revue Déplétion du compartiment muqueux de cellules T CD4+

revue
Déplétion du compartiment muqueux
de cellules T CD4+ mémoires
au cours de l’infection par le virus
de l’immunodéficience humaine (VIH) :
causes et conséquences
G. Carcelain
Laboratoire d’immunologie cellulaire et
tissulaire, Hôpital Pitié-Salpêtrière AP-HP,
Inserm UMR S 543,
Université Pierre-et-Marie-Curie Paris VI,
Paris
Résumé.La déplétion progressive en cellules T CD4+ sanguines, marqueur
pronostique essentiel de la maladie, constitue la principale manifestation immu-
nopathologique induite par l’infection à VIH. Cependant, une grande partie des
cellules T CD4+ est située dans les tissus muqueux de l’organisme, en particulier
au niveau de la muqueuse du tractus intestinal. Celle-ci, de par la présence en son
sein de cellules T CD4+ exprimant le chimiorécepteur CCR5, est le site privilé-
gié de l’infection par le VIH ou le SIV. De fait, on observe, en primo-infection à
SIV ou à VIH, une déplétion importante de cellules T CD4+ CCR5+ présentant
un phénotype mémoire CD45RO+ (CD45RA-) au niveau des muqueuses du
tractus gastro-intestinal. Cela implique que le nombre total de cellules T CD4+
de l’organisme est sévèrement réduit de façon précoce dès la primo-infection. La
réplication virale joue un grand rôle dans cette déplétion initiale en entraînant
directement ou indirectement une destruction des cellules T CD4+. Secondaire-
ment, d’autres mécanismes, comme l’hyperactivation et la défaillance des méca-
nismes compensatoires, participent à sa persistance et à son aggravation. À la
différence de ce qui est observé dans le sang, la reconstitution immune de ce
compartiment est sûrement variable selon les patients et est dépendante du
moment de l’induction du traitement.
Mots clés :déplétion en cellules T CD4+, muqueuse du tractus gastro-
intestinal, immunopathologie de l’infection à VIH
Abstract.The gradual depletion of peripheral blood CD4+ T cells, a major
prognostic marker of the disease, is the principal hallmark of HIV infection.
However, most CD4+ T cells reside within the gastrointestinal tract and other
lymphatic tissues rather than in peripheral blood. Compared with circulating
lymphocytes a greater percentage of these mucosal CD4+ T cells express the
CCR5 chemokine receptor and are preferential targets of viral replication. So, an
important depletion occurs preferentially within these cells during primary
infection by SIV or HIV. Consequently, the total-body CD4+ T cell number is
severely and rapidly depleted. This initial depletion is mainly a direct or indirect
consequence of CD4+ T cell infection. Secondarly several mechanisms such as
hyperactivation and alteration of lymphocyte homeostasis take part in its persis-
tence and aggravation. In contrast to blood, recovery of intestinal CD4+ T cell
numbers is highly variable among patients and is dependent of time of treatment
initiation.
Key words:CD4+ T cell depletion, gastrointestinal tract, HIV pathogenesis
Virologie 2007, 11 (5) : 381-8
doi: 10.1684/vir.2007.0117
Virologie, Vol. 11, n° 5, septembre-octobre 2007
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La déplétion progressive en cellules T CD4+, marqueur
pronostique essentiel de la maladie, constitue la principale
manifestation immunopathologique induite par l’infection
à VIH. Ce déficit apparaît, pour la majorité des patients,
classiquement en quatre phases [1] : une phase initiale au
moment de la primo-infection caractérisée par une chute
rapide, transitoire et relative du nombre des cellules
T CD4+ et un retour proche des taux normaux associé à une
évolution favorable ; une deuxième phase, d’une durée
variable (quelques mois à 10 ans) caractérisée par une
diminution lente mais persistante des taux de cellules CD4
sanguins en dessous des limites inférieures de la normale ;
enfin, les troisième et quatrième phases avec respective-
ment un brusque infléchissement de la pente de déplétion
puis un déclin rapide des taux de cellules T CD4+ jusqu’à
leur disparition complète associé à un déficit majeur et
définitif du système immunitaire.Ainsi, selon cette descrip-
tion, le déficit en cellules T CD4+ débuterait au début de la
maladie mais ne deviendrait majeur qu’en fin d’évolution,
soit des années après la primo-infection. Cette évolution a
été décrite d’après des mesures sanguines des taux de
cellules T CD4+ qui ne représentent que 2 % de l’ensemble
des lymphocytes de l’organisme, la plupart étant situés
dans les muqueuses. La description de la lymphopénie
T CD4+ a largement été complétée ces dernières années,
tout d’abord dans les modèles simiens puis chez l’homme.
Il est clair maintenant que le compartiment de cellules T
CD4+ total de l’organisme est considérablement détruit dès
le début de l’infection, bien avant la mise en place des
réponses immunitaires contre le virus (figure 1). Ces no-
tions imposent désormais une réinterprétation des mécanis-
mes physiopathologiques de cette maladie.
Une déplétion sévère et précoce
du compartiment des cellules T CD4+
La déplétion des cellules T CD4+ telle que l’on peut la
mesurer au niveau du sang est, comme nous l’avons vu
ci-dessus, un élément caractéristique de la maladie. Ce
paramètre est couramment utilisé en clinique, parallèle-
ment à la mesure de la charge virale, pour suivre l’évolution
naturelle ou sous traitement antirétroviral. Il reste le
meilleur outil du suivi de la progression clinique de l’infec-
tion et permet de décider du moment de commencer le
traitement et de confirmer l’efficacité thérapeutique en ter-
mes de reconstitution immune. Cependant, depuis plu-
sieurs années, il est clair que ce paramètre périphérique
n’est pas le reflet quantitatif direct de la déplétion des
cellules T CD4+ qui apparaît dès le début de l’infection par
le VIH. En effet, le compartiment sanguin ne contient que 2
à 5 % de l’ensemble des lymphocytes de l’organisme. La
plus grande partie des lymphocytes est située dans la mu-
queuse du tractus intestinal [2], les ganglions lymphatiques
ou d’autres tissus lymphatiques [3]. Pendant de longues
années les études analysant la déplétion des cellules
T CD4+ se sont focalisées sur les compartiments sanguins
et ganglionnaires car plus faciles d’accès, surtout en ce qui
concerne le sang. Mais le tractus intestinal contient la plus
grande part du tissu lymphoïde de l’organisme (gastro-
intestinal associated lymphoid tissues ou GALT). Le
GALT est composé de tissu lymphoïde organisé comme les
plaques de Peyer ou de follicules lymphoïdes isolés ainsi
que d’un nombre important de lymphocytes T mémoires
distribués à la fois dans la lamina propria et dans l’épithé-
AnnéesMois
CD4
1re phase
séroconversion
2e phase
asymptomatique
Virus
3e phase
progression
4e phase
sida
Cellules T CD4+ sanguines
Cellules T CD4+ totales
%
CD4+
Figure 1. Évolution de la déplétion en cellules T CD4+. Comparaison de la diminution des cellules T CD4+ sanguines à celle de l’ensemble
des cellules T CD4+ de l’organisme.
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lium intestinal (figure 2). La proportion de cellules mémoi-
res y est très largement majoritaire (> 95 %), à la différence
de leur répartition sanguine ou ganglionnaire (50-70 %)
[4]. Un nombre important de ces cellules T CD4+ présentes
dans le GALT expriment le chimiorécepteur CCR5, coré-
cepteur d’entrée du VIH, et ce tissu lymphoïde a de fait été
identifié comme le site majeur de réplication du virus et
comme un réservoir important du virus in vivo [5, 6]. Ainsi,
la muqueuse intestinale, par la présence en son sein de
cellules T CD4+ exprimant CCR5, est le site privilégié de
l’infection par le VIH ou le SIV [7, 8].
Ce compartiment est cependant difficile d’accès chez
l’homme ; les prélèvements sont de faible quantité et fragi-
les, nécessitant une bonne expertise technique. Ces difficul-
tés peuvent sûrement expliquer certains résultats divergents
de la littérature. La première étude qui a permis une telle
analyse a été réalisée dans le modèle macaque infecté par
SIV [7]. Une infection par une souche pathogène du SIV
(SIVmac239 ou SIVmac239/316) induit de façon constante
une déplétion rapide (dès le 7
e
jour, bien avant que des
modifications apparaissent dans les tissus lymphoïdes péri-
phériques) et profonde (8 à 15 % des lymphocytesT CD4+)
des lymphocytes T CD4+ de la lamina propria du tractus
intestinal (jéjunum, iléum et côlon). Cette déplétion est
accompagnée d’une augmentation du nombre de cellules
T CD8+. Elle contraste fortement avec les modifications
transitoires ou minimes observées dans le sang, la rate ou
les ganglions des mêmes animaux. De plus, elle n’est pas
réversible mais persiste tout au long de l’évolution de la
maladie. Elle est présente quelle que soit la souche virale
pathogène inoculée bien que son ampleur soit corrélée à la
virulence virale. Enfin, il est clair que le GALT est égale-
ment le lieu d’une réplication virale importante et que le
nombre de cellules infectées y est plus important que dans
les tissus lymphoïdes périphériques [7]. Initialement, ces
cellules infectées sont à la fois des cellules isolées de la
lamina propria et des cellules présentes dans les comparti-
ments organisés que sont les plaques de Peyer ou les nodu-
les folliculaires. Au cours du temps, elles ne sont plus
retrouvées que dans les follicules lymphoïdes organisés.
La déplétion au niveau de cette muqueuse digestive
concerne de façon très prédominante des cellules
T CD4+ CCR5+ présentant un phénotype mémoire
CD45RO+ (CD45RA-) [9, 10]. Cela peut être expliqué par
le fait que le virus se réplique essentiellement dans cette
sous-population cellulaire [11]. Cette population de cellu-
les T CD4+ mémoires est présente en bien plus grand
nombre dans le GALT des animaux que dans le sang, la
rate, les ganglions lymphatiques ou autres tissus lymphoï-
des [6]. Il semblerait cependant que des cellules T CD4+
phénotypiquement décrites comme CCR5- soient égale-
ment infectées par le VIH [12] et exprimeraient suffisam-
ment de CCR5 en surface pour être susceptibles à l’infec-
tion.
Depuis, de nombreuses études ont confirmé cette observa-
tion rapportant toutes une déplétion majeure et rapide des
cellules T CD4+ mémoires présentes au niveau de la lamina
propria mais aussi de la muqueuse vaginale [13, 14]. Il est
clair également que ce phénomène est indépendant de la
voie d’inoculation virale [7, 15, 16].
Des études plus récentes ont permis de montrer que cette
déplétion massive des cellules T CD4+ des muqueuses
digestives n’était pas caractéristique du modèle macaque
Épithélium
intestinal LIE
LLP
Vaisseaux lymphatiques
Lamina propria Villosités
intestinales
Lumière intestinale
PP
Aires T
LT
Nodules
folliculaires
LB
Ganglions
mésentériques
Figure 2. Organisation schématique du tissu lymphoïde associé au tube digestif. La paroi du tube digestif contient une population de
cellules immunitaires comprenant des lymphocytes et des plasmocytes répartis dans : 1) l’épithélium intestinal : lymphocytes intraépi-
théliaux (LIE), 2) le tissu conjonctif du chorion de la muqueuse et de la sous-muqueuse (lamina propria) : lymphocytes dispersés de la
lamina propria (LLP) ou lymphocytes regroupés dans des structures en dômes au niveau de l’iléon nommées plaques de Peyer (PP)
(lymphocytes B dans les nodules folliculaires et lymphocytes T dans les aires T diffuses).
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SIV mais était également observée (bien qu’à un degré
moindre) chez les patients infectés par leVIH. Comme dans
le modèle pathogène SIV, lors de la primo-infection par le
VIH, les compartiments muqueux sont la cible (importante
quantitativement et préférentielle) d’une déplétion en cel-
lules T CD4+, bien supérieure à celle observée au niveau
sanguin. Cette déplétion est visualisée dans les muqueuses
digestives bien avant la déplétion sanguine. Elle peut être
observée dans les4à6semaines après l’infection. La perte
prédomine, comme dans le modèle singe, au niveau du
GALT [17, 18] et c’est uniquement dans ce tissu lymphoïde
qu’elle est pratiquement totale (comparativement aux tissus
lymphoïdes ganglionnaires ou sanguins). Elle prédomine à
ce niveau tout au long de l’évolution naturelle de l’infection
et concerne principalement les cellules CD4+ CCR5+ [18].
De façon intéressante, chez les patients non progresseurs à
long terme, aucune déplétion au niveau du compartiment
muqueux n’a été rapportée [19].
Au total, le tissu lymphoïde intestinal est un organe crucial
en ce qui concerne les événements initiaux participant à la
pathogénicité de l’infection par le SIV. La déplétion impor-
tante du nombre de cellules T CD4+ CCR5+ observée au
niveau du tractus gastro-intestinal implique que le nombre
total de cellules T CD4+ de l’organisme est sévèrement
réduit de façon très précoce après l’infection. Ces cellules
sont une arme considérable dans la défense de l’organisme
contre les infections et cette atteinte initiale est d’une im-
portance capitale dans l’évolution clinique de la maladie.
Une telle perte impose secondairement la mise en place de
moyens homéostasiques de compensation de cette réduc-
tion du compartiment de ces cellules T CD4+ mémoires.
S’ils ne peuvent être mis en place, l’équilibre entre l’agent
pathogène et l’hôte est gravement perturbé au détriment de
ce dernier.
Mécanismes de la déplétion muqueuse
en cellules T CD4+ en primo-infection
et en phase chronique
Beaucoup de mécanismes participent probablement à cette
déplétion en cellules T CD4+ et à son entretien, que ce soit
directement ou indirectement (figure 3).
Infection et destruction des cellules par le virus
Au moment du pic de réplication majeur qui apparaît en
primo-infection, 30 à 60 % des cellules T CD4+ mémoires
présentes dans les tissus sont infectées dans les 10 jours
suivant l’infection virale [12]. La plupart d’entre elles, soit
environ la moitié des cellules T CD4+ mémoires des maca-
ques, vont disparaître dans la semaine suivant leur infection
et ce de la même façon, quel que soit le tissu analysé [12].
Consécutivement à cette déplétion, la charge virale dimi-
nue. Localement, les pics de production virale coïncident
avec une augmentation du nombre des cellules T CD4+
infectées [20]. Le nombre de cellules infectées est suffisant
pour expliquer les pertes observées en primo-infection
[21]. Cependant, la possibilité d’une destruction de cellules
T CD4+ par apoptose de cellules infectées ou non infectées
reste possible [26], ainsi que leur destruction consécutive à
la mise en place des réponses immunes T CD8+ cytotoxi-
ques anti-VIH. En effet, le GALT participe à la mise en
CD4
T CD4 naïves
Régénération
thymus
(central)
Activation, prolifération
(périphérie)
TMC
TME
AnnéesMois
Figure 3. Homéostasie des cellules T CD4+ lors de l’infection liée au VIH. L’infection par le VIH induit rapidement une déplétion du
compartiment de cellules T CD4+ muqueuses mémoires effectrices (TME) activées. Secondairement, d’autres phénomènes concourent
à l’amplification et à l’entretien de cette déplétion : 1) un dysfonctionnement thymique empêche la production de nouvelles cellules naïves ;
2) l’hyperactivation induit une différenciation de cellules T CD4+ naïves ou de cellules T CD4+ mémoires centrales (TMC) en cellules
T CD4+ mémoires effectrices.
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place des réponses immunes T anti-SIV [22, 23] et le niveau
de la déplétion des cellules T CD4+ du compartiment mu-
queux gastro-intestinal est inversement corrélé au nombre
de cellules T CD8+ spécifiques [7].
Au moment de la primo-infection, la réplication virale joue
donc un grand rôle dans la physiopathologie de la maladie
en entraînant directement ou indirectement une destruction
des cellules T CD4+. Son rôle reste persistant pendant la
phase chronique de l’infection. L’observation d’une ab-
sence de déplétion des cellules T CD4+ des muqueuses
digestives chez les patients asymptomatiques à long terme,
qui présentent la caractéristique de peu répliquer le virus du
fait probablement de la mise en place de fortes réponses T
anti-VIH, va dans ce sens. Cependant, alors que la réplica-
tion virale est importante et continue chez la plupart des
patients infectés par le virus, la maladie progresse dans la
majorité des cas lentement sur plusieurs années. À l’opposé
de ce qui se passe chez l’homme, les singes, hôtes naturels
de l’infection à SIV, ne progressent pas dans la maladie
malgré une réplication virale importante. Cela démontre
que d’autres facteurs sont nécessaires à la progression
pendant cette phase et que d’autres corrélats de progression
existent.
Mise en place et conséquences
de l’hyperactivation chronique
Parallèlement à la dissémination virale à l’ensemble de
l’organisme, apparaît une activation massive du comparti-
ment des cellules T facilement mise en évidence, entre
autres par analyse phénotypique des marqueurs d’activa-
tion membranaires ou dosage des cytokines pro-
inflammatoires ou chimiokines [24, 25]. Cette activation va
avoir pour conséquence de produire en permanence de
nouvelles cibles pour le virus et permettre sa réplication.
Plusieurs phénomènes participent à cette activation im-
mune chronique. Le virus lui-même va induire la mise en
place d’une puissante réponse immune T-spécifique néces-
sitant une activation de ces sous-populations cellulaires
[26, 27]. De plus, la déplétion massive du compartiment de
cellules T CD4+ mémoires va entraîner la mise en place de
mécanismes homéostasiques prolifératifs compensatoires
[28]. Enfin, la destruction massive du système immun mu-
queux laisse ce site sans défense et l’on peut émettre l’hy-
pothèse d’une dissémination rapide et massive de l’infec-
tion vers le compartiment systémique et une généralisation
systémique de l’activation cellulaire [29]. Une telle consé-
quence ne serait pas limitée au VIH mais pourrait égale-
ment concerner d’autres agents pathogènes microbiens.
L’ensemble de ces phénomènes pourrait participer à l’am-
plification et à l’entretien de l’hyperactivation périphérique
de l’ensemble du système immunitaire [30]. Ainsi, le lipo-
polysaccharide (LPS), utilisé comme mesure d’une activité
microbienne, augmente progressivement avec l’évolution
de la maladie liée au VIH et ce de façon parallèle à l’acti-
vation du système immunitaire tant inné qu’adaptatif. In-
versement, le LPS plasmatique diminue dès la mise sous
traitement antirétroviral efficace des patients. Cela suggère
que, lors de la primo-infection, la déplétion en cellules
T CD4+ est responsable, entre autres, d’une perturbation de
la qualité de la barrière muqueuse qui entraînerait une
dissémination périphérique de nombreux agents pathogè-
nes, ce qui pourrait entraîner une majoration considérable
de l’hyperactivation du système immunitaire de l’hôte,
créant ainsi une activation généralisée.
Les conséquences de cette hyperactivation sont à la fois
bénéfiques et néfastes. Elle permet, par compensation
homéostasique du nombre de cellules T CD4+ mémoires,
de restaurer au moins transitoirement un degré de compé-
tence immune pendant la phase d’évolution asymptomati-
que de l’infection.
Cependant, il ne faut pas oublier que l’hyperactivation des
cellules T reste le marqueur le plus fortement associé à la
progression dans la maladie [31]. Elle entretient, comme
nous l’avons dit ci-dessus, la réplication du virus. Elle
induit une conversion rapide des cellules T CD4+ naïves
vers les compartiments mémoires, aggravant la déplétion.
Enfin, elle atteint de façon sévère et peut-être irréversible
les structures anatomiques et le bon fonctionnement des
organes lymphoïdes primaires [32] ou secondaires (fibrose
et destruction de l’architecture ganglionnaire) [18, 33, 34].
Cet effet délétère de l’hyperactivation sur les structures
ganglionnaires a récemment été analysé de façon très
approfondie chez le singe et chez l’homme par l’équipe
d’A. Haase [33, 34]. L’hyperactivation immune et l’in-
flammation qui lui est associée entraînent rapidement des
dépôts de collagène au niveau des tissus lymphoïdes gan-
glionnaires et une fibrose progressive des zones ganglion-
naires T. Cette modification de l’architecture des tissus
lymphoïdes ne permet plus le maintien et le développement
des cellules T CD4+ naïves et participe à la déplétion
globale du compartiment des cellules CD4.
Le rôle de l’hyperactivation chronique dans la physiopatho-
logie de la maladie est clairement mis en évidence en
comparant le modèle pathogène des singes rhésus macaque
aux modèles de singes non pathogènes (singe vert, man-
drill, mangabey et chimpanzé). Consécutivement à l’inocu-
lation de leur souche SIV respective, tous les singes déve-
loppent une réplication virale identique importante et
persistante au cours du temps [35]. Cependant, la présence
de cette réplication virale importante ne conduit pas à la
même évolution clinique dans les deux modèles de singe,
démontrant qu’elle n’est pas suffisante à elle seule à induire
la déplétion en cellules T CD4+ et la maladie. En effet,
dans le modèle pathogène du macaque qui est celui le plus
proche de l’infection à VIH, la maladie évolue vers une
déplétion sévère et rapide en cellules T CD4+ et une
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