Le pendule de la centralisation - décentralisation : une analyse de la

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Logistique & Management
Le pendule de la centralisation décentralisation : une analyse
de la dynamique des structures
en gestion des achats
André TCHOKOGUÉ,
Chercheur postdoctoral, Chargé de cours
Pr Jean NOLLET,
Directeur du Service de l’enseignement de la gestion des opérations et de la production,
École des Hautes Études Commerciales de Montréal
Afin d’assurer le pilotage de la fonction achat, les entreprises ont le choix entre trois
principales structures qui sont : l’organisation centralisée, l’organisation décentralisée et l’organisation combinant centralisation et décentralisation. Toutefois,
l’organisation adoptée a priori par les entreprises est continuellement soumise
à l’action des forces centralisatrices et décentralisatrices, ce qui naturellement
engendre une dynamique à la base des transformations structurelles. Les changements auxquels elles correspondent peuvent être vus comme les mouvements du
balancier d’un pendule. Grâce à cette analogie, nous procédons dans cette étude à
l’analyse du processus de transformation structurelle qui caractérise l’organisation
de la fonction achat dans les entreprises, et ce, sur une période relativement longue.
Introduction
Dans l’organisation de leur fonction achat,
toutes les entreprises recherchent un positionnement idéal sur le continuum centralisation décentralisation. Elles veulent ce faisant et
compte tenu de leur stratégie, tirer le maximum d’avantages de chacune de ces structures tout en minimisant les désavantages qui y
sont attachés.
Toutefois, en raison de la nature dynamique
des structures, on assiste souvent à un balancement des entreprises entre l’organisation
centralisée et l’organisation décentralisée. En
effet, l’évolution des formes d’organisation
adoptées dans nombre d’entreprises se traduit, sur une période relativement longue, par
un mouvement de va-et-vient entre centralisa-
Vol. 6 – N°2, 1998
tion et décentralisation, rappelant ainsi le
mouvement pendulaire.
Cette dynamique liée aux comportements des
entreprises, et surtout les mouvements organisationnels qui la caractérisent restent très peu
analysés tant en management qu’en gestion
des achats. C’est pourquoi il nous apparaît
important de s’y pencher : c’est l’objet de cette
recherche, qui vise à construire un cadre
conceptuel qui devrait faciliter la compréhension de l’évolution structurelle de la fonction
achats dans les entreprises. Au-delà, l’objectif
ultime est d’aider les gestionnaires à mieux
contrôler la transformation structurelle de
leurs organisations. Pour ce faire, nous illustrons nos développements en nous référant à
neuf cas d’entreprises citées entre 1987 et
1995 dans les revues spécialisées comme des
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exemples ou des modèles au regard de leur
système de pilotage de la fonction approvisionnement. Ainsi, après avoir rappelé la
problématique du choix du degré de centralisation des structures de gestion des approvisionnements, nous relevons d’une part les
traits caractéristiques de l’évolution de ces
différentes structures, et d’autre part, nous
analysons et discutons à l’aide d’un modèle
pendulaire, du processus de transformation
organisationnelle qu’impliquent ces évolutions.
Sans doute convient-il de souligner d’emblée
que la question de la centralisation (et/ou de la
décentralisation) peut être analysée au niveau
général de la chaîne logistique tant il est vrai
que la fonction achat n’en est qu’un des maillons. Toutefois, nous avons considéré a priori
que les facteurs déterminant le choix du
niveau de centralisation (et/ou de décentralisation) de la chaîne logistique sont certes plus
complexes, mais ne semblent pas de nature
très différents de ceux qui président à
l’organisation de la fonction achat. Aussi,
notre choix délibéré de centrer l’étude de la
dynamique structurelle sur l’organisation de
la fonction achat ne se justifie autrement que
par le fait que l’explication des mouvements
organisationnels dans ce dernier cas est
non seulement riche d’enseignements pour
l’organisation générale de la chaîne logistique, mais autorise l’élaboration d’un cadre
d’analyse pouvant également être appliquée à
l’analyse de l’évolution des structures de gesFigure I : Classification des entreprises selon leur organisation logistique et leur stratégie
d’internationalisation.
tion de la chaîne logistique dans son
ensemble.
La situation de l’étude
L’organisation de la gestion des achats
constitue un facteur important de la compétitivité des entreprises. Elle se caractérise généralement par de nombreuses variables au
nombre desquelles la latitude dans les prises
de décisions (ou le degré de centralisation des
activités liées aux approvisionnements) représente un facteur déterminant non seulement de
son efficacité, mais aussi de celle la chaîne
logistique et in fine, de l’organisation générale
de l’entreprise.
Aussi, il n’est pas étonnant de constater
l’intérêt accordé à l’analyse du degré de centralisation (et/ou de la décentralisation) de la
gestion des approvisionnements dans quelques ouvrages spécialisés (par exemple :
Leenders, Fearon et Nollet, 1998 ; Bruel,
1986 ; Bernardin, 1982). Cette préoccupation
n’est pas nouvelle puisqu’elle était déjà présente dans les travaux de quelques auteurs
dans les années 1960 (Haas, March, et Krech,
1960). Mais, elle trouve une résonance et une
actualité particulières aujourd’hui d’une part
en raison du rôle stratégique davantage reconnu que joue la fonction achat dans la chaîne
logistique, et d’autre part, du fait de la place
prépondérante qu’occupe cette fonction dans
la nouvelle approche du management des
entreprises (traduite à travers les notions de
chaîne d’approvisionnement, gestion intégrale de la qualité, satisfaction des clients,
globalisation, gestion par processus,...).
(Carter et Narisimhna, 1996.)
D’ailleurs au niveau plus global de l’organisation de la chaîne logistique, cette question
de la centralisation/décentralisation est abordée soit à travers l’analyse des stades de développement organisationnel (Fabbe-Costes et
Meschi, 1996 ; Mathe et Tixier, 1997), soit à
travers le choix d’un niveau d’intégration dans
les entreprises multinationales (Grégoire et
Navarre, 1995 ; Fassio et Denier, 1997). Par
rapport à cette dernière optique, une étude réalisée récemment en Europe permet de caractériser les stratégies adoptées par quelques
entreprises d’une part, par le niveau de centralisation de leur organisation logistique, et
d’autre part, par le niveau de standardisation
de leur approche commerciale (voir figure 1).
Source : Mathe, H. et Tixier D. ; La logistique. Que sais-je, Puf, 1997, p. 100.
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Le lien entre le degré de centralisation de
l’organisation de la chaîne logistique et la
stratégie des entreprises qui est à la base de la
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représentation qu’offre la figure I semble particulièrement éclairant dans le cadre de notre
étude. En effet, pour l’entreprise en général et
en particulier pour l’entreprise multidivisionnelle, la complexité de la réalisation des plans
d’achats a de nombreuses causes : multiplication des composants ou matières à approvisionner, développement des interrelations
avec les fournisseurs, instabilité de l’environnement, etc. Faire face à cette situation
implique souvent de décentraliser le pouvoir
de décision et de contrôle le plus près possible
des compétences locales. Mais, d’un autre
côté, la centralisation de la fonction approvisionnement apparaît à bien des égards comme
un choix d’organisation pouvant le mieux
assurer la cohérence du fonctionnement des
diverses activités et/ou domaines de
l’entreprise et ce, grâce à un meilleur contrôle
de l’action et des résultats.
Dans le cas de la décentralisation, il s’agit de
placer les centres de décisions à proximité des
organismes d’exécution, quitte à les multiplier autant que nécessaire pour assurer à
l’organisation l’efficacité maximale ; par ailleurs, la centralisation consiste à réduire les
centres de décisions à un nombre minimal et à
les localiser à proximité de la direction générale. La centralisation et la décentralisation
apparaissent ainsi comme deux états organisationnels extrêmes entre lesquels existe une
espèce de « zone grise » constituée de multiples combinaisons possibles de centralisation
et décentralisation des activités liées aux
achats.
Le choix du degré de centralisation est
à l’évidence capital puisqu’il détermine
la configuration organisationnelle de
l’entreprise. Aussi, est-il logique d’admettre
qu’avant d’opter pour tel ou tel type de structure, les décideurs tiennent compte de multiples exigences liées entre autres aux types de
produits, aux caractéristiques des entreprises
et de leur secteur d’activités, à la nature de la
relation client-fournisseur qu’elles entretiennent dans leur environnement ou qu’elles
comptent y développer (Corey, 1978). En
d’autres termes, le choix d’une forme
d’organisation découle de considérations tant
stratégiques qu’opérationnelles, et on devine
que de multiples facteurs tant internes
qu’externes aux entreprises concourent à la
détermination de ce choix.
Il va de soi que la tendance à la centralisation
de quelques activités de la fonction approvisionnement relève dans certaines entreprises
de la volonté de faire face aux pénuries de
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matières premières, et aux fluctuations des
prix sur leurs marchés amont. En plus du fait
qu’elle se justifie souvent par le haut degré de
compétences requises pour la négociation
avec les fournisseurs, la centralisation permet
par ailleurs aux entreprises d’éviter la concurrence entre leurs différentes unités, et conséquemment, donne à celles-ci la possibilité de
réaliser des économies substantielles. En
effet, la centralisation des besoins d’achats
confère à l’entreprise un pouvoir d’achat (et
donc de négociation) accru auprès de ses fournisseurs et conduit généralement entre autres
à l’obtention des remises sur quantité et
d’autres conditions avantageuses telle la
livraison sur demande qui évite de multiplier
les stocks (Nollet, Kélada et Diorio ; 1994).
D’autres facteurs tels le renforcement du
contrôle qualité des matières ou le développement des relations stratégiques avec les fournisseurs peuvent faire que l’entreprise ne
puisse résister à l’attrait que représentent les
gains sous-jacents à la centralisation de certaines activités.
Certes, ces multiples facteurs expliquent largement les choix différenciés des entreprises
en matière de centralisation (Leclercq, 1989) ;
cependant, demeure la question de savoir laquelle des systèmes centralisé et décentralisé
est la plus efficace. S’il était possible de répondre de manière absolue à cette question, on
expliquerait facilement la préférence de choix
dans certaines entreprises. D’ailleurs, cette
question se pose au niveau même de l’organisation générale des entreprises en ces termes :
les structures centralisées sont-elles plus efficaces que les structures décentralisées ? On
sait à ce sujet que pour les théoriciens classiques, une structure très formalisée et très centralisée est plus efficace, tandis que la théorie
des relations humaines stipule qu’une structure décentralisée est plus efficace.
Il n’y a donc pas à cette question de réponse
tranchée qui recueille l’assentiment général.
Quelques auteurs (en théorie des organisations) qui ont réservé une place importante
aux questions touchant au niveau relatif
auquel les décisions sont prises dans les entreprises ou les organisations le relèvent au
moins implicitement. Gélinier (1968, p. 37)
souligne ainsi par exemple « ... qu’au niveau
d’une entreprise, la compétitivité résulte
d’abord de l’application d’un management
moderne caractérisé par le principe de décentralisation ». Même si Mintzberg (1979)
estime pour sa part que le problème de la centralisation (ou de la décentralisation) de la
décision au sein de l’entreprise demeure pro-
115
Logistique & Management
bablement le sujet le plus confus de la théorie
des organisations, il n’est de doute que ceci
tient au rôle déterminant qu’est censé jouer ce
paramètre organisationnel dans la réussite de
l’entreprise. Par ailleurs, nous devons à Fayol
(1979, p. 36) d’avoir eu sur ce sujet un avis
assez nuancé. Il écrit : « La centralisation n’est
pas un système d’administration bon ou mauvais en soi ; elle existe toujours plus ou moins.
La question de centralisation ou de décentralisation est une simple question de mesure. Il
s’agit de trouver la limite favorable à
l’entreprise ».
On retrouve cette remarque de façon relativement précise dans l’analyse que font Grégoire
et Navarre (1995, p. 22) de l’organisation
logistique en Europe. En s’appuyant sur le
principe de subsidiarité, ceux-ci soulignent
« qu’il ne faut centraliser que ce qui ajoute de
la valeur par rapport à l’action locale ». Ce qui
au demeurant est logique dans la mesure où,
l’entreprise et a fortiori l’entreprise multinationale « se doit d’être aussi décentralisée que
possible afin de répondre efficacement aux
spécificités des marchés et aussi centralisée
que nécessaire, afin de profiter au maximum
des synergies possibles au sein du groupe ».
Autrement dit, les dirigeants doivent dans
chaque cas d’espèce trouver des solutions de
bon sens « où le niveau de centralisation devra
dépendre des optimisations visées et des possibilités de contrôle » (Bruel, 1982, p. 28).
Aussi, au-delà du choix du degré de centralisation du système de gestion des achats que
toute entreprise peut faire à un moment donné,
la constatation sans doute la plus marquante
est la propension assez forte pour les évolutions – et de sens non unique – des différentes
structures de gestion des achats dans le temps.
Ces évolutions sont notamment caractérisées
par le passage d’un état organisationnel à
l’autre à la suite des transformations structurelles liées entre autres à la variation du degré
de centralisation adopté. Dans cette optique,
la taille, l’environnement de l’entreprise, le
caractère du dirigeant, sa valeur, la valeur de
ses subordonnés, sont des éléments déterminants. En effet, ces variables qui ne sont pas
figées, évoluent dans le temps et constituent
des vecteurs d’influence sur la dynamique du
processus de transformation des entreprises.
Ainsi, peut-on par exemple admettre qu’au
moins trois considérations peuvent expliquer
l’évolution d’une organisation vers une
moindre centralisation (et donc vers une plus
grande décentralisation) de la prise de décision à savoir : les limites cognitives des décideurs, la nécessité de réduire les délais de
116
réponse aux problèmes posés et le caractère
stimulant que peut présenter la décentralisation pour les cadres (Mintzberg, 1979). Il y a
sans aucun doute dans ces considérations une
relation implicite entre le niveau de centralisation et l’efficacité administrative de l’organisation (Kalika, 1988).
En réalité, si à travers l’analyse statique, il est
possible de situer sur un continuum les différents états organisationnels qui peuvent caractériser l’évolution des structures dans ce
domaine, il apparaît qu’une analyse dynamique prenant en compte les changements
d’états organisationnels permet de mieux
expliquer le mouvement organisationnel
continuel entre les deux extrémités que sont la
centralisation et la décentralisation. Une telle
approche, que l’on retrouve déjà au niveau de
l’étude des structures des entreprises (Modis,
1996) nous semble novatrice dans le domaine
de la gestion des achats en ce sens qu’elle propose un cadre conceptuel destiné à faciliter la
compréhension de la dynamique structurelle
qu’on peut y observer.
La dynamique des systèmes
de pilotage des achats
La nécessité pour le système de gestion des
achats d’être en mouvement et de changer se
justifie même a priori tant il est vrai que
l’immobilisme et la répétition des modèles
existants ne sont pas des comportements viables et sécurisants face à l’environnement qui
évolue profondément. Ainsi, comme l’entreprise dans son ensemble, l’organisation de la
gestion des achats est sujette à des changements liés à la recherche de l’efficience et de
l’efficacité (Bennett, 1986 ; Klebba, 1981 ;
Greene et Nemes, 1990 ; Van Gorder, 1990).
Aussi, afin d’apprécier cette dynamique organisationnelle, nos analyses prennent appui
sur des informations relatives à l’évolution
constatée de neuf cas d’entreprises appartenant à des domaines d’activités très variés
allant de la chimie (CIL), à la sidérurgie
(Steelcase Canada Ltd, Stelco Steel), en
passant par l’informatique et l’électronique
(Honeywell Ltd, NCR), la génération
d’électricité (ABB), les outils motorisés
(Black & Decker), la santé (Toronto Hospital)
et le chantier naval (Canadian Arsenals Ltd).
Toutes ces organisations sont de dimension
internationale et le montant de leurs achats
annuels sont estimés à plusieurs dizaines de
millions de dollars pour celles de plus petite
taille.
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L’examen des données relatives à l’évolution
structurelle dans ces entreprises donne à
constater que l’attrait des gains potentiels
d’efficacité et/ou d’efficience accrue est le
véritable ressort à la base des mouvements
organisationnels liés à la transformation des
systèmes de pilotage des approvisionnements
(Dickson, 1987 ; Raia, 1988, 1989 ; Reiman,
1989 ; Seifert, 1987 ; Terret, 1988, 1990,
1992, 1995). Il semble ainsi que chaque entreprise définit a priori un niveau de centralisation en rapport avec les gains potentiels
sous-jacents, et s’efforce de l’atteindre à travers une transformation continue de sa
structure. Aussi, peut-on raisonnablement
imaginer que l’atteinte de ce niveau visé n’est
qu’une étape dans un processus à long terme.
En général, soit parce que le pilotage à ce
niveau visé de centralisation ne satisfait pas
les attentes de l’entreprise, soit parce que les
changements de l’environnement viennent
contrarier les gains attendus, il arrive que
l’entreprise s’oriente vers une révision et/ou
une réactualisation de son niveau de centralisation ; ceci conduit soit à une centralisation
accrue, soit à un retour vers des positions
(niveau de centralisation/décentralisation)
antérieures. Ces changements poussent inévitablement soit à une reconfiguration du système d’information, soit à une reconception
de ce dernier, ce qui génère à tout le moins des
coûts d’adaptation. Par conséquent, l’importance et la disponibilité des ressources humaines (degré de spécialisation et d’expérience
des employés du service achat), financières et
technologiques (au sens de technologie de
l’information) de l’entreprise concourent à
l’évolution plus ou moins rapide de cette dernière.
Les tendances que nous avons observées à cet
effet sont traduites dans le tableau 1 (voir
ci-après). Ce dernier recense en effet d’une
part les traits caractéristiques des systèmes de
gestion des achats dans les neuf entreprises
considérées, et d’autre part, met en exergue
les modèles d’organisations vers lesquels
s’orientent ceux-ci. Dans le même temps, il
présente une synthèse des principales forces
motrices (centralisatrices et/ou décentralisatrices) qui suscitent et/ou entretiennent la
dynamique organisationnelle au sein de chacune de ces entreprises.
Il apparaît clairement que les évolutions organisationnelles sont non uniformes et de sens
non uniques. On constate ainsi par exemple
que dans certains cas (ABB et Steelcase
Canada Ltd, Canadian Arsenals Ltd et
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Toronto Hospital), l’évolution consiste au
passage d’un modèle décentralisé à un modèle
centralisé et dans d’autres cas (Stelco Steel), il
s’agit d’abandonner le modèle décentralisé au
profit d’un modèle combinant centralisation
et décentralisation.
Alors qu’on aurait pu penser que l’idéal était
d’avoir un modèle d’organisation combinant
centralisation et décentralisation – ce afin de
conjuguer les avantages d’efficacité rattachés
respectivement aux modèle centralisé et
décentralisé –, on s’aperçoit que même les
entreprises dont le modèle de gestion des
achats combine déjà la centralisation et la
décentralisation ont fait évoluer leur organisation dans le temps vers un niveau soit de forte
centralisation, soit de décentralisation accrue.
C’est le cas notamment des compagnies NCR,
Honeywell et Black & Decker qui ont été amenées à renforcer la centralisation de certaines
activités d’achats ; pourtant, dans le même
temps, la compagnie CIL passait d’un modèle
combinant centralisation et décentralisation
à un système de pilotage complètement
décentralisé.
Il convient dans cette optique de rappeler
qu’une enquête réalisée par le Center for
Advanced Purchasing Studies (1995) établissait déjà que sur un échantillon de 116 entreprises, 45 % seulement de celles qui avaient
centralisé leur approvisionnement en 1988
conservaient encore ce modèle de fonctionnement en 1995, et aussi que seules 14 % des
entreprises qui étaient décentralisées en 1988
l’étaient encore en 1995. Autrement dit,
55 % des entreprises dont les structures
d’approvisionnement étaient centralisées et
86 % de celles dont les structures étaient
décentralisées avaient entre temps fait évoluer
celles-ci vers un modèle combinant centralisation et décentralisation. De même, cette
enquête établissait que parmi les entreprises
dont la structure de gestion des approvisionnements combinait centralisation et décentralisation en 1988, 13 % s’étaient orientées vers
la centralisation, alors que 11 % s’étaient
transformées en structures décentralisées.
Les tendances d’évolution observées dans
notre étude bien que s’appuyant sur neuf cas
seulement, corroborent d’une certaine façon
les résultats de cette enquête. On note en effet
tant dans notre étude que dans l’enquête du
Center for Advanced Purchasing Studies, différents mouvements de transformation structurelle qui conduisent à distinguer selon les
entreprises : le passage de l’organisation soit
centralisée, soit décentralisée à une structure
117
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hybride combinant centralisation et décentralisation, ou le passage de cette dernière forme
d’organisation à une organisation soit centralisée, soit décentralisée.
Les mouvements organisationnels entre centralisation et décentralisation constituent un
phénomène qui a toujours caractérisé
l’évolution des systèmes de gestion des
achats. L’année d’observation ou de recueil de
données sur ce phénomène a donc peu de
conséquence sur l’analyse objective de la
dynamique organisationnelle. L’influence du
moment de l’observation de ce phénomène
semble négligeable, car ce qui importe par
dessus tout c’est de situer l’observation sur un
temps relativement long afin de repérer les trajectoires des changements induits dans les entreprises.
La question qui se pose alors est celle-ci :
quand la décision ultime concernant un niveau
visé de centralisation est prise, quelles sont les
forces qui se révèlent les plus décisives pour
justement engendrer le changement ? Cette
question est d’un intérêt fondamental pour le
gestionnaire surtout si l’on considère qu’une
des préoccupations est de maîtriser la dyna-
mique du processus de transformation dans
les entreprises. A tout le moins, elle incite à
mettre en évidence les éléments qui suscitent
et entretiennent le processus d’évolution de
ces organisations. En ce sens, elle conduit à
mettre en lumière non seulement les fondements du mouvement de transformation, mais
aussi la vitesse de son déroulement.
En effet, il est évident que l’amélioration de
l’efficacité et/ou de l’efficience est le principal objectif qui justifie les changements organisationnels. Cependant, atteindre cet objectif
exige souvent de l’entreprise qu’elle procède
par exemple à la rationalisation de ses coûts et
dote son système d’un degré donné de flexibilité. En ce sens, il apparaît que la recherche des
économies d’échelle ou de transactions, de
même que le besoin d’une gestion stratégique
des relations clients – fournisseurs, constituent souvent les principales forces qui entretiennent la dynamique organisationnelle.
C’est donc l’influence plus ou moins forte,
plus ou moins pressante de ces forces qui
détermine l’évolution organisationnelle et
donc le rythme de la transformation structurelle. Par analogie, les changements organi-
Tableau 1 : Caractéristiques des évolutions constatées : tendances et forces motrices.
Entreprises
118
Caractéristiques
antérieures
de l’organisation de
la fonction achats
Forces motrices
Évolution vers....
Forces
centralisatrices
Forces
décentralisatrices
- importance
stratégique
des fournisseurs,
- diversification
des produits,
- diversification
des marchés,
- taille/croissance.
- NCR
- HONEYWELL Ltd
- BLACK &
DECKER
Décentralisation
de la plupart des
activités d’achats ;
quelques matières
sont achetées par
le siège social
(donc un degré de
centralisation
relativement
faible).
La centralisation
de quelques
activités au siège
social.
- rationalisation,
- importance
stratégique
des fournisseurs,
- exigences
de qualité
des matières
et composants,
- standardisation
- globalisation
(marchés
et produits
globaux).
- TORONTO
HOSPITAL
- CANADIAN
ARSENAL Ltd
- ABB
- STEELCASE
CANADA Ltd
Décentralisation
de la fonction
achat.
La centralisation
- rationalisation,
- économies
d’échelle.
- CIL
Décentralisation
de la plupart des
activités ;avec une
centralisation des
achats de certaines
matières au siège
social.
La décentralisation
- STELCO STEEL
Décentralisation
La centralisation
de quelques
activités au siège
social.
- importance
stratégique des
fournisseurs,
- diversification
des produits,
- flexibilité,
- taille/croissance.
- rationalisation
des coûts,
- contrôle de
qualité.
Vol. 6 – N°2, 1998
Logistique & Management
sationnels auxquels donnent lieu ces
transformations peuvent être vus comme des
mouvements du balancier d’un pendule, surtout lorsqu’on situe l’observation sur une
période relativement longue. Dans une telle
perspective, l’action soit isolée, soit conjuguée des forces centralisatrices (économies
d’échelle et de transactions, rationalisation, la
globalisation, importance stratégique des
relations avec les fournisseurs) et décentralisatrices (la flexibilité, la diversification, la
taille/croissance, et l’importance stratégique
des fournisseurs) qui interviennent dans
l’évolution du degré de centralisation des activités de la fonction achats est judicieusement
prise en compte.
Sous cet angle d’approche, il nous semble
donc possible de construire un modèle général
permettant de décrire dans une perspective à
long terme les mouvements correspondant
aux transformations des différentes structures
de gestion des approvisionnements dans
les entreprises. C’est l’objet de la section
ci-après.
l’organisation au cours de son processus de
transformation, par exemple lorsqu’elle passe
d’un extrême – à savoir le modèle centralisé –,
à l’autre, c’est-à-dire le modèle décentralisé,
et vice versa. On remarque surtout qu’en passant par exemple de l’état II à l’état III ou IV,
l’organisation accroît son degré de flexibilité
à la faveur d’une décentralisation accrue.
Mais dans le même temps, deviennent plus
complexes, les activités de planification, de
coordination et de contrôle réalisées par le
siège social de l’entreprise. L’arbitrage entre
les avantages liés entre autres à la flexibilité,
et les inconvénients découlant d’une plus
grande décentralisation détermine dans ces
cas le sens de l’évolution. Ceci dit, des
commentaires sont nécessaires pour expliciter
davantage le modèle représenté ci-après.
Figure 2 : le pendule de centralisation/décentralisation.
Le processus d’évolution
des formes organisationnelles :
le modèle pendulaire
On s’aperçoit que les différents mouvements
organisationnels qui caractérisent l’évolution
des systèmes de pilotage des achats ne peuvent être analysés indépendamment des choix
stratégiques des entreprises. Aussi, on se doit
de reconnaître que l’évolution de la technologie de l’information y a une influence considérable. Ainsi relève-t-on par exemple que la
technologie de l’information après avoir
poussé durant quelques années à la centralisation, permet aujourd’hui soit une décentralisation avec contrôle centralisé, soit même une
décentralisation totale des responsabilités
relatives à la gestion des achats.
Le modèle que nous présentons ci-après propose justement une approche qui facilite la
compréhension et l’analyse de l’évolution des
structures de gestion des achats entre ces différents états organisationnels. Pour ce faire,
nous avons considéré que les évolutions organisationnelles peuvent être caractérisées par
des états organisationnels que nous avons désignés par I, II, III, IV et V. (Voir figure 2.)
D’emblée, il convient de souligner que les
états II, III et IV correspondent au modèle
hybride conjuguant centralisation et décentralisation. Ils permettent d’illustrer une multitude d’états possibles que peut épouser
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Forces centralisatrices
- les économies d’échelle
- la rationalisation
- la standardisation
- l’importance stratégique des fournisseurs
- les économies de transaction
- la globalisation
Forces décentralisatrices
- la diversification de l’offre des produits
- la flexibilité
- l’importance stratégique des fournisseurs
- croissance/taille
119
Logistique & Management
De l’organisation soit centralisée (état I),
soit décentralisée (état V) à une organisation
hybride combinant centralisation et décentralisation (état II, III ou IV)
Il est incontestable que les évolutions de cette
nature s’inscrivent souvent comme le dit si
bien le président de la compagnie ABB, dans
une perspective non équivoque à savoir : « To
be simultaneously global and local, big
and small, centralized and decentralized »
(Ghoshal et Bartlett, 1995, p. 86). En effet,
lorsqu’il s’agit d’un changement consistant
en la transformation d’une organisation
centralisée en une organisation hybride,
l’entreprise, tout en conservant des avantages
liés à la centralisation de certaines activités
d’achats (économies d’échelle ou de transaction par exemple), recherche entre autres une
amélioration de son efficacité organisationnelle. En l’occurrence, la décentralisation partielle qui se traduit dans ce cas par la latitude
donnée à chaque division ou département de
l’entreprise pour effectuer certains achats en
rapport avec ses besoins, induit une meilleure
réactivité, c’est-à-dire la capacité à réagir
rapidement face à l’environnement.
Cette évolution s’accompagne cependant
d’une certaine perte de contrôle par le siège
social de l’entreprise sur les activités quotidiennes des services d’achats. A l’inverse,
lorsque la transformation conduit d’une organisation décentralisée vers une organisation
hybride, on assiste plutôt à un renforcement
du contrôle du siège social. Mais, la question
qui se pose est celle de savoir si les gains générés par cette évolution suffiront à compenser
aussi bien à court qu’à moyen terme les problèmes inhérents aux nouvelles modalités de
fonctionnement que cela implique.
En général, les écarts qui apparaissent progressivement entre ces deux composantes
conduisent soit à une rupture anticipée du
mouvement d’évolution vers le niveau de centralisation visé, soit à une poursuite du mouvement de transformation structurelle vers le
niveau de centralisation prévu initialement,
d’où par exemple le passage du modèle
hybride à une organisation totalement centralisée.
De l’organisation hybride (état II, III ou IV)
à une organisation soit centralisée (état I),
soit décentralisée (état V)
En faisant évoluer leur structure de gestion des
achats du modèle hybride vers un modèle extrême à savoir soit la centralisation, soit la décentralisation, les entreprises optent en
120
général pour un choix non ambigu duquel
elles espèrent tirer des avantages accrus en
termes d’efficacité économique, organisationnelle et sociale (meilleure utilisation de
l’expertise et de l’expérience du personnel).
A posteriori, ceci peut être vu comme
l’aboutissement d’un processus dans lequel le
modèle hybride apparaît comme une étape.
Bien sûr, l’atteinte de l’état extrême correspondant au niveau de centralisation visé peut
constituer après un certain temps un point de
départ d’autres transformations donnant ainsi
lieu au recommencement du mouvement du
balancier.
Constatations et recommandations
Le modèle ainsi décrit facilite certes la lisibilité de la trajectoire d’évolution des organisations mises en place par les entreprises, mais
aussi permet une articulation entre la transformation des systèmes de pilotage et les ressorts
qui sous-tendent la dynamique de ce processus.
A la lumière de la représentation ainsi faite, on
peut admettre qu’au sein de toute entreprise,
chaque force constitue isolément ou associée
à une ou plusieurs autres, des vecteurs
d’entraînement qui en réalité entretiennent la
dynamique du processus.
Illustrons cette observation à l’aide de trois
cas d’entreprises :
Steelcase Canada Ltd et ABB Canada sont
deux compagnies dont les systèmes de gestion
des achats ont été initialement décentralisés,
et qui ont progressivement évolué vers une
grande centralisation. Les principales forces à
la base de cette évolution ont été notamment
liées à la recherche :
– d’un meilleur contrôle des dépenses (rationalisation des coûts) ;
– d’une meilleure planification des activités (globalisation et rationalisation des
coûts) ;
– et d’une meilleure gestion des relations
avec les fournisseurs notamment dans
l’optique de la gestion intégrale de la qualité et de la satisfaction des clients (globalisation).
D’un autre côté, une compagnie comme CIL a
opéré une réorientation de la gestion de ses
approvisionnements d’un modèle centralisé à
un modèle combinant centralisation et décentralisation et ce, sous la pression des forces
liées à :
– une meilleure gestion des relations avec
les fournisseurs (importance stratégique
des achats) ;
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Logistique & Management
–
–
–
une amélioration du temps de réaction
face aux changements de l’environnement (flexibilité) ;
une meilleure gestion des exigences de
qualité ;
une rationalisation des coûts.
Donc c’est l’intensité des forces prises individuellement ou conjointement qui constitue le
principal ressort du processus de transformation de l’organisation – soit vers plus de centralisation, soit vers plus de décentralisation.
Il est à noter toutefois que les comportements
des entreprises sont essentiellement proactifs
au cours de leur transformation progressive,
en ce sens qu’elles anticipent sur les résultats
attendus (gains potentiels d’efficacité et/ou
d’efficience) à chaque étape (caractérisée par
un niveau de centralisation – décentralisation
donné). Autrement dit, bien qu’elles n’aient
au début du changement aucune assurance sur
les résultats futurs de l’évolution adoptée, les
entreprises évaluent cependant et relativement pour un degré de centralisation visé,
leurs gains potentiels d’efficacité et/ou
d’efficience. L’ampleur des effets positifs
attendus soit d’une centralisation, soit d’une
décentralisation accrue dicte la vitesse du
changement. Par exemple, dans de nombreux
cas, les économies espérées d’une centralisation des achats des matières peuvent non seulement justifier la centralisation accrue, mais
aussi, déterminer la vitesse du pendule,
c’est-à-dire la vitesse de l’évolution du système de pilotage des approvisionnements vers
une centralisation totale.
Généralement, une fois amorcé, le mouvement de transformation continue jusqu’à un
certain point et ceci tant que l’entreprise enregistre des avantages substantiels et/ou espère
les améliorer. Toutefois, dès lors que les effets
positifs ne se matérialisent pas, un retour à la
situation antérieure peut se justifier et donc
donner lieu à une rupture dans le mouvement
de transformation ; dans ce cas, l’évolution
épouse donc un mouvement de sens inverse.
A ce sujet, on peut rappeler que la fonction
approvisionnement de Black & Decker était
entièrement décentralisée dans les années
1970, après avoir été centralisée quelques
années plus tôt. A l’époque, la centralisation
s’étant alors accompagnée d’une bureaucratisation des procédures : « Personne ne pouvait
rien faire sans avoir l’approbation de l’approvisionnement corporatif » (Raia, 1988, p. 49),
la décentralisation était vite apparue comme
un mode de fonctionnement plus approprié,
compte tenu de la grande réactivité qu’elle
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offrait. Mais, plus récemment, les gains
potentiels (économies espérées) liés à une
centralisation des achats ont conduit cette
compagnie à opter pour un système de pilotage centralisé, et donc à revenir à un mode de
fonctionnement abandonné quelques années
plus tôt.
Ce mouvement centralisation – décentralisation/centralisation est un parfait exemple
d’une évolution organisationnelle. Toutefois,
le balancement entre différents modes
de fonctionnement que cela implique
s’accompagne de risques que les gestionnaires doivent réduire. Comme par ailleurs ces
changements organisationnels s’opèrent sur
un temps relativement long, il apparaît plus
que primordial pour les gestionnaires
d’évaluer et d’apprécier les avantages aussi
bien à court qu’à moyen terme de faire évoluer
leur entreprise sous l’influence prioritaire
d’une force plutôt que d’une autre.
Dans cette optique, autant la résultante des
différentes forces (centralisatrices et décentralisatrices) peut expliquer les changements
organisationnels, autant il convient de reconnaître que lorsque ces forces ne sont pas maîtrisées, les changements qu’elles suscitent
peuvent être préjudiciables à la pérennité de
l’entreprise.
En effet, par une description sommaire du processus de transformation organisationnelle,
on peut dire que le besoin de contrôler les
coûts (rationalisation des coûts) et/ou de profiter des économies d’échelle, pour ne prendre
que ces quelques forces principales, poussent
généralement à la centralisation. Or, la centralisation s’accompagne souvent d’une réduction de la flexibilité et donc de la réactivité de
l’organisation. De surcroît, si l’entreprise est
très diversifiée, ou possède plusieurs centres
d’activités stratégiques, ou encore offre des
produits complexes, la décentralisation va
apparaître rapidement comme la structure
appropriée. Mais la décentralisation va
induire des dédoublements de services et
parfois même des redondances dans les
procédures, altérant ainsi l’efficacité de
l’organisation. Avec le temps, l’inefficacité
croissante va logiquement nourrir le besoin de
rationalisation dont la conséquence sera une
fois de plus le mouvement vers la centralisation.
On peut alors être tenté de déduire que
l’équilibre entre les deux extrêmes que sont la
centralisation et la décentralisation est inévitablement instable. Ce serait ainsi admettre
que chaque fois que l’organisation s’oriente
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Logistique & Management
vers la centralisation pour satisfaire par
exemple le besoin de la rationalisation des
coûts entre autres, la nécessité d’être flexible
va la pousser vers la décentralisation, et au
final, l’action conjuguée de ces deux forces
pourrait l’entraîner tantôt vers plus de centralisation, tantôt vers plus de décentralisation.
Un tel processus implique donc que l’organisation n’atteint véritablement ni son objectif
de flexibilité, ni son objectif de rationalisation
des coûts, et que son évolution s’effectue au
gré de l’importance variable accordée à l’un
ou l’autre de ces objectifs dans le temps.
Comment éviter à l’entreprise une telle situation ? Tout simplement en établissant une hiérarchie d’importance entre les différents
objectifs de l’entreprise. Ainsi par exemple,
on pourra considérer compte tenu du niveau
de diversification de l’entreprise, soit que la
flexibilité est plus importante, auquel cas elle
primera sur les autres objectifs, soit que la
rationalisation des coûts ou les économies
d’échelle sont plus importantes, ce qui donnera aux autres objectifs un rôle secondaire.
Ceci revient donc à dire clairement que la maîtrise de l’évolution organisationnelle de la
fonction achats procède nécessairement d’une
hiérarchisation des objectifs selon les priorités en accord avec la stratégie générale de
l’entreprise. Autrement dit, une cohérence est
nécessaire entre la stratégie de la fonction
approvisionnement et la stratégie de l’entreprise pour assurer une évolution à la fois harmonieuse et justifiée par les avantages qui en
découlent pour l’entreprise.
Conclusion
André TCHOKOGUÉ
Chercheur postdoctoral,
Chargé de cours
Pr Jean NOLLET
Directeur du Service
de l’enseignement de la gestion
des opérations
et de la production
École des Hautes Études Commerciales de Montréal
5.864 - 3000 chemin de la Côte
Ste-Catherine
Montréal (Québec) Canada
H3T 2A7
Email :
[email protected]
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Parce que l’évolution de la structure de gestion des achats a une incidence directe sur
l’efficacité tant organisationnelle qu’économique et sociale de l’entreprise, il y a indiscutablement pour le gestionnaire un besoin de
maîtriser la dynamique qui la sous-tend. La diversité des situations dans les entreprises et le
rythme de changement très variable de leur
système de gestion des achats rendent a priori
très difficile toute analyse systématique dans
ce domaine.
Toutefois, il apparaît que les transformations
organisationnelles successives liées à la variation du degré de centralisation adopté dans les
entreprises donnent lieu à un processus.
L’examen de ce processus peut être mené par
analogie à un mouvement pendulaire. Ceci explique qu’une démarche fondée sur un modèle
pendulaire ait été privilégiée pour aborder la
problématique des changements organisationnels des systèmes de pilotage des achats
dans les entreprises. L’élaboration de ce modèle offre en effet un champ conceptuel
fécond pour analyser la trajectoire des changements d’états des différentes structures
mises en place dans les entreprises. De plus,
les différentes situations que ce modèle permet de prendre en compte conduisent à souligner davantage la nécessité d’une cohérence
entre stratégie d’entreprise et stratégie
d’achats afin que la transformation organisationnelle s’inscrive dans une optique favorable à l’entreprise tant à court qu’à long
terme.
Aussi, l’élargissement d’une telle analyse à
l’évolution de l’organisation de toute la chaîne
logistique des entreprises ne manque pas
d’intérêt dans la mesure où elle permettrait
l’examen de l’intégration de la stratégie logistique à la stratégie globale de l’entreprise et de
leur cohérence continuelle. Sans doute
convient-il alors dans la suite de cet article d’y
consacrer une étude spécifique.
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