
perspective de moyen terme. La DA assure le suivi des
risques inhérents aux activités économiques et l’IGF
celui des sources d’inefficience interne au MEF. Enfin,
la DTAI assure la veille sur la sécurité et les outils informatiques.
le responsable de l’IE pour :
w traduire les besoins d’informations exprimés par les
autorités en des termes utilisables par la cellule de
veille ;
w exploiter au mieux pour l’utilisation par les autorités, d’informations secondaires et tertiaires produites
par les répondants en IE et la cellule de veille
Troisième étape : Traitement des informations
Les sources d’informations sont innombrables, donc
les informations avant d’être analysées doivent être
traitées, c’est-à-dire triées et classées pour définir lesquelles sont les plus utiles et significatives pour valider
la fiabilité des sources en termes d’enjeu, d’actualité
et de légitimité et pour interpréter objectivement et
analyser les données et les tendances prévisionnelles.
Pour que l’information soit une force, il faut bien la
gérer et la maitriser.
Un réseau doit être mis en place entre toutes les directions du MEF, la direction d’appui au secteur privé
(DASP), la Cellule nationale de traitement des informations financières (Centif) et le Centre d’Etudes de
Politiques pour le Développement (CEPOD) pour
créer un dispositif d’Intelligence économique et centraliser toutes les informations. D’autres ministères
peuvent contribuer à alimenter le dispositif en informations: le ministère des affaires étrangères, le ministère
du commerce, le ministère de la recherche scientifique,
le ministère de l’agriculture, le ministère de l’industrie Le traitement de l’information nécessite des outils
et des PME.
techniques comme le Data Warehouse et le Data Mining. Le data Warehouse est une architecture déciPour faire un suivi régulier de l’ensemble de l’infor- sionnelle capable à la fois de gérer l’hétérogénéité dont
mation sur tous les secteurs de l’économie, il faut va- l’enjeu est de transformer les informations en renseiloriser le réseau local et les ressources informatiques gnements directement exploitables par les utilisateurs.
en place. Dans chacun des services du ministère, un ré- Il permet d’organiser les informations par thème, de
pondant en IE doit identifier et évaluer les sources les intégrer, de les protéger et de visualiser leur évolud’informations, collecter les informations et les com- tion dans le temps. Quant au Data Mining, il a pour obmuniquer à la cellule de veille du dispositif.
jectif l’extraction d’un savoir ou d’une connaissance à
partir de grandes quantités d’informations. Il est comEn ce qui concerne l’information informelle, chaque posé d’outils facilitant l’analyse des données : les techagent ou collaborateur est potentiellement un informa- niques de classification et de segmentation, les
teur et un détenteur d’informations stratégiques pour techniques suivant les principes d’arbres de décision,
le MEF. Il faut développer une véritable culture d’IE, les techniques d’associations ou d’analogies et les
c’est-à-dire une culture d’enregistrement et de diffu- techniques d’apprentissage les plus efficaces. Le mision de l’information dans un cadre légal. L’intelli- nistère devrait investir dans ces outils pour faciliter le
gence économique recommande aux acteurs de traitement des informations utiles pour les analystes
s’affranchir du goût pour le secret et le cloisonnement, qui sont l’élément central de cette phase. Un minide la conception élitiste de la circulation de l’informa- mum de deux analystes serait requis au sein de la celtion en familiarisant les décideurs, chefs d’entreprise, lule de veille du fait de la nature hétérogène des
agents de l’Etat et universitaires à l’esprit de réseau, besoins et de la taille importante du MEF. A partir des
au partage et à la gestion collective de l’information et informations parcellaires et éparses, les analystes doià l’économie du savoir. Toutes les informations doi- vent sortir un ensemble cohérent et continu d’inforvent être centralisées et leur gestion confiée à une cel- mations permettant de prendre des décisions
lule de veille. Cette dernière dresse la liste de sources adéquates. Ils doivent rendre compte aux différents serinformationnelles accessibles, contrôle les informa- vices du ministère à travers les supports de communitions collectées par les répondants en IE et en assure le cation les plus appropriés. Des réunions de
suivi dans leur service. Les animateurs en IE assistent coordination peuvent être organisées périodiquement
pour évaluer le système et éventuellement l’améliorer. L’instauration d’une culture d’appartenance et la valorisation des agents sont fondamentales pour éviter la
Quatrième étape : Diffusion et protection des in- diffusion volontaire ou accidentelle d’informations
formations
sensibles. Aussi, il est nécessaire d’investir dans les
L’information doit être diffusée au bon moment et à la outils de protection de l’information qui respectent la
bonne personne, il faut qu’elle circule ce qui nécessite confidentialité et l’intégrité des informations telles que
des moyens de communication fluides mais surtout un les outils de cryptologie, l’antivirus et les firewalls.
changement des mentalités.
Conclusion : L’intelligence économique est une méIl faut donc construire un espace de partage de l’infor- thode de gestion, une guerre économique, un état d’esmation pour alimenter le circuit de décision. Une fois prit dont le but ultime est de mener à une prise de
traitée et analysée, l’information doit aller vers le ser- décision, à un moment opportun dans le but d’assurer
vice qui pourra l’exploiter pour répondre à ses besoins. une compétitivité et une pérennité des agents éconoIl est donc nécessaire que les informations collectées et miques. En définitive, l’IE est la maîtrise et la protectraitées, parviennent aux différents responsables tion de l’information stratégique pour tous les acteurs
concernés par la prise de décision stratégique. Il est économiques pour assurer et renforcer la sécurité écosouhaitable de créer un intranet au niveau du minis- nomique. L’intégration d’une démarche d’IE au sein
tère, regroupant la production des diverses institutions du Ministère de l’Economie et des Finances sera un
administratives y compris celles chargées d’anticipa- tremplin vers l’instauration, à terme, d’une stratégie
tion et de prospective.
d’intelligence nationale.
Au niveau du MEF, la Cellule de communication assiste les autorités dans la communication avec l’extérieur et gère le site internet du département. Elle pourra
être mise à contribution dans la diffusion des informations tertiaires en direction des publics appropriés suivant les canaux adéquats.
La mise en place d’un réseau de partage de l’information aiderait également les entreprises à asseoir une démarche d’IE. Celles-ci ont besoin d’accéder facilement
et au meilleur coût à l’information ; la Direction d’Appui au Secteur Privé pourrait servir d’interface entre
elles et le dispositif d’Intelligence économique et leur
permettre d’avoir des informations stratégiques. Dif- Organigramme de la cellule d’Intelligence Economique
fuser une information n’est pas suffisant, il faut que
cette information se transforme en action pour créer Bibliographie
François JAKOBIAK : « L’Intelligence économique : la comune véritable valeur ajoutée.
Les informations identifiées, stockées, traitées et diffusées doivent être protégées car elles sont source de
convoitise. Le ministère doit sécuriser son système
d’information. La sécurité doit faire la distinction entre
l’information sensible et celle qui ne l’est pas, celle qui
doit être publiée et celle qui ne doit pas l’être. Pour
cela, il faut au préalable identifier les personnes qui
doivent être alimentées en informations stratégiques.
prendre, l’implanter, l’utiliser », Deuxième tirage, 2006.
Stéphane GORIA et al. : « Le processus d’Intelligence Economique : Une étude selon le point de vue de l’infomédiaire et des
problématiques de recherche d’information », 2005.
Par les stagiaires :
Wouddou Deme et Madaniou DIEME
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