portée de l`obligation de statuer comme en

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Mineurs délinquants : portée de l’obligation de statuer
comme en première instance
le 15 septembre 2015
PÉNAL | Jugement | Mineur
Une partie civile peut invoquer la nullité résultant de la violation de la règle selon laquelle la
chambre spéciale des mineurs statue comme en première instance, même lorsque l’appel ne porte
que sur les intérêts civils.
Crim. 1er sept. 2015, F-P+B, n° 14-85.503
La chambre criminelle rappelle le parallélisme des formes applicable en matière de jugement des
mineurs, entre la première instance et l’instance d’appel, et précise la portée de la nullité résultant
de la violation de ces dispositions.
Dans la procédure poursuivie à l’encontre d’un mineur des chefs de blessures involontaires, la
chambre spéciale des mineurs avait statué sur l’appel d’une décision du juge des enfants en
audience publique. Or, l’article 8 de l’ordonnance n° 45-174 du 2 février 1945 prévoit que le juge
des enfants, lorsqu’il statue lui-même sur les poursuites exercées contre un mineur, doit rendre sa
décision en chambre du conseil. L’article R. 311-7, alinéa 2, du code de l’organisation judiciaire
prévoit quant à lui que la chambre spéciale des mineurs « statue dans les mêmes conditions qu’en
première instance ». Si cette dernière est appelée à se prononcer contre un jugement du juge des
enfants, les débats devront donc nécessairement se dérouler en chambre du Conseil et non en
audience publique.
Dans la présente espèce, la chambre criminelle sanctionne l’arrêt d’appel en rappelant les
dispositions susvisées. L’affaire avait ceci de particulier que l’arrêt querellé ne portait que sur les
intérêts civils, et que sa nullité était invoquée, non par le mineur condamné, mais par la partie
civile. La chambre criminelle répond sans équivoque aux arguments des parties en affirmant que «
la chambre spéciale des mineurs connaissant de l’appel des décisions du juge des enfants, du
tribunal pour enfants et du tribunal correctionnel pour mineurs statue dans les mêmes conditions
qu’en première instance ; qu’il en est ainsi même lorsque l’appel ne porte que sur l’action civile ;
que la violation de ces dispositions, qui conditionnent la validité même de la procédure, peut être
invoquée par la partie civile et exclut tout recours à l’article 802 du code de procédure pénale ».
La Cour de cassation avait déjà jugé que l’obligation pour la cour d’appel de juger selon les mêmes
formes qu’en première instance conditionnent la validité même de la procédure, et a
nécessairement pour effet de porter atteinte aux intérêts du mineur poursuivi (Crim. 18 sept. 1996,
Bull. crim. n° 323). Si en substance, la solution semble identique à la présente espèce, en ce que le
non-respect du parallélisme des formes conditionne la validité de la procédure, la terminologie
employée par la Cour de cassation témoigne d’une approche différente de la nullité en question.
En effet, en ayant recours à la catégorie des nullités portant nécessairement atteinte aux intérêts
du mineurs, la Cour de cassation excluait certes le jeu de l’article 802 du code de procédure pénale,
en épargnant au requérant l’obligation de prouver un grief, mais elle semblait reconnaître que cette
nullité permettait de protéger un intérêt privé, que seule la personne concernée pouvait donc
invoquer. Dans le même temps, la chambre criminelle reconnaissait que la violation des
dispositions susvisées conditionnait en elle-même la validité de la procédure. Elle avait d’ailleurs
déjà jugé que saisie de l’appel d’un jugement rendu par le juge des enfants sans que cette règle ait
été observée, la cour d’appel doit, à peine de nullité de son propre arrêt, annuler le jugement,
évoquer et statuer à nouveau sur le fond (Crim. 9 févr. 1960, Bull. crim. n° 76).
Si la chambre criminelle demeure constante quant à l’exclusion du jeu de l’article 802 du code de
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procédure pénale, elle semble hésiter quant au fondement de cette exclusion. Dans la présente
espèce, la nullité étant invoquée par la partie civile, la Cour ne pouvait qu’éclaircir sa position. Elle
sanctionne donc la violation d’une règle d’organisation judiciaire, et non d’une formalité
substantielle permettant l’exercice des droits de la défense. Ce n’est pas la violation des règles de
publicité restreinte qui est sanctionnée, et il ne peut ici être question de droit de la défense. La
violation des règles de publicité restreinte n’est d’ailleurs pas en elle-même d’ordre public. Par
exemple, la Cour a eu l’occasion de juger que lorsqu’il n’est ni démontré ni même allégué qu’une
méconnaissance de la règle prescrivant la tenue en chambre du conseil de l’audience consacrée,
devant la chambre d’accusation, au seul examen d’une demande de mise en liberté, ait porté
atteinte aux droits de la défense, l’irrégularité ainsi commise ne saurait, en vertu des dispositions
de l’art. 802 du code de procédure pénale entraîner la nullité de la décision attaquée (Crim. 8 févr.
1990, Bull. crim. n° 69).
La Cour sanctionne le fait pour les juges d’appel, de n’avoir pas jugé « dans les mêmes conditions
qu’en première instance», comme le prescrit le code de l’organisation judiciaire. Au terme d’une
jurisprudence désormais constante et systématisée, la Cour de cassation reconnait qu’«en matière
répressive la compétence des juridictions est d’ordre public » (Crim. 22 mai 1996, Bull. crim. n°
212), tout comme les règles d’organisation et de composition judiciaire (Crim. 13 mai 1996, Bull.
crim. n° 199 ; 17 janv. 2006, n° 05-86.326, Bull. crim. n° 19 ; D. 2006. 531 ; ibid. 2007. 973, obs. J.
Pradel ; AJ pénal 2006. 175, obs. C. Girault ).
Dans la présente espèce, la chambre criminelle ne parle pas expressément de règle d’ordre public,
même si elle semble attacher aux dispositions litigieuses, les effets de ces dernières. La précision
aurait son intérêt, notamment quant à la détermination des personnes titulaires du droit d’invoquer
la nullité.
par Cécile Benelli-de Bénazé
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