Commentaire du livre V « Exécution des décisions » du code de

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Commentaire du livre V « Exécution des décisions » du code de procédure pénale
par Me Sylvain SOUOP, Avocat
Livre V
Exécution des décisions
Il convient d’emblée de préciser que les décisions dont il s’agit ici sont, pour la majorité,des actes
juridictionnels, c'est-à-dire, d’un point de vue formel, des décisions émanant d’une juridiction (juge,
tribunal) et non pas, dans le cas de l’espèce des actes du ministère public par exemple.
Généralement, une décision de justice, appréhendée tel qu’il est dit ci-dessus, possède l’autorité de la
chose jugée, la force exécutoire et, la plupart des cas, un caractère déclaratif.
La décision ou jugement pénal(e) comporte des dispositions relatives à l’action publique et à l’action
civile et des dispositions portant sur les frais de justice.
L’exécution des dispositions portant sur l’action publique (peines d’emprisonnement, amendes,
contraintes par corps) incombe au ministère public alors que l’exécution des dispositions concernant
l’action civile revient à la victime. C’est ce que traduit l’alinéa 3 de l’article 545 ci-dessous.
Les frais de justice peuvent être distinguées en deux catégories, les frais de poursuite (dépens) et les
frais de défense (honoraires d’avocats). En principe, les frais de justice sont à la charge du trésor
public. Les frais de défense restent à la charge de chaque partie ayant constitué avocat.
Titre I : Des dispositions générales
Article 545
Cet article distribue les responsabilités en matière d’exécution des décisions. Le juge s’assure de
l’exécution des jugements et ordres par lui donnés alors que le parquet s’assure de l’exécution
effective et immédiate des mandats et décisions d’arrestation, de détention, de mise en liberté. La
partie civile quant à elle procède au recouvrement (amiable ou forcé) de ses intérêts civils.
Bien que demeure le principe selon lequel le jugement met fin au procès pénal et épuise les pouvoirs
du juge, celui-ci sera, selon le Code, de plus en plus amené à intervenir dans l'exécution de la peine.
S’agira t-il comme dans le Code de procédure pénale français, du retrait de la semi-liberté accordée
par jugement, du relèvement des interdictions, déchéances, incapacités ou mesures de publication
résultant de la condamnation, ou encore de la suspension ou du fractionnement des peines ?. Le Code
ne le dit pas. Ce d’autant plus qu’il n’existe pas, comme en France un juge chargé de l’application des
peines et dont l’existence conduit à un véritable contrôle judiciaire des peines.
On ne manquera pas de s’interroger pour savoir comment un Président de juridiction, dessaisi de la
cause, une fois son jugement ou arrêt rendu, pourra s’assurer de l’exécution de ses décisions. La
question se pose d’autant plus que la magistrature assise ne dispose pas de la force publique, même
s’il est vrai que sa décision est exécutoire.
Le ministère public et la partie civile ne peuvent mettre en exécution que les décisions irrévocables.
Pour ce qu’il faut entendre par décisions irrévocables voir annotation sous l’article 547 ;
La partie civile obtient habituellement réparation du préjudice que lui a causé l'infraction sous forme
de dommages-intérêts mais cette réparation peut prendre d'autres formes telle que la publication du
jugement par exemple. La partie civile a seule qualité pour faire exécuter les condamnations
prononcées à son profit par les voies et moyens traditionnels que le Code de procédure civile et
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commercial (CPCC) met à sa disposition. Le Code permet désormais, qu’à côté du CPCC, la partie
civile utilise la voie d’exécution nouvelle qu’est la contrainte par corps (voir infra) pour recouvrer ses
intérêts civils. La loi de juillet 1867 ne le permettait pas.
Certaines administrations sont appelées à poursuivre l'exécution des sentences où elles sont parties.
Parce qu'elles représentent les intérêts pécuniaires de l'État et que certaines infractions causent un
préjudice à ces intérêts, ces administrations sont tout d'abord investies du droit de poursuivre les
infractions commises à leur préjudice. Les amendes prononcées seront en principe recouvrées par
elles, ces amendes ayant un caractère mixte de réparation et de peine ( Cass. crim., 22 janv. 1958 :
Bull. crim., n° 78. – 2 oct. 1975 : Bull. crim., n° 201), et constituent, pour la plupart, des amendes
fiscales. Ces administrations ont également un droit de transaction qu'elles peuvent, sous certaines
conditions, exercer avant ou après jugement. Mais, lorsqu'elle intervient après jugement, la
transaction ne s'étend qu'à la peine pécuniaire.
C'est ainsi que l'Administration des impôts, en matière de contributions directes et indirectes, procède
au recouvrement des amendes à caractère fiscal ainsi qu'aux confiscations qui ont le caractère d'une
peine et d'une indemnité au profit du Trésor ; mais les autres peines prononcées sont ramenées à
exécution par le Ministère public.
L'Administration des douanes fait aussi exécuter les sanctions d'ordre pécuniaire prononcées à la
suite d'infractions douanières.
Même s'il existe une contradiction entre le dispositif d'une décision qui ne tire pas les conséquences
des motifs énonçant qu'il y a lieu de faire droit aux prétentions de l'Administration des douanes, il
n'est pas possible, sous couleur d'interprétation, de rectifier par aggravation le montant des pénalités
douanières infligées.
Si l'Administration chargée des forêts poursuit elle-même pour obtenir la condamnation à des
amendes fiscales ou la réparation du préjudice qui lui a été causé, et peut ainsi provoquer des peines
proprement dites, elle ne procède pas elle-même au recouvrement des amendes et condamnations
pécuniaires, qui est confié aux comptables du Trésor, pas plus qu'à l'exécution des autres peines qui
relèvent du Ministère public. Son droit de transaction, utilisé après jugement, ne concerne que les
sanctions pécuniaires .
On pourrait en dire de même des condamnations pécuniaires liées aux infractions boursières dont le
recouvrement ne saurait être laissé à l’initiative de la Commission des Marchés Financiers (CMF)
(art.32 et s de la loi n°99/015 du 22 décembre 1999 portant création et organisation d’un marché
financier). Il n’en demeure pas moins que les sanctions pécuniaires directement infligées par la CMF
sont recouvrées par elle.
Il appartient essentiellement au Ministère public d'assurer l'exécution des sanctions pénales - À ce
titre, il fait exécuter toutes les peines privatives de liberté. En ce qui concerne les peines pécuniaires
et, sous réserve du rôle déjà rappelé des régies financières, les poursuites pour le recouvrement sont
faites par lui, voire au moyen de contrainte par corps, contrairement au cas français où le
recouvrement est fait par le percepteur au nom du procureur de la République qui lui prête, le cas
échéant la force publique ou l’exercice de la contrainte par corps.
Le Ministère public est normalement chargé de faire exécuter les peines de toutes natures figurant
dans le Code pénal, ainsi que les peines complémentaires ou accessoires pouvant résulter des lois
particulières.
Le Ministère public, procureur de la République et procureur général, a le droit de requérir
directement l'assistance de la force publique à l'effet d'assurer l'exécution des sentences pénales. C'est
donc par les agents de la force publique qu'il fera incarcérer un condamné à l'emprisonnement, ou
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fera procéder, par exemple, à une fermeture d'établissement ou à un affichage, qui auront été décidés,
comme sanctions pénales, par une juridiction répressive.
L'exécution des peines privatives de liberté provoque parfois des incidents contentieux. Parmi les plus
habituels sont ceux qui sont relatifs à l'imputation de la détention provisoire ou à la confusion des
peines. Si le magistrat du Parquet considère que la réclamation du condamné est incontestablement
fondée, il peut régulariser la situation : par exemple, la confusion des peines est de droit là où il a été
omis d'imputer une détention provisoire. En revanche, s'il y a un véritable contentieux, il convient de
le soumettre à la juridiction qui s'est prononcée.
Article 547
A lire les articles 545 et 547, la décision exécutoire est une décision irrévocable. La décision
irrévocable est celle qui n’est plus susceptible de faire l’objet d’une voie de recours ordinaire ou
extraordinaire (appel, opposition, pourvoi). A cet égard, peut-on encore soutenir que le pourvoi est
une voie de recours extraordinaire dès lors que le Code prévoit que la Cour Suprême évoque et statue
à nouveau sans possibilité de renvoi devant une Cour d’appel ? La réponse paraît désormais négative
en matière pénale comme en matière d’OHADA. La décision irrévocable acquiert l’autorité de la
chose jugée. En droit pénal comme en droit, la décision irrévocable, est, par présomption irréfragable,
l’expression de la vérité : Res judicata pro veritate habetur (art.1350 du code civil).
L’effet de la décision irrévocable est que l’action publique engagée une première fois ne saurait l’être
une seconde fois. C’est la règle non bis in idem ou autorité de la chose jugée du criminel sur le
criminel. L’autre effet procède de ce que le civil ne lie pas le criminel, sauf pour ce qui concerne les
questions préjudicielles.
Cet article est à lire en rapport avec l’article 392 qui prévoit l’exécution par provision (des intérêts
civils) et l’article 453 qui prescrit que l’appel ne suspend pas l’exécution des titres de détention
délivrées. Autrement dit, l’appel d’un détenu ne signifie pas libération d’office de ce détenu.
Cependant, si la peine est inférieure ou égale à un an, le prévenu peut, s’il manifeste sur le champ son
intention de relever appel, être laissé en liberté à condition de fournir des garanties (caution par
exemple). L'effet suspensif de l'appel s'applique aux intérêts civils lorsque la décision n’est pas
assortie de l’exécution provisoire. Qu’en sera-t-il de l’effet du pourvoi, traditionnellement non
suspensif des intérêts civils dès lors que la Cour Suprême évoque et statue à nouveau ? A notre sens, le
condamné devrait solliciter un sursis à exécution pour éviter de payer prématurément une partie
civile.
Articles 548, 549 et 550
Au terme des trois articles ci-dessus (Art ;548, 549 et 550), on ne peut manquer de s’interroger sur le
fait de savoir quel sera, dans l’intervalle, le sort de la décision primitive dans le cas où la décision,
rectifiant l’erreur matérielle ou interprétant une disposition obscure, fait l’objet d’un recours.
Probablement, l’exécution de la décision, pour ce qui concerne tout au moins les intérêts civils, risque
d’être différée jusqu’à l’issue définitive du recours en rectification ou en interprétation.
Il reste néanmoins qu’une décision faisant déjà l’objet d’un recours ordinaire ne saurait faire l’objet
de demandes en rectification ou en interprétation.
Tous incidents contentieux relatifs à l'exécution sont portés devant le tribunal ou la cour qui a
prononcé la sentence et cette juridiction peut également procéder à la rectification des erreurs
purement matérielles contenues dans ses décisions.
Sous l'empire du Code d'instruction criminelle, qui ne comportait aucune disposition similaire, il
avait toujours été admis que les juridictions pénales avaient le pouvoir de statuer sur ces incidents,
sous réserve de ne pas porter atteinte à l'autorité de la chose jugée (Cass. crim., 24 mars 1928 : Bull.
crim., n° 103. – 29 juin 1933 : Bull. crim., n° 139).
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Que ce soit sur la rectification des erreurs matérielles ou sur un incident contentieux, la décision qui
intervient implique toujours une certaine part d'interprétation, ne serait-ce que pour affirmer que
l'erreur invoquée est purement matérielle. La Chambre criminelle (Cour de Cassation française)
reconnaît au juge pénal le pouvoir d'interpréter ses décisions obscures ou ambiguës, mais en
enfermant ce pouvoir dans la règle selon laquelle il ne saurait appartenir à une juridiction saisie en
application d'ajouter, sous couvert d'interprétation, des dispositions nouvelles qui ne seraient pas la
réparation d'erreurs purement matérielles (Cass. crim., 16 mars 1964 : Bull. crim., n. 99. – 22 juill.
1986 : Bull. crim., n° 240 avec les arrêts cités. – 5 mars 1991 : Bull. crim., n° 109 avec les arrêts
cités).
La Cour de cassation précise encore dans toute une série d'arrêts que le pouvoir donné aux
juridictions par l'article 710 du Code de Procédure Pénale Français (dont les dispositions ressemblent
aux articles 548 et 549 du présent code) trouve sa limite dans la défense de modifier la chose jugée, de
restreindre ou d'accroître les droits consacrés par les décisions dont la rectification ou l'interprétation
est demandée (Cass. crim., 14 mars 1961 : Bull. crim., n° 257. – 7 juin 1963 : Bull. crim., n° 198. – 5
juill. 1966 : Bull. crim., n° 190. – 21 juin 1977 : Bull. crim., n° 228. – 24 janv. 1978 : Bull. crim., n°
26. – 5 nov. 1981 : Bull. crim., n° 296. – 10 mai 1983 : Bull. crim., n° 135. – 26 juin 1984 : Bull. crim.,
n° 242. – 5 nov. 1985 : Bull. crim., n° 343. – 19 mai 1987 : Bull. crim., n°203. – 26 avr. 1990 : Bull.
crim., n° 161. – 14 avr. 1993 : Bull. crim., n° 155. – 9 févr. 1994 : Bull. crim., n° 61).
Les demandes de confusion des peines constituent un
d’interprétation à soumettre au juge.
incident contentieux ou une difficulté
Il est néanmoins regretable que le Code n’ait pas parlé de manière spécifique, comme le législateur
français, d’incidents de contentieux qui sont très souvent des difficultés d’interprétation dont la
solution peut n’altère pas la décision au fond.
Constitue par exemple un incident contentieux, la difficulté d'exécution résultant du refus du procureur
de la République de restituer des objets qui avaient été saisis lors de l'instruction, au motif que le
requérant ne pouvait en justifier la propriété.
Illustration de quelques cas d’interprétation (à titre de droit comparé, la jurisprudence
camerounaise n’étant pas publiée de manière systématique) Voir Jurisclasseur, CD Rom Droit
Pénal et procédure pénale, 2002.
– Une cour d'appel, saisie d'une requête en interprétation d'un arrêt précédemment rendu par elle, faisant
bénéficier un condamné de la confusion entre deux peines d'emprisonnement, l'une d'un an avec sursis et l'autre
d'un mois ferme, ne peut décider, par une disposition nouvelle, violant d'ailleurs le principe suivant lequel
chaque peine conserve son individualité, que la peine ferme ne serait pas subie (Cass. crim., 16 mars 1964 :
Bull. crim., n° 157).
– Le Ministère public ne saurait, par voie d'interprétation, réclamer de la cour d'appel qu'elle étende la
fermeture d'un hôtel-restaurant ordonné par application des textes réprimant le proxénétisme à un bar exploité
par le condamné dans un local annexe (Cass. crim., 14 mars 1961 : Bull. crim., n° 157).
– Un tribunal ne peut, en constatant que le condamné contre lequel il avait prononcé une mesure d'interdiction
d'obtenir un permis de conduire était déjà titulaire de celui-ci, substituer à la mesure ainsi décidée une mesure
de suspension du permis de conduire. En effet, « la suspension du permis de conduire pour la durée d'une
année constitue une mesure différente de l'interdiction d'obtenir un permis avant l'expiration d'un délai de trois
ans ; que dès lors, en statuant ainsi qu'il l'a fait, le tribunal a excédé ses pouvoirs et porté illégalement atteinte
à la chose jugée » (Cass. crim., 12 nov. 1975 : Bull. crim., n° 243).
– On ne saurait davantage ajouter au dispositif d'un jugement fractionnant l'exécution d'une peine et ses termes
doivent être interprétés strictement (Cass. crim., 21 juin 1978, Quéru).
Cass. crim., 21 juin 1978, préc.
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Attendu qu'il ne saurait appartenir à une juridiction saisie en application du texte précité d'ajouter,
sous couvert d'interprétation, des dispositions nouvelles qui ne seraient pas une réparation d'erreurs
purement matérielles;
Attendu que, par jugement du 13 mai 1976, devenu définitif, le tribunal de police de Mayenne a déclaré
Quéru coupable d'infractions au Code de la route et l'a condamné à des peines d'amende ; que le
dispositif du même jugement a prononcé « en outre la suspension de son permis de conduire pendant
une durée de deux mois » et « dit que cette suspension s'effectuera les samedis, dimanches et jours
fériés »;
Attendu que Quéru ayant fait valoir qu'il avait purgé sa peine à l'expiration d'une période de deux mois,
le tribunal de police, qui avait d'ailleurs outrepassé ses pouvoirs en autorisant le prévenu à conduire les
jours ouvrables, a été saisi par le Ministère public d'une demande en interprétation de la décision
susvisée ; que, par jugement du 16 juin 1977, confirmé par l'arrêt attaqué, le tribunal a déclaré que la
suspension du permis de conduire devait être effectivement exécutée pendant deux mois, soit soixante
jours ne comprenant que les samedis, dimanches et jours fériés;
Mais, attendu qu'en statuant ainsi, les juges du fond ont illégalement ajouté au dispositif du jugement
qu'ils entendaient interpréter et par là même violé le principe ci-dessus énoncé.
– Il n'est pas possible à une juridiction, sous couvert d'interprétation, de compléter le dispositif d'une décision
qui n'a pas précisé la durée d'exécution d'une mesure d'affichage (Cass. crim., 11 févr. 1980, Szantyr).
Cass. crim. 11 févr. 1980, préc.
Attendu qu'il ne saurait appartenir à une juridiction saisie en application de l'article 710 du Code de
procédure pénale d'ajouter, sous couvert d'interprétation ou de rectification, des dispositions nouvelles
qui ne seraient pas la réparation d'erreurs purement matérielles ; que, notamment, les juridictions sont
sans pouvoir pour modifier, en suivant cette procédure, les peines prononcées telles qu'elles sont
portées sur la minute qui, signée du président et du greffier, fait foi, jusqu'à l'inscription de faux;
Attendu qu'il appert de l'arrêt attaqué que, par arrêt de la cour d'appel de Paris du 31 mai 1977,
Szantyr a été condamné, pour pratique de prix illicites, à 30 000 F d'amende et à l'affichage de la
décision;
Que le procureur général près de ladite cour a présenté requête, le 6 octobre 1978, aux fins de
rectification du dispositif dudit arrêt au motif qu'il ne mentionnait pas la durée de l'affichage ; que,
faisant droit à cette requête, la cour d'appel a ordonné que celui-ci serait effectué pour une durée de
huit jours;
Attendu qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a méconnu et par là même violé l'article 710
du Code de procédure pénale;
– Néanmoins, l'omission de fixer le coût de l'affichage peut donner ouverture à la procédure de rectification si
le coût de la mesure dépasse les prévisions légales (Cass. crim., 18 févr. 1980, Florence).
Cass. crim., 18 févr. 1980, préc.
Attendu que l'omission de fixer le coût de l'affichage aurait pour seul effet d'être la cause d'un incident
contentieux relatif à l'exécution de la décision donnant ouverture à la procédure de rectification prévue
par les articles 710 et 711 du Code de procédure pénale, si le coût de ladite mesure devait apparaître
comme dépassant, contrairement aux prévisions de l'article 7 de la loi du 1er août 1905, le maximum
de l'amende encourue ; que l'arrêt ne fait pas sur ce point, en l'état, grief au demandeur.
– L'interprétation d'un jugement, mesure exceptionnelle, ne saurait aller au-delà de la stricte conséquence qui
en est déduite et anticiper une décision, même logique, fondée sur les suites éventuelles de la constatation
interprétative (Cass. crim., 5 mars 1991 : Bull. crim., n° 109).
Cass. crim., 5 mars 1991, préc.
Attendu qu'il appert de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure que Pierre Mouton a été renvoyé
devant le tribunal correctionnel sous la prévention de vols de secret de fabrique et d'abus de confiance
et que cette juridiction, par jugement du 29 février 1988, a prononcé l'annulation de la procédure
d'information pour violation des dispositions de l'article 83 du Code de procédure pénale;
Que, par requête du 15 juin 1989, Pierre Mouton a demandé au tribunal, par voie d'interprétation, de
déclarer l'action publique éteinte en raison de la prescription et de prononcer sa relaxe ; que par
jugement du 25 octobre 1989 cette requête a été rejetée;
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Attendu que, pour confirmer le jugement entrepris, la cour d'appel observe que le juge saisi sur le
fondement de l'article 710 du Code de procédure pénale ne peut ni modifier la chose jugée ni
restreindre ou accroître les droits consacrés par cette décision et que le jugement dont l'interprétation
était demandée, limité à la nullité de l'information, n'impliquait pas la relaxe de Mouton ; que les juges
relèvent que si le prévenu considérait que le tribunal aurait dû prononcer celle-ci lui appartenait
d'interjeter appel du jugement du 29 février 1988, ce qu'il n'a pas fait;
Attendu qu'en cet état, loin d'encourir les griefs allégués, l'arrêt attaqué a fait l'exacte application de
l'article 710 du Code de procédure pénale ; que d'ailleurs, en cas de reprise des poursuites, rien
n'interdit au demandeur d'invoquer le bénéfice de la prescription de l'action publique qu'il
appartiendrait à la juridiction saisie de constater s'il y avait lieu;
– Encourt la cassation l'arrêt qui, sous couvert d'interprétation d'une précédente décision, règle un différend
opposant un tiers payeur et le Fonds de garantie contre les accidents quant à la répartition entre les tiers
payeurs de sommes dues par l'assureur du responsable de l'accident (Cass. crim., 5 oct. 1994 : Bull. crim., n°
109).
– Il ne peut être demandé à une cour d'appel, sous couvert d'interprétation, d'ajouter à une décision ne
comportant aucune disposition obscure ou ambiguë de nouvelles dispositions qui, statuant sur une exception de
prescription non soulevée au cours de l'instance pénale ou sur la solidarité prévue par l'article 1745 du Code
général des impôts qui n'avait pas été prononcée, aurait eu pour effet de restreindre ou d'étendre les droits
résultant de l'arrêt et de modifier ainsi la chose jugée (Cass. crim., 28 févr. 1973 : Bull. crim., n° 102)
– Lorsque n'avait pas été demandé, conformément aux prescriptions de l'article 104 du Code de l'urbanisme, la
démolition d'un ouvrage irrégulièrement construit dans un délai déterminé sous astreinte, un tel délai ne peut
être imparti par voie d'interprétation (Cass. crim., 29 janv. 1964 : Bull. crim., n° 37). Un condamné pour
construction sans permis auquel il a été imparti un délai pour satisfaire à la démolition ordonnée des ouvrages
construits irrégulièrement ne peut, sous prétexte d'interprétation, demander le report du point de départ de ce
délai au jour de la publication du plan d'occupation des sols (Cass. crim., 9 mai 1978 : Bull. crim., n° 144).
– Les juges qui ont déterminé dans leur décision le préjudice global subi par la victime d'un accident ne
peuvent, par une décision interprétative, au motif que la caisse primaire de sécurité sociale n'était pas présente
aux débats, décider que les prestations servies par cet organisme s'ajouteraient à la somme définitivement
allouée à la partie civile, ajoutant ainsi au dispositif du jugement qu'ils entendaient interpréter (Cass. crim., 7
juill. 1963 : Bull. crim., n° 198).
– Ajoutent encore au dispositif qu'ils prétendent interpréter les juges qui, ayant accordé à une partie civile «
pour elle-même et pour subvenir aux besoins de son fils mineur pendant sa minorité, dans la mesure où ils
incombent normalement à la mère tutrice, la somme de 120.000 F » décident, par voie d'interprétation, que leur
décision devait être entendue en ce sens que la somme allouée constituait, pour partie, un bien personnel de
l'enfant mineur et fixait la part de celui-ci à 25 000 F (Cass. crim., 5 juill. 1960 : Bull. crim., n° 190).
S’agissant de l’erreur matérielle,ci-dessous également des décisions de justice française qui
pourraient inspirer les plaideurs et les juges (in Jurisclasseur, CD Rom Droit pénal et Procédure
pénale, 2002)
- Le tribunal ou la cour qui a prononcé la sentence peut procéder à la rectification des erreurs
purement matérielles contenues dans sa décision. Les juges possèdent à cet égard un pouvoir
souverain que limite seule la défense de modifier la chose jugée, de restreindre ou d'accroître les
droits consacrés par la décision (Cass. crim., 7 janv. 1975 : Bull. crim., n° 5. – 5 nov. 1981 : Bull.
crim., n° 296. – 22 juill. 1986 : Bull. crim., n° 240. – 26 avr. 1990 : Bull. crim., n° 161).
– Constitue une simple erreur matérielle, au sens de l'article 710, l'omission de deux crimes dans le
dispositif d'un arrêt de chambre d'accusation portant renvoi devant une cour d'assises, dès lors que,
dans les motifs de l'arrêt, les charges d'avoir commis ces infractions sont relevées contre l'accusé et
que l'énumération des crimes retenus, faite dans le dispositif, comporte dans la progression
numérique, une solution de continuité de deux maillons, correspondant à cette omission (Cass. crim.,
12 avr. 1988 : Bull. crim., n° 153).
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La même solution avait été admise à propos de l'omission dans le dispositif d'un arrêt de chambre
d'accusation d'une circonstance aggravante qui avait été expressément relevé dans l'exposé des faits,
de sorte que la rectification prononcée, consistant dans l'adjonction de cette circonstance aggravante
dans le dispositif de renvoi, n'a abouti qu'à rendre celui-ci conforme à ce que, d'après les motifs,
avaient manifestement voulu décider les juges du fond (Cass. crim., 12 mai 1986 : Bull. crim., n°
159).
– Constitue une erreur purement matérielle l'erreur de calcul résultant de ce que, dans une opération
consistant à soustraire du montant global du préjudice patrimonial de chacune des parties civiles le
montant des remboursements attribués à une caisse de sécurité sociale, l'arrêt a omis de tenir compte
d'une partie de ces remboursements alors qu'il résultait des motifs du même arrêt que les juges
entendaient les inclure dans la somme à soustraire et qu'ainsi la rectification prononcée aboutit à
rendre ce dispositif de la décision conforme à ce que, d'après les motifs, ont manifestement voulu
décider les juges du fond (Cass. crim., 24 janv. 1978 : Bull. crim., n° 26).
En corrigeant le résultat d'un calcul erroné, dont les bases avaient été exposées sans ambiguïté dans
les motifs d'un jugement, et en rendant ainsi le dispositif conforme à ce qu'avait manifestement voulu
le tribunal, les juges n'excèdent pas le pouvoir qu'ils tiennent qu'ils tiennent de l'article 710, de
procéder à la rectification des erreurs purement matérielles contenues dans leurs décisions (Cass.
crim., 29 mars 1990 : Bull. crim., n° 137).
– L'omission par les juges du fond d'appliquer, dans le dispositif de leur décision, le partage de
responsabilité par eux prononcé, à certaines des sommes auxquelles ils ont évalué divers chefs du
préjudice subi par la victime de l'infraction constitue une erreur matérielle susceptible d'être réparée
par la procédure de rectification et, par suite ne peut donner lieu à ouverture à cassation (Cass.
crim., 16 déc. 1992 : Bull. crim., n° 422).
– Lorsqu'une prévenue a été condamnée sous le nom d'une autre personne totalement étrangère à
l'instance, par suite d'une erreur purement matérielle, la juridiction ayant statué a qualité pour
ordonner la rectification de l'erreur ainsi commise dans les conditions prévues par les articles 710 et
711 (Cass. crim., 27 févr. 1969 : Bull. crim., n° 109).
– La procédure de l'article 710 ne permet pas aux juridictions de porter atteinte à la chose jugée.
C'est ainsi qu'elles ne sauraient, sous prétexte d'erreurs matérielles, modifier les peines prononcées
telles qu'elles sont portées sur la minute signée par le président et le greffier qui fait foi jusqu'à
inscription de faux. Cette autorité ne peut être détruite par de simple notes d'audience (Cass. crim.,
23 juin 1967 : Bull. crim., n° 160. – 23 oct. 1969 : Bull. crim., n° 265. – 29 févr. 1988 : Bull. crim., n°
103).
– Lorsque le dispositif d'un arrêt d'une chambre d'accusation, notifié conformément à l'article 217 du
Code de procédure pénale, infirme une ordonnance de prolongation de la détention, il confère à la
personne mise en examen un droit à la liberté. Aussi cette juridiction ne saurait-elle, sans restreindre
les droits consacrés par sa décision, se fonder sur les motifs de celle-ci pour dire que le dispositif
aurait dû confirmer ladite ordonnance et prescrire sa rectification en ce sens (Cass. crim., 18 janv.
1994 : Bull. crim., n° 24).
– La cour d'appel qui avait confirmé un jugement du tribunal correctionnel condamnant un prévenu à
des peines inférieures au minimum des pénalités encourues pour importation en contrebande de
marchandises prohibées ne peut, au motif d'une erreur matérielle manifeste, substituer, par voie de
rectification, une peine plus élevée à celle qui avait été prononcée par erreur en première instance
qu'elle avait maintenue en confirmant la décision entreprise (Cass. crim., 22 juill. 1986 : Bull. crim.,
n° 240).
– Le fait d'avoir omis de prendre en considération, pour l'évaluation du préjudice subi par la victime
d'un accident soumis au recours du tiers payeur, une partie des prestations versées par ce dernier, ne
saurait être considéré comme constitutif d'une erreur matérielle susceptible d'une rectification en
application des dispositions de l'article 710. Une telle rectification aurait d'ailleurs pour résultat de
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réduire le montant de l'indemnité complémentaire revenant à la victime (Cass. crim., 9 févr. 1994 :
Bull. crim., n° 61).
– Si les juges ont omis de statuer sur un chef de préjudice, ils ne peuvent, par la voie de la
rectification, en utilisant les dispositions de l'article 463 du Code de procédure civile, qui ne sont pas
applicables devant les juridictions pénales, modifier une décision devenue définitive sans porter
atteinte à l'autorité de la chose jugée (Cass. crim., 5 nov. 1981 : Bull. crim., n° 296).
TITRE II : De l’incarcération
Article 553
(1) Au regard de l’état des prisons camerounaises et des moyens étriqués mis à la disposition de
l’administration pénitentiaire, cette disposition risque encore de rester longtemps un vœu
pieux, car, dans nos prisons, il est difficile de faire la différence entre un inculpé, un prévenu
ou un accusé. Certains mineurs cohabitent avec des adultes. Le mélange de genre et de sort
est d’une actualité persistante.
Voir articles 24, 25, 26, 27 du code pénal
Lire : Bernard-Raymond GUIMDO D, Les alternatives à l’emprisonnement dans des contextes
de surpeuplement carcéral : le cas du Cameroun, Juridis Périodique n°60, Oct-Nov-Déc 2004,
p77
(2) Il reste à l’administration de préciser ce que le code entend par effets personnels. On peut citer
les vêtements, la montre, le nécessaire de toilette…l’argent liquide devrait être inscrit dans un
compte nominatif du prisonnier et tenu par l’administration de la prison .Le téléphone portable
ne saurait, assurément, constituer un effet personnel laissé à la disposition du détenu.
Cependant, ne voit-on pas certains détenus garder lesdits téléphones et autres moyens de
communication du fait des privilèges dont ils jouissent ou de la porosité des fouilles à l’entrée.
A notre sens, l’incarcération ne prive pas le détenu de la capacité de gérer ses biens dans limite de sa
capacité civile (absence de déchéance de l’article 30 du code pénal). Cette gestion est naturellement
accomplie par le biais d’un mandataire.
Article 555
(1) Au terme du décret n°92/052 du 27 Mars 1992 portant
organisation
de
l’administration
pénitentiaire, suivant la nature de leurs activités, les prisons sont classés en cinq catégories, à savoir :
les prisons d’orientation ou de sélection, les centre de relégation, les prisons de production, les
prisons écoles et les prisons spéciales.
En Général, il convient de s’interroger pour savoir si les prisons camerounaises répondent aux
normes internationales en la matière et dont les principes ont été utilement rappelés par M. le
Professeur Pradel qui s'est livré à une analyse des règles européennes qui ne contreviennent pas
aux standards internationaux. Les développements qui suivent lui sont empruntés.
Les principes fondamentaux, en matière de prison, sont en réalité au nombre de 3 :
- Le principe de la dignité humaine. « La privation de liberté doit avoir lieu dans des conditions
matérielles et morales qui assurent le respect de la dignité humaine en conformité avec les présentes
règles ». À ce principe est rattaché celui de l'égalité des détenus qui interdit notamment toute
discrimination d'ordre racial, linguistique ou religieux.
- Le principe du traitement qui doit « développer le sens de la responsabilité des détenus et les doter
de compétences qui les aideront à se réintégrer dans la société, de vivre dans la légalité et de subvenir
à leurs propres besoins après la sortie de prison ».
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- Le principe de la légalité dans l'exécution de la peine, avec pour conséquence celle « d'un contrôle
exercé conformément à la réglementation nationale par une autorité judiciaire ou toute autre autorité
légalement habilitée à visiter les détenus et n'appartenant pas à l'Administration pénitentiaire ». Le
Procureur de la République joue ce rôle au Cameroun même si, désormais, l’administration
pénitentiaire fait partie du ministère de la justice.
– De nombreuses dispositions se référent au cadre de vie : les informations concernant l'identité et la
sortie des détenus doivent être conservées en totalité et dans un lieu sûr ; pour chaque détenu doit être
établi un dossier sur sa situation personnelle ainsi qu'un programme de formation pour préparer sa
sortie ; la répartition des détenus doit s'effectuer, « compte tenu notamment de leur situation
judiciaire ou légale, des exigences particulières de leur traitement, de leurs besoins médicaux, de leur
sexe, de leur âge » ; l'isolement de nuit est de principe, sauf si la cohabitation est préférable ou si les
détenus sont reconnus aptes à la vie en commun ; le détenu doit avoir un recours contre la sanction
disciplinaire ; il doit pouvoir communiquer avec sa famille et lorsqu'il est prévenu l'informer
immédiatement de son écrou.
– De nombreuses règles se référent au personnel qui doit participer au traitement du détenu et
s'adjoindre des spécialistes. En outre, « L'Administration pénitentiaire doit estimer que l'une de ses
tâches majeures est de tenir l'opinion publique constamment informée du rôle joué par le système
pénitentiaire et du travail accompli par son personnel, de manière à mieux faire comprendre au public
l'importance de leur contribution à la société ».
– Enfin, le traitement doit tendre à la resocialisation. Les efforts entrepris doivent offrir aux détenus
la possibilité d'améliorer leurs connaissances et leurs compétences et d'accroître aussi leurs chances
de réinsertion dans la société après leur libération : l'emprisonnement est une punition en soi et son
régime ne doit pas aggraver la souffrance ainsi causée ; les détenus doivent être préparés à leur
libération le plus tôt possible après leur arrivée dans un établissement pénitentiaire ; le travail doit
être considéré comme un élément positif du traitement et doit être équitablement rémunéré, une
instruction doit être organisée, le cas échéant dans des établissements d'enseignement en dehors de la
prison, les services médicaux doivent être reliés avec l'Administration générale des services de la
santé, les détenus doivent être aidés lors de leur libération à trouver un logement et du travail.
TITRE III : Des condamnations pécuniaires
Les condamnations pécuniaires comprennent les amendes pénales, civiles et administratives et
certaines condamnations fiscales, ainsi que les confiscations, réparations, restitutions, dommagesintérêts, frais ayant le caractère de réparations et intérêts moratoires et les frais de justice.
Article 556
(1) et (2)Cet article est un héritage du système de Common law où les amendes et frais de justice
sont immédiatement recouvrés, avant même que la décision ne devienne irrévocable. Bien
entendu, il y a remboursement en cas de relaxe ou d’acquittement. Le système francophone est
ainsi corrigé de ses tares qui subordonnait l’exécution des amendes et frais de justice à
l’établissement des pièces d’exécution, d’où un manque à gagner pour l’Etat.
(3) Cet alinéa a le mérite de préciser à partir de quand la condamnation est exigible. En
l’occurrence, à compter du lendemain de la décision irrévocable,i.e passée en force de chose
jugée, sauf exécution provisoire ordonnée.
Article 557 à 569
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Ces articles précisent de manière extrêmement précise et détaillée les conditions de mise en œuvre de
la contrainte par corps qui une mesure coercitive destinée à briser la résistance d’un condamné
récalcitrant à payer les condamnations pécuniaires (amendes, frais de justice, dommages et intérêts).
La contrainte par corps est une voie d'exécution attachée de plein droit aux condamnations
pécuniaires prononcées par les juridictions répressives au profit du Trésor public et à la partie civile
(innovation du Code). Elle se réalise par l'incarcération du contraignable qui ne s'acquitte pas
spontanément de l'amende, ou de tout autre paiement comme de la réparation civile (en France, les
intérêts civils sont exclus, CPP français, art. 749).
La privation de liberté que cette mesure entraîne est essentiellement destinée à vaincre l'inertie et la
mauvaise volonté d'un débiteur récalcitrant.
Une considération importante conduit à maintenir cette institution que d’aucuns qualifient de barbare
: l'intérêt de l'État. Des soucis de trésorerie ont, en effet, incité l'État à recourir à ce procédé
particulièrement efficace et tout à fait propre à assurer le recouvrement de sommes qui lui sont dues.
Cependant, l'opposition entre des considérations humanitaires d'une part, et fiscales, d'autre part,
expliquent les vicissitudes de cette voie d'exécution
La contrainte par corps est une voie d'exécution à l'exclusion d'une peine - Pourtant, doctrine et
jurisprudence, s'attachant au but poursuivi plus qu'au moyen employé, s'accordent pour refuser de
voir là le trait caractéristique de cette institution, et l'opinion dominante consacrée affirme qu'il ne
s'agit pas d'une peine, mais simplement d'une voie d'exécution présentant le caractère d'une épreuve
de solvabilité complètement distincte des pénalités qu'elle accompagne. Elle est une garantie
d'exécution et non pas un emprisonnement subsidiaire (Donnedieu de Vabres, Traité élémentaire de
droit criminel, 3e éd., n° 672. – Garçon, C. pén. annoté, art. 24, n° 15. – Glasson, Tissier et Morel,
Traité de procédure civile, 3e éd., t. 2, n° 1425. – Vidal et Magnol, Traité de droit criminel, n° 577. –
R. Vouin, Manuel de droit criminel, n° 192. – Cass crim., 24 mai 1835 : S. 1836, 1, p. 397. – 29 févr.
1869 : S. 1869, 1, p. 481. – 6 avr. 1938 : DH 1938, p. 356. – 9 févr. 1948 : JCP G 1949, II, 4676, obs.
M. Cavarroc. – 27 mai 1952 : D. 1953, jurispr. p. 622, obs. P.-A. Pageaud ; Bull. crim., n° 134 ; Rev.
sc. crim. 1953, p. 87, obs. A. Legal. – V. aussi CA Besançon, 26 mars 1947 : D. 1947, p. 339. – T. civ.
Lyon, 1er juin 1955 : D. 1955, jurispr. p. 692, obs. P.-A. Pageaud).
Ce caractère de voie d'exécution, d'ailleurs considéré comme d'ordre public ( CA Chambéry, 29 janv.
1873 : DP 1874, 2, p. 183), se manifeste au surplus par la place réservée à la contrainte par corps
dans le livre V du présent Code de procédure pénale qui traite des "l’exécution des décisions".
La confusion ne peut être ordonnée entre une peine d'emprisonnement et la contrainte par corps dans
la mesure où cette dernière ne présente pas les caractères légaux d'une peine.
Une autre conséquence importante est tirée de ce principe : les lois relatives à la contrainte par corps
gouvernent les poursuites exercées sous leur empire, bien que l'obligation dont l'exécution est
poursuivie ait pris naissance sous une législation antérieure. Peu importe que cette dernière ait été
plus favorable au prévenu ( Cass. crim., 8 juill. 1958 : Gaz. Pal. 1958, 2, p. 153 ; Bull. crim., n° 238).
Il est de règle en effet que les lois de procédure, notamment celles qui concernent l'exécution des
peines, sont d'application immédiate aux situations en cours lors de leur entrée en vigueur.
Mais il peut arriver exceptionnellement que la contrainte par corps prenne le caractère d'une peine
complémentaire. Tel a été le cas avec l'ordonnance française du 29 décembre 1958 qui autorisait
l'exercice de la contrainte par corps pour le recouvrement des impôts éludés contre les personnes
condamnées comme auteurs ou complices des infractions prévues à l'article 1835 du Code général des
impôts. Le texte a été jugé dépourvu d'effet rétroactif lorsque la contrainte était attachée au
recouvrement d'une dette dont l'intéressé n'était pas personnellement tenu ( Cass. crim., 30 avr. 1963 :
Bull. crim., n° 158).
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La durée de la contrainte par corps s’ajoute à la peine d’emprisonnement à la fin de celle-ci. Cette
disposition (art.558) aura le mérite de mettre fin à une controverse qui a eu cours à Douala entre le
parquet et le barreau. Ce dernier reprochait au parquet de continuer à garder en prison un condamné
qui a consommé sa peine au motif qu’il ne s’était pas encore acquitté de ses amendes. Le barreau
s’insurgeait contre une telle pratique non prévue par la loi.
L’exécution de la contrainte par corps est immédiate lorsqu’il s’agit de condamnations pécuniaires
dues à l’Etat alors qu’elle est subordonnée à la requête de la partie civile lorsqu’il s’agit d’intérêts
civils consécutifs à une décision irrévocable (art.558 al.b et c).
Le condamné a la possibilité de suspendre les effets de l’incarcération (du fait de la contrainte par
corps) en payant ou en fournissant une caution qui s’engage à payer dans les deux mois (art.559 et
560). La loi de 1867 prévoyait un mois. Le Président du Tribunal de Première Instance est la
juridiction compétente pour statuer sur les offres de caution. Sa décision n’est pas susceptible d’appel.
Si l’offre est acceptée, le condamné est immédiatement mis en liberté (art 561). On remarquera le
souci pédagogique de cet article 561 qui prescrit que la caution doit être expressément informée des
risques qu’elle encourt. Il s’agit très probablement d’un cautionnement solidaire.
L’article 564 précise la durée de la contrainte par corps. S’agissant des condamnations civiles, la
durée de la contrainte par corps sera de la moitié de ce qu’il est prévu pour les amendes et frais de
justice. Globalement, par rapport à la loi du 22 juillet 1867 relative à la contrainte par corps
(modifiée par la loi n°58/203 du 26/12/1958 portant adaptation et simplification de la procédure
pénale, le code procède à un rééquilibrage des durées de la contrainte par corps en tenant compte du
contexte socio-économique actuel. La loi de 1867 s’arrêtait à 2ans maximum, le code va jusqu’à 5
ans pour les créances excédant FCFA 5.000.000.
La prescription de la peine éteint la contrainte par corps pour les amendes et frais de justice (art.567).
Passé dix ans après la décision passée en force de chose jugée, aucune incarcération ne peut plus être
prononcée pour le recouvrement de la condamnation civile (art.568).
Le souci d’humanisme et de protection des droits de l’homme qui parcourt le code trouve une autre
illustration dans l’article 565 qui exclue les personnes en dessous de la majorité pénale (18 ans) et
celles au-delà de 60 ans, de même que les femmes enceintes, de la contrainte par corps. La durée de
la grossesse n’étant pas précisée, il suffira même de quelques jours de grossesse pour être à l’abri de
la contrainte par corps. La loi de 1867 ne citait ni les femmes enceinte, ni les personnes âgées. Dans le
même souci d’humanité, le mari et la femme (mariée, certainement à ce mari, même si le code ne le
précise pas) ne sauraient subir en même temps la contrainte par corps (art.566). Sera ce le cas d’un
mari polygame et de l’une quelconque de ses femmes ? Seule la jurisprudence nous le dira.
Le code ne reprend pas les exclusions de la contrainte par corps entre personnes ayant des liens de
famille (débiteur/conjoint ; débiteur/ascendants, descendants, collatéraux ; …) figurant dans la loi de
juillet 1867.
Sur le plan général et contrairement à l’article 10 de la loi du 22 juillet 1867 relative à la contrainte
par corps (modifiée par la loi n°58/203 du 26/12/1958 portant adaptation et simplification de la
procédure pénale, on remarque que le code ne tient pas compte de l’insolvabilité manifeste du
contraint par corps. Il doit subir la prison jusqu’à expiration de la durée d’incarcération.
Article 570
Le contraint par corps subi le même régime de privation de liberté que les détenus de droit commun. Il
en aurait été autrement que le niveau de paupérisation de l’administration pénitentiaire ne l’aurait
pas permis.
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Article 571
Celui qui a subi la contrainte par corps n’est pas pour autant libéré de sa dette. Il continuera d’être
tenu jusqu’à l’expiration du délai de droit commun de 30 ans à compter du lendemain du jour où la
contrainte par corps a pris fin. Par ailleurs, il court également le risque de voir ses biens saisis et
vendus pendant ce délai. Il n’est pas superflu d’imaginer que le contraint par corps qui aura organisé
son insolvabilité pourrait en plus être convaincu du délit d’insolvabilité organisée (art.181 du code
pénal). Il se posera alors la question du non cumul de peines dont la solution devra être donnée par le
juge.
Le code ne prévoit aucun taux de consignation d’aliments pour l’exécution de la contrainte par corps
comme l’indiquait l’arrêté du 20 Aoüt 1955.
TITRE IV : Du casier judiciaire
Les articles 573 à 583 abrogent le décret du 02 Septembre 1954 pour l’application des articles 590 à
597 du code d’instruction criminelle relatifs au casier judiciaire dans les territoires d’Outre mer, au
Cameroun et au Togo.
Ces dispositions rendent plus digeste et moderne l’ancien texte devenu obsolète.
Yaoundé, le 29 novembre 2005
Sylvain SOUOP
Avocat
1er Secrétaire de Conférence de Stage
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