Chapitre 6 : Les relations interentreprises :
la concurrence
I – La concurrence loyale et la concurrence déloyale
A – Les limites à l’exercice de la libre concurrence : la concurrence
déloyale
La concurrence déloyale peut prendre différentes formes :
Le dénigrement : Le dénigrement jette le discrédit sur les produits ou les services, la personne du concurrent et,
même, ses méthodes commerciales.
Le dénigrement se fait souvent par la diffusion d'informations concernant la capacité professionnelle de
l'entreprise, sa situation financière, la mauvaise qualité des produits, la dénaturation de résultats d'enquêtes.
L'imitation des produits d'une entreprise concurrente :
Les produits peuvent être protégés par un droit de propriété industrielle ou artistique. Si le produit est copié ou
imité, il peut y avoir confusion chez le client. Une action en contrefaçon est possible (voir chapitre 7) : on peut
engager la responsabilité civile et pénale de l’auteur. Au civil : tribunal de grande instance pour une saisie des
contrefaçons et versement de dommages-intérêts. Au pénal : tribunal correctionnel pour amende et/ou
emprisonnement).
L'utilisation de signes distinctifs d'une entreprise concurrente :
L'utilisation peut porter sur l'enseigne, le nom commercial, le logo, les documents commerciaux.
Exemples : La ressemblance entre deux dénominations peut entraîner la confusion dans l'esprit d'un client. Tel
est le cas de « Old England » et « Madame Old England », « Mobidécors » et « Meubles décors ».
La désorganisation de l'entreprise concurrencée : Cette concurrence déloyale peut prendre des formes très
diverses.
Exemple : Divulguer des secrets de fabrication (décodeurs), communiquer un savoir-faire sans autorisation.
L'appropriation de clientèle : Le démarchage de clients d'un concurrent n'a en général pas de caractère fautif,
sauf s'il y a dénigrement, prospection systématique des clients de l'entreprise concurrencée, détournement de
commandes ou de fichiers informatisés.
Exemple : Une esthéticienne qui utilise le fichier clients de son ancien employeur pour envoyer une lettre
circulaire proposant ses services aux anciennes clientes qu'elle avait traitées.
La publicité : Il y a concurrence déloyale lorsqu'il y a dénigrement, imitation de la publicité, suppression ou
masquage de la publicité d'autrui, publicité trompeuse ou mensongère.
Exemples : Brochures, documents commerciaux imitant les documents d'une entreprise concurrente.
Le personnel : La concurrence déloyale peut être prouvée dans certains cas de débauchage de personnel, de
dénigrement auprès du personnel, d'embauchage de personnel lié par une clause de non-concurrence, de
désorganisation de réseau de distributeurs.
Mais un salarié est libre de quitter son employeur, il peut utiliser les connaissances acquises pour créer une
entreprise ou travailler dans une autre entreprise, s'il n'a pas de clause de non-concurrence dans son contrat et s'il
n'utilise pas ses connaissances pour concurrencer son ancien employeur.
Exemple : Manœuvres conduisant au départ massif des salariés ; embauche d'un salarié alors que l'employeur le
sait lier par une clause de non-concurrence auprès de l'entreprise qu'il quitte.
L'exercice illégal d'une activité : Certaines activités exercées irrégulièrement constituent des actes de
concurrence déloyale.
Exemple : Un commerçant continuant son activité alors qu'une décision de justice lui interdit l'exercice d'un
commerce ; le non-respect de la réglementation (licence, possession de diplômes, etc.) ; l'ouverture de magasin le
dimanche sans autorisation.
B – L’action en concurrence déloyale
L'action est engagée par l'entreprise victime des agissements déloyaux, mais un syndicat professionnel ou un GIE
peuvent engager l'action auprès du tribunal de grande instance.
Remarque : Ce qui suit ne concerne pas la falsification de produits (l’imitation : Chanel, Lacoste,…) qui sera traitée
dans le chapitre 7, § IV - L’action en contrefaçon.
L'entreprise attaquée doit avoir commis une faute, l'entreprise concurrencée déloyalement doit avoir subi un
préjudice. Il doit y avoir un lien de causalité entre la faute et le préjudice.
La faute : L'auteur et la victime doivent être en situation de concurrence. Les produits ou les services doivent être
substituables et présents sur le même marché ou zone géographique. La faute intentionnelle ou non intentionnelle
ouvre droit à réparation du dommage.
Le préjudice : Le préjudice doit être subi personnellement par la victime.
Le préjudice doit être certain pour obtenir réparation. Le plus souvent c'est la perte de clientèle qui est invoquée,
mais ce peut être la privation d'une chance de développer cette clientèle.
Il suffit d'un préjudice pour intenter une action en vue de faire cesser les agissements déloyaux.
Le lien de causalité : C'est l'entreprise victime de la concurrence déloyale qui doit apporter la preuve du lien de
causalité.
Le préjudice est réparé par des dommages-intérêts. Les juges peuvent ordonner la cessation des agissements
déloyaux et la publication de la décision dans les médias.
II – La concurrence insuffisante : les pratiques anticoncurrentielles et
les pratiques discriminatoires
Si la concurrence déloyale est souvent une concurrence acharnée pour conquérir le marché, les entreprises peuvent
au contraire s'organiser pour atténuer ou supprimer l'état de concurrence présente en économie de marché. On
appelle ces pratiques « concurrence insuffisante ».
Les pratiques anticoncurrentielles peuvent être individuelles (pratiques restrictives) ou collectives (les ententes et
abus de position dominante, les concentrations).
A – Les pratiques anticoncurrentielles (autorisées) (clauses de non-
concurrence)
1 – La clause de non rétablissement dans les contrats de vente et de location de
fonds de commerce
Le contrat de vente de fonds de commerce comme le contrat de location-gérance contiennent très souvent une
clause qui précise que le vendeur (ou le propriétaire pour la location-gérance) s'engage à ne pas se réinstaller pour
l'exercice d'un même commerce dans une certaine zone géographique.
2 – La clause de non-concurrence dans le contrat de travail
La clause est destinée à interdire au salarié de s'installer pour exercer une activité similaire ou de se faire
embaucher par une maison concurrente qui pourrait utiliser son savoir-faire. Cette clause peut exister dans tous les
contrats quelle que soit la qualification de l'employé.
La clause doit préciser la durée de l'interdiction imposée après le départ du salarié et la rémunération prévue
pendant cette durée. Une convention collective peut réglementer la clause de non-concurrence.
B – Les pratiques discriminatoires (non autorisées sauf exception)
1 – Le refus de vente
L'entrepreneur (producteur, industriel, commerçant, artisan), qui refuse de vendre ses produits ou de fournir les
services aux acheteurs ou clients, a une attitude répréhensible.
Toutefois, il n'y aura pas de refus de vente si :
- la demande présente un caractère anormal, par exemple : quantité commandée ne correspondant pas aux besoins
du demandeur, exigences particulières quant aux horaires de livraison, conditions de paiement, conditions
d'emballage ;
- le client commerçant est de mauvaise foi.
2 – La vente à perte
La vente à perte permet d'attirer des clients au détriment des concurrents. Elle est interdite sauf pour les denrées
périssables, en période de soldes et pour les produits démodés.
Le dumping :
Le commerçant ou industriel vend momentanément à très bas prix, voire à perte, un ou plusieurs articles, dans une
zone géographique déterminée afin d'éliminer la concurrence locale et d'accaparer le marché. Une fois le but
atteint, le produit est vendu à son prix normal ou même au-dessus.
Le dumping est prohibé.
C – Les ententes et abus de position dominante (pratiques interdites)
Ces pratiques sont sanctionnées par le Conseil de la concurrence.
1 – L'entente
L'entente est un accord entre deux ou plusieurs entreprises qui pourrait empêcher, restreindre ou fausser le jeu de la
concurrence.
Les formes de l'entente sont variées, par exemple : limiter l'accès au marché à de nouveaux concurrents, partager
les marchés géographiquement, s'entendre sur les prix pour les adjudications (attributions) des marchés publics ou
privés.
L'entente est prohibée de manière très large, mais il faut qu'elle ait apporté une restriction « sensible » au jeu de la
concurrence.
Exemple : En mars 2008, le Tribunal de première instance de l’UE a condamné L’Oréal, Chanel, Dior,… pour
entente sur les prix, ainsi que Marionnaud, Nocibé et Séphora. L’amande pour chaque entreprise s’est élevée à
plusieurs millions d’euros.
En effet, les fabricants ont fixé aux distributeurs, entre 2001 et 2003, les prix et les marges à pratiquer (ce qui ne
laisse aucune place à la concurrence) tirant ainsi les prix vers le haut.
En conséquence, dans les 3 chaînes citées, les prix étaient identiques pour presque tous les produits, plus de
concurrence possible, ce qui est totalement interdit.
2 – La position dominante
La position dominante consiste, pour une entreprise détenant une part prépondérante du marché, à se servir de cette
position pour entraver le fonctionnement normal du marché (arrivée de nouveaux concurrents). Ex : Microsoft et
Netscape.
L'abus de position dominante est caractérisé lorsque l'entreprise domine le marché ou une partie substantielle de
celui-ci, ou encore lorsqu'une entreprise est en état de dépendance vis-à-vis de l'entreprise dominante et ne dispose
pas de solution équivalente.
Dans ce cas les entreprises sont sanctionnées par le Conseil de la concurrence. Il y a rétablissement de la
concurrence et sanction pécuniaire proportionnée à la gravité des faits reprochés.
3 – Le Conseil de la concurrence
Il a pour mission de sanctionner les ententes et les abus de position dominante. C'est aussi un organisme consultatif
pour les questions de concurrence.
4 – La réglementation des ententes au plan communautaire
Au plan européen les ententes ayant pour objet ou pour effet de restreindre, fausser, empêcher la concurrence à
l'intérieur de la communauté européenne, sont interdites.
Les recours s'effectuent devant le Tribunal de première instance de l’union européenne.
La Commission européenne peut autoriser des ententes au cas par cas ou par catégorie (accords de brevets, de
recherche, de franchise).
D – La réglementation des opérations de concentration
La concentration d'entreprises (fusion, prise de contrôle,…) permettent le renforcement des structures industrielles.
Mais elles ne doivent pas conduire à un abus de position dominante.
Il existe 3 types de concentration :
- la concentration horizontale : on rachète les concurrents (exemple : Nestlé) ;
- la concentration verticale : on rachète les fournisseurs de matières premières et les distributeurs afin de
maîtriser toute notre filière de production et nos débouchées (de plus en plus rare).
- la diversification : on rachète des entreprises qui travaillent dans des secteurs différents. Exemple : Danone : les
produits laitiers, les biscuits, le verre,… ; Nestlé : le chocolat, l’eau, les produits laitiers, le café, …
Un contrôle du groupement est effectué, lorsque la concentration d'entreprises représente 25 % du marché national
ou européen des produits. Il a pour but de déterminer s’il y a position dominante sur le marché (national ou
européen) :
- si la concentration ne porte pas d’atteinte à la concurrence (pas de position dominante), la concentration est alors
jugée compatible avec le marché et sera autorisée ;
- sinon on prend toute mesure propre à rétablir une concurrence effective (soit refus de la concentration, soit
engagement de la part des entreprises concernées pour assurer la libre concurrence,…).
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