utilisation de la peur en prevention

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Septembre 2011
UTILISATION DE LA PEUR EN
PREVENTION
.
Auteur
Guillaume PAVIC
L’UTILISATION DE LA PEUR EN PREVENTION
1- UNE AUGMENTATION POSSIBLE DE LA PERCEPTION DES RISQUES SANITAIRES 2
L’IMPACT DE LA COMMUNICATION PERSUASIVE ................................................................................ 2
LE TRAITEMENT DE L’INFORMATION PERSUASIVE : DIFFERENTES MODELISATIONS .......................... 3
Le modèle de probabilité d’élaboration .......................................................................................... 3
Le modèle de Traitement Heuristique - Systématique.................................................................... 3
Le modèle de Traitement de l’information publicitaire .................................................................. 4
INFORMER LES INDIVIDUS POUR TENTER DE MODIFIER LEUR COMPORTEMENT ................................. 4
PEUR ET VIVIDITE : UN LIEN AVEC LA PERCEPTION DE LA MENACE .................................................... 5
2- LES EXPLICATIONS DU FONCTIONNEMENT DE LA PEUR EN PREVENTION ............ 6
UNE CHRONOLOGIE DE MODELES EXPLIQUANT LE FONCTIONNEMENT DE LA PEUR ........................... 6
Le modèle de réduction de la pulsion motivante (Drive Reduction Model) ................................... 6
Le modèle curvilinéaire (The Curvilinear Model) .......................................................................... 7
Le modèle des réponses parallèles (The Parallel Response Model) ............................................... 9
La théorie de la motivation à la protection (Protection Motivation Theory) ................................ 10
Le modèle étendu des processus parallèles (The Extented Parallel Process Model, EPPM) ....... 12
L’ESTIMATION DES EFFETS DE LA PEUR ............................................................................................ 14
L’APPORT DES NEUROSCIENCES SUR LE FONCTIONNEMENT DE LA PEUR EN PREVENTION ............... 16
QUEL LIEN ENTRE LES NEUROSCIENCES ET LES MODELES EXPLICATIFS DU FONCTIONNEMENT DE LA
PEUR EN PREVENTION ? ..................................................................................................................... 18
REPETITION DES MESSAGES UTILISANT LA PEUR : QUELS EFFETS A LONG TERME POUR LES
INDIVIDUS ? ....................................................................................................................................... 19
3- DES RESULTATS CONTRADICTOIRES EN TERMES D’EFFICACITE MAIS DES
CONDITIONS POSSIBLES DE REUSSITE ................................................................................... 20
L’INFLUENCE DES VARIABLES ATTITUDINALES ................................................................................ 20
L’adéquation entre l’attitude et l’objet de la persuasion............................................................... 20
La nécessité de prendre en compte les prédispositions attitudinales au changement ................... 21
Le degré de connaissance et le délai d’apparition des dommages ................................................ 21
L’impact du cadrage des arguments du message et de l’implication linguistique ........................ 22
L’INFLUENCE DES VARIABLES COMPORTEMENTALES ....................................................................... 23
L’importance des recommandations dans le message .................................................................. 23
L’auto-efficacité concernant la mise en place des recommandations ........................................... 23
4- LES RESISTANCES ET LES FREINS A LA PERSUASION ................................................... 25
LE TRAITEMENT DEFENSIF ................................................................................................................ 25
LA REACTANCE ................................................................................................................................. 27
LA THEORIE DE L’INOCULATION ....................................................................................................... 28
L’ENGAGEMENT ET LA RESISTANCE A LA PERSUASION .................................................................... 28
5- SYNTHESE ET RECOMMANDATIONS QUANT A L’UTILISATION DE LA PEUR EN
PREVENTION ET PERSPECTIVE DE TRAVAIL ....................................................................... 30
SYNTHESE ......................................................................................................................................... 30
RECOMMANDATIONS......................................................................................................................... 31
PERSPECTIVES DE TRAVAIL ............................................................................................................... 32
ANNEXE 1 : LE MODELE DES COMMUNICATIONS PERSUASIVES ........................................ 34
ANNEXE 2 : LE MODELE TRANSTHEORIQUE DU CHANGEMENT ......................................... 35
BIBLIOGRAPHIE ................................................................................................................................ 36
1
Dans le domaine des risques sanitaires, la communication persuasive et plus précisément les
messages ou actions de prévention ont pour but d’informer les individus le plus précisément
possible des risques qu’ils peuvent encourir, de leur faire prendre conscience d’une
vulnérabilité potentielle et éventuellement de les inciter à changer de comportement (Bryant
et Zillmann, 1994 ; Kreuter et Strecher, 1995 ; Salovey, Rothman, et Rodin, 1998 ; Girandola,
2000, 2002, 2003 ; Pechman, 2001).
S’il est possible de repérer des effets de la communication persuasive notamment en termes
d’impact, ce type de communication peut également entraîner chez les individus des
résistances. En effet, il ne suffit pas que les individus soient exposés à des messages ou à des
actions de prévention pour obtenir chez eux une modification de leur comportement qui sera
plus ou moins durable (Killeen, 1985 ; Girandola, 2002 ; Milhabet et Priolo, 2002). Bien
souvent les arguments ou informations proposés dans ce type de communication sont connus
et admis par un nombre important de personnes et ne favorisent alors pas l’acceptation de
ceux-ci (Falomir-Pichastor et Perez, 1995). De plus, de nombreux comportement visés par la
prévention ont des effets addictifs et sont plus résistants au changement (Priolo & Milhabet,
2008). Après avoir présenté les modèles faisant état du traitement de l’information de type
persuasive, nous nous intéresserons plus précisément au fonctionnement de la peur en
prévention (principaux modèles explicatifs et effets de la peur, conditions de réussite et freins
à l’utilisation de la peur) afin de proposer des recommandations concernant l’utilisation de la
peur.
1- Une augmentation possible de la perception des risques
sanitaires
L’impact de la communication persuasive
Le modèle séquentiel de la communication persuasive, proposé par McGuire (1969, 1989),
envisage les différentes étapes intervenant dans une communication à visée persuasive. Ces
étapes sont autant de processus cognitifs de traitement de l’information qui vont de
l’exposition au message jusqu’à l’adoption éventuelle d’un nouveau comportement. Dans ce
modèle, différentes variables sont à prendre en compte à chacune des étapes : identité et
crédibilité de la source, type de message (cadrage du message, vividité du message, utilisation
de la peur…), canal et support utilisés, caractéristiques du récepteur du message et contexte
de présentation… L’ensemble de ces variables est à considérer en tant qu’entrée dans le
modèle. En sortie, on retrouve les étapes successives de la persuasion (exposition, attention au
message, compréhension, changement d’attitude, décision…).1
Attention
=>
Compréhension
=>
Acceptation
=>
Rétention
=>
Action
Figure 1 : modèle de la communication persuasive (McGuire, 1989)
Ces processus cognitifs sont hiérarchisés et suivent une progression linéaire. Une rupture à
une des étapes va entraîner une altération de la communication. Dans ce modèle, la phase
1
Voir Annexe 1.
2
d’attention est primordiale. En l’absence d’attention, ou plus tard de compréhension la
communication n’aura pas d’effet. La phase d’acceptation va porter sur la validité des
arguments et des contre arguments en lien avec le message. Cette phase ne va pas
nécessairement aboutir à un changement d’attitude, ou à une modification comportementale
(action). La phase de rétention contribue à la mise en mémoire des éléments du message.
Le traitement de l’information persuasive : différentes modélisations
Différentes modélisations visent à montrer de quelle façon les individus vont traiter les
informations persuasives : les modèles duaux de traitement de l’information (modèle de
probabilité d’élaboration ; le modèle de traitement heuristique - systématique) ou encore le
modèle de traitement de l’information publicitaire.
Ces modèles montrent qu’il existe différents niveaux de traitement de l’information (plus ou
moins profond). Cette profondeur va dépendre de trois principales variables : la motivation,
l’implication et la capacité de traitement du message. En ce sens, le récepteur est considéré
comme actif dans le traitement de l’information. Les changements éventuels de comportement
ne sont pas uniquement liés aux arguments présents dans les messages, mais dans la
production de réponses cognitives (positives, négatives ou neutres).
 Le modèle de probabilité d’élaboration
Le Modèle de Probabilité d’Elaboration (« Elaboration Likelihood Model » : ELM), proposé
par Petty et Cacioppo (1981, 1986) envisage la persuasion selon une approche à la fois
cognitive et motivationnelle. Selon ce modèle, deux voies peuvent conduire au changement
d’attitude : une voie centrale et une voie périphérique. Les individus, lorsqu’ils sont
exposés à des arguments persuasifs, peuvent subir une modification ou un changement de leur
attitude en empruntant soit la voie centrale, soit la voie périphérique, ou soit encore les deux.
La voie centrale correspond à un traitement approfondi du message alors qu’avec la voie
périphérique, le traitement de l’information est plus superficiel et guidé par des indices
heuristiques (e.g. la crédibilité de la source). Un traitement approfondi du message et de
l’ensemble de ces composantes nécessite un effort cognitif important de la part des individus.
Lorsque le traitement est superficiel, l’individu a moins besoin de mobiliser des ressources.
Le choix d’une voie plutôt qu’une autre est essentiellement réalisé en fonction de la
motivation de l’individu à traiter le message et également en fonction de ses habiletés propres
à traiter ou évaluer les arguments contenus dans le message. Selon ce modèle, le traitement
central pourrait permettre de prédire un changement durable.
 Le modèle de Traitement Heuristique - Systématique
Relativement proche de l’ELM, le modèle de Traitement Heuristique - Systématique (THS)
envisage également un double traitement de l’information et peut rendre compte des
changements d’attitude suite à l’exposition à de l’information persuasive. La distinction entre
les deux modèles réside essentiellement dans le fait qu’avec l’ELM, les individus peuvent
emprunter l’une ou l’autre, ou bien les deux voies alors qu’avec le THS, cette alternative n’est
plus possible. Ce modèle repose donc sur un double traitement de l’information. D’un côté, le
traitement de l’information peut être systématique avec un traitement relativement
approfondi de celle-ci, et de l’autre côté, le traitement peut être de nature heuristique, c’est-à-
3
dire plus superficiel (Chaiken, 1980 ; Eagly et Chaiken, 1984 ; pour une revue de question
voir Meyer, 2000).
Le traitement systématique est un traitement relativement détaillé des informations qui
mobilise des ressources importantes et nécessite des efforts cognitifs. Dans le cadre du
traitement d’un message persuasif, une attention particulière sera portée sur l’évaluation des
arguments ainsi que sur leur validité. Cette analyse motivée du traitement est fonction de sa
pertinence et de son importance. Le traitement heuristique (qui peut coexister avec le
traitement systématique) est plus rapide, sans grande mobilisation de ressources cognitives. Il
repose sur des règles préconstruites (e.g. application de règles simples ou de scripts) 2. Avec ce
traitement, l’information est traitée la plupart du temps selon le principe de « moindre effort ».
La tendance à s’appuyer sur l’information la plus accessible et l’utilisation de règles trop
simples se révèlent souvent insuffisantes dans un contexte de prise de décision.
 Le modèle de Traitement de l’information publicitaire
Ce modèle du traitement de l’information publicitaire (McInnis & Jaworski, 1989) est
conceptualisé par une échelle en six niveaux. Le niveau le plus bas correspond à une attention
qui n’est que très partiellement focalisée sur le message. L’analyse de celui-ci se limite aux
aspects saillants (essentiellement la forme et l’originalité du message). Le niveau le plus haut
correspond à un traitement très détaillée du message avec une forte implication personnelle
(nécessitant l’utilisation de ressources cognitives). Dès lors, l’individu peut plus facilement
s’accorder avec la situation décrite dans le message.
Informer les individus pour tenter de modifier leur comportement
Pour Pechman (2001), quatre types de messages vecteurs d’information peuvent
potentiellement augmenter la motivation à se protéger :
 les informations augmentant la perception de la sévérité des conséquences ;
 les informations augmentant la perception de la vulnérabilité ;
 les informations sur l’efficacité de la prévention ;
 les informations sur l’auto efficacité de la prévention.
Pour avoir un impact persuasif efficace, les messages dans le domaine de la santé doivent
posséder certaines caractéristiques. En effet, certains aspects sont primordiaux, tels que
l’identité de celui qui émet le message, l’organisation du cadrage des arguments contenus
dans le message ou bien encore le caractère plus ou moins concret de la menace évoquée dans
le message.
Dans cette optique, le recours à la peur est une alternative possible pour informer les individus
de l’existence d’une menace réelle. Les recherches basées sur cette thématique visant à
montrer les effets de la peur sont assez nombreuses avec des résultats parfois contradictoires
sur la relation entre peur et persuasion (Kapferer, 1990 ; Gallopel, 2006 ; pour une revue de
question voir Girandola, 2000b).
2
Ces règles préconstruites sont généralement mobilisées en fonction d’indices présents dans le message : identité
et crédibilité de la source du message ; contexte dans lequel est émis le message ; utilisation d’applaudissement
pour rendre un message attractif ; longueur du message induisant de la qualité…
4
L’utilisation de la peur intervient généralement pour des problèmes de santé publique
considérés comme les plus importants. Ils sont focalisés sur des comportements de prévention
des maladies et de promotion de la santé : utilisation de préservatifs pour la prévention du
Sida, arrêt du tabac, abstinence alcoolique au volant, hygiène dentaire, promotion de
l’exercice physique…
L’objectif de l’utilisation de la peur en prévention et promotion de la santé est d’informer très
précisément des dangers relatifs aux conduites à risque afin d’amener les individus, cibles des
messages, à adhérer aux recommandations de santé.
Peur et vividité : un lien avec la perception de la menace
Witte (1992) définit la peur, non seulement, comme une émotion qui est évaluée
négativement, mais qui peut s’accompagner d’un fort taux d’éveil, surtout lorsque la menace
est jugée sérieuse pour la santé. Toujours selon Witte, la peur et la menace ne renvoient pas à
la même notion. La peur ressort du registre purement émotionnel, et la menace relève de la
cognition surtout dans le sens où elle doit faire l’objet d’une évaluation. Il existe un lien
complexe de réciprocité entre peur et menace : une menace perçue comme forte engendrera
une peur plus importante.
Un concept assez proche de la peur est celui de vividité (« vividity / vividness »). La vividité
est relative aux aspects très concrets de l’information et à la capacité avec laquelle
l’information peut être saillante et donc s’imposer à l’esprit (Nisbett & Ross, 1980 ;
Girandola, 2003 ; Courbet, Milhabet et Priolo, 2001).
Vividité, traduction de l’anglais vividity : force ou intensité avec laquelle des images présentées
peuvent s’imposer dans l’esprit des individus. Ce terme est utilisé surtout dans les expériences pour
lesquelles on manipule la force imagée d'un message.
Le postulat, comme pour la peur, est qu’un message de forte vividité va davantage activer
les affects négatifs. Ainsi, en suscitant une forte émotion, un message vivide peut éveiller
l’empathie et par conséquent avoir un impact sur la persuasion (Sherer et Rogers, 1984). Un
message vivide de part son aspect concret et l’intérêt émotionnel qu’il représente doit
davantage attirer l’attention3. Mais plus que de simplement attirer l’attention, la vividité du
message peut permettre de maintenir cette attention et de stimuler l’imagination (Nisbett et
Ross, 1980). Attirer simplement l’attention (première étape du modèle de McGuire) ne va pas
forcément être suffisant pour permettre l’activation du processus de compréhension.
Plusieurs niveaux de peur ou de vividité sont à appréhender. Sur l’exemple suivant, les
messages de prévention du tabac ou dans le domaine de la sécurité routière (risque d’accident
en lien avec une consommation d’alcool) sont considérés comme présentant une forte peur ou
forte vividité. La peur / vividité sera faible, dans le cas de la simple présentation d’un texte
sans image illustrant ce texte. Le plus souvent, on retrouve des messages de type iconique
3
Le shockvertising désigne une stratégie de communication qui, par le biais du choc, vise à augmenter l'attention
du destinataire et la mémorisation du message dans le but d'obtenir de lui une réaction. Doit être considéré
comme choquant ce qui est susceptible de provoquer un impact émotionnel.
5
pour lesquels du texte vient décrire ou légender ce qui est présenté : le traitement des signes
linguistiques et iconiques du même message sont complémentaires.
Figure 2 : Images de forte vividité dans le domaine de la prévention du tabac
Figure 3 : Images de forte vividité dans le domaine de la sécurité routière
2- Les explications du fonctionnement de la peur en prévention
Une chronologie de modèles expliquant le fonctionnement de la peur
 Le modèle de réduction de la pulsion motivante (Drive Reduction Model)
Ce modèle a été proposé par Janis en 1968 à partir des travaux antérieurs utilisant la peur
comme « stimulus motivant ». La peur suscitée par un message décrivant un danger va
déclencher une réaction émotionnelle de peur et donc une tension (drive). L’individu va
chercher à réduire cette tension. La peur va être un facteur motivant à la modification du
comportement. Afin d’obtenir une éventuelle modification, et c’est un préalable important
pour ce modèle et la suite des travaux sur cette thématique, il est nécessaire d’assortir
6
l’utilisation de la peur d’éléments permettant de résoudre l’émotion négative afin de renforcer
l’impact persuasif.
En produisant une réponse qui réduit la peur, notamment une réponse de type
comportemental, cette dernière peut s’inscrire durablement dans le répertoire des réponses
possibles et ainsi être plus facilement activée (renforcement). La peur ne peut pas être
uniquement évacuée par des réponses telles que l’adhésion aux recommandations du message.
Les individus peuvent choisir d’autres stratégies : résistance, évitement… puisque le but
recherché par les individus selon ce modèle est la réduction de l’état de tension induit par la
peur. Si la peur peut avoir des effets facilitateurs sur la mise en place de comportements
d’autoprotection adaptés, elle peut donc avoir des effets contraires.
Ce modèle semble envisager une relation linéaire entre le niveau de peur qui peut être amenée
par un message et l’acceptation des recommandations de celui-ci. Or, cette relation n’est pas
linéaire mais serait plutôt de type curvilinéaire.
Apports principaux du modèle
- La peur est un état émotionnel que l’individu va chercher à réduire.
- La nécessité de proposer des recommandations pour réduire la peur.
- La peur peut entraîner des réactions de résistance.
Limites du modèle
- Présuppose une relation linéaire entre la peur et l’acceptation des
recommandations.
- Relation trop « mécanique » entre une stimulation et la production d’une réponse.
 Le modèle curvilinéaire (The Curvilinear Model)
Cette relation curvilinéaire (en forme du « U » inversé) entre peur et acceptation des
recommandations va être décrite à partir des travaux de Janis et Feshbach (1953). Le modèle
précédent montrait que pour obtenir une réaction de motivation à réduire la peur, il est
nécessaire de déclencher une peur assortie de recommandation. Si la peur a un niveau trop
important, elle peut pousser à avoir des réactions défensives qui vont conduire à ignorer le
danger. Janis et Feshbach montrent qu’un niveau de peur faible amène une meilleure adhésion
aux comportements adaptés. Cette adhésion est bien supérieure à la situation où le message
produit une peur plus forte. Plus la peur augmente et plus la motivation à réduire la menace
augmente mais uniquement jusqu’à un certain seuil d’intensité. Au-delà de ce seuil, la peur va
perturber le degré de compréhension du message, et l’impact persuasif sera négatif. C’est à
partir de ce principe, que l’on parle de relation curvilinéaire et non linéaire entre peur et
persuasion.
7
Figure 4 : relation entre le niveau de peur et le changement d’attitude (Chabrol & Radu, d’après Janis 1967)
Pour Janis et Feshbach, deux éléments permettent d’expliquer ce mode de fonctionnement :
tout d’abord, une peur d’un niveau faible va moins favoriser la production d’une contreargumentation (allant à l’encontre du message) ; et d’autre part, si la peur est d’un niveau trop
élevé, l’évitement défensif sera plus important.
Lorsqu’on manipule des messages utilisant la peur, il convient alors de parvenir à positionner
le degré avec lequel le niveau de persuasion sera le plus efficace (effet facilitateur de la peur).
Au-delà de ce niveau, on assistera à une baisse de la probabilité d’acceptation du message.
Il est difficile alors qu’un tel positionnement puisse être généralisable à une population. Il doit
nécessairement prendre en compte les caractéristiques individuelles des individus qui seront
exposés au message.
Apports principaux du modèle
- Relation non linéaire entre la peur et l’acceptation des recommandations.
- Le niveau de peur le plus important comparativement à des niveaux plus bas ne
produira pas une adhésion maximum aux recommandations.
- Nécessité de trouver le seuil de tolérance du niveau de peur.
Limites du modèle
- Seuil de tolérance à la peur pouvant différer d’un individu à l’autre.
- Modèle ne permettant pas d’appréhender les différentes variables impliquées dans
le processus reliant peur et persuasion.
8
Le but de l’expérience est d’examiner le changement
d’attitude et le comportement suite à un message de
prévention sur le thème de l’hygiène dentaire. Les sujets
sont répartis selon quatre conditions expérimentales :
message avec forte peur (71 photos de maladies dentaires
dues à une mauvaise hygiène) ; message avec peur
modérée (49 photos de maladies dentaires légères) ;
message minimal d’information (18 maladies dentaires
bénignes) ; groupe contrôle (pas de message).
Suite à ces présentations de messages, des
recommandations étaient proposées aux sujets sur la
meilleure façon de se brosser les dents. Une semaine
après, les sujets étaient invités à répondre à un
questionnaire concernant leur attitude à l’égard des
pratiques d’hygiène buccodentaire.
Les résultats montrent que s’il y a bien un gradient en
termes d’intensité d’inquiétude éprouvée suite à la
présentation des différents messages (inquiétude la plus
forte suite au message avec forte peur), l’adhésion à ces
mêmes messages ne suit pas la même orientation. Les
sujets ayant été exposés aux messages ayant le moins
recours à la peur sont ceux qui changent le plus.
Résultats Janis & Feschbach (1953)
80
76
70
60
50
Fréquence
Encadré 1 : L’expérience princeps de
Janis & Feshbach (1953) : peur et
hygiène dentaire
46
50
36
40
30
38
22
20
10
8
0
0
Message avec
forte peur
Message avec
peur modérée
Message minimal Groupe contrôle
Type de message
% sujets inquiets
% adhésion conformité du message
Par la suite, de nombreuses expériences ont été menées
dans lesquelles la manipulation du degré de peur des
messages était proposée. Les résultats sont en cohérence
avec ceux de Janis & Feschbach (e.g. Witte et Allen,
2000 ; Courbet et al. 2001).
 Le modèle des réponses parallèles (The Parallel Response Model)
Le modèle de Leventhal (1970) ne se focalise pas uniquement sur les processus émotionnels
engendrés par la peur mais également sur les processus cognitifs. Pour Leventhal, la peur
n’est pas uniquement un déclencheur de pulsion, mais est le résultat d’une évaluation
cognitive. Ainsi, la peur va déclencher deux processus parallèles distincts : un processus de
contrôle de la peur (tentative de réduction de la peur) et un processus de contrôle du danger
(gestion de la menace).
Figure 5 : Modèle des réponses parallèles (d’après Leventhal, 1971)
9
Face à une communication utilisant la peur (t.1), par un traitement de l’information, l’individu
identifie la menace (t.2) puis envisage la résolution de celle-ci (t.3).
Le contrôle du danger est un processus objectif par lequel il y aura un réel effort pour limiter
la menace. Le contrôle de la peur est un processus subjectif ou émotionnel dont le but est de
réduire ou limiter l’impact émotionnel. Cette gestion de l’impact émotionnel peut se traduire
par une recherche d’évitement du message appelé « effet boomerang ». En effet, si la peur est
difficilement gérable, car elle suscite une menace trop importante, cette menace peut être du
même coup minimisée. L’individu va renforcer son sentiment d’invulnérabilité ou bien mettre
en place des comportements contre-productifs (renforcement, par exemple, des conduites à
risque qui font l’objet de la communication persuasive).
Ces deux processus ne sont pas à comprendre comme deux activations parallèles simultanées
mais plutôt comme des processus pouvant être activés indépendamment l’un de l’autre.
Les auteurs envisagent avec ce modèle une intensité de la peur qui peut varier, et deux aspects
de la peur : une peur par anticipation (anticipation des conséquences) et une peur
inhibitrice (provoquant un état de tension interne). La peur par anticipation conduit les
individus à avoir une attitude plus active notamment par la recherche des moyens dans
l’environnement pour faire face au danger.
Cette modélisation des processus de la peur n’a jamais été réellement opérationnalisée pour
être testée. L’apport principal de ce modèle est de pouvoir faire la distinction entre ce qui
ressort des processus purement émotionnels et des processus de type cognitif.
Apports principaux du modèle
- La peur est distinguée en tant que processus pouvant être à la fois émotionnel et
cognitif.
- Impact de la peur en tant que probabilité de s’engager dans une réponse adaptée
(contrôle du danger).
- Distinction de deux aspects de la peur : peur par anticipation et peur inhibitrice.
Limites du modèle
- Difficulté d’opérationnalisation du modèle
- Difficulté d’appréhender les conditions de déclenchements des deux processus
 La théorie de la motivation à la protection (Protection Motivation Theory)
La théorie de la motivation à la protection (TMP) n’utilise pas la peur en tant que variable
pouvant agir directement sur l’affect des individus. Dans ce modèle, l’utilisation de la peur est
en fait relative aux processus cognitifs intervenant en réponse aux composantes de messages
utilisant des appels à la peur dans le domaine de la santé (Rogers, 1983). La perception d’une
menace pour la santé, provenant d’un message persuasif, peut entraîner une augmentation de
la vulnérabilité et de la sévérité et inciter davantage à la motivation pour se protéger.
La motivation à la protection va être le résultat de deux processus cognitifs séparés :
l’évaluation de la menace (estimation de la gravité et perception de sa vulnérabilité) et
l’évaluation du coping (croyance en l’efficacité du comportement pouvant réduire la menace
10
et auto-efficacité à mettre en place le comportement adapté). Ce travail d’analyse réalisé par
l’individu s’appuie tout un ensemble de source d’information disponible (environnement et/ou
personnel).
La combinaison de ces deux évaluations va déterminer non seulement l’intention de mettre en
place un comportement adapté, mais également la force de cette intention. En effet, plus la
menace sera perçue comme forte et plus la capacité à faire face sera importante. Dans ce cas,
les probabilités d’adhésion aux recommandations seront élevées (contrôle du danger). Si ce
n’est pas le cas, il ne devrait pas y avoir de changement de comportement (réponse
contreproductive). En arrière plan de ce modèle, on retrouve la notion d’utilité subjective
attendue4. Ici, l’efficacité de la peur est contrainte au fait de pouvoir obtenir une motivation
suffisamment importante.
Source
Processus cognitifs
Modes de
d’informations
Environnement :
coping
Sévérité
Bénéfices intrinsèques et
extrinsèques
-
Vulnérabilité
=
Evaluation de la
menace
- Persuasion verbale
Actions ou inhibition
d’action :
- Apprentissage par
observation
Motivation à
la protection
Peur
- actes répétés
Interpersonnelle :
- Variables
personnelles
- acte simple
Efficacité des
recommandations
-
Coûts des
recommandations
=
Evaluation du coping
- actes multiples
répétés
- Expériences
passés
Figure 6 : Modèle de la Théorie de la Motivation à la Protection (d’après Rogers, 1983)
Selon ce modèle, la relation entre la perception d’une menace et l’efficacité de la mise en
place effective du comportement de protection est très forte (Rogers, 1975). En effet, l’autoefficacité ou la croyance en l’efficacité d’un comportement face à une menace est supposée
être un fort prédicteur de l’intention comportementale (Maddux et Rogers, 1983 ; Beck, 1984
; Seydel, Taal et Wiegman, 1990 ; Plotnikoff et Higginbotham, 2002).
Par contre, la perception de la gravité de la menace ne semble avoir qu’un effet limité sur la
mise en place de comportement de santé même si, dans certains cas, l’effet peut être important
en terme de possibilité de prédiction (e.g. Courneya et Hellsten, 2001). Les effets de la
vulnérabilité perçue semblent être indépendants de l’efficacité perçue. Toutefois, la menace,
surtout dans sa dimension « vulnérabilité » peut être un bon prédicteur (Maddux et Rogers,
4
Lorsque les informations probabilistes ne sont pas disponibles, les individus vont les établir en fonction de
certains critères, dont leurs attentes. Elles représentent donc des états mentaux qui peuvent varier d’un individu à
l’autre.
11
ibid). Le tableau suivant présente les éléments susceptibles d’avoir un impact positif ou
négatif sur la probabilité de mettre en place en place un comportement adapté :
Tableau 1 : les facteurs augmentant ou diminuant la mise en place de comportement de prévention
La probabilité de mettre en place un comportement de prévention est
augmenté par
Evaluation de la menace
La gravité perçue des conséquences.
L’estimation de la vulnérabilité perçue.
Evaluation du coping
Efficacité des réponses (perception de
l’existence de comportement adapté).
Auto-Efficacité (perception des ses
habiletés à mettre en place le
comportement adapté).
diminué par
Récompenses
extrinsèques
(e.g.
approbation de l’entourage.
Récompenses intrinsèques liées au
comportement courant (e.g. plaisir).
Obstacles relatifs à la mise en place du
comportement (e.g. coûts, temps,
effort…).
-
Apports principaux du modèle
- Modèle centré non plus uniquement sur la peur, mais sur la motivation à la
protection (importance des processus cognitifs par rapport aux processus
physiologiques).
- Introduction de la notion coûts/bénéfices en rapport avec l’adoption d’un
comportement adapté.
- Prise en compte explicite dans le modèle que l’abandon d’une pratique à risque
représente un véritable coût (e.g. perte de plaisir, contraintes liées aux respects des
recommandations…).
- Modèle ayant fait l’objet de nombreuses validations empiriques.
Limites du modèle
- La menace perçue repose sur des variables sociocognitives issues des modèles
envisageant un traitement évaluatif rationnel. Beaucoup de biais (jugements
heuristiques) peuvent venir interférer dans la rationalité de cette évaluation.
- Rôle trop peu central de la peur dans le modèle (influence indirecte).
- Impact négatif d’un message trop « vivide ».
 Le modèle étendu des processus parallèles (The Extented Parallel Process Model,
EPPM)
Il s’agit de la modélisation du fonctionnement de la peur en prévention la plus aboutie à ce
jour et celle qui fait largement consensus. Ce modèle intègre les principaux concepts des
modèles antérieurs. Il s’organise en trois étapes indépendantes afin de proposer les conditions
de réussite ou d’échec d’un message utilisant la peur et auquel un individu est exposé :
- une étape d’évaluation de la menace ;
- une étape d’évaluation de l’efficacité perçue des solutions ;
12
-
une étape d’évaluation du rapport menace / efficacité.
La peur, en tant qu’émotion, a un rôle motivationnel qui va permettre d’enclencher les
différents processus cognitifs.
Figure 7 : Le modèle étendu des processus parallèles (d’après Witte, 2004)
Selon ce modèle, dans un premier temps, les individus évaluent la menace contenue dans le
message. Plus les individus estiment que le niveau de menace perçue est important, et plus ils
seront motivés à évaluer l’efficacité des recommandations. Le niveau de menace perçue est
envisagé comme l’estimation du degré de vulnérabilité (estimation personnelle de
l’occurrence de la survenue possible d’un problème de santé en lien avec un comportement à
risque) conjointement à l’estimation de la sévérité (estimation personnelle de la réelle gravité
du problème de santé). Le niveau de menace (vulnérabilité et sévérité) peut se décliner en
trois types d’intensité : forte, modérée et faible.
Par contre, si la menace est perçue comme étant improbable ou insignifiante alors le
traitement du message utilisant la peur sera écourté conduisant à l’échec de celui-ci.
Dans le cas d’une menace perçue comme forte ou modérée, la peur va agir en tant que levier à
l’action dans le but de réduire l’émotion ressentie. Pour faire face à la menace potentielle qui
est perçue comme tangible, l’individu doit évaluer non seulement l’efficacité des solutions
mais sa capacité à pouvoir réellement agir de façon recommandée, c’est l’efficacité perçue.
L’évaluation de l’efficacité va déterminer si l’individu va s’engager plutôt vers une réaction
de maîtrise de la peur ou une réaction de maîtrise du danger.
Une réaction de maîtrise de la peur sera privilégiée dans les cas où l’efficacité des solutions
ne semble pas suffisante pour éviter la menace et lorsque l’individu ne se sent pas en capacité
13
à agir conformément aux recommandations. Dans ces deux cas, la volonté de l’individu à
chercher à contrôler la peur conduit à l’échec du message.
Lorsque les individus estiment que les solutions seront efficaces (forte efficacité perçue des
solutions et forte auto-efficacité), alors ils seront davantage enclins à avoir une réaction de
maîtrise du danger, surtout s’ils estiment que l’efficacité des solutions est supérieure à la
menace. Dans ce cas, les recommandations du message seront adoptées. A l’inverse, en cas
d’une perception des solutions inférieure à la menace, la solution privilégiée sera celle plutôt
d’une maîtrise de la peur, le message sera un échec.
Dans le cas où aucune information concernant l’efficacité des recommandations n’est
proposée avec le message, les individus pourront se baser sur des éléments de connaissances
issues de leurs expériences passées, des croyances et représentations qu’ils ont dans le
domaine afin de pouvoir faire une évaluation de l’efficacité.
La menace perçue est médiatisée par la vulnérabilité et la sévérité. Ces deux dimensions
s’additionnent, tout comme l’efficacité des solutions et l’auto-efficacité pour l’efficacité
perçue. Par contre la relation existant entre la menace et l’efficacité est plutôt d’ordre
multiplicatif ou complémentaire.
Apports principaux du modèle
- Orientation largement cognitive du modèle, mais spécifiant à la fois les effets de la
peur et le rôle des affects négatifs dans le processus de persuasion.
- Modèle envisageant la complémentarité entre peur et efficacité.
- Modèle ayant fait l’objet de nombreuses validations empiriques.
Limites du modèle
- La menace perçue repose sur des variables sociocognitives issues des modèles
envisageant un traitement évaluatif rationnel. Beaucoup de biais peuvent venir
interférer dans la rationalité de cette évaluation.
- Modèle peu explicite sur le parallèle possible entre les processus de contrôle de la
peur et du danger.
- Les conditions d’échec du message sont plus nombreuses que les conditions de
réussite.
L’estimation des effets de la peur
La méta-analyse5 réalisée par Witte et Allen (2000) sur l’impact de l’utilisation de la peur
dans les messages à visée persuasive indique qu’ils sont efficaces dans la mesure où
conjointement ils vont décrire une menace (accentuation de la sévérité et de la vulnérabilité)
et indiquer quelles peuvent être les solutions efficaces à mettre en place d’un point de vue
sanitaire.
5
Une méta-analyse est une méthode statistique combinant les résultats d'études comparables (sur un même
thème) mais indépendantes. La méta-analyse par l’analyse précise de données d’un nombre important de cas
étudiés va permettre de pouvoir formuler une conclusion globale sur le thème abordé.
14
Dans ce travail d’analyses statistiques, on peut remarquer tout d’abord que les corrélations
relevées par les auteurs entre les appels à la peur (AP) et les différentes autres variables sont
assez faibles. Autrement dit, les effets de la peur peuvent apparaître comme étant faibles, mais
relativement conformes aux modélisations (notamment celle de l’EPPM), notamment sur les
attitudes, les intentions et les comportements.
Les principaux résultats sont les suivants : plus l’intensité de l’appel à la peur augmente et
plus cela entraîne un contrôle de la peur et des réactions défensives plus importantes (r =.20).
Cet effet est plus fort que celui concernant le contrôle du danger, tels les changements
d’attitude (r =.14), l’intention comportementale de changement (r =.11) ou encore le
changement de comportement (r =.15). Les résultats montrent également que la recherche de
maîtrise de la peur est inversement corrélée à la recherche de maîtrise du danger : r = -.18).
Cela traduit le fait que les individus qui sont les plus résistants réagissent de manière
défensive aux recommandations et ceux qui sont les moins résistants seront davantage en
accord avec les solutions sanitaires proposées par le message.
D’autre part, la manipulation de l’intensité de la sévérité et de la vulnérabilité va produire des
effets variables sur la persuasion (variant de r =.11 à r =.17). Le même type de manipulation
sur l’efficacité des recommandations et sur l’auto-efficacité produit des effets plus élevés sur
la persuasion (variant de r =.13 à r =.18).
Tableau 2 : les relations entre la peur et les variables de l’EPPM
Peur
Menace (sévérité/vulnérabilité)
Efficacité des recommandations
Relation
statistique
r = .14
r = .11
r = .15
r = - .18
r = .20
r = .11 à .17
r = .13 à .18
Variables
Changement d’attitude
Intention
Comportement
Contrôle du danger
Réaction défensive
Persuasion
L’utilisation de la peur en lien avec les propositions de recommandations va entraîner chez les
individus deux types de réactions qui peuvent interférer entre elles (soit une réaction de
contrôle du danger ; soit une réaction de contrôle de la peur). Il existe une interaction entre
ces deux composantes (peur et recommandations) : plus le niveau de chacune sera élevé, et
plus l’impact persuasif sera important. Par contre, dans le cas où l’efficacité des
recommandations du message va être faible, l’individu va chercher à contrôler la peur. Dans
ce cas les réponses défensives seront plus importantes. Le plus fort impact persuasif pouvant
être obtenu chez les individus intervient lorsqu’on les expose à un message générant une forte
menace et une forte efficacité. De plus, on peut souligner une plus forte efficacité de la peur
lorsque le niveau de vulnérabilité des individus est élevé (Das, De Wit et Stroebe, 2003).
Ces résultants semblent séduisants, toutefois quelques critiques peuvent être formulées à
l’égard de cette méta-analyse, même si celle-ci fait référence dans le domaine. La principale
critique est sans doute la faiblesse du niveau de variance expliquée concernant les relations
entre les variables (allant au maximum de 10 à 15%). De plus, cette méta-analyse repose sur
le traitement de 85 études différentes sur la thématique. Il y a donc une assez large diversité
des études et par conséquent des contextes et des objets très divers, ainsi qu’une large variété
15
du matériel expérimental utilisé (images, textes, films…). Cette absence d’homogénéité peut
très certainement expliquer en partie la faiblesse du niveau de variance.
Si les études analysées sont assez peu homogènes de par leur objet, les populations
expérimentales de ces études elles le sont. Dans la plupart des études, il s’agit d’une
population « captive » d’étudiants à l’Université, recrutée pour ce genre d’expérimentations.
Les effets sur d’autres populations (e.g. population socialement défavorisée ou ethniquement
différente) ne sont pas envisagés dans les études. Il est alors risqué de pouvoir généraliser et
d’extrapoler les résultats obtenus. On ne sait pas non plus si ces réponses peuvent varier en
fonction des thèmes abordés dans les campagnes (addiction ou autre), et selon les
caractéristiques de la cible (âge, sexe…).
Il faut souligner que les études sont réalisées dans des contextes expérimentaux très précis et
rigoureusement cadrés, favorisant alors l’attention qui peut être portée aux messages de
prévention utilisant la peur. De telles situations sont assez éloignées d’une réalité écologique.
En lien, avec le contexte expérimental des études, le type de mesure utilisé peut prêter à
discussion. En effet, généralement, le ressenti de la peur chez les sujets est mesuré à l’aide
d’échelle. Cette mesure est effectuée quasi immédiatement après l’exposition. Or, il
semblerait que les mesures effectuées pendant l’exposition soient plus fiables, même si elles
sont plus difficiles à mettre en œuvre (c’est le cas, par exemple, dans les travaux des
neurosciences où les mesures sont réalisées conjointement à l’exposition au message). De
même, on constate qu’un message pouvant déclencher plusieurs « pics » de peur semble plus
efficace. Là aussi, si la mesure est effectuée a posteriori, la prise en compte des différents
stimuli est complexe à appréhender.
L’apport des neurosciences sur le fonctionnement de la peur en prévention
Les modèles en communication et les modèles rapportant le fonctionnement de la peur en
prévention montrent que l’objectif des campagnes de prévention est de faire en sorte que le
message puisse attirer l’attention, être compris et éventuellement être suivi de la mise en place
d’un comportement approprié (en concordance avec les recommandations du message). La
seule mise en mémoire des émotions véhiculées par les messages ne peuvent suffire.
Les neurosciences peuvent apporter des éléments pour comprendre les mécanismes de
l’impact de la persuasion d’une manière différente de celle reposant sur les enquêtes
déclaratives, notamment à l’aide des techniques d’imageries cérébrales6 (Rieu, 2010). Il est
ainsi possible d’examiner le lien entre l’impact du message d’un point de vue émotionnel et la
mémorisation de celui-ci. Dans ce domaine, les recherches montrent qu’il existe une meilleure
mémorisation des arguments (messages, images…) présentant une valence émotionnelle forte,
en comparaison d’items plus neutres émotionnellement : phénomène EEM (Emotionally
Enhanced Memory). Cette mémorisation est liée à l’influence de l’émotion dans les processus
neurobiologiques. La relation entre émotion et mémoire, dans ce cas, est qualifiée de voie
directe. Cependant, il ne s’agit pas de la seule voie possible, et ce lien entre émotion et mise
en mémoire ne fonctionne pas toujours de la même façon. Une argumentation reposant sur
une valence émotionnelle forte ne va pas forcément être systématiquement mieux mémorisée.
Des facteurs cognitifs sont très largement susceptibles de venir moduler la relation entre
émotion et mémorisation.
6
Notamment par la technique de l’IRMf (Imagerie par Résonnance Magnétique fonctionnelle) : qui permet de
voir si la réalisation d’une tâche est accompagnée ou non d’une augmentation significative de l’activité dans
certaines aires cérébrales (par des variations de la consommation d’oxygène).
16
En effet, l’attention et les aspects sémantiques de l’argumentation vont jouer un rôle de
médiateur dans le phénomène d’EEM. Les items émotionnellement forts sont davantage reliés
entre eux en comparaison d’items plus neutres. Dans ce cas, la voie est qualifiée d’indirecte.
Figure 8 : les différentes voies entre émotion et mémoires
On peut voir qu’avec l’existence des ces deux types de voies (directe et indirecte), deux
théories différentes peuvent coexister concernant l’équilibre entre l’émotion et l’impact sur la
mémoire : l’une estimant que les messages à forte valence émotionnelle vont amener une
attention plus soutenue et une mémorisation plus importante ; une autre théorie avance l’idée
que l’intensité de l’émotion va perturber au final la mémorisation. Pour appuyer cette dernière
théorie, une étude de Langleden et al. (2008)7 montre qu’un message à haute valence
émotionnelle attire effectivement plus l’attention mais va être moins bien mémorisé, en
comparaison d’un message dans lequel le vecteur émotionnel est beaucoup moins élevé.
Même si ces deux théories sont divergentes, il est complexe d’en privilégier l’une plutôt que
l’autre, car elles peuvent être selon les cas adaptées. Les interactions entre la sphère cognitive
et les émotions sont centralisées dans des régions cérébrales à très haut degré
d’interconnexion (Pessoa, 2008). Toujours selon cet auteur, du fait de l’existence de ces
interactions entre émotions et cognitions, il peut y avoir aussi bien une facilitation qu’une
altération de la fonction de mémorisation suivant le degré d’émotion contenu dans un
message.
Outre les aspects de mémorisation du message contenant des informations alarmantes,
d’autres études dans le domaine des neurosciences proposent des résultats totalement contre
intuitifs et ne plaidant pas en faveur de l’utilisation de la peur dans certains cas. Par exemple,
l’étude de Calvert (cité par Calvert et al. 2010), vise à mesurer les réactions du cerveau face à
différents types de stimulations (paquets de cigarettes avec ou sans message anti-tabac,
affiches publicitaires et des objets optionnels pour des cigarettes). Les résultats montrent que
les messages anti-tabac sur les paquets de cigarettes vont davantage stimuler les aires du
cerveau associées à l’envie de fumer (en comparaison des paquets de cigarettes sans messages
anti-tabac). Cette augmentation de l’activité est d’autant plus importante lorsque les messages
sont culpabilisants vis-à-vis des fumeurs. Cette étude valide l’idée qu’il existe un décalage
entre l’activité purement cérébrale, le raisonnement et les possibles actions comportementales
des individus.
7
Voir encadré plus bas.
17
Encadré 2 : Expérience de Langleden et collaborateurs (2009)
Dans cette expérience, plusieurs types de messages télévisuels sur le thème de la lutte anti tabagique
étaient proposés à de sujets fumeurs. Ces messages différaient en fonction de trois niveaux de sensations
qu’ils pouvaient provoquer :
Message à forte valence
émotionnelle
Le message sollicite de
manière intensive plusieurs
canaux sensoriels et contient
des images susceptibles de
choquer qui illustrent une
narration dramatique
Message à basse valence
émotionnelle
Le message propose un
discours plus linéaire, sans
volonté de dramatiser, ne
sollicitant pas trop les voies
sensorielles
Condition contrôle
Clips vidéo neutres, sans
relation avec le thème
Les résultats de cette expérience montrent que les messages ayant une forte valence émotionnelle
entraînent une activité cérébrale élevée au niveau du cortex visuel primaire : effet de surprise et attention
largement attirée.
Lorsque la valence émotionnelle est basse, l’activité cérébrale se concentre au niveau du cortex frontal et
du cortex temporal qui sont notamment associés à la mémoire.
La conclusion de cette étude est la suivante : les images susceptibles de choquer les individus attirent
effectivement l’attention mais de manière temporaire. Les effets de mémorisation sont plus importants
lorsque le message est moins affectant émotionnellement.
Quel lien entre les neurosciences et les modèles explicatifs du
fonctionnement de la peur en prévention ?
Certains éléments apportés par les travaux en neurosciences sont relativement convergents
avec les apports des différents modèles explicatifs du fonctionnement de la peur en
prévention. Un des premiers éléments que l’on peut souligner concerne le lien entre émotion
et cognition. Le modèle des réponses parallèles envisage la peur comme étant à distinguer en
tant que processus à la fois cognitif et émotionnel. L’apport des neurosciences conforte
largement cette idée. On remarque, en effet, que les cognitions agissent en tant que médiateurs
dans le parcours entre émotion et mise éventuelle en mémoire.
L’élément de convergence le plus important entre neurosciences et modèles cognitifs est le
fait que la peur peut entraîner des réactions de résistance ou des réactions contre productives
(cf. lien entre peur et contrôle de la peur ; limitation de la mémorisation du message ; étude de
Calvert). Déjà, un des premiers modèles explicatifs (le modèle curvilinéaire) indiquait que
plus la peur allait être importante et moins il devrait y avoir adhésion aux recommandations.
De manière générale, c’est le postulat de l’ensemble des modèles qui suggère que si le niveau
de peur est trop important, l’impact sera ou négatif ou peu important.
Ces apports montrent bien qu’il existe un seuil de tolérance à la peur, seuil pouvant largement
différer d’un individu à l’autre. Ainsi, il semble nécessaire pour le message cherchant à
induire de la peur qu’il y ait non seulement une adaptation à la population cible, mais qu’il y
ait également un bon dosage entre l’utilisation du visuel (ou des termes chocs) et la
sémantique.
18
L’apport des travaux en neurosciences, confortés par les modélisations cognitives, ainsi que
certains résultats d’études sur l’utilisation de la peur en prévention montrent qu’il existe des
limites à ce recours. Cependant, malgré l’existence de ces limites, certains pensent qu’il ne
faut pas renoncer à ce type de message mais qu’il faut plutôt prendre garde à bien les
accompagner de solides recommandations, notamment comportementales, et à travailler le
contenu afin que celui-ci soit le mieux adapté à la cible.
Répétition des messages utilisant la peur : quels effets à long terme pour les
individus ?
Les éléments issus des travaux en neurosciences qui viennent d’être présentés montrent
notamment que les messages trop effrayants, s’ils peuvent effectivement attirer l’attention ne
favoriseront pas la mémorisation et limiteront alors l’impact de celui-ci. Des travaux réalisés
dans le champ de la psychologie vont dans le même sens. De plus, loin d’un contexte
d’expérimentation scientifique, où très souvent les individus sont exposés une seule fois à un
message de ce type, dans l’environnement réel les tentatives de persuasion sont très souvent
répétées (campagnes de prévention affichées ou télévisées, message anti-tabac sur les paquets
de cigarettes…), on peut alors se poser la question de l’impact de ces répétitions.
Tout d’abord, Frey et Eagly (1993) estiment que des messages utilisant la peur ou ayant un
caractère vivide peuvent avoir un effet sur la mémorisation et un impact persuasif. Toutefois,
ces auteurs posent une condition nécessaire et importante : les individus doivent être attentifs
au contenu présenté. Dans le cas contraire, un message de ce type sera très nettement moins
bien mémorisé et aura un impact persuasif plus réduit en comparaison d’un message plus
neutre (ou non vivide). Les travaux de Lench et Levine (2005), vont dans le même sens.
Cette altération possible de la mémorisation va conduire à des effets limités à plus moins long
terme des messages à caractère phobique. Une étude réalisée sur ce thème (London Institute
for the Study of Drug Dependance, 1974) a cherché à comparer les effets produits par quatre
types d’intervention sur des élèves concernant les effets de la drogue (une intervention de type
cours par un enseignant ; un film à orientation médicale ; un film à orientation
pharmacologique ; un film « choc »). Les résultats de cette étude montrent qu’à court terme,
l’effet le plus important sur les élèves est lié au film « choc » (les élèvent déclarent l’intention
de ne jamais consommer de drogue dans le futur). Par contre, deux mois plus tard, on ne
trouve plus de différence entre les quatre groupes. L’impact du message reposant sur la peur
(film « choc ») ne semble entraîner une modification de l’attitude qu’à court terme (voire
seulement immédiatement après la projection).
Concernant la répétition de ce type de message, de nombreux travaux estiment que cela
contribue à nuire à l’efficacité escomptée (e.g. Goldman & Glanz, 1998 ; Courbet, Milhabet
& Priolo, 2001 ; Hastings & McFayden, 2002 ; Rossiter & Thornton, 2004). En effet, la
répétition va amener de la lassitude auprès du public visé, limitant alors les effets, voire un
rejet du message (Hasting & McFayden, 2002). Des présentations plus limitées dans le temps
semblent davantage efficaces (Rossiter & Thornton 2004 ; Courbet et al., 2001). Pour ces
derniers, dans le domaine de la perception des risques8 tabagiques, cette perception est plus
8
Dans cette étude, la perception des risques est mesurée au travers du concept d’optimisme comparatif qui
consiste à estimer qu’autrui à une probabilité plus élevée de subir de subir des dommages comparativement à soi
(Weinstein, 1980).
19
faible dans le cas où un message de faible vividité est présenté une fois et d’autre part
lorsqu’un message avec une forte vividité est répété (avec pourtant une plus forte intention de
s’arrêter de fumer rapportée par les sujets de l’étude). Les conditions les plus favorables pour
augmenter la perception des risques interviennent lors de la présentation répétée d’un message
de faible vividité ou lors de la présentation unique d’un message de forte vividité (Courbet et
al. 2001), ou encore lors de la répétition d’images vivides mais cadrées positivement (menace
concrète mais existence de ressources nécessaires pour y faire : Chappé, Verlhiac & Meyer,
2007).
Ces différents résultats semblent ne pas être favorables à l’utilisation répétée des messages qui
reposent sur l’utilisation de la peur, or ces répétitions se retrouvent très fréquemment. De plus,
les effets à long termes de ces messages semblent très limités pour les individus concernés par
les risques présentés.
3- Des résultats contradictoires en termes d’efficacité mais des
conditions possibles de réussite
Arrivée à ce stade, il est difficile de pouvoir afficher clairement une position nettement
tranchée quant à l’impact de l’utilisation de la peur en prévention. Certains aspects et
certaines recherches semblent aller dans le sens d’un intérêt évident concernant ce type
d’utilisation, d’autres sont beaucoup plus mitigés. Seul peut être du côté des recherches en
marketing social, les résultats sont moins nuancés et tendent plutôt vers l’efficacité de ce type
d’approche, mais en affichant quand même certaines réserves (Gallopel-Morvan , 2000,
2006 ; Marchioli, 2006).
Il semble quand même apparaître que l’utilisation dans certaines conditions et avec certaines
précautions peuvent conduire à des résultats satisfaisants mais nécessitant la prise en compte
de certaines variables en lien avec l’attitude et le comportement des individus exposés.
L’influence des variables attitudinales
L’adéquation entre l’attitude et l’objet de la persuasion
Généralement, les messages et campagnes de prévention sont adressés à un très large public.
Cette trop large diffusion ne va pas favoriser l’implication des individus car ils vont s’estimer
très peu concernés (Meyer et Delhomme, 2000). De plus, cette hétérogénéité du public ne
favorise pas la prise en compte de l’attitude des individus vis-à-vis de l’objet du message,
message dont l’objectif au final est pourtant de tenter de modifier l’attitude de certains. Face
au message, on peut estimer que certains individus vont se trouver en situation de consonance
cognitive (leur attitude est en adéquation avec l’objet du message, par exemple des non
fumeurs vis-à-vis d’un message anti-tabac) et alors que d’autres seront en dissonance (leur
attitude est divergente par rapport au message, par exemple des fumeurs face au même
message). L’efficacité du message est supposée être meilleure sur les individus plutôt en
consonance cognitive, la peur sera efficace sur eux. Au contraire, les individus présentant un
état psychologique de dissonance seront davantage enclins à s’orienter vers des stratégies
pour réduire cette dissonance (Leventhal, 1970 ; Sternthal & Craig, 1974 ; Gallopel, 2002). Ils
vont alors privilégier des mécanismes ou stratégies de défense ou de rejet (sous estimation des
risques dont le message fait part, atténuation de la portée du message, remise en cause de la
20
crédibilité…). Le message pour ces individus est voué à l’échec, car ils préfèrent s’orienter
vers la voie du contrôle de la peur (cf. EPPM). Ainsi pour certains, l’utilisation de la peur
pour ce type de public semble inappropriée, et il faudrait plutôt s’orienter vers des
communications d’un tout autre genre (e.g. message basé sur l’humour), mais surtout assortir
ce message de conseils ou d’aides à la mise en place du comportement adéquat (Rogers,
1975 ; Witte, 1992). Nous allons revenir sur ce point.
La nécessité de prendre en compte les prédispositions attitudinales au changement
Outre l’attitude individuelle vis-à-vis du comportement à risque (consonance vs dissonance),
les prédispositions individuelles au changement de comportement peuvent différer. Bien
souvent, les messages estiment que pour l’ensemble des destinataires ce positionnement est le
même. Or, tout d’abord il n’en est rien, et de plus l’impact d’un message va différer suivant la
motivation des individus au changement9. En effet, l’utilisation de la peur sera davantage
efficace pour des individus se situant en phase de pré contemplation, c’est-à-dire sans
forcément une intention d’arrêter un comportement pouvant poser problème d’un point de vue
sanitaire. Pour les autres états de motivation (phase de contemplation ; phases d’action et de
maintenance), l’utilisation de la peur est beaucoup moins appropriée.
A titre d’exemple, le tableau suivant propose les méthodes susceptibles d’avoir un meilleur
impact dans le cas de l’arrêt de la consommation de tabac.
Tableau 2 : Adaptation de la prévention en fonction de la motivation à arrêter de fumer
Etapes psychologiques
Pré contemplation
Contemplation
Action ; maintenance
liées au changement
Forme et contenu du
Susciter de la peur,
Soutenir et encourager,
Féliciter, rappeler les
message de prévention
choquer, présenter des
donner des conseils pour bénéfices du nouveau
risques graves liés au
passer à l'acte, présenter
comportement, donner
comportement, créer une les bénéfices du
des conseils pour éviter
prise de conscience
comportement proposé
les risques de rechute
Le degré de connaissance et le délai d’apparition des dommages
Un autre constat à faire concerne le lien entre le degré de connaissance qu’ont les individus
concernant les produits et les dommages lié à leur consommation et l’impact de la persuasion.
Plus ce degré de connaissance est important et moins l’appel à la peur peut avoir un effet
positif sur l’intention de consommer (Smart & Feijer, 1974). C’est également le cas lorsque
les individus ont l’impression subjective d’avoir des connaissances dans un domaine
spécifique (e.g. Terrade, 2003, concernant les IST). Goldman & Glantz (1998) font le même
constat dans le domaine des risques tabagiques : les messages qui décrivent les effets
potentiels à long terme sont considérés comme moins efficaces car la plupart des gens
connaissent déjà la réalité de ces effets. C’est d’autant plus vrai auprès des populations les
plus jeunes, population minorant très souvent l’impact d’une prise de risque, et parce que
l’apparition des dommages intervient longtemps après le début de la consommation. Sturges
et Rogers (1996) considèrent que la présentation d’éléments dont les conséquences d’un
comportement à risque sont immédiates va être plus persuasive que lorsque les conséquences
présentées sont temporellement plus éloignées.
9
La prédisposition au changement peut être opérationnalisée par le modèle transthéorique de Prochaska et
DiClemente (1982,), voir Annexe 2.
21
L’impact du cadrage des arguments du message et de l’implication linguistique
La réponse des individus face à un message de prévention sanitaire peut également dépendre
du cadrage du message. En effet, la façon dont un message est formulé (cadrage) peut
influencer l’intention de s’engager concrètement dans des comportements de santé. Les
messages peuvent avoir un cadrage soit positif, soit négatif. Lorsque le cadrage est positif, les
arguments du message sont centrés sur les avantages et bénéfices à mettre en place le
comportement de prévention ; lorsque le cadrage est négatif, par contre, les arguments
insistent sur les dommages potentiels qui pourraient intervenir si le comportement à risque
perdure ou si les actions préventives ne deviennent pas effectives (Meyerowitz et Chaiken,
1987 ; Detweiler, Bedell, Salovey, Pronin et Rothman, 1999).
Cadrage positif (texte)
Cadrage négatif (texte)
Cadrage positif (texte et image)
+ recommandation
Cadrage négatif (texte et image)
Figure 9 : exemples de cadrage de messages de prévention
L’impact des différents cadrages n’est pas le même suivant les comportements de santé
escomptés. Les cadrages positifs (centrés sur les bénéfices) sont plus propices dans le cas de
comportements de prévention : utilisation de préservatif, de crème solaire, incitation à la
pratique d’activités physiques ou bien encore incitation à la perte de poids (e.g. Jones et al.,
2003). Les cadrages négatifs (centrés sur les pertes possibles) semblent plus efficaces lorsqu’il
s’agit de proposer des comportements visant à la détection de maladie ou l’incitation aux
examens médicaux (Banks, Salovey, Greener, Rothman, Moyer, Beauvais et Epel, 1995 ;
Rothman, Martino, Bedell, Detweiler et Salovey, 1999 ; Ruiter, Kok, Verplanken et VanErsel,
2003 ; O’Keefe & Jensen, 2007).
Outre le cadrage, la façon dont le message va susciter ou pas l’implication des individus peut
également moduler l’impact. Les messages peuvent en effet utiliser une implication
linguistique différente (Chabrol et Diligeart, 2004) : utilisation d’une forme délocutive
22
impersonnelle (« il ») ou une forme allocutive personnelle (« vous »). Dans certaines
conditions (en fonction du type de cadrage utilisé et du caractère plus ou moins vivide de la
menace), une implication linguistique forte contribuera à l’acceptation des recommandations.
Sans parler d’effet additif des ces éléments, on peut estimer qu’il y interdépendance entre ces
facteurs.
L’influence des variables comportementales
L’importance des recommandations dans le message
Il semblerait que les communications dont l’impact pourrait être le plus persuasif seraient
celles qui permettent d’éveiller une peur maximale tout en soulignant la pertinence des
comportements recommandés et en renforçant le sentiment d’efficacité personnelle. Dès les
premiers travaux sur l’utilisation de la peur en tant que communication à visée persuasive
(notamment les travaux de Janis en 1968 : Drive Reduction Model), et dans l’ensemble des
modélisations qui ont suivies, il y a une importance forte à apporter des recommandations ou
des solutions pour limiter l’impact des dommages (Rogers, 1975 ; Witte, 1992 ; Tay, Waston
& Radbourne, 2001). Or, cette dimension semble souvent omise dans les messages. C’est
pourtant une des conditions nécessaires au fonctionnement de la peur. Ce n’est pas seulement
la présence des recommandations qui favorise l’efficacité, il faut en plus que les solutions
envisagées soient jugées comme réalistes et pouvant avoir un réel impact (Maddux et Rogers,
1983).
Ces solutions peuvent être de plusieurs types : des solutions de type comportemental à mettre
en place pour limiter les risques (e.g. mettre un préservatif pour se protéger des IST ; arrêter
de fumer ou limiter sa consommation d’alcool pour éviter les dommages sanitaires ; mettre sa
ceinture de sécurité ou respecter les limitations de vitesse sur la route) ; des solutions basées
sur la relation d’aide ou de soutien (e.g. proposition de conseils ou de numéros de téléphone
pour avoir ces conseils ; guide d’information…) ou encore sur des actions visant à faciliter la
mise en place des recommandations (e.g. mise à disposition de substituts nicotiniques…).
L’auto-efficacité concernant la mise en place des recommandations
Les recommandations contenues dans le message sont très importantes. Elles doivent être
réalistes et surtout l’individu doit être en capacité de les mettre en place. Dans les
modélisations (EPPM), auto-efficacité et recommandations sont les variables qui ont le plus
de poids sur la persuasion comparativement à la menace (cf. méta-analyse de Witte & Allen,
2000).
L’auto-efficacité ou le sentiment d’efficacité personnelle est un concept développé par
Bandura (1977) qui désigne les croyances des individus quant à leurs capacités à réaliser des
performances particulières. Il contribue à déterminer les choix d’activité et d’environnement,
l’investissement du sujet dans la poursuite des buts qu’il s’est fixé, la persistance de son effort
et les réactions émotionnelles qu’il éprouve lorsqu’il rencontre des obstacles.
23
Encadré 3 : les sources ayant un impact sur l’auto-efficacité
Il existe quatre principales sources au sentiment d’efficacité personnelle qui permettent de le construire et de le
modifier :
L’expérience active et l’impact des expériences passées
Ce type d’expérience (avoir activement expérimenté notamment par le passé, et réussit) est une source très
influente pour les individus sur sa propre croyance en son efficacité personnelle. Elle contribue à conforter le
sentiment de maîtrise de la tâche. Les capacités personnes seront largement renforcées en cas de répétition de
succès10. L’échec va, au contraire, réduire ce sentiment.
L'apprentissage social (ou modelage, ou apprentissage vicariant)
Les expériences vicariantes ou expériences indirectes repose sur des phénomènes de comparaison sociale, basés
sur l’observation. Observer autrui peut influencer et contribuer au renforcement des ses capacités à réussir.
L’observation d’échecs peut remettre en cause sa propre efficacité. Les observations portées sur d’autres,
possédant des caractéristiques (âge, sexe…) relativement proches des siennes, par exemple des pairs, renforcera
l’auto-efficacité.
La persuasion par autrui (persuasion verbale)
Ce type de persuasion peut prendre plusieurs formes : soit en apportant aux individus un ensemble
d’informations sur la conduite à tenir (informations, recommandations, instructions, avertissement, suggestions,
conseils…) ; soit en confortant son comportement, notamment en apportant des feed-back positifs. Dans tous les
cas, ces éléments doivent s’inscrire dans le champ du réalisable. D’autre part, ce type de persuasion peut être
influencé par des facteurs tels que l’expertise, la crédibilité ou l’attrait de la source d’information.
L'état physiologique et émotionnel
Les états physiologiques et émotionnels peuvent aussi intervenir dans le sentiment d’auto-efficacité, notamment
lorsqu’un état donnée va être associé à une performance. Par exemple, une performance médiocre en lien avec
un état d’anxiété contribuera à remettre en cause ses compétences personnelles. Les états physiologiques et
émotionnel sont très importants non seulement dans le domaine de la santé, mais dans les comportements à
mettre en place dans ce domaine.
Ces quatre sources d’information vont renforcer ou conforter le sentiment d’efficacité personnelle, ou au
contraire peuvent venir interférer. En fonction des individus, du moment ou encore du contexte, ces différentes
sources peuvent être complémentaires.
Des recherches montrent le lien entre auto-efficacité et utilisation de la peur dans les
messages de prévention. Ces recherches s’accordent à dire qu’apporter des éléments pour
conforter l’auto-efficacité est importante pour des conditions de réussite de ce type de
prévention (e.g. Latour, Snipes & Bliss, 1996 ; Girandola, 2000). De plus, dans le cas ou les
individus ressentent un fort sentiment d’efficacité personnelle, il peut y avoir moins de
réaction de rejet de la peur, ainsi qu’un sentiment moins important de tentative de
manipulation de la part d’autrui car la mise en place des recommandation apparaît comme
possible (Latour et al., 1996). Un autre point d’accord de ces recherches, est que cette
dimension est très (trop ?) souvent délaissée dans les messages utilisant la peur. Or, nous
l’avons déjà vu, omettre cette dimension peut favoriser des résultats contre-productifs ou des
effets inverses de ceux attendus.
Parmi les sources pouvant avoir un impact sur l’auto-efficacité, c’est essentiellement la
persuasion par autrui ou persuasion verbale qui a fait l’objet de recherche, avec résultats
plutôt positifs sur la mise en place de comportements sécuritaires.
10
Sauf si le succès est trop facile.
24
D’autres sources d’informations en lien avec l’auto-efficacité sont négligées. C’est
notamment le cas pour l’apprentissage social, dimension peu envisagée dans le cadre de
recherches. Cette dimension pourrait pourtant, d’un point de vue théorique, avoir un réel
impact (Gallopel-Morvan, 2006). L’influence des pairs, les phénomènes de groupe, l’impact
des leaders d’opinions, ou encore du témoignage d’anciens alcoolique ou d’anciens fumeurs
ou alcooliques sur certaines cibles11 n’ont que très peu fait l’objet de tentative de vérifications
en termes d’effets potentiellement positifs.
4- Les résistances et les freins à la persuasion
Il n’existe pas de typologie fiable et exhaustive des réponses contre-productives en lien avec
les tentatives de persuasion (Liberman & Chaiken, 1992). Par contre, on peut estimer quelles
en sont les composantes : cognitive (« je ne le crois pas ») ; affective (« je ne l’aime pas ») ; et
comportementale (« je ne le ferai pas »). Nous proposons ici les réponses en termes de
résistance les plus répandues.
Le traitement défensif
Les modèles de traitement de l’information (ELM ; THS et traitement de l’information
publicitaire) sont relativement convergents et estiment qu’il y a deux voies possibles face à de
la persuasion. On peut estimer que pour modifier les attitudes en lien avec un comportement
pouvant avoir des répercussions sanitaires, il faudrait que le traitement approprié de
l’information passe par la voie centrale avec une attention prononcée sur les arguments du
message. Dès lors, si le message nécessite la mobilisation de ressources cognitives, la voie
centrale sera utilisée, celle-ci favorisant davantage le changement d’attitude. Dans cette
optique, on peut se demander de quelle nature serait le traitement lorsque le message est basé
sur les émotions (utilisation de la peur).
De nombreux auteurs estiment que lorsqu’il y a utilisation d’informations recourant à la peur
(Liberman & Chaiken, 1992 ; Witte et Allen, 2000), le traitement se fait plutôt par la voie
périphérique (ou heuristique), or ce type de traitement favorise plutôt la formation
d’impression ou d’attitude. Avec cette voie, le changement est tout de même possible, mais il
sera beaucoup plus instable et fragile. De plus, outre le fait que le traitement est davantage
périphérique, la peur est souvent traitée de manière biaisée et défensive (Liberman &
Chaiken, 1992). Ce traitement défensif intervient car les individus sont très critiques par
rapport aux éléments présentés et considèrent par ailleurs que les recommandations
éventuellement proposées ne sont pas suffisamment rassurantes.
La peur ne va pas entraîner nécessairement un traitement périphérique. En effet, dans certains
cas, le traitement peut être systématique mais biaisé. Les conditions les plus fortes pour un tel
traitement interviennent lors de l’exposition conjointe d’une forte menace et d’une faible
efficacité (Witte & Allen, 2000). D’autre part, pour les sujets les plus concernés par la
menace, autrement dit les sujets pour qui la menace est la plus pertinente, le traitement
défensif sera davantage important. C’est lié au fait que la pertinence de la menace favorise
11
Le témoignage d’anciens buveurs est pourtant une pratique courante, notamment dans le milieu scolaire.
L’impact peut être questionné car ce type d’intervention est généralement réalisé au sein d’un groupe
(phénomène de groupe possible) et il peut y avoir un décalage entre les caractéristiques de l’émetteur et du
récepteur sur plusieurs dimensions.
25
leur implication. Les doutes à l’égard des arguments vont être plus importants et les individus
vont rechercher des contre-argumentations dans le but de conforter et de ne pas remettre en
cause leur position initiale. Le message sera un échec, car il n’y aura pas de changement de
comportement. Les réponses seront du type évitement, déni ou fatalisme.
La figure suivante résume les possibilités de traitement d’un message utilisant la peur :
Figure 10 : les différents traitements d’un message utilisant la peur
Das, De Wit et Stroebe (2003), de leur côté, considèrent qu’il existe deux types de traitement
systématique biaisé : un traitement positif et un autre négatif. Face à un message utilisant la
peur, et conformément à l’EPPM, l’individu réalise deux évaluations : celle de la menace et
celle des recommandations. Lorsqu’il se sent largement concerné par la menace (forte
vulnérabilité), le traitement sera plutôt d’ordre négatif : tendance à minimiser les risques
possibles (stratégie de défense). Cependant, tout en se considérant vulnérable par rapport à la
menace, le traitement des recommandations proposé peut être de nature biaisé mais positif,
car les individus cherchent de la réassurance vis-à-vis de la menace (recherche d’arguments
solides concernant l’efficacité des recommandations). Dans ce cas de figure, les effets de la
persuasion peuvent être majorés.
D’autres facteurs (individuels ou environnementaux) peuvent orienter la façon dont va être
traitée l’information persuasive. On peut citer par exemple parmi les facteurs individuels, le
besoin de cognition des individus12 (Ruiter, Verplanken, De Cremer & Kok, 2004) ; et pour
les facteurs environnementaux, le type de médias utilisés pour véhiculer l’information. Les
messages émanant de la télévision ou de la radio sont traités plutôt de manière périphérique,
alors que les messages écrits eux le sont plus par la voie centrale.
12
Le besoin de cognition (need for cognition) est une variable de personnalité montrant la propension des
individus à s’engager dans des activités nécessitant des efforts cognitifs (Cacioppo & Petty, 1982). Les individus
ayant un besoin de cognition élevé traiteraient davantage les informations par la voie centrale et seraient
persuadés plus facilement si les arguments sont objectifs ; ceux ayant une besoin de cognition moins élevé
traitent les informations par la voie périphérique et sont plus réceptifs à des indices subjectifs (ambiance,
crédibilité et attractivité de la source…).
26
La réactance
Dans l’optique de préserver leur attitude initiale face à une tentative de persuasion, les
individus peuvent se montrer réactants vis-à-vis de celle-ci. La réactance peut se définir
comme un processus par lequel les individus vont délibérément chercher à résister face aux
éléments de persuasion qui leur sont imposés. Ce type de processus peut intervenir lorsque les
individus estiment que leur sentiment de liberté (de choix ou d’actions) est menacé ou du
moins limité. Dans ces cas, il y aura recherche de restauration de cet espace de liberté par le
biais d’un effort cognitif (Brehm, 1966).
Il y a davantage réactance devant le sentiment qu’il existe potentiellement une menace pour sa
propre liberté plutôt que face à l’existence d’une réelle menace. Ce sentiment de menace
intervient car la persuasion peut être perçue comme une contrainte ou l’impression d’une
intention de manipulation par autrui. Refuser la contrainte ou la manipulation pour l’individu,
en négligeant ou en faisant le contraire des recommandations, est avant tout un moyen d’une
intention de préservation de sa liberté d’agir. C’est également l’occasion de pouvoir proposer
une image avantageuse de soi, montrant un hermétisme aux tentatives de persuasion ou
d’influence.
Une persuasion considérée comme trop forte, par exemple l’utilisation d’un ton estimé trop
agressif (cas de l’utilisation de la peur ou d’informations avec des aspects vivides) va
largement contribuer à ce qu’il y ait de la réactance, voire même une radicalisation de la
position initiale des individus à l’égard du comportement qui fait l’objet de la tentative de
changement par de la persuasion13. On remarque que dans ce type de cas de figure, l’impact
de persuasion est nul ou négatif.
L’intensité de la réactance va dépendre de plusieurs facteurs et interviendra dans plusieurs
cas de figure :
 lorsque le comportement et l’attitude en lien avec celui-ci qui sont visés par la
persuasion sont considérés comme importants pour l’individu ;
 en fonction de l’intensité et de l’orientation perçues de la menace (généralement les
messages contre attitudinaux favorisent la réactance en comparaison des messages pro
attitudinaux) ;
 lorsqu’un nombre important de comportements ou d’attitudes sont perçues comme
susceptibles d’être menacés.
La réactance est particulièrement prégnante chez les jeunes adultes et adolescents (Grandpre,
Alvaro et al. 2003) et s’exprime dans de nombreux domaines sanitaires (e.g. comportements
sexuels à risque ; risques routiers ; risques tabagiques et plus largement risques en lien avec
des consommations de produits14…). Cette résistance des plus jeunes peut s’expliquer par
l’existence d’un fort désir d’indépendance à cet âge, et souvent d’un fort rejet des formes
d’autorité. Ces éléments vont largement contribuer au fait que les tentatives de persuasion
sont mal vécues et font l’objet de fortes résistances et éventuellement d’engagement dans des
conduites contre-productives.
13
Une étude de Bensley et Wu (1991) montre que des « gros buveurs » exposés à une communication menaçant
leur liberté ont réagi de manière contre productive en augmentant significativement leur consommation d’alcool
en comparaison d’autres individus exposés à un message moins impactant en termes de réduction de liberté.
14
Concernant le tabac chez les plus jeunes, il y a un fort rejet des campagnes de prévention (notamment vis-à-vis
des avertissements visuels).
27
La théorie de l’inoculation
Cette théorie développée par McGuire (1961) montre que la répétition continuelle sur le long
terme de messages persuasifs, donc contre-attitudinaux peut contribuer à ce que l’individu
cherche à vouloir protéger ses attitudes. En ce sens, la théorie de l’inoculation (comparable à
l’inoculation d’un vaccin dans l’organisme afin de prévoir des attaque ultérieures) montre que
l’inoculation peut être une stratégie de résistance. Cette résistance va se développer par
l’inoculation d’arguments forts. Les arguments vont faire l’objet de réfutation. Le fait de
réfuter favorise la défense. Du coup, les arguments (et leur réfutation) vont contribuer à
renforcer les défenses et donc les attitudes lorsqu’elles feront face à des tentatives de
persuasion ultérieures, tentatives véritablement considérées ici comme des attaques. Il s’agit
d’une forme de résistance par anticipation.
Cette stratégie de l’inoculation est très efficace car elle contribue à avoir une attitude
extrêmement résistante. De plus, ses effets peuvent se maintenir à long terme.
On peut faire le lien entre cette théorie et les éléments présentés concernant la répétition des
messages et les effets à long terme de ceux-ci (voir supra), et ce, aussi bien dans le champ de
la psychologie que des neurosciences. En effet, la répétition semble avoir un impact limité, et
de plus, elle peut contribuer à renforcer la résistance à la persuasion, ce qui peut sans doute
expliquer en partie cette faible efficacité. Reste qu’il est très difficile de pouvoir contrôler
précisément le degré d’exposition et le niveau de répétition auxquels peuvent être confronté
les individus.
L’engagement et la résistance à la persuasion
Le fait d’être engagé dans un acte peut être également un facteur qui va contribuer à
augmenter la résistance à la persuasion.
L’engagement désigne le lien existant entre l’individu et ses actes et ou l’ensemble des
conséquences d'un acte sur le comportement et les attitudes (Joule & Beauvois, 1998).
Un individu qui est engagé dans un comportement donné sera davantage résistant à la
persuasion parce qu’il sera moins enclin à traiter l’information persuasive, notamment à
réaliser un traitement plutôt approfondi (c’est pourtant ce type de traitement qui peut favoriser
le plus le changement d’attitude ou de comportement). C’est encore plus vrai lorsqu’il y a
conformité entre un comportement dans lequel un individu est engagé et son attitude. La
répétition d’un acte ou sa fréquence d’exécution est un facteur d’engagement. Ainsi, les
antécédents comportementaux engageants (e.g. consommation d’alcool ou de tabac)
favorisent la résistance à la prévention persuasive (Girandola, 2003). De même les résistances
antérieures à la persuasion contribueront à renforcer les résistances ultérieures.
Encadré 4 : Engagement et comportement de consommation d’alcool
Si l’on se réfère aux conditions théorique nécessaires à l’engagement des individus dans un comportement
(Kiesler, 1971 ; Joule & Beauvois, 1998), le lien entre consommation d’alcool et engagement peut être fait
(Girandola & Michelik, 2008 ; Priolo & Milhabet, 2008).
Dans un premier il y a visibilité et importance de l’acte :
- l’acte à un caractère public de l’acte (plus engageant qu’un acte anonyme) ;
28
- l’acte est explicite (plus engageant qu’un acte ambigu) ;
- l’acte est irrévocable ;
- l’acte se répète (plus engageant qu’un acte réalisé qu’une fois) ;
- les conséquences de l’acte (un acte est plus engageant lorsqu’il est lourd de conséquences) ;
- le coût de l’acte : un acte est engageant lorsqu’il est coûteux en argent ou en temps.
Dans un deuxième temps, il y a le contexte de liberté dans lequel l’acte est réalisé et les raisons pour lesquelles
l’acte est commis :
- libre choix pour la réalisation de l’acte (variable fondamentale a l’engagement) ;
- les raisons expliquant ce qui est fait ou va être fait (raisons interne ou externe).
La consommation d’alcool présente la plupart des conditions nécessaire à l’engagement : les consommations
sont souvent publiques, explicite et irrévocable ; elles se répètent dans le temps, et sont réalisées librement. On
peut donc considérer que les individus ayant l’habitude de consommer de l’alcool sont davantage engagés en
comparaison de buveurs occasionnels. Cet engagement peut être pour eux un facteur de résistance à la
persuasion dans le cas de tentative de leur faire changer de comportement par rapport à leur consommation.
La même analogie entre l’engagement et d’autres comportements non sécuritaires peut être également considérée
sur le même modèle (Priolo & Milhabet, 2008).
29
5- Synthèse et recommandations quant à l’utilisation de la peur en
prévention et perspective de travail
Synthèse
Les campagnes de prévention reposent sur le postulat que si les individus perdurent dans leurs
comportements qui présentent potentiellement des dommages pour leur santé, c’est sans doute
parce qu’il ne dispose pas suffisamment d’informations sur les risques encourus. En leur
proposant ce type d’information, il y a plus de chance qu’ils limitent ou cessent ces
comportements néfastes. Ce postulat envisage donc les individus comme des acteurs
rationnels. On le remarque au travers de modélisations sur les comportements, notamment le
modèle des croyances relatives à la santé (Health Belief Model : Rosenstock, 1974 ; Janz &
Becker, 1984). Cependant, l’homme agit assez rarement de manière rationnelle, et les
informations préventives ne sont pas suffisantes pour réduire les comportements à risque. En
effet, de nombreux facteurs vont venir biaiser le jugement individuel, réduisant les possibilités
d’engagement dans des comportements de santé adéquats.
Proposer de l’information est indispensable mais visiblement insuffisant pour amener à coup
sûr à des changements de comportement. Une possibilité est de tenter d’alerter davantage les
individus en leur proposant des messages ou actions qui reposent sur l’utilisation de la peur.
Le but est d’informer mais en mettant l’accent sur les conséquences, souvent dramatiques, qui
peuvent arriver si le comportement à risque n’est pas stoppé. Ce recours se fait par le biais
d’images crues, et d’un vocabulaire insistant largement sur l’aspect qui peut être irréversible.
L’utilisation de la peur en prévention peut dans certains cas, suivant certaines conditions et
pour certains individus avoir un impact positif. En disant cela, on remarque que les
possibilités d’impact sont restrictives montrant une réelle limite de l’utilisation de la peur. Les
conditions de réussite de ce type de message doivent répondre à certaines exigences. Les
réactions face à des stimuli aversifs peuvent être toutes autres que celles qui étaient
envisagées. L’individu peut développer de nombreuses stratégies de défense face à cette
attaque persuasive afin limiter les effets de celle-ci. Dans d’autres cas, les réactions peuvent
être complètement à l’opposé de ce qui était recherché. On parle alors d’ « effet boomerang ».
Ces réactions négatives à la peur interviennent pour différentes raisons. Tout d’abord, soit
consciemment ou inconsciemment, les individus vont refuser de se projeter dans les
conséquences qui leur sont présentée. D’autre part, comme on l’indiquait précédemment, la
perception individuelle des risques est très subjective et soumise à l’influence de nombreux
facteurs qui peuvent venir interférer avec la vision rationnelle. Enfin, certaines conditions
pour que la portée du message puisse être bénéfique ne sont pas toujours remplies, notamment
l’apport de recommandations pour contrecarrer la menace. De plus ces recommandations
doivent, dans la mesure du possible, pouvoir être effectivement mise en place.
30
Recommandations
1) L’utilisation de la peur en prévention doit nécessairement prendre en compte un
ensemble de facteurs individuels pour une possible efficacité :



le positionnement des individus en termes de seuil de tolérance à l’émotion négative ;
le positionnement attitudinal ;
la propension individuelle au changement.
Les modélisations expliquant le fonctionnement de la peur, ainsi que les travaux en
neurosciences, soulignent que l’émotion négative ne sera pas perçue de la même manière par
tous. Le positionnement individuel vis-à-vis de la peur doit alors être envisagé et nécessite de
trouver le seuil de tolérance. L’attitude des individus à l’égard du comportement qui fait
l’objet de la communication n’est pas non plus le même pour tous. Le message sera plus
impactant lorsque l’attitude est consonante (vs dissonante). Ce positionnement attitudinal est
également à prendre en compte, ainsi que la force avec laquelle les individus sont engagés
dans le comportement.
Le message vise à modifier le comportement des individus, au préalable cela passe par un
changement de l’attitude. La propension au changement est différente d’un individu à l’autre.
Etre plus ou moins déjà engagé dans une dynamique de changement contribuera à ce que la
peur sera plus ou moins efficace.
Cette prise en compte nécessaire de ces différents facteurs individuels va à l’encontre d’une
diffusion indifférenciée et trop générale de tels messages ou actions.
--2) L’utilisation de la peur en prévention doit insister sur les recommandations et mettre
l’accent sur le sentiment d’efficacité personnelle (auto-efficacité).
Les recommandations disponibles et la capacité à pouvoir les mettre en place sont deux
aspects intimement liés. Prendre en compte ces deux dimensions sont nécessaire pour
augmenter l’efficacité des actions de prévention (et ce pas uniquement sur des
communications préventives axées sur la peur). Apporter des éléments d’information de type
alarmant, ou pas, sur les conséquences et la potentialité de survenue de dommages sanitaires
ne peut être suffisante si les recommandations effectives ne sont pas présentes en parallèle.
La présence de ces recommandations est de plus liée à la capacité réelle de l’individu à
pouvoir s’en saisir.
Ces deux dimensions sont très souvent mises de côté dans les communications persuasives.
--3) Des précautions, non seulement sur la forme et le contenu, mais aussi sur le contexte des
communications utilisant la peur sont à prendre. Les messages doivent en effet s’acquitter de
certaines règles afin d’être plus efficace :




le cadrage des messages
l’implication suscitée par le message
la répétition des messages
le contexte d’émission (cadre expérimental des études)
31
Les recherches ont montré que la manière dont le message va être cadré (positivement ou
négativement) n’aura pas le même impact en fonction des individus et du comportement ciblé.
L’implication suscitée par le message aura également un impact sur l’efficacité. Dans les cas
de modification envisagée concernant des comportements de type addictif et pour les
individus les plus concernés, les cadrages positifs et une implication forte sont davantage à
considérer. Toujours concernant ce cas de figure, la répétition des messages trop chargés
émotionnellement ne semble avoir qu’un effet limité. Seuls les messages plus neutres
semblent propices à la répétition.
Ces différentes précautions ne sont pas non plus généralisables, elles sont liées aux
caractéristiques individuelles des cibles. En fonction de ces caractéristiques, l’impact sera plus
ou moins fort. Il faut souligner que l’ensemble des ces éléments émergent d’études réalisées
dans des contextes expérimentaux. Les résultats sont extrapolés à une population plus
générale avec les réserves que cela peut impliquer.
Perspectives de travail
 Des questionnements concernant la perception individuelle des risques
L’utilisation de la peur en prévention n’est qu’une possibilité parmi d’autres (et ce n’est pas la
plus répandue) d’apporter des éléments d’information sur les risques possibles en lien avec
des conduites. Si l’apport d’information, quelle que soit sa nature, est primordiale, la manière
dont les individus perçoivent les risques va largement conditionner l’impact des informations.
Les modélisations du fonctionnement de la peur (PMT et EPPM), bien avant l’estimation au
final de l’impact de l’émotion négative, envisagent que dans un premier temps l’individu
réalise une évaluation de la menace. Cette évaluation de la menace est médiatisée par des
variables : vulnérabilité perçue (croyance subjective personnelle de pouvoir avoir
personnellement des dommages) ; sévérité perçue (estimation subjective personnelle de la
gravité des dommages potentiels). Ces dimensions peuvent être largement soumises à
l’influence de facteurs, soit individuels, soit présents dans l’environnement, qui vont venir
biaiser cette perception des risques.
Au-delà des aspects évoqués en lien avec l’attitude des individus, la question de la perception
des risques est sans doute à envisager. Cette perception est étroitement liée à la nature du lien
entretenu avec le comportement en question. Une perception minime des risques conduira à
un impact faible ou inexistant de l’apport d’information, et ce indépendamment la nature de
celle-ci.
Comment appréhender ces aspects de perception des risques ? Quelles peuvent être les
grandes différences entre les individus (en termes d’âge, de sexe, influence du groupe,
proximité à des produits, habitude de consommation...) ? De telles investigations pourraient
être envisagées afin d’avoir une meilleure connaissance des individus, cibles des messages de
prévention.
 L’apport d’informations et leur connaissance
Apporter de l’information est important, mais une autre question concernant la nature même
des informations apportées est à poser. Le degré de connaissance et d’information est un
élément qui va jouer un rôle sur l’acceptation et l’adhésion à des recommandations. Aussi, la
32
question de l’estimation du niveau de connaissance est à prendre en compte dans une
démarche informative.
Comment estimer le niveau de connaissance qu’il faut apporter aux individus ? Qu’elle peut
être le seuil de complexité des informations à ne pas dépasser ? Là aussi, des investigations
seraient à envisager afin de d’appréhender les dimensions de contenu informatif à proposer.
33
Annexe 1 : Le modèle des Communications persuasives
Le modèle des Communications persuasives de McGuire (1989)
(d’après Girandola, 2002)
Entrée
Source
Message
Canal
Récepteur
Contexte
Sortie
1-exposition au message
2-attention portée au
message
3-appréciation du
message
4-compréhension du
message
5-capacités d’acquisition
6-changement d’attitude
7-stockage en mémoire
du message
8-récupération en
mémoire de l’information
9-décision après
récupération
10-comportement en
accord avec la décision
11-renforcement du
comportement
12-consolidation du
comportement
34
Annexe 2 : Le modèle transthéorique du changement
35
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