place des réponses immunes T anti-SIV [22, 23] et le niveau
de la déplétion des cellules T CD4+ du compartiment mu-
queux gastro-intestinal est inversement corrélé au nombre
de cellules T CD8+ spécifiques [7].
Au moment de la primo-infection, la réplication virale joue
donc un grand rôle dans la physiopathologie de la maladie
en entraînant directement ou indirectement une destruction
des cellules T CD4+. Son rôle reste persistant pendant la
phase chronique de l’infection. L’observation d’une ab-
sence de déplétion des cellules T CD4+ des muqueuses
digestives chez les patients asymptomatiques à long terme,
qui présentent la caractéristique de peu répliquer le virus du
fait probablement de la mise en place de fortes réponses T
anti-VIH, va dans ce sens. Cependant, alors que la réplica-
tion virale est importante et continue chez la plupart des
patients infectés par le virus, la maladie progresse dans la
majorité des cas lentement sur plusieurs années. À l’opposé
de ce qui se passe chez l’homme, les singes, hôtes naturels
de l’infection à SIV, ne progressent pas dans la maladie
malgré une réplication virale importante. Cela démontre
que d’autres facteurs sont nécessaires à la progression
pendant cette phase et que d’autres corrélats de progression
existent.
Mise en place et conséquences
de l’hyperactivation chronique
Parallèlement à la dissémination virale à l’ensemble de
l’organisme, apparaît une activation massive du comparti-
ment des cellules T facilement mise en évidence, entre
autres par analyse phénotypique des marqueurs d’activa-
tion membranaires ou dosage des cytokines pro-
inflammatoires ou chimiokines [24, 25]. Cette activation va
avoir pour conséquence de produire en permanence de
nouvelles cibles pour le virus et permettre sa réplication.
Plusieurs phénomènes participent à cette activation im-
mune chronique. Le virus lui-même va induire la mise en
place d’une puissante réponse immune T-spécifique néces-
sitant une activation de ces sous-populations cellulaires
[26, 27]. De plus, la déplétion massive du compartiment de
cellules T CD4+ mémoires va entraîner la mise en place de
mécanismes homéostasiques prolifératifs compensatoires
[28]. Enfin, la destruction massive du système immun mu-
queux laisse ce site sans défense et l’on peut émettre l’hy-
pothèse d’une dissémination rapide et massive de l’infec-
tion vers le compartiment systémique et une généralisation
systémique de l’activation cellulaire [29]. Une telle consé-
quence ne serait pas limitée au VIH mais pourrait égale-
ment concerner d’autres agents pathogènes microbiens.
L’ensemble de ces phénomènes pourrait participer à l’am-
plification et à l’entretien de l’hyperactivation périphérique
de l’ensemble du système immunitaire [30]. Ainsi, le lipo-
polysaccharide (LPS), utilisé comme mesure d’une activité
microbienne, augmente progressivement avec l’évolution
de la maladie liée au VIH et ce de façon parallèle à l’acti-
vation du système immunitaire tant inné qu’adaptatif. In-
versement, le LPS plasmatique diminue dès la mise sous
traitement antirétroviral efficace des patients. Cela suggère
que, lors de la primo-infection, la déplétion en cellules
T CD4+ est responsable, entre autres, d’une perturbation de
la qualité de la barrière muqueuse qui entraînerait une
dissémination périphérique de nombreux agents pathogè-
nes, ce qui pourrait entraîner une majoration considérable
de l’hyperactivation du système immunitaire de l’hôte,
créant ainsi une activation généralisée.
Les conséquences de cette hyperactivation sont à la fois
bénéfiques et néfastes. Elle permet, par compensation
homéostasique du nombre de cellules T CD4+ mémoires,
de restaurer au moins transitoirement un degré de compé-
tence immune pendant la phase d’évolution asymptomati-
que de l’infection.
Cependant, il ne faut pas oublier que l’hyperactivation des
cellules T reste le marqueur le plus fortement associé à la
progression dans la maladie [31]. Elle entretient, comme
nous l’avons dit ci-dessus, la réplication du virus. Elle
induit une conversion rapide des cellules T CD4+ naïves
vers les compartiments mémoires, aggravant la déplétion.
Enfin, elle atteint de façon sévère et peut-être irréversible
les structures anatomiques et le bon fonctionnement des
organes lymphoïdes primaires [32] ou secondaires (fibrose
et destruction de l’architecture ganglionnaire) [18, 33, 34].
Cet effet délétère de l’hyperactivation sur les structures
ganglionnaires a récemment été analysé de façon très
approfondie chez le singe et chez l’homme par l’équipe
d’A. Haase [33, 34]. L’hyperactivation immune et l’in-
flammation qui lui est associée entraînent rapidement des
dépôts de collagène au niveau des tissus lymphoïdes gan-
glionnaires et une fibrose progressive des zones ganglion-
naires T. Cette modification de l’architecture des tissus
lymphoïdes ne permet plus le maintien et le développement
des cellules T CD4+ naïves et participe à la déplétion
globale du compartiment des cellules CD4.
Le rôle de l’hyperactivation chronique dans la physiopatho-
logie de la maladie est clairement mis en évidence en
comparant le modèle pathogène des singes rhésus macaque
aux modèles de singes non pathogènes (singe vert, man-
drill, mangabey et chimpanzé). Consécutivement à l’inocu-
lation de leur souche SIV respective, tous les singes déve-
loppent une réplication virale identique importante et
persistante au cours du temps [35]. Cependant, la présence
de cette réplication virale importante ne conduit pas à la
même évolution clinique dans les deux modèles de singe,
démontrant qu’elle n’est pas suffisante à elle seule à induire
la déplétion en cellules T CD4+ et la maladie. En effet,
dans le modèle pathogène du macaque qui est celui le plus
proche de l’infection à VIH, la maladie évolue vers une
déplétion sévère et rapide en cellules T CD4+ et une
revue
Virologie, Vol. 11, n° 5, septembre-octobre 2007
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