la fiscalité, vue de gauche…

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LA FISCALITÉ, VUE DE GAUCHE…
Ahmed Laaouej
Décembre
Editrice responsable : A. Poutrain – 13, Boulevard de l’Empereur – 1000 Bruxelles
2009
1.
Introduction ................................................................................... 2
2.
L’impôt en quelques chiffres ............................................................. 4
3.
2.1.
Impôt sur les revenus du travail et impôt sur les revenus du capital........... 4
2.2.
Taux marginaux, taux moyen : clarifier le débat.................................... 4
2.3.
A quoi sert l’impôt ? Ou vont nos 23 % ? ............................................ 5
2.4.
Du taux facial d’imposition au taux réel d’imposition : focus sur les dépenses
fiscales »................................................................................... 5
Les principes d’une fiscalité juste....................................................... 6
3.1.
Au niveau des ménages................................................................. 6
3.2.
Au niveau des sociétés .................................................................. 8
4.
Quand certains impôts sont plus injustes que d’autres… ..................... 10
5.
La fraude fiscale, facteur chronique de l’injustice fiscale ..................... 12
6.
Attaquer la concurrence fiscale aux racines ....................................... 14
7.
Mettre les paradis fiscaux hors la loi................................................. 15
8.
Une taxe pour freiner la spéculation et financer la coopération au
développement ............................................................................. 16
9.
Un impôt sur les grades fortunes : la piste européenne ....................... 17
10.
Une fiscalité favorable à l’environnement.......................................... 18
11.
Conclusion .................................................................................... 18
1
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1.
Introduction
L’objet de cette note est de dresser un panorama général de la fiscalité en Belgique et de
dessiner quelques enjeux pour les débats à venir.
Il est important, à ce stade, de rappeler quelques évolutions macro-économiques.
L’écart entre les revenus du capital et la rémunération du travail ne cesse de se creuser en
défaveur des travailleurs.
Une étude de l’ULB a fait apparaitre une évolution importante dans notre pays :
la part des salaires dans le PIB est passée, en trente ans, de 57 % à 50 % 1. Cela traduit un
affaiblissement de la position des travailleurs dans la répartition des richesses produites.
Dans le même temps, le crédit à la consommation et l’endettement des ménages n’ont cessé
de croître. Pendant que le premier donnait l’illusion d’une augmentation du pouvoir d’achat,
le second précarisait des travailleurs déjà appauvris.
La financiarisation massive de l’économie depuis les années 80 et l’absence de fiscalité
adaptée à cette évolution a mis à mal l’équilibre de l’l’impôt et la redistribution des
richesses.
C’est en effet dans ce contexte de précarisation des travailleurs et de progression de
l’emprise de la finance, qu’un constat s’impose : la fiscalité pèse aujourd’hui lourdement sur
les revenus du travail et faiblement sur les revenus financiers.
Certains revenus financiers échappent même à tout impôt.
A l’intérieur même des revenus du travail, certaines inégalités se sont creusées. Au fil du
temps, à côté de la rémunération de base soumise à l’impôt, se sont développés des modes
complémentaires de rémunérations tels que la mise à disposition de voitures de sociétés, les
assurances groupes ou les stocks options, lesquels sont très inégalement réparties entre
travailleurs. Ces « compléments » salariaux connaissent des régimes fiscaux plus favorables
et échappent parfois même à tout impôt. Ils représentent pourtant plus de 20 % de la masse
salariale 2.
1
http://dev.ulb.ac.be/dulbea/documents/1235.pdf; « La structure des salaires en
Belgique « . Working Paper DULBEA, Research Report, N°08-01.RR, February 2008 ;
2
Voir l’étude SD Worx publiée en 2007, « SD WORX prend la mesure de l’intégralité du
paquet de rémunération brute »,
http://www.sd.be/site/website/be/fr/1000A/10F00C/10000P_070220_20;
2
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Paquet salarial
Le nombre d’avantages indirects croît avec la hiérarchie
Les impôts dégressifs, autrement dit ceux qui décroissent à mesure que les revenus
augmentent, prennent une place de plus en plus importante dans la politique fiscale actuelle.
Cette tendance met à mal le principe de justice fiscale, nous aurons l’occasion d’y revenir.
Les attaques répétées contre l’impôt par les forces de droite masquent en réalité des
attaques contre un modèle solidaire de répartition des richesses, qui de surcroît doit être
largement amélioré.
Dans notre société où se développent les tendances au repli sur soi et l’idée que pour exister
il faut consommer, il est indispensable de sensibiliser à nouveau aux bienfaits de l’altruisme
et de la solidarité.
3
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Pour déconstruire le discours libéral, il importe en effet de revenir à l’essentiel : le meilleur
investissement est celui que nous plaçons dans la solidarité.
2.
2.1.
L’impôt en quelques chiffres
Impôt sur les revenus du travail et impôt sur les revenus du capital
En 2007, les contribuables ont versé à l’Etat près de 92 milliards d’euros d’impôts.
2007 est l’année qui précède la crise financière et économique. En cela, c’est une année plus
typique. En 2009, les recettes fiscales ont en effet baissé de quasi 15 % !
Les impôts les plus importants sont l’impôt des personnes physiques (qui pèse pour
l’essentiel sur les revenus du travail) : 34 milliards d’euros, la TVA (qui pèse sur les ménages
lorsqu’ils consomment) : 25 milliards d’euros, l’impôt des sociétés (sur les bénéfices) : 12
milliards d’euros, les accises (qui pèsent aussi sur la consommation des ménages) : 7
milliards d’euros.
Suivent ensuite les droits d’enregistrements (3,5 milliards), les droits de succession (1,7
milliard) et d’autres impôts.
Le précompte mobilier (qui s’applique aux revenus financiers tels les intérêts et les
dividendes) rapporte 3 milliards d’euros.
On peut en somme considérer que sur 92 milliards de recettes fiscales, 66 milliards d’euros
(IPP, TVA et accises) pèsent directement sur les ménages (travailleurs et non actifs), soit
plus de 70 %.
L’impôt sur les revenus du capital (investi ou placé) totalise quant à lui 15 milliards d’euros
(impôt des sociétés et précompte mobilier), soit 16 %.
Cette répartition est d’autant plus aberrante que la part des salaires dans la richesse produite
n’a cessé de reculer depuis trente ans.
2.2.
Taux marginaux, taux moyen : clarifier le débat.
L’on a trop souvent, à l’occasion des débats politiques, entendu une certaine rengaine
libérale nous expliquer qu’en Belgique « on paie trop vite, trop d’impôt ».
En réalité, certains agitent l’épouvantail des taux marginaux en affirmant qu’à partir de 18
730 euros, l’on est taxé à 45 % et qu’à partir de 34 330 euros, l’on est taxé à 50 %.
Il s’agit en réalité des taux marginaux prévus au barème de l’impôt des personnes
physiques, lequel compte 5 taux. Cela signifie que seuls les revenus à partir de 34 330 euros
sont soumis à 50 % (et pas la totalité des revenus).
De plus, les montants soumis au barème sont les revenus imposables, autrement dit les
revenus bruts, soustraction faite des cotisations sociales, soustraction faite des frais
professionnels (forfaitaires ou réels) et des dépenses déductibles (déduction des rentes
alimentaires, déduction pour habitation, déduction des frais de garde, etc…).
4
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Il y a par conséquent un écart important entre le revenu brut du contribuable et le revenu
qui sera au final soumis à l’impôt.
A l’impôt ainsi établi viennent aussi se soustraire toute une série de réductions d’impôt :
quotité de revenus exonérée (majorée lorsqu’il y a des enfants à charge), réductions pour
revenus de remplacement, réduction pour épargne-logement, réduction pour épargne-long
terme, réduction pour épargne pension, réduction pour titres services, réduction pour
primes d’assurance-vie, réduction pour dépenses visant l’économie d’énergie, etc…
Si bien que si l’on veut clarifier le débat, il convient d’avoir à l’esprit qu’en Belgique le taux
moyen à l’impôt des personnes physiques est de 23 % 3.
Ce taux moyen est obtenu en divisant le montant total des revenus imposables déclarés en
Belgique, par la recette globale de l’IPP.
23 % d’impôt, c’est ce que paie en moyenne un contribuable en Belgique.
2.3.
A quoi sert l’impôt ? Ou vont nos 23 % ?
On peut bien entendu développer une approche globale.
L’impôt redistribue les richesses en finançant nos services publics et nos protections sociales.
Sur 100 euros de dépenses publiques, 16 euros vont à l’enseignement, 16 euros financent
les communes et les provinces (infrastructures culturelles, sportives, services à la population,
voiries, propreté, …), 16 euros servent à payer les intérêts de la dette publique, 6 euros
financent le social et la culture (Communautés et Régions), 6 euros financent les
départements d’autorité (justice, police), 4 euros financent les politiques d’emploi, de
l’économie, de formation (Communautés et Régions), 4 euros financent les administrations,
4 euros financent l’armée, 3 euros financent l’équipement et les transports (Régions), 3
euros vont à l’Europe, 1 euro finance nos relations internationales et la coopération, etc…
Il faut aussi noter que depuis quelques années, l’impôt concourt au financement de la
sécurité sociale (par l’affectation d’une partie des recettes de TVA et du précompte mobilier).
On peut aussi rappeler que sans intervention publique, six années de scolarité dans le
primaire d’un enfant couteraient aux parents 20 000 euros, six années de scolarité dans le
secondaire en couteraient 36 000, un ticket du TEC couterait 4,70 euros (au lieu d’1,30
euros), un accouchement coûterait 2 500 euros (au lieu de 366 euros), pour ne citer que
quelques exemples.
2.4.
Du taux facial d’imposition au taux réel d’imposition : focus sur les
« dépenses fiscales ».
Il est important de souligner l’importance en Belgique des « dépenses fiscales ».
Les « dépenses fiscales » sont l’ensemble des avantages fiscaux accordés par la loi aux
contribuables sous forme de réductions d’impôts, d’exonérations ou de déductions.
3
INS, Statistiques fiscales ;
5
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Ces « dépenses fiscales » pourraient faire l’objet d’un subside direct, mais sont allouées sous
formes d’avantages fiscaux.
A l’impôt des personnes physiques, l’ensemble des « dépenses fiscales » atteint 15 % des
recettes de cet impôt 4.
A l’impôt des sociétés, les « dépenses fiscales » atteignent plus de 25 % des recettes
(intérêts notionnels, déduction pour investissement, exonération pour personnel
supplémentaire, etc…).
Si bien que lorsque d’aucuns, du côté patronal, citent le taux facial de 34 % d’impôt des
sociétés, ils oublient de tenir compte de ces « dépenses fiscales ». Le taux réel de l’impôt
des sociétés se situe aux alentours de 26 % d’après la Banque nationale.
Ce taux réel baissera encore de quelques points après l’application des intérêts notionnels
(ou déduction pour capital à risque).
A l’impôt des personnes physiques, ces « dépenses fiscales » sont très inégalement
réparties. En effet, pour pouvoir bénéficier de certains avantages encore faut-il en avoir les
moyens. Ainsi, pour pouvoir bénéficier de la réduction d’impôt pour épargne pension, encore
faut-il avoir les moyens d’épargner… De même, pour pouvoir bénéficier de la réduction
d’impôt pour titres services, encore faut-il être en mesure d’y recourir. De même, les
réductions d’impôts liées aux dépenses de rénovation visant à l’économie d’énergie
supposent qu’on dispose de la capacité de financer ces dépenses.
L’inégalité dans la distribution des avantages fiscaux concourt aussi à l’injustice fiscale.
3.
3.1.
Les principes d’une fiscalité juste
Au niveau des ménages
Pour être juste, l’impôt doit tenir compte de la capacité contributive de chacun.
Cela suppose que l’ensemble des revenus d’un contribuable doit être pris en considération –
c’est l’équité horizontale - et que l’impôt doit être fonction de la hauteur de l’ensemble de
ses revenus – c’est la progressivité ou l’équité verticale.
L’équité horizontale (tous les revenus doivent contribuer) est aujourd’hui largement
déficitaire. Si les revenus du travail sont soumis à un barème de l’IPP pouvant aller jusqu’à
un taux de 50 %, les revenus financiers connaissent un régime de précompte mobilier
libératoire (au sens où ils sont « libérés » de l’obligation de déclaration à l’IPP) de 15 %
(intérêts) ou 25 % (dividendes).
Il s’agit là d’une première différence de taille : les revenus financiers, chez les personnes
physiques, ne sont pas globalisés avec les autres revenus et échappent donc au barème de
l’IPP.
4
Annexe au budget des voies et moyens pur l’année budgétaire 2007, Chambre des
Représentants, 9 février 2009, DOC 52 1527/010, page 11 ;
6
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De surcroît, certains types de revenus financiers - les revenus de placement - échappent
même à tout impôt : les plus-values sur actions, les plus-values réalisées lors de la revente
d’une part dans certaines SICAV 5, les revenus de certains produits d’assurance, etc…
D’autres revenus financiers sont soumis à des régimes particulièrement avantageux : les
stocks options par exemple, c'est-à-dire la possibilité pour un cadre d’acheter à tel prix
déterminé pendant une période déterminée tel nombre d’actions de la société qui l’a engagé.
Certains revenus du travail, comme énoncé précédemment, connaissent également des
régimes avantageux : les voitures de sociétés et les assurances-groupes pour ne citer que
ces deux exemples.
Il faut aussi évoquer la situation des revenus immobiliers. Aujourd’hui seuls les loyers
d’immeubles loués à des fins professionnelles sont taxés. Les autres immeubles, occupés par
leurs propriétaires ou donnés en location à des fins privées, sont imposés sur le revenu
cadastral.
Le revenu cadastral est la valeur locative théorique d’un bien immobilier sur base du marché
locatif de …1975.
Autrement dit, la base de calcul du précompte immobilier (l’impôt sur le revenu cadastral)
est la même que l’on possède un seul immeuble que l’on occupe, où que l’on en possède
cinquante que l’on met tous en location à des fins d’habitation.
La fiscalité immobilière est aujourd’hui profondément injuste.
Certains revenus échappent à toute contribution de manière plus radicale encore par le biais
de la fraude fiscale (voir ci-dessous).
S’agissant de l’équité verticale (l’impôt doit progresser au fur et à mesure que le revenu
augmente), force est de constater que la tendance est au recul de la progressivité de
l’impôt.
L’on est ainsi passé en 2001 à l’IPP, d’un barème à 7 taux d’imposition (de 25 à 55 %), à un
barème à 5 taux (de 25 à 50 %).
Cette tendance pourrait s’aggraver à s’en tenir au programme de certains partis politiques
qui veulent réduire le barème à trois taux ou même instaurer un taux unique (la « flat tax »).
Le premier combat est par conséquent de défendre et même de renforcer la progressivité de
l’impôt et de faire contribuer l’ensemble des revenus de manière plus juste.
La fiscalité repose trop sur le travail et pas assez sur le capital.
Tous les produits financiers non fiscalisés pourraient être soumis (au minimum et dans un
premier temps), au précompte mobilier en ce compris les plus values réalisées sur titres.
5
Les revenus tirés d’une sicav de distribution sont soumis au précompte mobilier de 15
% ; les revenus tirés d’une sicav de capitalisation ne sont soumis à aucun précompte,
sauf s’il s’agit de sicav obligataires (40 % du portefeuille doit constituer en créances) ;
7
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Idéalement, l’on ne pourra considérer que la fiscalité des ménages est juste que si
l’ensemble des revenus, du travail et du capital sont déclarés, globalisés et soumis au même
barème de l’IPP.
Cela n’empêche en rien de poursuivre l’exonération d’une partie des intérêts des carnets de
dépôt des petits épargnants comme c’est le cas aujourd’hui (les 1 730 premiers euros
d’intérêts d’un carnet de dépôt sont exonérés).
3.2.
Au niveau des sociétés
Les sociétés sont imposées sur leurs bénéfices. Deux taux d’imposition coexistent, un taux
ordinaire à 34 % et un taux réduit à 25 % (schématiquement, pour les PME) 6.
Le taux réel est cependant bien plus faible.
Au niveau des sociétés, comme rappelé précédemment, il convient en effet de tenir compte
d’un volume important de « dépenses fiscales », soit près de 25 %.
A ces « dépenses fiscales », au premier rang desquelles les intérêts notionnels (possibilité
pour les sociétés de déduire de leurs bénéfices un pourcentage de leur capital), il faut
ajouter d’autres aspects iniques comme la non taxation des plus-values sur actions réalisées
par les sociétés.
Cette exonération est, il est vrai, soumise à conditions, conditions auxquelles échappent les
banques et les compagnies d’assurance.
Mais les chiffres sont parlants.
En 2006, à l’occasion de la revente de sa participation dans Bertelsmann, le groupe
Bruxelles-Lambert (GBL) a réalisé une plus-value de 2,3 milliards d’euros totalement
exonérée d’impôt.
De 1991 à 2007, le volume total des plus-values réalisées sur des actions par des sociétés en
Belgique s’est élevé à 311,3 milliards d’euros soit, si l’on retranche de ce montant les moinsvalues enregistrées sur la même période, 153 milliards d’euros fiscalement exonérés.
6
Par simplicité, j’ai intégré au taux de base, les contributions de crise ;
8
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Evolution des volumes de plus-values et moins-values sur actions
à l’impôt des sociétés (millions d’euros)
Année
Plus-values
Moins-values
1991
947,1
1.414,7
1992
1.547,5
1.936,3
1993
3.073,1
1.706,4
1994
2178,3
1.737 ,2
1995
12.466,9
2.309,5
1996
8.040,9
1.891,0
1997
13.005,6
3.047,8
1998
30.905,4
4.740,3
1999
21.814,2
4.110,7
2000
19.573,3
9.730,4
2001
28.843,1
20.161,6
2002
12.137,0
31.898,8
2003
19.793,4
24.375,0
2004
19.955,4
15.513,5
2005
40.214,0
12.266,4
2006
43.088,4
9.602,3
2007
33.744,5
11.330,6
Totaux
311.328,1
157.772,4
NB : il s’agit des années comptables (l’exercice d’imposition est donc chaque fois « année + 1 »)
On peut évaluer le manque à gagner pour le Trésor de la manière suivante :
311,2 milliards – 157,7 milliards = 153,5 x 26 % (taux effectif à l’I Soc)
= 40 milliards d’euros.
La crise financière permettra temporairement à certains de dire que pour l’instant, ce sont
surtout des moins-values qui sont réalisées. Sans doute. Mais pour combien de temps ?
Tous ces avantages sont de surcroît inégalement répartis entre sociétés et ne concourent
pas toujours à promouvoir l’emploi ou l’investissement.
C’est particulièrement le cas des intérêts notionnels, puisque cet avantage considérable et
très couteux pour l’Etat est accordé sans qu’aucun effort ne soit demandé aux sociétés (ni
investissement supplémentaire, ni création d’emplois).
L’argument le plus souvent utilisé par les défenseurs de ces multiples niches fiscales, est
celui de la concurrence fiscale au niveau européen et mondial. C’est selon eux, la seule
manière d’attirer de nouveaux investissements.
9
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A les suivre, l’on en viendrait bientôt à supprimer tout impôt des sociétés ou à s’aligner sur
certains modèles, de type irlandais ou balte, où l’impôt des sociétés tend à devenir
symbolique.
C’est au contraire par un renforcement de la lutte contre le dumping fiscal au niveau
européen que l’on doit aborder le problème.
Toutes ces niches fiscales poussent de surcroît les sociétés, armées pour certaines de
spécialistes pointus, à développer de l’ingénierie fiscale pour profiter au maximum de ces
avantages, au détour de montages financiers parfois très complexes.
Ces montages sont rarement à la portée des entreprises de taille moyenne.
C’est pourquoi, plusieurs réformes doivent être entreprises :
-
revoir le régime des intérêts notionnels et, au minimum, lier cette aide à des objectifs
d’emplois ou d’investissements productifs pour notre économie ;
-
adopter lors de toute réforme de l’impôt des sociétés, la règle selon laquelle un avantage
doit être lié à un investissement effectif ou à une création d’emploi ;
-
lutter au niveau européen contre le dumping fiscal entre Etats et avancer vers des bases
d’imposition minimales (ce qui ne veut pas dire minimes).
4.
Quand certains impôts sont plus injustes que d’autres…
Même s’il est imparfait, l’impôt des personnes physiques obéit encore à une certaine
progressivité.
Ce n’est pas le cas d’autres impôts, que l’on peut qualifier de dégressifs : au plus on monte
dans les revenus, au moins l’on contribue.
C’est en particulier le cas de la TVA qui est un impôt qui pèse sur la consommation des
ménages, qu’ils supportent entièrement.
La TVA est un impôt, par nature, injuste. Quel que soit le niveau de revenus des personnes,
le taux est le même. Que l’on soit riche ou pauvre, on paie 6 ou 21 % de TVA sur les biens
et les services.
Il n’y a pas de progressivité en TVA. On parle même d’impôt dégressif, en ce qu’il est établi
que les ménages à bas et moyens revenus paient, par rapport à leurs revenus, plus de TVA
que les hauts revenus.
Cela tient bien entendu à ce qu’à partir d’un certain niveau de revenus, les ménages ne
consomment plus (le revenu disponible est épargné, or les bas et moyens revenus épargnent
moins que les hauts revenus).
10
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Ainsi les revenus inférieurs à 10 800 euros supportent chaque année 9,5 p.c. de TVA par
rapport à leurs revenus, alors que les revenus supérieurs à 48 000 euros en supportent 7,2
p.c 7.
Part de la TVA dans le revenu
12
10
8
6
4
2
0
1
2
3
4
5
6
7
8
9
10
(Déciles de revenus du plus 1er au 10ème)
Déciles de revenus
Décile de
revenus
Niveau de revenus annuel
– limite supérieure
1
7 188
2
10 738
3
13 080
4
15 863
5
18 914
6
22 292
7
26 958
8
34 460
9
47 485
10
Plus de 47 485
7
K. VAN CAUTER, L. VAN MEENSEL, « Le caractère redistributif des impôts et des
cotisations sociales », Banque Nationale de Belgique, Revue économique, 2006 ;
11
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C’est pourquoi, il est essentiel de veiller à lutter contre les velléités de certains de renforcer
ce type d’impôt et de poursuivre les revendications visant à les diminuer sur les biens de
consommation courante et vitale, tels que le gaz et l’électricité.
5.
La fraude fiscale, facteur chronique de l’injustice fiscale
L’on évoquait l’équité horizontale, autrement dit le principe selon lequel tous les revenus
devraient être soumis dans les mêmes conditions à l’impôt.
Que dire des revenus qui échappent à tout impôt parce qu’ils ne sont tout simplement pas
déclarés !
L’économie souterraine en Belgique atteint des records.
Par définition, évaluer le montant de la fraude fiscale liée à l’économie souterraine est chose
difficile.
Toutefois, depuis un certain nombre d’années, des professeurs d’économie tâchent d’en
estimer l’importance.
•
En 1998, le professeur Max FRANK (ULB) évaluait la fraude fiscale (par une analyse
recoupée des comptes nationaux et des statistiques fiscales) à 500 milliards d’anciens
francs par an (12,5 milliards d’euros) 8 ;
•
En 2004, la société de consulting McKinsey évalue pour sa part l’économie
souterraine (autrement dit les bénéfices et revenus non déclarés) en Belgique à 22 %
du PIB, soit un manque à gagner en recettes fiscales et parafiscales de 30 milliards
d’euros 9 ;
•
Le professeur de fiscalité de la VUB, Michel MAUS, retient également 30 milliards
d’euros par an de manque à gagner pour les finances publiques et la sécurité
sociale en s’appuyant aussi sur les analyses de Schneider ;
En 2008, l’équipe du professeur Schneider (Université de Linz) retient pour la Belgique
une économie souterraine de 18 % du PIB.
On peut en retenir que la Belgique aurait aujourd’hui une économie souterraine de l’ordre de
18 à 22 % du PIB, soit dans l’hypothèse la plus basse 350 milliards de PIB x 18 % = 60
milliards d’euros d’économie souterraine.
Les prélèvements obligatoires (cotisations sociales et fiscalité) étant de l’ordre de 46 %, le
manque à gagner pour l’Etat est de 27,6 milliards.
En conclusion, on peut considérer que l’économie souterraine en Belgique fait perdre à l’Etat
chaque année de l’ordre de 30 milliards d’euros.
8
FRANK MAX, « Au-delà des aspects budgétaires de la fraude et de la sous-estimation
fiscales », CRISP, 1998 ;
9
MC KINSEY, « A new momentum to economic prosperity in Belgium », Prospero, 2004,
p.37 ;
12
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Ramener cette économie souterraine à la moyenne des pays de l’OCDE (14 %) permettrait
de faire rentrer dans les caisses de l’Etat, chaque année, 7,4 milliards.
Ramener cette économie souterraine à la moyenne de trois de nos pays voisins - la France,
l’Allemagne et les Pays-Bas – soit 11,6 % du PIB - ramènerait chaque année 11,4 milliards
d’euros, soit plus de deux fois le budget de l’enseignement francophone, soit encore près de
quatre fois le budget de la Région bruxelloise.
On peut raisonnablement considérer qu’une politique plus déterminée dans la lutte contre
l’économie souterraine permettrait de ramener quelques milliards d’euros.
C’est pourquoi, la politique gouvernementale doit s’intensifier dans le domaine de la lutte
contre la fraude fiscale.
Une commission d’enquête parlementaire a formulé récemment 53 recommandations pour y
parvenir.
Il est essentiel qu’une feuille de route soutenue par une volonté politique sans faille les
mette en œuvre rapidement.
Parmi ces recommandations, qu’il importe de soutenir, relevons :
-
un assouplissement du secret bancaire,
-
un renforcement des échanges entre services administratifs, notamment au niveau des
bases de données,
-
une procédure de flagrance fiscale, permettant des mesures conservatoires en cas
d’indices de fraude pour stopper les mécanismes frauduleux en cours,
-
un renforcement des contrôles sectoriels,
-
un renforcement des pouvoirs de l’administration fiscale,
-
une spécialisation des magistrats en matière fiscale par la création d’un auditorat fiscal,
-
une spécialisation des juges d instruction en matière fiscale,
-
la mise en place d’un Comité F de « surveillance » du fonctionnement du SPF Finances.
Le Gouvernement a, lors de la confection des budgets 2010 et 2011, adopté un certain
nombre de mesures, dont les plus importantes sont :
•
une lutte accrue contre la fraude aux carrousels dans le secteur des déchets ;
•
un contrôle spécifique des sociétés d’assurances étrangères agissant en LPS;
•
une meilleure collaboration entre les différents services anti-fraude;
•
la réécriture de la disposition anti-abus (article 344 du code des impôts sur les
revenus;
•
l’obligation de déclarations des paiements aux paradis fiscaux et pays non
coopératifs;
•
la non déductibilité des frais professionnels (présomption) versés à des paradis
fiscaux ou à de pays non coopératifs ;
•
la création d’un service spécifiquement chargé de la lutte contre les paradis fiscaux
(voir infra).
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Il conviendra d’en évaluer les résultats, mais surtout de veiller à ce que d’autres mesures en
attente soient rapidement prises :
6.
•
la levée du secret bancaire;
•
le renforcement de l’inspection spéciale des impôts;
•
la procédure de flagrance fiscale en impôts sur les revenus ;
•
le durcissement des sanctions pour les intermédiaires qui conseillent des montages
fiscaux frauduleux.
Attaquer la concurrence fiscale aux racines
La mondialisation a, à tous niveaux, exacerbé la concurrence entre pays.
La fiscalité n’échappe pas au phénomène et à côté du dumping social, s’est rapidement
développé un véritable dumping fiscal.
Depuis un certain nombre d’années, plutôt que de s’accorder sur une harmonisation fiscale
(évitant un nivellement par le bas), les pays de l’Union européenne se sont engagés dans la
voie d’une concurrence fiscale effrénée en particulier au niveau de l’impôt des sociétés.
Les intérêts notionnels, et avant eux les centres de coordination, s’inscrivent dans cette
dynamique folle. D’autres pays, comme l’Irlande et les pays baltes, ont même été jusqu’à
baisser leur taux à des planchers défiant toute concurrence.
Cette concurrence fiscale effrénée conduit au final l’ensemble des Etats à se priver
d’importantes ressources, et ce faisant affaiblit les modèles de redistribution à l’échelle
européenne.
Lutter contre la concurrence fiscale est de ce point de vue un enjeu majeur, que l’on doit
porter au niveau européen.
Pour y parvenir, outre un dispositif sanctionnant lourdement la concurrence fiscale
dommageable, il est essentiel d’avancer sur l’élaboration de règles communes dans tous les
domaines qui se prêtent à la concurrence fiscale.
Il y a lieu en particulier d’édicter des normes harmonisées en matière d’impôt des sociétés.
En matière de revenus financiers, la « directive épargne » qui prévoit un échange de
renseignements entre Etats est un premier pas, mais très insuffisant au vu de son champ
d’application très restreint (puisque de nombreux revenus y échappent).
Il y a lieu là aussi d’obtenir de nouvelles avancées : les Etats doivent renseigner l’ensemble
des revenus financiers perçus par les résidents d’un autre Etat, à cet autre Etat.
Par ce biais, la délocalisation des placements perdrait de son « intérêt ».
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7.
Mettre les paradis fiscaux hors la loi
Au rayon de la concurrence fiscale, les paradis fiscaux constituent le paroxysme du
brigandage fiscal.
L’un des rares effets positifs de la crise financière aura été la mise en lumière du rôle nocif
de ces trous noirs de la finance.
En abritant des fonds spéculatifs opérant dans l’opacité la plus totale, les plus hautes
autorités politiques mondiales semblent enfin avoir pris la mesure de leur nuisance.
Il conviendra d’évaluer les résultats concrets de toutes ces déclarations d’intention qu’elles
émanent de la Commission européenne, du Conseil des Ministres, du G 20 ou d’autres
organisations politiques.
Le mot d’ordre devrait être simple, au vu de l’effet destructeur de ces territoires pour les
finances publiques des autres pays : une mise au ban des nations.
Les paradis fiscaux, par leurs attributs (impôt inexistant ou symbolique, opacité totale, secret
bancaire, accueil de sociétés sans activités économiques), constituent pour les autres Etats
un véritable fléau pour les finances publiques.
Les conséquences se chiffrent en milliards d’euros et privent les autres Etats d’importantes
recettes fiscales.
Quelques chiffres
•
30 % des bénéfices étrangers des multinationales américaines sont réalisés dans 9
paradis fiscaux ;
•
une filiale établie dans un paradis fiscal réaliserait en moyenne une économie d’impôt
de 20,8 % par rapport à une autre filiale située dans un pays voisin qui n’est pas un
paradis fiscal10;
•
11 500 milliards de dollars seraient hébergés dans des paradis fiscaux11, soit 7 500
milliards d’euros, soit 22 fois le PIB de la Belgique !
•
Au plus fort de la crise financière en 2008, Le Wall Street Journal12 révélait, sur base
d’un rapport au Sénat américain, qu’un certain nombre de banques d’affaires qui se
sont retrouvées dans l’œil du cyclone – Lehman Brothers et Merryl Linch, notamment
10
Desai, Foley and Hines (2004), « Economic effects of regional tax havens », NBER
working paper n°10806, cité in Chambre des Représentants, Doc 51 2762/001,
2006/2007, page 5;
11
Tax Justice Network, briefing paper, « The price of Offshore », mars 2005, cité in
Chambre des Représentants, Doc 51 2762/001, 2006/2007, page 7; Voir aussi A.
Carasco, La Croix, 16 mai 2008;
12
Wall Street Journal, 11 septembre 2008, « Street Firms Accused of Tax Scheme” :
“Some of the country's biggest investment banks and brokerage firms -- including
Morgan Stanley, Lehman Brothers Holdings Inc., Citigroup Inc. and Merrill Lynch & Co. -marketed allegedly abusive transactions that helped foreign hedge-fund investors avoid
billions of dollars in U.S. taxes over the past decade, according to a report by Senate “
investigators.http://online.wsj.com/article/SB122109613823821913.html?mod=hpp_us_
whats_news;
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– auraient contribué ces dernières années à réaliser une fraude fiscale s’élevant à au
moins 100 milliards de dollars par an, en recourant à des paradis fiscaux.
Pour rappel, en vue de faire face aux émeutes de la faim dans le monde, le
Programme alimentaire mondial (PAM) demandait en 2008 une aide exceptionnelle
de 500 millions de dollars afin d’acheter 4 millions de tonnes de vivres pour nourrir 73
millions de personnes dans 78 pays, considérés comme les plus touchés par la
famine ;
•
la plupart des banques, en ce compris les banques belges (ou très présentes en
Belgique) sont actives dans les paradis fiscaux : Dexia à Jersey, Fortis à Guernesey
(notamment), ING à Jersey, Monaco (notamment), etc…
•
Les fonds spéculatifs (ou hedge funds) ne sont pas en reste et localisent
abondamment leurs capitaux dans les paradis fiscaux, et en particulier dans les Iles
Caïman.
Il est tout aussi important de noter le rôle attribué par le FMI aux paradis fiscaux dans les
opérations de blanchiment d’argent criminel ou de détournements de fonds publics (les seuls
présidents Mobutu, Suharto, Marcos et Abacha auraient détourné 55 milliards de dollars vers
des paradis fiscaux d’après l’organisation « Transparency international »).
Sans attendre les évolutions internationales, la Belgique doit s’armer davantage et rendre
inopposable au fisc, par un dispositif légal, toute opération transitant par un paradis fiscal.
De même l’administration fiscale devrait-elle disposer de services spécialisés dans la traque
des opérations s’appuyant sur des paradis fiscaux.
Force est de constater qu’on en est encore très loin d’une lutte efficace contre les paradis
fiscaux, alors que de nombreuses propositions de loi ont déjà été déposées au Parlement.
Notons, tout récemment, la mise en place d’un service spécialisé au sein du SPF Finances
afin de lutter contre les paradis fiscaux.
8.
Une taxe pour freiner la spéculation et financer la coopération au
développement
Sur 2 millions de milliards de dollars d’échanges financiers annuels, seuls 2 % concernent
des livraisons de biens ou des prestations de services. Autrement dit l’économie réelle
(l’économie productive) n’est concernée que par 2 % des échanges financiers mondiaux.
Le reste ? Il s’agit pour l’essentiel de produits financiers dérivés (à la base des instruments
de couverture contre le risque de change ou le risque de fluctuation des taux d’intérêts mais
qui se sont transformés en instruments de pure spéculation) et des opérations de change.
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Source : Le Monde
Lors des débats parlementaires en Belgique relatifs à l’introduction d’une taxe sur la
spéculation financière, de type Tobin ou Spahn, d’aucuns à droite raillaient cette idée la
jugeant irréaliste.
Il apparait aujourd’hui de nombreuses analyses qu’une taxe de cette nature aurait permis
d’éviter la constitution de bulles financières comme celle qui est à l’origine de la dernière
crise financière.
En plus du fait qu’une telle taxe permettrait de freiner la frénésie spéculative, elle
constituerait une source de financement considérable pour certaines politiques mondiales
comme la coopération au développement.
9.
Un impôt sur les grades fortunes : la piste européenne
La Belgique est depuis de nombreuses années une terre d’accueil pour certains de nos
voisins. Ils cherchent à échapper à une fiscalité moins favorable dans leur pays
singulièrement l’impôt sur les grandes fortunes et la taxation des plus-values sur actions.
En France, l’impôt de solidarité sur la fortune rapporte 3,8 milliards d’euros (2008) il est payé
par les personnes détenant un patrimoine supérieur à 790 000 euros et connait un taux
allant de 0,55 % à 1,80 %.
Outre la France, la Norvège et la Suisse (dans certains cantons) connaissent aussi un impôt
sur les grands patrimoines.
De nombreux pays qui connaissaient une fiscalité de même nature, ont décidé de le
supprimer : l’Espagne, l’Italie, le Luxembourg, la Suède, la Finlande et l’Autriche.
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La plupart du temps, ces pays ont évoqué des problèmes liés à la concurrence fiscale
internationale et à la crainte d’une délocalisation des patrimoines.
Le cas des Pays-Bas est atypique : l’impôt sur la fortune a été remplacé par une taxe de 30
% sur un rendement théorique du capital de 4 %.
A défaut d’avancées en Belgique, l’on pourrait porter au niveau européen l’idée d’une fiscalité
harmonisée des plus gros patrimoines.
10. Une fiscalité favorable à l’environnement
Une des pistes régulièrement évoquée pour diminuer la fiscalité qui pèse sur le travail, est de
la déplacer sur les produits polluants (taxe CO 2, fiscalité des énergies non renouvelables et
des ressources naturelles, taxation des produits polluants tels les emballages, etc…).
Les tenants de cette approche partent du constat que les prix actuels ne reflètent pas
suffisamment les coûts environnementaux, ni les effets sur la santé. Ils relèvent aussi que la
fiscalité environnementale belge est l’une des plus faibles d’Europe.
(5,3 % du PIB).
Pour eux, la fiscalité sur les ressources naturelles présenterait nombre d’avantages, tant
individuels que collectifs. Elle induirait des changements de comportements, dans le chef des
producteurs et des consommateurs. Elle rééquilibrerait la charge fiscale qui pèse sur les
différents facteurs de production (travail, capital et environnement). Elle inciterait à
l’amélioration des performances environnementales et à l’innovation. Elle serait favorable à la
santé économique car elle pousserait les entreprises et les consommateurs à faire mieux
avec moins de ressources.
Ce serait à la fois positif pour l’environnement et pour l’emploi.
Les partisans de cette approche préconisent une réforme progressive des taxes, lesquelles
seraient fixées au départ à un taux suffisamment bas que pour être supportables pour les
ménages et les secteurs économiques les plus exposés. Une partie des recettes devra être
réorientée vers l’accompagnement des groupes sociaux les plus fragiles pour les aider à être
moins dépendants des ressources énergétiques (isolation des bâtiments, achat
d’électroménagers A++,...).
Ces pistes sont bien entendu intéressantes à la condition fondamentale qu’elles n’aient pour
effet de peser de manière inégalitaire sur les ménages, comme c’est le cas pour l’instant
avec la TVA sur le gaz et l’électricité.
Elles ne peuvent par ailleurs pas être isolées de l’ensemble du débat fiscal et en particulier
de la nécessité de faire davantage contribuer les revenus financiers.
11. Conclusion
Ce petit tour d’horizon du paysage fiscal belge (qui ne s’est attardé que sur les
impôts ou familles d’impôt les plus importants) montre à quel point la fiscalité
est un enjeu politique majeur.
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La fiscalité actuelle traduit des options politiques fondamentales qui privilégie un
modèle de répartition des richesses ambitieux plutôt qu’un modèle libéral qui
miserait sur la supposée capacité de l’économie à allouer spontanément la
richesse produite entre les différents facteurs de production.
Notre système fiscal est caractérisé par une certaine équité (c’est indéniable)
mais très imparfaite.
De nouvelles réformes sont nécessaires afin de rendre la fiscalité plus juste tout
en garantissant un niveau de finances publiques à même de soutenir
efficacement nos politiques économiques de relance, nos politiques sociales et
environnementales.
Un élargissement de l’assiette fiscale aux revenus financiers et aux plus-values
non fiscalisés, combiné à une baisse de la fiscalité sur les revenus du travail
ciblée sur les bas et moyens revenus, s’inscrirait dans cette dynamique positive.
De plus en plus, le niveau européen et international devient un niveau d’action
pertinent.
Le rapport de forces politiques n’y est pour l’instant pas favorable aux
progressistes.
C’est pourtant à ce niveau que des avancées significatives doivent voir le jour,
qu’il s’agisse de la lutte contre les paradis fiscaux, la lutte contre le dumping
fiscal ou l’harmonisation des régimes fiscaux.
Il s’agit de défis à relever pour la gauche dans un contexte où la crise libérale a
montré les faiblesses essentielles d’un modèle qui privilégie l’individualisme
plutôt que la solidarité.
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