la strategie ue 2020 : analyse critique

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LA STRATEGIE UE 2020 : ANALYSE
CRITIQUE
Antonio Gambini
Avril
Editrice responsable : A. Poutrain – 13, Boulevard de l’Empereur – 1000 Bruxelles
2010
Introduction ............................................................................................ 2
A.
La stratégie de Lisbonne : historique et résultats ........................... 2
B.
La stratégie UE 2020 ...................................................................... 3
C.
Analyse critique.............................................................................. 4
1. Les manques de la nouvelle stratégie ............................................... 4
2. Erreurs dans la philosophie globale .................................................. 4
3. Une dimension sociale sacrifiée ....................................................... 5
D.
Le Conseil européen du 25 et 26 mars 2010 ................................... 5
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Institut Emile Vandervelde – www.iev.be - [email protected]
Introduction
En mars 2010, l’Union européenne a proposé une nouvelle stratégie de
développement socio-économique, « l’UE 2020 ». Elle fait suite à la stratégie de
Lisbonne, ajustée en cours de processus, et qui n’avait pas réussi à atteindre les
objectifs qu’elle s’était assignés. Cette note propose quelques éléments d’analyse
de la stratégie de Lisbonne, une présentation de la nouvelle stratégie « UE 2020 »
ainsi qu’une analyse critique de cette dernière.
A. La stratégie
résultats
de
Lisbonne :
historique
et
Pour rappel, la stratégie de Lisbonne est issue du Conseil européen de Lisbonne
en mars 2000. Elle devait faire émerger dans l’Union européenne, « l’économie de
la connaissance la plus compétitive du monde » d’ici 2010 afin de parvenir au
plein emploi avant 2010.
Cette stratégie reposait sur trois piliers:
Un pilier économique pour préparer la transition vers « une économie
compétitive, dynamique et fondée sur la connaissance ». L'accent était mis
sur la nécessité de s'adapter continuellement aux évolutions de la société
de l'information. Elle se fondait sur des investissements importants en
matière de recherche et de développement ;
Un pilier social pour moderniser le modèle social européen grâce à
l'investissement dans les ressources humaines et à la lutte contre
l'exclusion sociale. Les États membres étaient appelés à investir dans
l'éducation et la formation, et à mener une politique active pour l'emploi
afin de faciliter le passage à l'économie de la connaissance ;
Un pilier environnemental qui a été ajouté lors du Conseil européen de
Göteborg en juin 2001. Ce dernier attirait l'attention sur le fait que la
croissance économique doit être dissociée de l'utilisation des ressources
naturelles.
Pour atteindre les buts fixés en 2000, une liste d'objectifs chiffrés avait été
arrêtée. Vu que les domaines concernés relevaient presque exclusivement des
compétences attribuées aux États membres, une méthode particulière avait été
mise en œuvre ; la méthode ouverte de coordination (MOC) fondée l'élaboration
de plans d'action nationaux.
Selon la Commission, le bilan à mi-parcours en 2005 dressé par Wim Kok, ancien
Premier ministre des Pays-Bas a démontré que les indicateurs utilisés dans la
MOC ont « fait perdre de vue la hiérarchisation des objectifs et que les résultats
atteints sont mitigés ». D’où l’adoption par le Conseil d’un nouveau partenariat qui
vise à concentrer les efforts sur la réalisation d'une croissance plus forte et
durable et la création d'emplois plus nombreux et de meilleure qualité.
En fait, le rapport Kok a cherché à recentrer les objectifs de Lisbonne sur la
compétitivité. Il a accentué la lecture libérale des objectifs de Lisbonne.
Notamment par le soutien massif qu’il apporte à la directive sur la libéralisation
des services. Cette redéfinition trahit en fait l’approche équilibrée et positive de la
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stratégie de ses débuts, au bénéfice d’une vision libérale qui délaisse les
dimensions sociales et environnementales pour se concentrer sur la compétitivité
économique.
Au final, la stratégie de Lisbonne, ne rencontre pas les objectifs définis en 2000.
B. La stratégie UE 2020
Face à l’échec de la stratégie de Lisbonne, la Commission propose le 3 mars 2010,
une nouvelle stratégie décennale, la stratégie UE 2020 (devenue depuis la
stratégie Europe 2020).
Cette nouvelle stratégie européenne comporte trois priorités :
1. une croissance intelligente en développant une économie fondée sur la
connaissance et l’innovation.
2. une croissance durable en promouvant une économie plus efficace dans
l’utilisation des ressources, plus verte et plus compétitive.
3. une croissance inclusive en encourageant une économie à fort taux
d’emploi favorisant la cohésion sociale et territoriale.
Ces priorités se déclinent en grands objectifs :
1. 75 % de la population âgée de 20 à 64 ans devrait avoir un emploi (les
chiffres en Belgique sont de 27,4% pour les 15-24 ans, 80,5% pour les 2554 ans et 34,5% pour les 55-64 ans) ;
2. 3 % du PIB de l’UE devraient être investis dans la R&D (1,86% % en
Belgique en 2009);
3. les objectifs «20/20/20»1 en matière de climat et d’énergie devraient être
atteints (y compris le fait de porter à 30 % la réduction des émissions si les
conditions adéquates sont remplies). Ces objectifs ne sont pas nouveaux,
ils ont déjà été agréés dans le paquet énergie-climat adopté par le Conseil
européen en décembre 2008 ;
4. le taux d’abandon scolaire devrait être ramené à moins de 10 % (taux de
16,5% en CF) et au moins 40 % des jeunes générations devraient obtenir
un diplôme de l’enseignement supérieur (en Belgique, 41% de la tranche
25-34 ans ont au moins un BAC+3) ;
5. il conviendrait de réduire de 20 millions le nombre de personnes menacées
par la pauvreté (le taux de pauvreté en Belgique est 15,2% par rapport à
une moyenne UE 25 de 16%).
La communication propose ensuite 7 « initiatives phares »2.
La Commission propose un système de suivi annuel (sur la base de rapports
nationaux) ainsi qu’un suivi thématique (qui reste assez peu détaillé). La
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20% d’énergies renouvelables, 20% de réduction des émissions de gaz à effet de serre et 30%
en cas d’accord international, 20% d’accroissement de l’efficacité énergétique
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Une Union pour l’innovation, Jeunesse en mouvement, Une stratégie numérique pour l’Europe ,
Une Europe efficace dans l’utilisation des ressources , Une politique industrielle à l’ère de la
mondialisation , Une stratégie pour les nouvelles compétences et les nouveaux emplois, Une
plateforme européenne contre la pauvreté
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Commission serait chargée du suivi quotidien, et le Conseil européen aurait un
rôle de supervision générale. Le rôle pourtant indispensable des différentes filières
du Conseil (notamment le Conseil des affaires sociales et de l’emploi et le Conseil
environnement), qui pourraient procéder à un suivi plus régulier que simplement
annuel est ainsi négligé. Dans les faits cela revient à laisser perdurer le système
actuel qui donne une place trop importante au Conseil ECOFIN (notamment dans
le cadre du pacte de stabilité) aux dépens des autres formations du Conseil.
Le calendrier prévu est celui d’un accord politique global lors du Conseil européen
de printemps (25 et 26 mars), suivi par l’adoption des « lignes directrices
intégrées » au Conseil européen de juin.
C. Analyse critique
1. Les manques de la nouvelle stratégie
La question de la régulation des marchés financiers est à peine évoquée, alors
que le contrôle de la finance, qui doit être mise au service de l’économie réelle,
est un préalable indispensable à toute sortie durable de la crise. Cette régulation
mériterait au contraire de constituer une quatrième priorité de la stratégie. C’est
une des critiques développée par la Confédération européenne des syndicats
(CES) et le Parti socialiste européen (PSE).
L’idée d’un prélèvement sur les transactions financières, dont on sait
pourtant qu’il pourrait rapporter l’équivalent d’1% du PIB européen malgré un
taux nominal modeste, n’est pas reprise dans les leviers économiques permettant
de financer les politiques européennes. Ceci alors que les besoins de financement,
notamment d’un plan de relance européen, sont énormes, dans le contexte de
finances publiques exsangues pour cause de sauvetage du secteur bancaire,
comme le souligne la CES.
De son côté, le PSE souligne qu’il n’y a pas grand-chose sur la coordination des
politiques d’investissement (sauf en matière de Recherche&Développement),
ce qui fragilise les perspectives de croissance à long terme.
Il n’y a rien sur la question des services publics, des services d’intérêt général,
ni sur l’indispensable bilan des libéralisations ou la contribution positive que les
services d’intérêt général peuvent apporter à la stratégie.
2. Erreurs dans la philosophie globale
Alors que ce dont l’Europe a besoin c’est une stratégie de développement durable
intégrée, avec trois piliers économiques, sociaux et environnementaux intégrés,
les propositions de la Commission restent, comme c’était déjà le cas avec
la révision de la stratégie de Lisbonne à mi-parcours, clairement
déséquilibrées.
Les trois objectifs 20/20/20 (du paquet énergie-climat) n’apportent rien de
nouveau à la dimension environnementale.
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Quant à la dimension sociale, elle passe clairement au second plan. Le PSE relève
ainsi qu’il n’y a pas de reconnaissance des avantages économiques des systèmes
de protection sociale forts et de bonnes normes sociales.
3. Une dimension sociale sacrifiée
La concentration sur le taux d’emploi opérée par la Commission n’est pas une
garantie de cohésion sociale, bien au contraire. La prolifération de travailleurs
à statut précaire et sous-payés (les working poor) est aux antipodes de la
cohésion sociale, mais fait augmenter le taux d’emploi. La question de la qualité
de l’emploi (y compris les salaires) devrait être absolument réintégrée dans la
stratégie.
De même la stratégie ne comprend aucun élément à propos de la protection
sociale, pourtant essentielle pour le niveau de vie des personnes
momentanément ou durablement éloignées du marché du travail.
Quant à l’objectif de réduction de la pauvreté, il est en soi essentiel mais il ne
suffit pas à remplacer l’absence d’objectifs de convergence sociale intégrant les
normes de protection les plus élevées, en matière par exemple de protection
sociale, de pensions, d’inclusion sociale, de qualité de l’emploi, d’accessibilité aux
soins de santé, ou de part des dépenses sociales dans le PIB.
Enfin, au niveau de la législation sociale, la seule proposition de la Commission est
d’adapter le cadre législatif aux « principes de la réglementation intelligente »
dont on peut craindre qu’elle représente dans les faits un euphémisme pour une
dérégulation et un nivellement des systèmes de protection par le bas.
D. Le Conseil européen du 25 et 26 mars 2010
Le Conseil a approuvé l’architecture générale de la proposition de la Commission.
Mais parmi les 5 objectifs chiffrés proposés, les plus sociaux (objectifs 4 et 5,
relatifs à la lutte contre la pauvreté, à l’abandon scolaire et au taux de diplômés
de l’enseignement supérieur) ne sont désormais plus chiffrés. Le chiffrage
éventuel de ces deux objectifs est renvoyé au Conseil européen de juin 2010.
La réorientation de la stratégie de Lisbonne vers la compétitivité économique est
consacrée avec l’UE 2020. Elle n’était déjà plus très sociale et le sera encore
moins à l’avenir.
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