Le pendule de la centralisation - décentralisation : une analyse de la

André TCHOKOGUÉ,
Chercheur postdoctoral, Chargé de cours
Pr Jean NOLLET,
Directeur du Service de l’enseignement de la gestion des opérations et de la production,
École des Hautes Études Commerciales de Montréal
Afin d’assurer le pilotage de la fonction achat, les entreprises ont le choix entre trois
principales structures qui sont : l’organisation centralisée, l’organisation décentra-
lisée et l’organisation combinant centralisation et décentralisation. Toutefois,
l’organisation adoptée a priori par les entreprises est continuellement soumise
à l’action des forces centralisatrices et décentralisatrices, ce qui naturellement
engendre une dynamique à la base des transformations structurelles. Les change-
ments auxquels elles correspondent peuvent être vus comme les mouvements du
balancier d’un pendule. Grâce à cette analogie, nous procédons dans cette étude à
l’analyse du processus de transformation structurelle qui caractérise l’organisation
de la fonction achat dans les entreprises, et ce, sur une période relativement longue.
Introduction
Dans l’organisation de leur fonction achat,
toutes les entreprises recherchent un position-
nement idéal sur le continuum centralisation -
décentralisation. Elles veulent ce faisant et
compte tenu de leur stratégie, tirer le maxi-
mum d’avantages de chacune de ces structu-
res tout en minimisant les désavantages qui y
sont attachés.
Toutefois, en raison de la nature dynamique
des structures, on assiste souvent à un balan-
cement des entreprises entre l’organisation
centralisée et l’organisation décentralisée. En
effet, l’évolution des formes d’organisation
adoptées dans nombre d’entreprises se tra-
duit, sur une période relativement longue, par
un mouvement de va-et-vient entre centralisa-
tion et décentralisation, rappelant ainsi le
mouvement pendulaire.
Cette dynamique liée aux comportements des
entreprises, et surtout les mouvements organi-
sationnels qui la caractérisent restent très peu
analysés tant en management qu’en gestion
des achats. C’est pourquoi il nous apparaît
important de s’y pencher : c’est l’objet de cette
recherche, qui vise à construire un cadre
conceptuel qui devrait faciliter la compréhen-
sion de l’évolution structurelle de la fonction
achats dans les entreprises. Au-delà, l’objectif
ultime est d’aider les gestionnaires à mieux
contrôler la transformation structurelle de
leurs organisations. Pour ce faire, nous illus-
trons nos développements en nous référant à
neuf cas d’entreprises citées entre 1987 et
1995 dans les revues spécialisées comme des
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Le pendule de la centralisation -
décentralisation : une analyse
de la dynamique des structures
en gestion des achats
exemples ou des modèles au regard de leur
système de pilotage de la fonction approvi-
sionnement. Ainsi, après avoir rappelé la
problématique du choix du degré de centrali-
sation des structures de gestion des approvi-
sionnements, nous relevons d’une part les
traits caractéristiques de l’évolution de ces
différentes structures, et d’autre part, nous
analysons et discutons à l’aide d’un modèle
pendulaire, du processus de transformation
organisationnelle qu’impliquent ces évolu-
tions.
Sans doute convient-il de souligner d’emblée
que la question de la centralisation (et/ou de la
décentralisation) peut être analysée au niveau
général de la chaîne logistique tant il est vrai
que la fonction achat n’en est qu’un des mail-
lons. Toutefois, nous avons considéré a priori
que les facteurs déterminant le choix du
niveau de centralisation (et/ou de décentrali-
sation) de la chaîne logistique sont certes plus
complexes, mais ne semblent pas de nature
très différents de ceux qui président à
l’organisation de la fonction achat. Aussi,
notre choix délibéré de centrer l’étude de la
dynamique structurelle sur l’organisation de
la fonction achat ne se justifie autrement que
par le fait que l’explication des mouvements
organisationnels dans ce dernier cas est
non seulement riche d’enseignements pour
l’organisation générale de la chaîne logis-
tique, mais autorise l’élaboration d’un cadre
d’analyse pouvant également être appliquée à
l’analyse de l’évolution des structures de ges-
tion de la chaîne logistique dans son
ensemble.
La situation de l’étude
L’organisation de la gestion des achats
constitue un facteur important de la compétiti-
vité des entreprises. Elle se caractérise géné-
ralement par de nombreuses variables au
nombre desquelles la latitude dans les prises
de décisions (ou le degré de centralisation des
activités liées aux approvisionnements) repré-
sente un facteur déterminant non seulement de
son efficacité, mais aussi de celle la chaîne
logistique et in fine, de l’organisation générale
de l’entreprise.
Aussi, il n’est pas étonnant de constater
l’intérêt accordé à l’analyse du degré de cen-
tralisation (et/ou de la décentralisation) de la
gestion des approvisionnements dans quel-
ques ouvrages spécialisés (par exemple :
Leenders, Fearon et Nollet, 1998 ; Bruel,
1986 ; Bernardin, 1982). Cette préoccupation
n’est pas nouvelle puisqu’elle était déjà pré-
sente dans les travaux de quelques auteurs
dans les années 1960 (Haas, March, et Krech,
1960). Mais, elle trouve une résonance et une
actualité particulières aujourd’hui d’une part
en raison du rôle stratégique davantage recon-
nu que joue la fonction achat dans la chaîne
logistique, et d’autre part, du fait de la place
prépondérante qu’occupe cette fonction dans
la nouvelle approche du management des
entreprises (traduite à travers les notions de
chaîne d’approvisionnement, gestion inté-
grale de la qualité, satisfaction des clients,
globalisation, gestion par processus,...).
(Carter et Narisimhna, 1996.)
D’ailleurs au niveau plus global de l’organi-
sation de la chaîne logistique, cette question
de la centralisation/décentralisation est abor-
dée soit à travers l’analyse des stades de déve-
loppement organisationnel (Fabbe-Costes et
Meschi, 1996 ; Mathe et Tixier, 1997), soit à
travers le choix d’un niveau d’intégration dans
les entreprises multinationales (Grégoire et
Navarre, 1995 ; Fassio et Denier, 1997). Par
rapport à cette dernière optique, une étude réa-
lisée récemment en Europe permet de caracté-
riser les stratégies adoptées par quelques
entreprises d’une part, par le niveau de centra-
lisation de leur organisation logistique, et
d’autre part, par le niveau de standardisation
de leur approche commerciale (voir figure 1).
Le lien entre le degré de centralisation de
l’organisation de la chaîne logistique et la
stratégie des entreprises qui est à la base de la
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Figure I : Classification des entreprises selon leur organisation logistique et leur stratégie
d’internationalisation.
Source : Mathe, H. et Tixier D. ; La logistique. Que sais-je, Puf, 1997, p. 100.
représentation qu’offre la figure I semble par-
ticulièrement éclairant dans le cadre de notre
étude. En effet, pour l’entreprise en général et
en particulier pour l’entreprise multidivision-
nelle, la complexité de la réalisation des plans
d’achats a de nombreuses causes : multiplica-
tion des composants ou matières à approvi-
sionner, développement des interrelations
avec les fournisseurs, instabilité de l’envi-
ronnement, etc. Faire face à cette situation
implique souvent de décentraliser le pouvoir
de décision et de contrôle le plus près possible
des compétences locales. Mais, d’un autre
côté, la centralisation de la fonction approvi-
sionnement apparaît à bien des égards comme
un choix d’organisation pouvant le mieux
assurer la cohérence du fonctionnement des
diverses activités et/ou domaines de
l’entreprise et ce, grâce à un meilleur contrôle
de l’action et des résultats.
Dans le cas de la décentralisation, il s’agit de
placer les centres de décisions à proximité des
organismes d’exécution, quitte à les multi-
plier autant que nécessaire pour assurer à
l’organisation l’efficacité maximale ; par ail-
leurs, la centralisation consiste à réduire les
centres de décisions à un nombre minimal et à
les localiser à proximité de la direction géné-
rale. La centralisation et la décentralisation
apparaissent ainsi comme deux états organi-
sationnels extrêmes entre lesquels existe une
espèce de « zone grise » constituée de multi-
ples combinaisons possibles de centralisation
et décentralisation des activités liées aux
achats.
Le choix du degré de centralisation est
à l’évidence capital puisqu’il détermine
la configuration organisationnelle de
l’entreprise. Aussi, est-il logique d’admettre
qu’avant d’opter pour tel ou tel type de struc-
ture, les décideurs tiennent compte de multi-
ples exigences liées entre autres aux types de
produits, aux caractéristiques des entreprises
et de leur secteur d’activités, à la nature de la
relation client-fournisseur qu’elles entretien-
nent dans leur environnement ou qu’elles
comptent y développer (Corey, 1978). En
d’autres termes, le choix d’une forme
d’organisation découle de considérations tant
stratégiques qu’opérationnelles, et on devine
que de multiples facteurs tant internes
qu’externes aux entreprises concourent à la
détermination de ce choix.
Il va de soi que la tendance à la centralisation
de quelques activités de la fonction approvi-
sionnement relève dans certaines entreprises
de la volonté de faire face aux pénuries de
matières premières, et aux fluctuations des
prix sur leurs marchés amont. En plus du fait
qu’elle se justifie souvent par le haut degré de
compétences requises pour la négociation
avec les fournisseurs, la centralisation permet
par ailleurs aux entreprises d’éviter la concur-
rence entre leurs différentes unités, et consé-
quemment, donne à celles-ci la possibilité de
réaliser des économies substantielles. En
effet, la centralisation des besoins d’achats
confère à l’entreprise un pouvoir d’achat (et
donc de négociation) accru auprès de ses four-
nisseurs et conduit généralement entre autres
à l’obtention des remises sur quantité et
d’autres conditions avantageuses telle la
livraison sur demande qui évite de multiplier
les stocks (Nollet, Kélada et Diorio ; 1994).
D’autres facteurs tels le renforcement du
contrôle qualité des matières ou le développe-
ment des relations stratégiques avec les four-
nisseurs peuvent faire que l’entreprise ne
puisse résister à l’attrait que représentent les
gains sous-jacents à la centralisation de certai-
nes activités.
Certes, ces multiples facteurs expliquent lar-
gement les choix différenciés des entreprises
en matière de centralisation (Leclercq, 1989) ;
cependant, demeure la question de savoir la-
quelle des systèmes centralisé et décentralisé
est la plus efficace. S’il était possible de ré-
pondre de manière absolue à cette question, on
expliquerait facilement la préférence de choix
dans certaines entreprises. D’ailleurs, cette
question se pose au niveau même de l’organi-
sation générale des entreprises en ces termes :
les structures centralisées sont-elles plus effi-
caces que les structures décentralisées ? On
sait à ce sujet que pour les théoriciens classi-
ques, une structure très formalisée et très cen-
tralisée est plus efficace, tandis que la théorie
des relations humaines stipule qu’une struc-
ture décentralisée est plus efficace.
Il n’y a donc pas à cette question de réponse
tranchée qui recueille l’assentiment général.
Quelques auteurs (en théorie des organisa-
tions) qui ont réservé une place importante
aux questions touchant au niveau relatif
auquel les décisions sont prises dans les entre-
prises ou les organisations le relèvent au
moins implicitement. Gélinier (1968, p. 37)
souligne ainsi par exemple « ... qu’au niveau
d’une entreprise, la compétitivité résulte
d’abord de l’application d’un management
moderne caractérisé par le principe de décen-
tralisation ». Même si Mintzberg (1979)
estime pour sa part que le problème de la cen-
tralisation (ou de la décentralisation) de la
décision au sein de l’entreprise demeure pro-
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bablement le sujet le plus confus de la théorie
des organisations, il n’est de doute que ceci
tient au rôle déterminant qu’est censé jouer ce
paramètre organisationnel dans la réussite de
l’entreprise. Par ailleurs, nous devons à Fayol
(1979, p. 36) d’avoir eu sur ce sujet un avis
assez nuancé. Il écrit:«Lacentralisation n’est
pas un système d’administration bon ou mau-
vais en soi ; elle existe toujours plus ou moins.
La question de centralisation ou de décentrali-
sation est une simple question de mesure. Il
s’agit de trouver la limite favorable à
l’entreprise ».
On retrouve cette remarque de façon relative-
ment précise dans l’analyse que font Grégoire
et Navarre (1995, p. 22) de l’organisation
logistique en Europe. En s’appuyant sur le
principe de subsidiarité, ceux-ci soulignent
« qu’il ne faut centraliser que ce qui ajoute de
la valeur par rapport à l’action locale ». Ce qui
au demeurant est logique dans la mesure où,
l’entreprise et a fortiori l’entreprise multina-
tionale « se doit d’être aussi décentralisée que
possible afin de répondre efficacement aux
spécificités des marchés et aussi centralisée
que nécessaire, afin de profiter au maximum
des synergies possibles au sein du groupe ».
Autrement dit, les dirigeants doivent dans
chaque cas d’espèce trouver des solutions de
bon sens « où le niveau de centralisation devra
dépendre des optimisations visées et des pos-
sibilités de contrôle » (Bruel, 1982, p. 28).
Aussi, au-delà du choix du degré de centrali-
sation du système de gestion des achats que
toute entreprise peut faire à un moment donné,
la constatation sans doute la plus marquante
est la propension assez forte pour les évolu-
tions – et de sens non unique – des différentes
structures de gestion des achats dans le temps.
Ces évolutions sont notamment caractérisées
par le passage d’un état organisationnel à
l’autre à la suite des transformations structu-
relles liées entre autres à la variation du degré
de centralisation adopté. Dans cette optique,
la taille, l’environnement de l’entreprise, le
caractère du dirigeant, sa valeur, la valeur de
ses subordonnés, sont des éléments détermi-
nants. En effet, ces variables qui ne sont pas
figées, évoluent dans le temps et constituent
des vecteurs d’influence sur la dynamique du
processus de transformation des entreprises.
Ainsi, peut-on par exemple admettre qu’au
moins trois considérations peuvent expliquer
l’évolution d’une organisation vers une
moindre centralisation (et donc vers une plus
grande décentralisation) de la prise de déci-
sion à savoir : les limites cognitives des déci-
deurs, la nécessité de réduire les délais de
réponse aux problèmes posés et le caractère
stimulant que peut présenter la décentralisa-
tion pour les cadres (Mintzberg, 1979). Il y a
sans aucun doute dans ces considérations une
relation implicite entre le niveau de centralisa-
tion et l’efficacité administrative de l’organi-
sation (Kalika, 1988).
En réalité, si à travers l’analyse statique, il est
possible de situer sur un continuum les diffé-
rents états organisationnels qui peuvent carac-
tériser l’évolution des structures dans ce
domaine, il apparaît qu’une analyse dyna-
mique prenant en compte les changements
d’états organisationnels permet de mieux
expliquer le mouvement organisationnel
continuel entre les deux extrémités que sont la
centralisation et la décentralisation. Une telle
approche, que l’on retrouve déjà au niveau de
l’étude des structures des entreprises (Modis,
1996) nous semble novatrice dans le domaine
de la gestion des achats en ce sens qu’elle pro-
pose un cadre conceptuel destiné à faciliter la
compréhension de la dynamique structurelle
qu’on peut y observer.
La dynamique des systèmes
de pilotage des achats
La nécessité pour le système de gestion des
achats d’être en mouvement et de changer se
justifie même a priori tant il est vrai que
l’immobilisme et la répétition des modèles
existants ne sont pas des comportements via-
bles et sécurisants face à l’environnement qui
évolue profondément. Ainsi, comme l’entre-
prise dans son ensemble, l’organisation de la
gestion des achats est sujette à des change-
ments liés à la recherche de l’efficience et de
l’efficacité (Bennett, 1986 ; Klebba, 1981 ;
Greene et Nemes, 1990 ; Van Gorder, 1990).
Aussi, afin d’apprécier cette dynamique orga-
nisationnelle, nos analyses prennent appui
sur des informations relatives à l’évolution
constatée de neuf cas d’entreprises apparte-
nant à des domaines d’activités très variés
allant de la chimie (CIL), à la sidérurgie
(Steelcase Canada Ltd, Stelco Steel), en
passant par l’informatique et l’électronique
(Honeywell Ltd, NCR), la génération
d’électricité (ABB), les outils motorisés
(Black & Decker), la santé (Toronto Hospital)
et le chantier naval (Canadian Arsenals Ltd).
Toutes ces organisations sont de dimension
internationale et le montant de leurs achats
annuels sont estimés à plusieurs dizaines de
millions de dollars pour celles de plus petite
taille.
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L’examen des données relatives à l’évolution
structurelle dans ces entreprises donne à
constater que l’attrait des gains potentiels
d’efficacité et/ou d’efficience accrue est le
véritable ressort à la base des mouvements
organisationnels liés à la transformation des
systèmes de pilotage des approvisionnements
(Dickson, 1987 ; Raia, 1988, 1989 ; Reiman,
1989 ; Seifert, 1987 ; Terret, 1988, 1990,
1992, 1995). Il semble ainsi que chaque entre-
prise définit a priori un niveau de centralisa-
tion en rapport avec les gains potentiels
sous-jacents, et s’efforce de l’atteindre à tra-
vers une transformation continue de sa
structure. Aussi, peut-on raisonnablement
imaginer que l’atteinte de ce niveau visé n’est
qu’une étape dans un processus à long terme.
En général, soit parce que le pilotage à ce
niveau visé de centralisation ne satisfait pas
les attentes de l’entreprise, soit parce que les
changements de l’environnement viennent
contrarier les gains attendus, il arrive que
l’entreprise s’oriente vers une révision et/ou
une réactualisation de son niveau de centrali-
sation ; ceci conduit soit à une centralisation
accrue, soit à un retour vers des positions
(niveau de centralisation/décentralisation)
antérieures. Ces changements poussent inévi-
tablement soit à une reconfiguration du sys-
tème d’information, soit à une reconception
de ce dernier, ce qui génère à tout le moins des
coûts d’adaptation. Par conséquent, l’impor-
tance et la disponibilité des ressources humai-
nes (degré de spécialisation et d’expérience
des employés du service achat), financières et
technologiques (au sens de technologie de
l’information) de l’entreprise concourent à
l’évolution plus ou moins rapide de cette der-
nière.
Les tendances que nous avons observées à cet
effet sont traduites dans le tableau 1 (voir
ci-après). Ce dernier recense en effet d’une
part les traits caractéristiques des systèmes de
gestion des achats dans les neuf entreprises
considérées, et d’autre part, met en exergue
les modèles d’organisations vers lesquels
s’orientent ceux-ci. Dans le même temps, il
présente une synthèse des principales forces
motrices (centralisatrices et/ou décentralisa-
trices) qui suscitent et/ou entretiennent la
dynamique organisationnelle au sein de cha-
cune de ces entreprises.
Il apparaît clairement que les évolutions orga-
nisationnelles sont non uniformes et de sens
non uniques. On constate ainsi par exemple
que dans certains cas (ABB et Steelcase
Canada Ltd, Canadian Arsenals Ltd et
Toronto Hospital), l’évolution consiste au
passage d’un modèle décentralisé à un modèle
centralisé et dans d’autres cas (Stelco Steel), il
s’agit d’abandonner le modèle décentralisé au
profit d’un modèle combinant centralisation
et décentralisation.
Alors qu’on aurait pu penser que l’idéal était
d’avoir un modèle d’organisation combinant
centralisation et décentralisation – ce afin de
conjuguer les avantages d’efficacité rattachés
respectivement aux modèle centralisé et
décentralisé –, on s’aperçoit que même les
entreprises dont le modèle de gestion des
achats combine déjà la centralisation et la
décentralisation ont fait évoluer leur organisa-
tion dans le temps vers un niveau soit de forte
centralisation, soit de décentralisation accrue.
C’est le cas notamment des compagnies NCR,
Honeywell et Black & Decker qui ont été ame-
nées à renforcer la centralisation de certaines
activités d’achats ; pourtant, dans le même
temps, la compagnie CIL passait d’un modèle
combinant centralisation et décentralisation
à un système de pilotage complètement
décentralisé.
Il convient dans cette optique de rappeler
qu’une enquête réalisée par le Center for
Advanced Purchasing Studies (1995) établis-
sait déjà que sur un échantillon de 116 entre-
prises, 45 % seulement de celles qui avaient
centralisé leur approvisionnement en 1988
conservaient encore ce modèle de fonctionne-
ment en 1995, et aussi que seules 14 % des
entreprises qui étaient décentralisées en 1988
l’étaient encore en 1995. Autrement dit,
55 % des entreprises dont les structures
d’approvisionnement étaient centralisées et
86 % de celles dont les structures étaient
décentralisées avaient entre temps fait évoluer
celles-ci vers un modèle combinant centrali-
sation et décentralisation. De même, cette
enquête établissait que parmi les entreprises
dont la structure de gestion des approvision-
nements combinait centralisation et décentra-
lisation en 1988, 13 % s’étaient orientées vers
la centralisation, alors que 11 % s’étaient
transformées en structures décentralisées.
Les tendances d’évolution observées dans
notre étude bien que s’appuyant sur neuf cas
seulement, corroborent d’une certaine façon
les résultats de cette enquête. On note en effet
tant dans notre étude que dans l’enquête du
Center for Advanced Purchasing Studies, dif-
férents mouvements de transformation struc-
turelle qui conduisent à distinguer selon les
entreprises : le passage de l’organisation soit
centralisée, soit décentralisée à une structure
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