Correspondance de Galois des revêtements
Jean-Baptiste Campesato
26 septembre 2011
Avant-propos
Le présent document fait suite au mémoire [1] que j’ai corédigé avec Agnès Mar-
chand sous la direction d’Ingo Waschkies. Nous en reprenons les notations et les
résultats et nous y ferons souvent référence.
Il s’agit d’établir une correspondance biunivoque entre les classes d’isomorphie des re-
vêtements connexes pointés d’un espace topologique localement semi-1-connexe et les
sous-groupes du groupe fondamental de cet espace en un point fixé.
Nous présentons d’abord la notion d’action de groupe qui sera très présente tout au
long de l’exposé, pour ensuite étudier l’action de monodromie définie dans [1]. En ce qui
concerne les définitions et les propriétés des revêtements, le lecteur est renvoyé à [1]. Nous
verrons ensuite les propriétés des revêtements galoisiens, et utiliserons l’équivalence de
catégories de [1] pour démontrer la correspondance.
L’annexe C propose une autre démonstration qui utilise la notion d’action de groupe
continue et qui permet de transporter facilement l’ordre d’inclusion des sous-groupes du
groupe fondamental.
Table des matières
1Rappels sur les actions de groupe 2
1.1 Définitions et premières propriétés ......................................................................... 2
1.2 Formule des classes et formule de Burnside............................................................ 6
1.3 Applications Géquivariantes................................................................................. 7
2Action de monodromie sur la fibre 8
2.1 Rappels ................................................................................................................... 8
2.2 Propriétés de l’action de monodromie .................................................................... 8
3Revêtements galoisiens 11
3.1 Prérequis................................................................................................................. 11
3.2 Définition et caractérisations .................................................................................. 13
4La correspondance de Galois des revêtements 15
4.1 Structure du groupe de galois Aut(p)..................................................................... 15
4.2 Lien avec les revêtements universels ....................................................................... 17
4.3 Le cas des revêtements connexes galoisiens ............................................................ 19
4.4 Le cas des revêtements connexes pointés ................................................................ 19
AReprésentations (catégories) 20
BUne version catégorique du théorème de relèvement pour les revêtements
galoisiens 20
CUn ordre partiel sur L0compatible avec ˜
Ψ020
C.1 Prérequis sur la topologie quotient ......................................................................... 20
C.2 Actions continues de groupes topologiques ............................................................. 21
C.3 Construction de l’ordre........................................................................................... 24
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Rappels sur les actions de groupe1
Le concept d’action de groupe permet de décrire les « symétries » des objets étudiés en
utilisant la notion de groupe, ce qui permet de synthétiser de nombreuses définitions. Ainsi,
par exemple, un espace affine est la donnée d’une action simplement transitive d’un espace
vectoriel sur un ensemble. L’abstraction ainsi obtenue nous permet de généraliser des concepts
géométriques et algébriques à des ensembles plus exotiques.
Nous ne traiterons dans ce paragraphe que d’actions de groupe à gauche, cependant toutes les
propositions s’adaptent aux actions de groupe à droite, telle l’action de monodromie.
Nous avons fait le choix de noter les groupes multiplicativement dans toute cette section.
De même nous n’avons pas souhaité aborder la notion d’action continue de groupe topologique
dans cette partie car cette dernière ne nous sera pas utile sauf dans l’annexe C, où les résul-
tats utilisés seront rappelés. Il s’agit cependant d’une notion riche en résultats qui peuvent
s’appliquer à la théorie des revêtements et aux groupes fondamentaux. Je vous renvoie donc
à la littérature mathématique.
Définitions et premières propriétés1.1
Soient Eun ensemble et Gun groupe. On dit que Gagit (ou opère) sur Es’il existe un
morphisme de groupes ϕ:GAut(E).
Nous noterons g·x= [ϕ(g)](x)et ϕest appelé morphisme structurel de l’action.
Définition 1.1 : action de groupe
Une action de groupe est donnée de façon équivalente par une loi de composition externe
sur E, G×EE
(g, x)7−g·xvérifiant :
• ∀(g, h, x)G2×E, g ·(h·x) = (gh)·x.
• ∀xE, e ·x=xeest le neutre de G.
Caractérisation 1.2
Démonstration :
: découle des propriétés des morphismes de groupes.
: Pour gGfixé, fg:EE
x7−g·xest bien une bijection d’inverse fg1. On
vérifie aisément que gfgest un morphisme de groupes.
Exemples :
1. Action triviale : soit Gun groupe et Eun ensemble, alors le morphisme GAut(E)
g7−IdE
définit une action g·x=x.
2. Action par translation à gauche : un groupe Gopère sur lui-même par g·h=gh.
3. Action par conjugaison (ou par automorphismes intérieurs) : un groupe Gopère sur
lui-même par g·h=ghg1.
4. Action naturelle : le groupe des permutations (bijections) SEd’un ensemble Eagit
naturellement sur cet ensemble par le morphisme IdSE, on a alors σ·x=σ(x).
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Soit un groupe Gopérant sur un ensemble E.
On appelle orbite de xE(ou trajectoire de xE) l’ensemble G·x={g·x, g G}.
Définition 1.3 : orbite d’un point
Exemple : Si gest un élément du centre de Galors l’orbite de gpour l’action par conjugaison
de Gest réduite à {g}.
En particulier si Gest un groupe commutatif, il y a card(G)orbites pour l’action par conju-
gaison qui sont les singletons.
Soit un groupe Gopérant sur un ensemble E.
Les orbites des éléments de Eforment une partition de E.
On a donc une relation d’équivalence sur Edonnée par xRy(gG, y =g·x)dont
les classes d’équivalence sont les orbites.
Proposition 1.4
Démonstration :
Tout élément de Eest dans une orbite : soit xE, alors x=e·x.
Les orbites sont disjointes : soit zG·xG·y, alors il existe get hdans Gtels que
z=g·x=h·yainsi x= (g1h)·yet G·xG·y. De la même façon nous avons
l’inclusion inverse. Ainsi G·xG·y6=G·x=G·y.
On dit que Gopère transitivement sur Esi (x, y)E2,gG, y =g·x.
Ce qui revient à dire que l’action de groupe n’admet qu’une seule orbite.
Définition 1.5 : action transitive
Nous nous sommes occupés des g·xxétait fixé et où gparcourait G, nous allons
maintenant nous intéresser aux éléments de Glaissant invariant un point de E.
Soient Gun groupe opérant sur un ensemble Eet xE.
L’ensemble Gx={gG, g ·x=x}des éléments de Glaissant invariant xest un
sous-groupe de Gnommé stabilisateur de x(ou sous-groupe d’isotropie de xsuivant G).
Définition-Proposition 1.6 : stabilisateur (sous-groupe d’isotropie)
Démonstration :
eGx.
gGxg·x=xx=g1·(g·x) = g1·xg1Gx.
g, h Gx(gh)·x=g·(h·x) = g·x=xgh Gx.
On dit que Gopère librement sur Esi tous les stabilisateurs sont réduits au neutre.
Ce qui revient à dire que tout élément différent du neutre agit sans point fixe :
xE, gG, g ·x=xg=e.
Définition 1.7 : action libre
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Un groupe Gopère librement sur Esi et seulement si pour tous x, y E, il existe au
plus un gGvérifiant g·x=y.
Caractérisation 1.8
Une action est dite simplement transitive si elle est libre et transitive.
Définition 1.9 : action simplement transitive
Exemple : L’action d’un groupe sur lui même par translation est simplement transitive.
Un groupe Gopère simplement transitivement sur un ensemble Esi et seulement si
(x, y)E2,!gG, y =g·x.
Caractérisation 1.10
Soient Gun groupe opérant sur un ensemble E,xEet y=g·xG·x.
Alors Gy=gGxg1, on dit que Gxet Gysont conjugués.
En particulier ils sont équipotents.
Théorème 1.11
Ce théorème dit que les sous-groupes d’isotropie de deux éléments d’une même orbite sont
conjugués.
Démonstration :
hGyh·y=y
(hg)·x=h·(g·x) = h·y=y=g·x
(g1hg)·x=g1·((hg)·x) = g1·(g·x) = x
g1hg Gx
hgGxg1
Soit Gun groupe opérant sur un ensemble E.
On nomme noyau de l’action de Gsur El’ensemble des éléments de Glaissant stables
tous les points de E:N={gG, xE, g ·x=x}.
C’est un sous-groupe distingué de Get il s’agit même du noyau du morphisme structurel.
Définition-Proposition 1.12 : noyau d’une action
Démonstration :
Première méthode :
N=\
xE
Gx, il s’agit d’un sous-groupe de Gcomme intersection de sous-groupes.
Soient gGet nN, alors xE, (gng1)·x=g·(n·(g1·x)) = g·(g1·x) = x,
donc gng1N. Ainsi gN g1N.
Seconde méthode :
Il suffit de remarquer que Nest le noyau du morphisme structurel de l’action :
GAut(E)
g7−x7→ g·x.
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On dit qu’un groupe Gagit fidèlement sur un ensemble E, si le noyau de l’action est
réduit au neutre.
Définition 1.13 : action fidèle
Un groupe Gagit fidèlement sur un ensemble Esi et seulement si son morphisme struc-
turel est injectif.
Caractérisation 1.14
Une action libre est fidèle.
Pour résumer : une
action est libre si elle
n’admet aucun couple
(g, x)G\ {e} × E
vérifiant g·x=xet
une action est fidèle si
elle n’admet aucun
élément de Gautre que
le neutre fixant tous les
points de E.
Proposition 1.15
Ainsi une action simplement transitive est donc fidèle et transitive. Lorsque Gest commu-
tatif, nous avons une réciproque :
Une action fidèle et transitive d’un groupe commutatif est simplement transitive.
Proposition 1.16
Remarque : l’hypothèse de commutativité est importante, l’action naturelle est fidèle et tran-
sitive mais non simplement transitive (lorsque Card(E)>2).
Démonstration :
Soit Gun groupe commutatif opérant transitivement et fidèlement sur E.
Soient xEet gGtels que g·x=x.
Alors pour tout yE, il existe hGtel que h·x=y, on a ensuite g·y= (gh)·x=
(hg)·x=h·x=y. L’action étant fidèle, il vient que g=e.
Soit Gun groupe agissant sur un ensemble E.
Alors cette action induit une action fidèle de G/N sur E.
Proposition 1.17
Démonstration :
Méthode 1 :
Montrons que g·x=g·xdéfinit bien une action de G/N sur E: si g=g0alors
g0=gn gN et donc pour tout xE,g0·x= (gn)·x=g·x.
Montrons que le noyau de cette action est réduit au neutre : soit gG/N tel que
xE, g ·x=x, i.e. g·x=x, donc gN, i.e. g=N=e.
Méthode 2 :
Soit ϕ:GAut(E)le morphisme structurel de l’action, d’après la propriété uni-
verselle des morphismes, il existe un unique morphisme ϕ:G/N E(N=Ker(ϕ))
vérifiant ϕ(g) = ϕ(g)et ϕest injectif.
Ainsi G/N agit fidèlement sur E.
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