Droit - BTS 2°année Chapitre 5 : La concurrence - les pratiques déloyales et anticoncurrentielles I -- La concurrence déloyale et les pratiques anti concurrentielles La liberté et la volonté d'entreprendre sont les fondements des activités commerciales et artisanales. Celle-ci s'exerce dans le cadre d'une concurrence claire et loyale. La liberté d'entreprendre est énoncée dans le code du commerce. Au niveau communautaire, le traité de Rome affirme la liberté d'établissement et de prestations de services dans l'Union Européenne. En régime de concurrence, toute entreprise a le droit de conquérir la clientèle de ses concurrents. Il n'en demeure pas moins que certaines actions doivent être sanctionnées par la loi parce qu'elles faussent la libre concurrence. A -- La concurrence déloyale La concurrence est réglementée. Certains procédés déloyaux ou illicites dans la compétition commerciale entre professionnels sont interdits. D'une façon générale, la concurrence est qualifiée de déloyale lorsqu'elle n'est pas conforme aux usages commerciaux. Plusieurs procédés sont considérés comme déloyaux, de façon explicite, par la loi ou la jurisprudence. L'action en concurrence déloyale est une action en responsabilité délictuelle fondée sur les articles 1382 et 1383 du Code civil : celui qui cause à autrui un dommage par sa faute, son imprudence ou sa négligence est tenu de réparer. La responsabilité civile délictuelle est retenue lorsqu'il y a une faute, un dommage est un lien de causalité entre la faute et le dommage (voir cours de première année). Ici, la faute est constituée par un acte déloyal, intentionnel ou non. On peut recenser trois types d'actes déloyaux : 1 -- le dénigrement. Il s'agit de propos péjoratifS tenus en public à l'encontre d'un concurrent clairement identifié. 2 -- les actes engendrant la confusion. Il s'agit ici de l'imitation du nom, des produits ou de l'enseigne d'un concurrent pour profiter de sa notoriété. Lorsque le concurrent a un droit de propriété industrielle, il peut agir en contrefaçon d'une part et en concurrence déloyale d'autre part. Dans le cas contraire seule une action en concurrence déloyale est possible. N. B. : l'action en concurrence déloyale ne doit pas être confondue avec l'action en contrefaçon. L'action en contrefaçon est une action pénale et s'exerce devant les juridictions pénales dans la mesure où la contrefaçon est un délit. L'action en concurrence déloyale, comme nous venons de souligner, n'est qu'une action civile dont l'objectif est d'obtenir des dommages- intérêts ainsi que la cessation du trouble. 3 -- la désorganisation de l'entreprise. Il peut s'agir, par exemple, du débauchage massif de salariés ou encore de l'espionnage industriel ou de la désorganisation des moyens de distribution. Le préjudice peut être matériel ou moral (perte de chiffre d'affaires dues à la perte de clientèle, atteinte à l'honneur). Le lien de causalité entre la faute et le préjudice est parfois difficile à mettre en évidence -- la jurisprudence admet donc une présomption de préjudice et de lien de causalité si la faute est prouvée. Seule un concurrent victime de concurrence déloyale peut agir. La plupart du temps, la juridiction compétente est le tribunal de commerce. Le tribunal peut accorder des dommages intérêts en réparation du préjudice subi et ordonner la publication du jugement. Le tribunal peut surtout faire cesser les pratiques déloyales et la décision peut-être assortie d'astreinte ( condamnation d'un débiteur à payer chaque jour une somme déterminée jusqu'à ce qu'il exécute une obligation). Remarque : il y a également faute à utiliser la notoriété acquise par une entreprise non concurrente en empruntant les signes, idées, méthodes publicitaires afin de tirer profit de sa réussite. Une action en responsabilité civile pour "agissement parasitaire" peut alors être exercée. B. -- Les pratiques anticoncurrentielles. Le code du commerce permet de sanctionner tant au niveau pénal qu'au niveau civil certaines pratiques ayant pour conséquence de limiter le jeu de la concurrence. La loi sur les nouvelles régulations économiques (N. R. E.) a créé une commission d'examen des pratiques commerciales. • Au niveau pénal, des peines d'amende ou de prison sanctionnent les infractions suivantes : -- la revente à perte : on ne peut revendre un produit un prix inférieur à son prix d'achat effectif, sauf dans le cas de produits périssables ou démodés ou d'exception d'alignement sur la concurrence. -- l'imposition d'un prix minimal de revente : la concurrence par les prix doit être effective entre les distributeurs d'un même fabricant. -- l'absence de facturation ou l'omission des mentions obligatoires. • En ce qui concerne la responsabilité civile, la loi prévoit réparation du préjudice subi dans les cas suivants. -- pratiques discriminatoires non justifiées : il s'agit d'une différence de traitement entre deux personnes affectant les prix, les délais où les conditions de vente ou d'achat, non justifiée par une contrepartie réelle. -- rupture abusive des relations commerciales : Par exemple, une centrale d'achat brandit la menace d'une rupture de relations commerciales, donne des référencements privant le fournisseur d'un marché significatif. -- atteinte à l'intégrité d'un réseau de distribution : les fabricants se plaignent des importateurs parallèles qui s'approvisionnent à bas prix à l'étranger et commercialisent leurs produits en France a prix compétitifs au détriment des revendeurs agréés. -- interdiction des avantages indus : pour être référencé, le fournisseur doit consentir aux distributeurs des avantages sans contrepartie, par exemple le versement d'une somme d'argent. II -- La protection des marchés contre les restrictions de concurrence. Il s'agit de respecter les règles de l'économie de marché. La loi relative aux nouvelles régulations économiques des 15 Mai 2001, tendant à l'exercice d'une saine concurrence, vise essentiellement la moralisation des pratiques commerciales, la lutte contre les pratiques anticoncurrentielles et le contrôle des concentrations. A -- L'interdiction des ententes entre entreprises et les abus de position dominante L'objectif est de maintenir un niveau de concurrence minimale, en garantissant d'une part l'indépendance des opérateurs et d'autre part en évitant que certaines grandes entreprises faussent le jeu du marché. -- Les ententes sont des accords entre partenaires entraînant une atteinte la concurrence. La forme de l'accord est indifférente -- il peut s'agir, par exemple, de la constitution d'une unité juridique commune ou d'un simple accord commercial. -- L'abus de position dominante est le fait pour une entreprise de disposer d'une part de marché ou d'une supériorité (supériorité technologique, par exemple) telle qu'elle lui permet de se soustraire à la concurrence d'autres entreprises. La situation inverse est l'état de dépendance économique. C'est le cas, par exemple, d'un distributeur détaillant vis-à-vis d'un fournisseur ou, à l'inverse, d'un petit fournisseur vis-à-vis d'une centrale d'achat. Ces situations ne sont pas nécessairement conflictuelles. Elles le deviennent si le partenaire abuse de sa position dominante. B. -- Contrôle des opérations de concentration La concentration est un regroupement d'entreprises qui modifie durablement les conditions de la concurrence et renforce le pouvoir économique de la nouvelle structure. (Voir chapitre 2). En Droit interne, le code de commerce impose le contrôle des entreprises ayant accompli des actes de transfert de propriété (fusions), de création d'une entreprise commune ou des actes permettant d'exercer une influence sur une autre entreprise (prises de participation, accords de sous-traitance). Pour qu'il y ait contrôle, il faut de plus que cette concentration porte atteinte à la concurrence et soit d'une certaine importance (opérations ne relevant pas de la compétence européenne : chiffre d'affaires mondial supérieur à 150 millions d' Euros, chiffre d'affaires en France, par au moins deux des parties, supérieur à 15 millions d'Euros). Le contrôle n'est pas systématique. Il est à l'initiative du ministre de l'économie. Les entreprises concernées doivent notifier au ministre leurs projets de concentration ou leur concentration de moins de 3 mois. Le ministre peut saisir le conseil de la concurrence pour avis. Après avoir vérifié que les conditions du contrôle sont remplies, il examine l'incidence de la concentration sur les conditions de la concurrence et enfin il regarde si l'opération est de nature à contribuer au progrès économique. L'avis du conseil est rendu public. Le ministre peut interdire ou autoriser la concentration, éventuellement avec des mesures de nature à contribuer au progrès économique et social pour compenser les atteintes la concurrence. Si l'entreprise ne respecte pas l'injonction qui lui a été faite, le ministre pourra alors lui infliger une sanction pécuniaire. En droit communautaire, il est également prévu un contrôle pour les très grandes opérations de concentration (le chiffre d'affaires total a réalisé par l'ensemble des entreprises concernées doit représenter un montant supérieur à 5 milliards d'Euros). Seules les opérations qui intéressent la communauté européenne sont concernées. Ces opérations doivent être notifiées auprès de la commission européenne. Celle-ci peut constater que l'opération n'entre pas dans le champ d'application ou autoriser l'opération. Elle peut également évaluer le risque d'abus de domination par rapport à la mesure du progrès économique. La commission peut alors interdire la concentration ou l'autoriser sous certaines conditions. Si l'entreprise omet la notification ou ne respecte pas la décision de la commission, elle peut se voit infliger une amende égale ou inférieure à 10 % de son chiffre d'affaires. Annexes Annexe 1 : Extrait du code de commerce. Article L. 430. - Tout projet de concentration ou toute concentration de nature à porter atteinte à la concurrence notamment par création ou renforcement d'une position dominante peut être soumis par le ministre chargé de l'Économie à l'avis du Conseil de la Concurrence. Ces dispositions ne s'appliquent que lorsque les entreprises qui sont parties à l'acte ou qui en sont l'objet ou qui leur sont économiquement liées ont soit réalisé ensemble plus de 25 % des ventes, achat ou autres transactions sur un marché national de biens, produits ou services substituables ou sur une partie substantielle d'un tel marché, soit totalisé un chiffre d'affaires hors taxes de plus de 7 milliards de francs, à condition que deux au moins des entreprises parties à la concentration aient un chiffre d'affaires d'au moins 2 milliards de francs. Article L. 430.3 - Tout projet de concentration ou toute concentration ne remontant pas à plus de trois mois peut être soumis au ministre chargé de l'Économie par une entreprise concernée. Article L. 430.4. - Le Conseil de la Concurrence apprécie si le projet de concentration ou la concentration apporte au progrès économique une contribution suffisante pour compenser les atteintes à la concurrence. Le conseil tient compte de la compétitivité des entreprises en cause au regard de la concurrence internationale. Article L. 430.5. - Le ministre chargé de l'économie et le ministre dont relève le secteur économique intéressé peuvent à la suite de l'avis du Conseil de la Concurrence, par arrêté motivé et en fixant un délai, enjoindre aux entreprises, soit de ne pas donner suite au projet de concentration ou de rétablir la situation de droit antérieure, soit de modifier ou de compléter l'opération ou de prendre toute mesure propre à assurer ou à rétablir une concurrence suffisante. Ils peuvent également subordonner la réalisation de l'opération à l'observation de prescription de nature à apporter au progrès économique et social une contribution suffisante pour compenser les atteintes à la concurrence. Annexe 2 : La loi sur les nouvelles régulations économiques. Cette loi a mis en place un certain nombre de mesures pour lutter contre les pratiques anticoncurrentielles. -- création d'un nouvel organisme : la commission d'examen des pratiques commerciales. -- le délai légal de règlement des factures est réduit à 30 jours après la date de réception des marchandises ou d'exécution de la prestation demandée, sauf dispositions contraires figurant aux conditions générales de vente ou convenues entre les parties. -- la notion de pratiques discriminatoires a été étendue : le fait, pour un distributeur, un producteur, un commerçant, un industriel ou un artisan, d'obtenir d'un partenaire commercial un avantage quelconque ne correspondant à aucun service commercial effectivement rendu ou manifestement disproportionné au regard de la valeur du service rendu, peut être sanctionné par les tribunaux au titre des pratiques discriminatoires. Quelques exemples d'actions en concurrence déloyale : -- 1 -- Un fabricant de jouets avait commercialisé des jeux de construction pour un prix sensiblement moins élevé que ceux d'un concurrent. Il avait apposé sur les produits une mention indiquant que les pièces étaient compatibles avec celles de ce concurrent. -- 2 -- Un producteur de bananes avait adopté un mode de commercialisation consistant à livrer ses fruits dans des bacs en plastique prêts pour la mise en rayon et destinés à être rangés dans un présentoir portant le dessin de ce fruit, ainsi que sa marque et un slogan incitant à la consommation des bananes. Un autre producteur ayant à son tour commercialisé des bananes dans des bacs en plastique, le premier producteur avait engagé contre ce dernier une action en justice en vue d'obtenir réparation. -- 3 -- Le fabricant d'un aspirateur fonctionnant sans sac à poussière avait fait diffuser dans la presse écrite une publicité portant le titre « le sac d'un aspirateur tue l'aspiration. Voilà pourquoi ». Cette publicité expliquait que la puissance d'aspiration des aspirateurs à sac pouvait « diminuer après le nettoyage d'une seule pièce » et se réduisait à mesure que le sac se remplissait de poussière. Quelques mois plus tard, le même fabricant avait diffusé une nouvelle publicité intitulée « les preuves contre les aspirateurs à sac ne cessent de s'accumuler », qui représentait un aspirateur à sac laissant après son passage un tas de poussière décrit comme constitué de pollens, germes, excréments d'acariens et poils d'animaux. Cas de jurisprudence issus des Bulletins rapides de droit des affaires, 1999. -- 4 -- En 1991, Axiome informatique (168 millions de francs de chiffre d'affaires et 97 salariés) a préféré débaucher l'équipe commerciale de Felpin, son principal concurrent, plutôt que d'investir dans l'implantation d'une filiale à Grenoble. Le 13 juin, Jérôme Richard, directeur général d'Axiome, avait organisé une réunion dans un hôtel de la banlieue grenobloise avec le directeur commercial, la comptable et 7 commerciaux de Felpin. Ces 9 salariés, littéralement transformés en taupes au service d'Axiome, ont détourné des commandes et les interventions techniques qu'ils auraient dû réaliser pour Felpin, rabattant au total un peu plus de 130 clients de Felpin vers son concurrent. Le chiffre d'affaires ainsi piraté a été évalué à 18 MF par l'expert nommé par le tribunal de commerce. Celui-ci, en attendant d'avoir statué sur le montant total du préjudice subi, a ordonné le 15 mars le versement immédiat par axiome d'une provision de 311 000 euros à Felpin. À leur tour, d'autres PME d'informatique, à Besançon et Valence, on dit avoir été victimes des mêmes méthodes de la part d'axiome. Le Nouvel Economiste N°989 © Delagrave