L`impact des technologies de l`information sur les structures de

Jean NOLLET
Professeur titulaire, titulaire de la Chaire de gestion des approvisionnements, HEC Montréal
Martin BEAULIEU
Professionnel de recherche, HEC Montréal
Le déploiement d’une chaîne logistique performante exige une adéquation
appropriée avec les structures organisationnelles. Le domaine des achats a
justement produit des études sur le sujet qui peuvent inspirer les réflexions des
gestionnaires de la chaîne logistique. Souvent, les études dans ce dernier domaine
tendent à classifier les structures comme étant centralisées ou décentralisées.
Cependant, la réalité est plus complexe. D’abord, entre ces deux options extrêmes,
il existe une variété de structures hybrides. Ensuite, d’autres dimensions doivent
être intégrées à la configuration d’une structure, notamment la formalisation et la
spécialisation. Par ailleurs, les technologies de l’information (TI) peuvent
contribuer au déploiement de structures plus complexes. Leur apport a été étudié
dans une multitude de contextes, mais très peu dans le domaine de la gestion des
achats.
Une étude de cas retraçant une expérience de mise en œuvre d’une structure de
gestion des achats dans une société internationale de services financiers permet de
dégager des observations intéressantes à ce sujet. Les résultats de cette étude
indiquent que dans ce cas : 1) la structure est nettement le fruit d’une stratégie
délibérée permettant de rehausser la contribution de la fonction achats ; 2) les TI
facilitent un découpage entre les décisions d’exécution et les décisions de contrôle,
ce qui peut favoriser simultanément la centralisation et la décentralisation de la
structure ; 3) avec l’apport des TI, la centralisation d’une activité ne signifie pas
nécessairement sa déconnection de la base opérationnelle ; 4) les TI renforcent le
formalisme de l’organisation. Nos travaux indiquent aux gestionnaires des achats et
de la logistique qu’au-delà des schémas traditionnellement analysés, ils peuvent
maintenant envisager de nouvelles structures qui leur permettront de tenir compte
des objectifs à atteindre, tout en visant une plus grande efficacité.
Introduction
La structure organisationnelle est une dimen-
sion majeure dans l’articulation d’une entre-
prise. D’ailleurs, cette dimension est d’un in-
rêt tel dans le milieu académique que depuis
une trentaine d’années des revues de littérature
sont réalisées périodiquement (voir entre
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sur les structures de gestion des achats :
des leçons pour la gestion de la chaîne
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autres les travaux de Dalton et al., 1980 ; Fas-
soula, 2006 ; James et Jones, 1976 ; Kimberly,
1976). Aussi, chacune des grandes fonctions
d’une entreprise a fait l’objet d’études spécifi-
ques sur ce sujet, à titre d’exemple, celles de :
Tannenbaum et Dupuree-Bruno (1994) en ges-
tion des ressources humaines ; Nonaka et Nico-
sia (1979) en marketing ; Johne et Snelson
(1988) pour le développement de produits ;
Chen (2007) pour les technologies de l’infor-
mation; Nahm et al. (2003) en gestion de la
production. Naturellement, de telles études ont
également été menées en gestion de la chaîne
logistique (supply chain management);juste
-
ment, Dornier et Fender (2001), Kim (2007) et
Samii (2001) indiquaient que la structure orga-
nisationnelle y joue un rôle majeur dans la per-
formance logistique.
Cependant, dans le domaine de la logistique,
ce sont habituellement les mêmes cinq modè-
les de structure qui sont étudiés (Kim, 2007;
Tixier et al., 1998) : la structure décentralisée
sans orientation en logistique (non supply
chain management-oriented organization), la
structure fonctionnelle, la structure matri-
cielle, la structure conseil et la structure
intégrée. Ces structures sont relativement
génériques, mais nous sommes d’avis que la
réalité en offre une plus grande variété. Juste-
ment, les technologies de l’information (TI)
peuvent libérer les gestionnaires des schémas
organisationnels classiques, ouvrant ainsi la
porte à d’autres configurations.
La gestion des achats nous apparaît comme un
domaine d’étude approprié pour saisir l’ap-
port des technologies de l’information sur la
variété des structures pouvant s’offrir à la ges-
tion de la chaîne logistique. D’abord, la ges-
tion des achats est une composante majeure
du succès de la chaîne logistique, mais surtout
la nature des structures organisationnelles y
est une thématique importante de recherche
depuis plus de 40 ans. De plus, les gestionnai-
res en chaîne logistique peuvent en tirer des
enseignements intéressants. Par exemple, les
enquêtes tendent à démontrer que la majorité
des organisations adoptent une structure
hybride de gestion des achats, conciliant ainsi
simultanément les avantages d’une structure
centralisée et ceux d’une structure décentra-
lisée. Cependant, une structure hybride n’est
pas clairement définie, puisqu’elle renvoie à
une multitude de possibilités, soit toutes les
combinaisons entre la centralisation et la
décentralisation.
À ce jour, plusieurs enquêtes intégrant les
technologies de l’information (TI) à la gestion
des achats ou de la logistique ont cherché à
mesurer l’impact de cette variable sur la
nature des relations avec les fournisseurs (par
exemple, voir l’étude de Boulay et de Faul-
trier, 2005). Cependant, comme le soulignent
Cuganesan et Lee (2006), l’influence des TI
sur la gestion des achats ne se limite pas aux
échanges inter-organisationnels, mais com-
prend aussi ceux ayant un caractère
intra-organisationnel. En fait, à l’exception de
l’étude de Johnson et Leenders (2004) qui
évoquait les technologies de l’information,
nous n’avons pas retrouvé d’analyse ciblant
spécifiquement l’apport des TI sur les structu-
res de gestion des achats. Bien que notre
recherche porte principalement sur la fonc-
tion de gestion des achats, nous sommes d’a-
vis que, pour les raisons mentionnées un peu
plus haut, les observations que nous mettrons
en valeur pourront être également utiles dans
la définition d’une structure organisationnelle
de gestion de la chaîne logistique.
Notre étude démarre par une recension des
écrits qui offre un portrait des courants de
recherche dans le domaine des structures de
gestion des achats et de la logistique, ainsi que
des impacts des TI sur les structures organisa-
tionnelles en général. Par la suite, en recou-
rant à une étude de cas portant sur la révision
des structures de gestion des achats d’une
grande société internationale du secteur des
services financiers, cet article permet d’analy-
ser le sens de la relation entre les TI et la struc-
ture organisationnelle. En adoptant les
paramètres d’analyse de Stanley (1993), soit
la centralisation, la formalisation et la spécia-
lisation, l’article étudie l’impact des TI sur ces
paramètres. Ces derniers permettent d’enri-
chir l’analyse ultérieure du cas qui verra aussi
à formuler des observations plus spécifiques à
la gestion de la chaîne logistique.
Recension des écrits
Pour beaucoup d’organisations, la gestion des
achats est la fonction autour de laquelle s’arti-
cule la gestion de la chaîne logistique (Ander-
sen et Rask, 2003 ; Chandra et Kumar, 2000 ;
Durand et de Faultrier, 2007 ; Fung, 1999).
Pour lui permettre de bien jouer ce rôle, la
fonction achats doit dépasser sa focalisation
historique sur la réduction des prix pour
rechercher des sources d’approvisionnement
répondant mieux aux besoins de l’organisa-
tion (Fung, 1999). Dans ce contexte, l’adop-
tion d’une perspective plus stratégique est
essentielle, tel que souligné tant récemment
(Durand et de Faultrier, 2007), que depuis
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plusieurs années (Spekman et al., 1994). Ce
passage vers une orientation plus stratégique,
qui prendrait en compte des enjeux de la
chaîne logistique, exige une adaptation des
structures du service des achats (Leenders et
al., 1994).
L’atteinte d’un niveau stratégique d’un ser-
vice des achats s’inscrit d’ailleurs dans une
démarche évolutive. Par exemple, Keough
(1993) identifie cinq niveaux de maturité d’un
service des achats. Le niveau inférieur se
caractérise par une intervention très opéra-
tionnelle des acheteurs où la structure est
décentralisée (ce que Keough nomme serve
the factory). Le second niveau voit la constitu-
tion d’un service des achats (lowest unit cost)
qui effectue des analyses de coûts. Le troi-
sième niveau est celui des achats coordonnés
où la centralisation des achats est plus
poussée. Le quatrième niveau se caractérise
par une structure transfonctionnelle
(cross-functional purchasing) où il y a des tra-
vaux faits en équipes pour solutionner des
problèmes liés aux achats. Enfin, le dernier
niveau est celui d’une structure de classe
mondiale (world-class supply management).
Un tel modèle aide les organisations à se posi-
tionner, mais également à déterminer la direc-
tion à prendre pour apporter les changements
stratégiques requis (Dubois et Wynstra,
2005). Cette évolution de la stratégie impli-
quera inévitablement une transformation de la
structure organisationnelle.
Le concept de structure organisationnelle est
un thème de recherche majeur dans le
domaine de la gestion des achats. Dès 1968,
Fearon étudiait les structures de cette fonction
en retraçant des citations remontant au début
du 20esiècle. Depuis, il y a eu une première
vague de travaux qui ont décrit des structures
de gestion des achats par l’ampleur des res-
ponsabilités de cette fonction, le niveau hié-
rarchique ou le service auquel est rattaché la
fonction achats (Cavinato, 1992 ; Farmer,
1981 ; Zemansky, 1970; Zenz, 1981).
Naturellement, des enquêtes empiriques ont
émergé à la suite de ces premiers travaux.
Depuis la fin des années 1980, aux États-Unis,
le Center for Advanced Purchasing Studies
(CAPS) mène périodiquement des sondages
sur la nature des structures de gestion des
achats (Fearon, 1988 ; Johnson et al., 1998,
2006). Cependant, une attention particulière
est accordée à la dimension de centralisa-
tion/décentralisation. Cette dimension réfère
à la concentration ou à la dispersion du pro-
cessus décisionnel (Dewett et Jones, 2001;
Kim, 2007). Pour Kim (2007), la centralisa-
tion impliquerait que les décisions seraient
prises par un cadre supérieur qui se trouve
près de la haute direction (Kim, 2007). Kirk-
wood et al. (2005) identifient trois niveaux de
décision : 1) la définition des politiques, des
orientations et des objectifs stratégiques, 2) la
configuration des processus et le choix des
moyens et 3) l’exécution au quotidien. Les
deux premiers niveaux ont un caractère straté-
gique par l’impact à long terme qu’ils auront
sur l’organisation, alors que le dernier niveau
renvoie à des décisions opérationnelles.
Le fait que la fonction de gestion des achats
soit à l’interface entre les besoins des requé-
rants internes et l’offre des marchés fournis-
seurs externes (Fung, 1999) explique que les
chercheurs étudient fréquemment la dimen-
sion de centralisation. En effet, c’est dans ce
contexte que le concept de centralisa-
tion/décentralisation prend toute son impor-
tance : la centralisation afin d’établir un
rapport de force favorable avec les fournis-
seurs potentiels (Carter et Carter, 2007;
Dubois et Wynstra, 2005) et la décentralisa-
tion afin de bien saisir les besoins des requé-
rants (Fearon, 1988). Carter et Carter (2007)
ajoutent qu’une fois les bénéfices de la centra-
lisation obtenus, l’organisation peut souhaiter
une décentralisation pour que les achats soient
effectués au niveau des unités administratives
afin de gagner en réactivité. Justement, Krish-
namurthy et Yauch (2007) indiquent que la
décentralisation serait une option à privilégier
pour une organisation qui souhaite mettre en
œuvre un système lean, la décentralisation
offrant plus de souplesse. Dubois et Wynstra
(2005) vont dans le même sens lorsqu’ils
affirment que la décentralisation est une
réponse au contexte d’affaires turbulent et
incertain. Cependant, en retenant cette for-
mule, il y a alors un danger de perdre les béné-
fices de la standardisation (Carter et Carter,
2007). La perception qu’ont les dirigeants de
l’organisation quant aux avantages et incon-
vénients de l’une et l’autre des deux grandes
options peut expliquer le mouvement de
balancier entre une structure centralisée et
décentralisée (Tchokogué et Nollet, 1998).
En matière de gestion des achats, tant les pre-
mières enquêtes de Fearon (1988) que les plus
récentes de Johnson et al. (2006) démontrent
qu’une majorité d’organisations tendent à
retenir une structure hybride. Naturellement,
les organisations ne sont pas statiques. Des
chercheurs ont souhaité comprendre les fac-
teurs expliquant le passage d’une forme cen-
tralisée/décentralisée à une autre forme (voir
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par exemple Johnson et Leenders, 2004 ;
Tchokogué et Nollet, 1998). Cependant, dans
ces analyses, l’apport des technologies de
l’information (TI) est à peine évoqué. Baglieri
et al. (2007), Banerjee et Sriram (1995), ainsi
que Boulay et de Faultrier (2005) traitent de
l’impact des TI, mais principalement en fonc-
tion des rapports qui s’établissent avec les
acteurs externes de la chaîne logistique. Ces
études s’intéressent surtout aux changements
pouvant survenir dans la relation entre un
acheteur et ses fournisseurs à la suite de l’im-
plantation des TI, mais sans observer les
transformations à l’interne. Garrido Sama-
niego et al. (2006) identifient pour leur part
les facteurs expliquant le déploiement de cer-
taines technologies facilitant les processus
d’achat et, encore une fois, l’impact des struc-
tures internes n’est pas pris en compte. Ces
observations nous ramènent aux propos de
Cuganesan et Lee (2006) qui constataient le
peu d’analyses traitant des impacts des TI sur
les réseaux internes de l’organisation des
achats.
Ce constat pour le domaine des achats peut
sembler étonnant, puisque l’impact des TI sur
les structures organisationnelles a fait l’objet
de multiples travaux (Heintze et Bretschnei-
der, 2000). D’ailleurs, Lau et al. (2001) indi-
quent que les structures organisationnelles se
développent pour générer et traiter de l’infor-
mation. Par leur capacité de traitement, les TI
améliorent la coordination et la communica-
tion à l’intérieur de la firme (Hitt et Brynjolf-
sson, 1997), ouvrant la porte à de nouvelles
structures organisationnelles qui auraient été
inimaginables auparavant sans ces technolo-
gies. Il y a déjà plusieurs années, Foster et
Flynn (1984) évoquaient la même idée. Natu-
rellement, la dimension de centralisation a fait
l’objet d’analyses nombreuses. Cependant,
ces études ne dégagent pas de véritable
consensus à savoir si les TI favorisent la
concentration ou la dispersion du processus
décisionnel (Dewett et Jones, 2001 ; Wang,
2001). Les propos de Nault (1998) offrent
cette explication : la centralisation et la décen-
tralisation poursuivraient des objectifs dis-
tincts, la centralisation favorisant le respect et
la continuité des règles organisationnelles,
alors que la décentralisation encouragerait les
innovations, ou comme nous le disions plus
tôt une plus grande souplesse de réaction face
aux mutations de l’environnement d’affaires.
Toutefois, Bloomfield et Coombs (1992) ainsi
que Wang (2001) nuancent le fait que la cen-
tralisation viserait à contrer la possibilité de
dispersion du processus de décision. Ces
chercheurs soulignent que les décisions (stra-
tégiques et opérationnelles) exercées par des
gestionnaires et le contrôle de ces mêmes
décisions constituent deux considérations dis-
tinctes. Justement, Lau et al. (2001) estiment
que les TI peuvent favoriser une décentralisa-
tion des décisions, mais parallèlement mener
à une centralisation du contrôle.
Par ailleurs, Dalton et al. (1980) ajoutent deux
autres dimensions à la configuration d’une
structure organisationnelle : la spécialisation
et la formalisation. La spécialisation réfère au
nombre de différentes spécialités ou des types
d’emplois dans une organisation. La formali-
sation est le développement de routines afin
de répondre à des problèmes récurrents; elle
permet de formuler explicitement les rôles et
leurs relations. Elle normalise également les
tâches, les politiques et les procédures et cela,
indépendamment des individus.
Ces deux dernières dimensions peuvent, elles
aussi, être remodelées par les TI. Justement,
Dewett et Jones (2001) constatent que la spé-
cialisation peut mener à une multiplication
des sous-unités administratives qui répon-
dront à des problèmes très pointus, mais avec
le danger de perdre de vue la performance glo-
bale du système. Les TI peuvent atténuer cet
effet d’isolement administratif, en rendant
plus aisément accessibles aux différents spé-
cialistes des informations qui leur permettent
de situer leurs actions dans le contexte général
de leur organisation. Les spécialistes peuvent
ainsi avoir une rétroaction plus rapide sur les
impacts de leurs décisions sur les autres com-
posantes de l’organisation. Dewett et Jones
(2001) avaient aussi précisé que les TI favori-
saient la formalisation en enregistrant des
données sur les événements se déroulant dans
les organisations, facilitant ainsi le contrôle
des comportements. À l’inverse, Lau et al.
(2001) croient que les TI réduisent la formali-
sation en laissant plus de liberté aux individus,
ce qui aide à briser les anciennes règles orga-
nisationnelles et à créer de nouveaux environ-
nements de travail.
De la recension des écrits, nous dégageons
quelques constats utiles pour cette recherche.
Les études dans le domaine des structures
organisationnelles encadrant la gestion des
achats sont abondantes. Ces études accordent
une grande attention à la dimension de centra-
lisation/décentralisation. Entre ces deux
options, la réalité s’avère souvent différente,
puisque de nombreuses organisations adop-
tent des structures hybrides. L’apport des
technologies de l’information pourrait expli-
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quer l’engouement pour des structures plus
complexes et plus novatrices, mais cette
avenue n’a pas fait l’objet de recherche spéci-
fique dans le domaine de la gestion des achats.
Enfin, l’étude des structures devrait s’attarder
à d’autres dimensions (spécialisation et for-
malisation) (Stanley, 1993 ; Kim, 2007) afin
de mieux tenir compte de la complexitédu ter-
rain.
Dans ce contexte, cet article poursuit deux
objectifs qui prennent la forme de deux ques-
tions pour cette recherche exploratoire :
1. Quel est le sens de la relation entre la
configuration de la structure organisation-
nelle et les choix de technologies de
l’information ? Autrement dit, les techno-
logies utilisées par une organisation ou-
vrent-elles de nouvelles possibilités quant
aux structures organisationnelles ou, à
l’inverse, les choix de structure se reflè-
tent-ils dans les choix de TI ?
2. Comment les technologies de l’informa-
tion modifient-elles les trois paramètres
(centralisation, formalisation et spéciali-
sation) des structures en gestion des
achats ?
Méthodologie
Compte tenu de l’état des connaissances sur
ce sujet et des deux questions de recherche,
une étude de cas exploratoire est une métho-
dologie appropriée (McCutcheon et Mere-
dith, 1993 ; Voss et al., 2002). Aussi, un seul
cas est alors suffisant, compte tenu du carac-
tère de la recherche (Yin, 1994). À cet effet,
nous adoptons la même stratégie de collecte
de données que celle retenue par Krishnamur-
thy et Yauch (2007) qui analysent, entre
autres, la structure organisationnelle d’une
entreprise qui déploie une chaîne logistique
agile. Précisons que la sélection du site ana-
lysé relève d’une approche opportuniste,
puisqu’en étudiant une entreprise, nous avons
constaté la présence du phénomène, soit l’in-
teraction étroite et en plusieurs vagues d’une
structure complexe de gestion des achats et de
TI, le tout révélant un potentiel de recherche
intéressant. L’étude de cas offre justement
cette flexibilité permettant de capturer des
phénomènes contemporains (Seuring, 2008).
Bien que la tendance récente soit au recours à
des études de cas multiples, nous croyons
qu’un cas approfondi présente un intérêt évi-
dent dans une situation comme celle-ci. À cet
effet, nous reprenons les propos de Dubois et
Araujo (2007, p. 173) : “We regard strong
exemplars as both necessary for the
development of a discipline as well as provi-
ding templates against which different theore-
tical and methodological positions may
sharpen their differences.
La firme étudiée est une grande entreprise
internationale du secteur financier, œuvrant
dans plus d’une quinzaine de pays. Les infor-
mations présentées ici proviennent d’entre-
vues réalisées auprès de cadres de la gestion
des achats d’une filiale nord-américaine de
cette entreprise. Ces entrevues, totalisant plu-
sieurs heures, ont permis d’avoir une vue
d’ensemble de la démarche de réorganisation
des activités d’achat de cette filiale. Les entre-
vues ont été codées et analysées selon le sys-
tème de matrice suggéré par Huberman et
Miles (1991). Cette stratégie a été appliquée
avec succès dans les études de Nollet et Beau-
lieu (2003, 2005). Par ailleurs, les renseigne-
ments amassés lors des entretiens ont été
complétés par la consultation d’artefacts :
articles de presse, livres, documents internes,
etc. D’ailleurs, la diversité des sources et des
personnes interviewées enrichit la compré-
hension du phénomène et évite de réinterpré-
ter des événements à partir d’un seul point de
vue (Voss et al., 2002).
Précisons que nous avons préservé l’anony-
mat de l’entreprise afin de ne pas divulguer
des informations qu’elle pourrait juger sensi-
bles. Par conséquent, nous n’avons pas pré-
senté les dates exactes de tous les événements
afin de limiter la capacité du lecteur à retracer
l’entreprise étudiée. Par ailleurs, les délais
entre les événements sont relativement exacts.
Nous soutenons que ce choix n’entrave ni les
objectifs poursuivis par l’étude, ni la qualité
des analyses qui en découlent.
Étude de cas de la société XYZ
La présentation de cette étude de cas s’articule
autour de trois volets. D’abord, nous présen-
tons la gestion des achats à la fin des années
1990 dans la firme XYZ. Ensuite, nous décri-
vons ce que nous appelons « l’encadrement
global » de la gestion des achats, soit les inte-
ractions entre le groupe d’achat situé au siège
social et les services des achats dans les diffé-
rentes filiales. Par la suite, nous dépeignons
l’encadrement local, soit les relations entre le
service des achats dans une filiale et les rela-
tions avec les services requérants.
La situation initiale
Vers l’année 2000, la haute direction de l’en-
treprise XYZ avait réalisé que les possibilités
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