Publicité en faveur du tabac : interprétation large

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Publicité en faveur du tabac : interprétation large des
procédés interdits
le 10 janvier 2013
AFFAIRES
PÉNAL | Droit pénal général | Santé publique
SOCIAL | Santé publique
Se rend coupable du délit de publicité en faveur du tabac, la société, qui pour encourager le
consommateur à acheter d’autres paquets de cigarettes d’une marque déterminée, organise une
opération consistant à lui offrir, lors de l’achat de chaque paquet, une paire d’écouteurs.
Crim. 20 nov. 2012, n°12-80.530, F-P+B
En vertu de l’article L. 3511-3 du code de la santé publique, est interdite, sauf rares exceptions
(CSP, art. L. 3511-3, al. 2), toute propagande, publicité directe ou indirecte ainsi que toute
opération de parrainage ayant pour objet ou pour effet la propagande ou la publicité en faveur du
tabac ou des ingrédients du tabac. L’article L. 3511-4 du même code précise que doit être ainsi
considérée, la propagande ou la publicité en faveur d’un organisme, d’un service, d’une activité,
d’un produit ou d’un article autre que le tabac, un produit du tabac ou un ingrédient défini au
deuxième alinéa de l’article L. 3511-1, lorsque, par son graphisme, sa présentation, l’utilisation
d’une marque, d’un emblème publicitaire ou un autre signe distinctif, elle rappelle le tabac ou un
produit du tabac. C’est une nouvelle fois sur ce fondement que la chambre criminelle eut à se
prononcer dans cet arrêt du 20 novembre 2012.
En l’espèce, la société nationale d’exploitation industrielle des tabacs et allumettes (SEITA) fut
condamnée par la cour d’appel de Poitiers à 20 000 € d’amende du chef de publicité ou propagande
en faveur du tabac. Pour ce faire, la cour d’appel retenait essentiellement que l’opération organisée
avait visé à faire de la propagande en faveur des paquets de cigarettes d’une marque déterminée
et, ce faisant, à inciter le consommateur à en acheter. La SEITA se pourvoyait alors en cassation et
faisait valoir qu’en la condamnant, alors qu’elle avait pu constater que l’opération avait consisté en
une remise, après l’acte d’achat et sans annonce préalable au consommateur, d’un objet de faible
valeur dépourvu de tout rapport de corrélation avec un paquet de cigarettes, la cour d’appel avait
violé le principe d’interprétation stricte de la loi pénale. Elle estimait également que la cour d’appel
avait violé le principe selon lequel « nul n’est responsable pénalement que de son propre fait », en
la condamnant après avoir indiqué qu’en raison du procédé mis en œuvre, seul l’acheteur était
susceptible de faire la publicité du produit. Dans l’arrêt rapporté, la chambre criminelle juge
toutefois que la cour d’appel a justifié sa décision dès lors qu’« il résulte de l’article L. 3511-3 du
code de la santé publique que sont prohibées toutes formes de communication commerciale, quel
qu’en soit le support et toute diffusion d’objets ayant pour but ou pour effet de promouvoir le tabac
ou un produit du tabac ».
Cette décision n’étonne guère. En effet, face à l’imagination des publicitaires, la chambre criminelle
a progressivement forgé une jurisprudence particulièrement rigoureuse, en admettant notamment
que les procédés de publicité réglementés soient définis largement. Elle semble ainsi considérer
que constitue un procédé interdit toute utilisation d’une marque ou d’un emblème évoquant un
produit du tabac (Crim., 18 mars 2003, n° 03-83.015, Bull. crim. n° 69, jugeant que constitue une
publicité indirecte la publicité en faveur de vêtements qui par la calligraphie des mentions utilisées
rappelle une marque de tabac), toute publicité ou opération promotionnelle qui, sans utiliser une
marque, un emblème ou un logo, est incitative à la consommation de tabac (Crim., 3 mai 2006, n°
05-85.089, Bull. crim. n° 118 ; AJ pénal 2006. 362, obs. C. Rondey ; RTD com. 2006. 929, obs. B.
Bouloc , sanctionnant une opération promotionnelle visant à inciter à l’achat de paquets de
cigarettes de la marque afin de compléter une collection d’images), ainsi que toute présentation
positive ou flatteuse de l’emballage ou de l’acte de consommation (Crim. 26 sept. 2006, n°
05-87.681, sanctionnant l’image donnée à la marque : une mascotte amusante évoquant les
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thèmes de la musique, du voyage ou des animaux). D’une manière plus générale, il semblerait que
la chambre criminelle ne s’attache non pas tant au procédé mis en œuvre qu’à la finalité de
celui-ci. C’est du moins ce qui paraît résulter de la formulation utilisée dans l’arrêt rapporté,
formulation identique à celle usitée dans un arrêt du 9 mars 2010 et dans lequel elle approuvait
déjà une cour d’appel qui, pour condamner la SEITA, retenait que la société avait souhaité faire une
promotion de paquets de cigarettes notamment en offrant un stylo lors de chaque achat (Crim. 9
mars 2010, n° 08-88.501 ; pour une formule déjà approchante, Crim. 3 mai 2006, préc.). Cette
solution peut apparaître contestable au regard de la stricte lettre des articles L. 3511-3 et L. 3511-4
du code de la santé publique. Elle semble, en revanche, conforme à l’esprit de ces dispositions qui
est la lutte contre le tabagisme, fléau social entraînant en France, selon un récent rapport de la
Cour des comptes, le décès de 73 000 personnes chaque année.
par Florie Winckelmuller
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