ST. MICHAEL’S HOSPITAL Cardiologie UNIVERSITY OF TORONTO RAPPORT DE LA DIVISION DE CARDIOLOGIE S T. M I C H A E L ’ S H O S P I T A L , U N I V E R S I T É D E T O R O N T O Actualités scientifiques MC XVIII E CONGRÈS DE LA SOCIÉTÉ EUROPÉENNE DE CARDIOLOGIE, DU 25 AU 29 AOÛT 1996, BIRMINGHAM, ROYAUME-UNI L’amiodarone : de nouvelles indications prophylactiques pour un ancien médicament ? Présenté par: D.G. JULIAN, M.D. ; J.A. CAIRNS, M.D. ; E. ALIOT, M.D. ; S. HOHNLOSER, M.D. Rédigé et commenté par : P a u l D o r i a n , M . D . Introduction : Y a-t-il vraiment du neuf dans le traitement des arythmies? l’efficacité et de l’innocuité de l’amiodarone dans le traitement des arythmies cardiaques. Le traitement des arythmies représente toujours un défi thérapeutique. Malgré des décennies de recherche en prophylaxie primaire et secondaire des arythmies auriculaire et ventriculaire ainsi que de la mort subite, la croyance selon laquelle la plupart et même tous les antiarythmiques sont inefficaces, extrêmement toxiques ou même les deux, persiste toujours. En dépit de cette croyance, plusieurs cliniciens considèrent que de tous les antiarythmiques, l’amiodarone pourrait être l’exception à la règle. Ces contradictions ont suscité un regain d’intérêt pour l’évaluation de l’amiodarone. Le présent numéro des Actualités scientifiques en fait état. Au 18e congrès de la Société européenne de cardiologie, cinq éminents cardiologues ont participé à un symposium sur la place actuelle de l’amiodarone dans le traitement des arythmies ventriculaires et supraventriculaires. Le co-président, le D r Philippe Coumel, a souligné que bien que l’amiodarone ait fait son apparition sur le marché depuis déjà près de 40 ans et que ses propriétés antiarythmiques aient été découvertes il y a plus de 25 ans, elle demeure un médicament complexe. De nouvelles données sur son efficacité et sur son innocuité surgissent encore à l’heure actuelle. Cinq intervenants se sont ensuite entretenus de nouveaux et importants développements, notamment de résultats provenant d’essais cliniques randomisés récents qui portaient sur l’examen de Essais sur l’administration de l’amiodarone à la suite d’un IM aigu Le Dr Desmond G. Julian, de Londres au Royaume-Uni, a traité des résultats du European Myocardial Infarction Amiodarone Trial (EMIAT). Cet essai multicentrique et randomisé comparait l’amiodarone à un placebo chez 1 486 patients qui avaient subi un infarctus du myocarde récent et qui présentaient une dysfonction du ventricule gauche avec une fraction d’éjection inférieure à 40 %. Les patients ont reçu 800 mg d’amiodarone durant 2 semaines, 400 mg par jour durant 3 mois et demi et par la suite, 200 mg par jour. Le paramètre principal de l’étude était la mortalité toutes causes incluses qui était pour ainsi dire égal dans les groupes amiodarone et placebo, soit une mortalité cardiaque de 13 % dans les deux cas. Toutefois, la mort par arythmie, évaluée par l’analyse d’un projet thérapeutique, a été réduite de 50 à 33 morts grâce à l’amiodarone et la somme des décès par arythmies et des réanimations par défibrillation ventriculaire a été ramenée de 61 à 42 événements, ces deux résultats s’étant révélés statistiquement significatifs (p < 0,05). Après analyse des données recueillies auprès des patients recevant actuellement un traitement, il s’est révélé que le nombre de morts subites a été réduit d’environ 50 %, s’élevant à 45 dans le groupe placebo et à 23 dans le groupe amiodarone. La raison apparente de l’absence de réduction de la morta- Division de cardiologie Luigi Casella, M.D. Robert J. Chisholm, M.D. Paul Dorian, M.D. Michael R. Freeman, M.D. Shaun Goodman, M.D. Robert J. Howard, M.D. Anatoly Langer, M.D. (rédacteur) Gordon W. Moe, M.D. Juan Carlos Monge, M.D. David Newman, M.D. Trevor I. Robinson, M.D. Duncan J. Stewart, M.D. (chef) Bradley H. Strauss, M.D. Kenneth R. Watson, M.D. St. Michael’s Hospital 30 Bond St., suite 701A Toronto, Ontario M5B 1W8 Télécopieur : (416) 864-5330 Les opinions exprimées sont exclusivement celles des membres de la division. Publié grâce à des subventions sans restrictions. lité totale et de la mortalité cardiaque, comparativement à la mortalité cardiaque subite, était le plus grand nombre de décès par récidive d’infarctus observé dans le groupe amiodarone, soit 10 morts contre 3 pour le groupe placebo. Trente-huit pour cent des patients traités à l’amiodarone ont dû interrompre le traitement à cause d’effets indésirables et d’autres motifs, comparativement à 21 % pour ceux recevant le placebo. Le taux de toxicité à l’amiodarone, jugé grave ou menaçant pour la vie du patient, était faible, avec un total de 3 morts par fibrose pulmonaire dues à l’amiodarone contre une seule de même cause pour le groupe placebo. D’intéressantes analyses de sous-groupes de patients surveillés par Holter, ont révélé un taux de mortalité de 20 % pour ceux ayant plus de 10 extrasystoles ventriculaires par heure, contre 10 % pour ceux en ayant moins de 10 par heure, confirmant encore une fois que les extrasystoles ventriculaires accroissent le risque de mort subite et de mort cardiaque. Les bêta-bloquants, administrés avec l’amiodarone, semblent avoir eu un effet très bénéfique; le rapport des risques de mortalité entre l’association amiodarone et bêtabloquants et le duo placebo et bêta-bloquants était de 0,5. En l’absence de bêta-bloquants, le taux de mortalité était semblable pour les groupes amiodarone et placebo. Même s’il s’agit d’une évaluation a posteriori, ce résultat suggère que, globalement, les patients bénéficient non seulement d’un traitement aux bêtabloquants, mais retirent également un avantage supplémentaire de l’amiodarone. Le Dr Julian a conclu que l’administration de l’amiodarone, comme on s’y attendait, a entraîné une réduction de 35 % de la mortalité cardiaque subite; cependant, et cela n’était pas prévu, ce résultat ne s’est pas traduit en une réduction de la mortalité cardiaque ou totale. Il a fourni quelques explications possibles : l’hétérogénéité individuelle dans les groupes de l’amiodarone et du placebo, un nombre de décès supérieur à celui prévu pour d’autres causes de décès influencées par l’amiodarone, le hasard, et un effet indésirable possible, bien que peu probable, de l’amiodarone sur la mortalité autre que par arythmie. On notera que jusqu’à présent, le taux de mortalité autre que par arythmie n’était pas supérieur dans les études à grande échelle sur l’amiodarone, comme CAMIAT, CHF STAT et d’autres. Il a ajouté que les patients dont la fréquence cardiaque est plus élevée, et spécialement ceux dont la fréquence au repos dépasse 95 b.p.m., semblent le plus bénéficier du traitement à l’amiodarone. Il a conclu en affirmant que, selon les résultats de l’essai EMIAT, l’amiodarone ne peut être recommandée comme prophylaxie systématique pour les patients asymptomatiques dont les fractions d’éjection sont faibles à la suite d’un infarctus du myocarde, mais que si un traitement aux antiarythmiques est indiqué pour d’autres raisons, elle démontre une bonne innocuité et apparaît efficace pour réduire la mortalité par arythmie. Le D r John Cairns, actuellement doyen de la faculté de médecine de l’université de la Colombie-Britannique et membre du comité de direction du CAMIAT (Canadian Amiodarone Myocardial Infarction Arrhythmia Trial), a traité des résultats de cet essai randomisé comparant l’amiodarone à un placebo. Les patients du CAMIAT (n = 1202) présentaient tous plus de 10 extrasystoles ventriculaires par heure, à l’examen des résultats obtenus par Holter, entre 6 et 45 jours après un infarctus du myocarde. Ils ont été répartis au hasard entre deux groupes, l’un recevant un placebo et l’autre 10 mg d’amiodarone par jour par kg de poids corporel pour une durée de 2 semaines; par la suite, ils ont reçu une dose d’entretien de 400 mg par jour, réduite graduellement en se basant sur la disparition des extrasystoles ventriculaires constatées par Holter. À la fin de 4 mois d’essai, la dose moyenne était de 300 mg et à la fin de 12 mois d’essai, elle était de 200 mg par jour. Contrairement à l’EMIAT, la cible visée dans cet essai était la mort cardiaque subite ou la réanimation par défibrillation ventriculaire fondée sur une analyse d’efficacité du traitement (chez des patients qui recevaient de l’amiodarone ou avaient cessé le traitement depuis moins de 3 mois). Le taux de mort subite ou de réanimation par défibrillation ventriculaire était de 6 % pour le groupe placebo contre 3,3 % pour le groupe amiodarone après un traitement de 2 ans, soit une réduction du risque de 48,5 % (p = 0,016, valeur unilatérale). L’analyse du projet thérapeutique, plus conservatrice que la précédente, a révélé une réduction de 6,9 à 4,5 % pour l’amiodarone, soit une diminution du risque relative de 38 %. Le même type d’analyse démontrait que la réduction du risque relatif de mortalité totale était diminuée, mais non de façon significative, de 18,3 % (p = 0,129). Globalement, la mortalité était de 11,8 % après 2 ans chez les patients du groupe placebo, contre 9,9 % pour les patients qui recevaient de l’amiodarone. Dans cet essai, les morts non causées par arythmie étaient pour ainsi dire aussi fréquentes dans les 2 groupes. L’amiodarone, tel que prévu, était très efficace pour l’élimination des extrasystoles ventriculaires, avec une réduction presque totale des extrasystoles ventriculaires chez 84 % des patients après 4 mois. Le traitement a été interrompu après 2 ans chez 28 % des patients du groupe placebo contre 42 % pour le groupe amiodarone, soit une différence de 14 % en défaveur de l’amiodarone; cet écart est presque entièrement dû à un taux plus élevé d’effets indésirables nécessitant l’interruption du traitement (13 % pour le placebo contre 26 % pour l’amiodarone). Cependant, il s’est produit quelques effets indésirables menaçant la vie des patients, et le retrait provoqué par la toxicité pulmonaire était de 3,8 % pour l’amiodarone contre 1,2 % pour le placebo; il n’y a eu aucun décès par toxicité pulmonaire. La toxicité pour le SNC était de 3,1 % pour l’amiodarone contre 0,8 % pour le placebo, et la proarythmie était plus fréquente pour le placebo (3,0 % contre 0,3 % pour l’amiodarone). Même si l’hypothyroïdie biochimique asymptomatique était fréquente, la toxicité thyroïdienne symptomatique s’est par contre rarement présentée. Le Dr Cairns a conclu que l’amiodarone était efficace pour réduire la mortalité par arythmie ou les cas de réanimation par défibrillation ventriculaire à la suite d’un infarctus aigu du myocarde, chez des patients souffrant d’extrasystoles ventriculaires Cardiologie Actualités scientifiques fréquentes décelées tôt par Holter, et que des résultats favorables avaient été obtenus pour les autres objectifs de recherche. L’amiodarone élimine efficacement les extrasystoles ventriculaires, et possède une faible toxicité même si le taux d’abandon du traitement était élevé. La réduction du risque relatif était la même pour tous les sous-groupes étudiés, y compris chez les patients qui présentaient un ancien infarctus du myocarde, ceux qui avaient déjà souffert d’insuffisance cardiaque ou encore chez les patients d’âge avancé. Cela résulte en une plus grande réduction du risque absolu pour ces patients. Au cours d’une période de questions, il a suggéré que les patients souffrant d’extrasystoles ventriculaires fréquentes ainsi que d’une dysfonction du ventricule gauche, constitueraient le meilleur groupe cible pour un traitement à l’amiodarone à la suite d’un infarctus du myocarde. L’innocuité à long terme de l’amiodarone Le Dr Etienne Aliot de Nancy, en France, a examiné l’innocuité à long terme de l’amiodarone administrée après un infarctus du myocarde et dans l’insuffisance cardiaque. Il a passé en revue un certain nombre d’essais randomisés contrôlés en se penchant particulièrement sur l’innocuité de ce médicament, dont les essais EMIAT et CAMIAT, l’essai BASIS sur l’amiodarone, l’essai polonais sur l’amiodarone administré suite à un infarctus du myocarde, et l’essai espagnol sur la mort cardiaque subite, toutes des études sur l’administration du médicament suite à un infarctus. Il a également examiné les résultats d’études sur l’amiodarone administrée à des patients souffrant d’insuffisance cardiaque, dont les études CHF STAT et GESICA. Il a d’abord souligné qu’aucune de ces études n’a montré de tendance à un accroissement de la mortalité suite à l’administration de l’amiodarone, contrairement à ce qui est le cas avec les antiarythmiques de classe I. En fait, certaines de ces études, dont l’essai BASIS, l’essai polonnais et l’étude GESICA ont montré une réduction notable de la mortalité. Dans un examen rigoureux des données sur la toxicité de l’amiodarone, il a noté un taux modéré de retrait du médicament et de rares cas de toxicité grave dans toutes ces études. Plus particulièrement dans l’essai BASIS, 13 % des patients ont éprouvé des effets indésirables nécessitant l’interruption du traitement; il n’y a cependant eu aucun cas de toxicité pulmonaire ou irréversible. Dans l’essai polonais, 30 % des patients ayant pris de l’amiodarone ont éprouvé des effets indésirables et le traitement a été interrompu chez 18 % d’entre eux, comparativement à 10 % et 6 % respectivement chez les patients ayant reçu un placebo. Il n’y a eu qu’un cas de toxicité pulmonaire attribuable à l’amiodarone. Dans le cadre de l’essai espagnol, l’incidence des effets indésirables nécessitant le retrait du médicament était de 10 %. Les résultats de l’essai EMIAT révèlent un taux de toxicité pulmonaire de 17 % pour l’amiodarone, comparativement à 7 % pour le placebo, et 4 décès probablement attribuables à l’effet toxique pulmonaire de l’amiodarone, comparativement à un décès attribuable au placebo, ce qui représente un taux de surtoxicité potentiellement mortel de moins de 0,5 %. Comme mentionné ci- dessus, le taux de toxicité pulmonaire dans l’essai CAMIAT était plus faible, soit 3,8 % pour l’amiodarone contre 1,2 % pour le placebo. Dans l’étude GESICA, l’incidence des effets indésirables symptomatiques dus à l’amiodarone n’était que de 6,1 %, avec un taux d’interruption du traitement de 4,6 %. Dans l’étude CHF STAT, 4 cas de fibrose pulmonaire due à l’amiodarone ont été notés, comparativement à 3 pour le placebo. En outre, on a noté 6 cas où l’amiodarone a entraîné des effets indésirables pulmonaires, comparativement à 1 pour le placebo et l’on n’a signalé aucun décès. Le Dr Aliot a aussi remarqué, pour le groupe amiodarone, une tendance à la baisse de la mortalité ou de l’hospitalisation due à l’insuffisance cardiaque chez les patients souffrant de cardiomyopathie non ischémique, et un accroissement de 8 % de la fraction d’éjection à 6 mois, comparativement à un accroissement de 3 % pour le groupe placebo. Cependant, cette augmentation de la fraction d’éjection attribuable à l’amiodarone n’a pas entraîné d’amélioration notable selon l’échelle de la NYHA. Le Dr Aliot a conclu que l’administration de l’amiodarone est presque certainement sûre même chez les patients venant de subir un infarctus du myocarde ou souffrant d’insuffisance cardiaque. Il a aussi souligné qu’aucune étude n’a révélé de tendance à la hausse du taux de mortalité ou de proarythmie due à l’amiodarone. Les effets indésirables notés étaient plutôt légers dans la population étudiée hétérogène. De plus, bien que les troubles thyroïdiens asymptomatiques (biochimiques) étaient courants, il ne sont survenus que chez 2 à 4 % des patients. La toxicité pulmonaire semble être moins fréquente qu’on ne le croyait d’abord, avec un taux certes inférieur à 3 % et peut-être même notablement moindre. L’incidence du taux d’hépatotoxicité asymptomatique dans ces études était de 5 % ou moins. À une question de l’auditoire, le Dr Aliot a répondu que dans sa pratique il ne considère pas l’hypothyroïdisme comme une indication d’interruption du traitement, mais plutôt simplement comme une indication à prescrire des hormones thyroïdiennes. Le milieu clinique a-t-il un effet sur l’efficacité de l’amiodarone? Le D r Gunther Breithardt, de Munster en Allemagne, a résumé quelques uns des écarts déroutants tirés des résultats des études sur l’amiodarone administrée suite à un infarctus du myocarde et dans l’insuffisance cardiaque. Il a remarqué que certaines études démontraient un effet bénéfique supérieur dans l’insuffisance cardiaque que dans les maladies coronariennes, alors que c’était l’inverse pour d’autres. Certaines études ont montré un avantage accru chez les patients qui avaient une fonction ventriculaire gauche intacte, alors que d’autres études ont montré des effets semblables ou supérieurs chez les patients ayant une fonction ventriculaire gauche initiale réduite. Le Dr Breithardt a miticuleusement examiné toutes les études randomisées contrôlés sur l’amiodarone en prêtant attention à son effet sur la mortalité Cardiologie Actualités scientifiques globale et par arythmie dans divers sous-groupes de patients. Il a noté des divergences alarmantes relativement à ces sous-groupes, qui ne pouvaient s’expliquer facilement. Il a souligné que l’amiodarone a de nombreux effets électrophysiologiques, vasculaires et neuro-végétatifs et que d’une étude à l’autre la taille des échantillons, le plan de l’étude, les doses de médicament, le degré de dysfonction ventriculaire gauche, l’étiologie de la maladie chez les patients à l’étude, les taux d’effets indésirables et d’interruption du traitement variaient. Bien que les effets bénéfiques globaux de l’amiodarone dans la mort subite semblent bien fondés, il met en garde de ne pas surestimer les résultats des analyses des sousgroupes du fait de la taille de l’échantillon et à la lumière des divergences sur la portée des avantages de l’amiodarone dans les divers sous-groupes des différentes études. L’amiodarone dans la fibrillation auriculaire Le Dr Stephen Hohnloser de Frankfurt, en Allemagne, a parlé de l’usage de l’amiodarone dans le traitement de la fibrillation auriculaire. Il a souligné que, contrairement à ce qui est le cas avec l’arythmie ventriculaire, il n’y a eu aucune grande étude randomisée et contrôlée comparant l’amiodarone à un placebo dans le traitement de la fibrillation auriculaire ou sur la mortalité due à la fibrillation auriculaire. Il a signalé que les médicaments peuvent être utilisés dans la fibrillation auriculaire pour rétablir le rythme sinusal, maintenir le rythme sinusal rétabli, régulariser la réponse ventriculaire dans les cas de fibrillation auriculaire récidivante ou chronique, en autant que la marge d’innocuité soit acceptable. Dans sa méta-analyse des résultats d’essais publiés, et portant sur un groupe de patients hétérogènes, il a relevé que l’amiodarone était efficace dans 64 % des cas, partiellement efficace dans 14 % des cas et inefficace dans les 22 % restants; l’efficacité avait été évaluée par les chercheurs. Il a noté que l’efficacité de l’amiodarone dans le rétablissement du rythme sinusal variait énormément, soit de 16 à 92 %, selon la voie d’administration (I.V. c. P.O.), la durée de l’épisode de fibrillation auriculaire, et la durée du traitement à l’amiodarone. Il a indiqué le besoin d’études rigoureusement contrôlées dans ce domaine. Le Dr Hohnloser a aussi examiné les résultats de petites études qui ont montré que l’amiodarone peut à la fois rétablir le rythme sinusal dans les cas de fibrillation auriculaire de longue date et faciliter ce rétablissement par choc électrique externe et traitement d’entretien. À long terme, le rythme sinusal peut être maintenu suite à une défibrillation chez 65 à 80 % des patients après une année. Ce taux semble être supérieur à ce qu’on obtient avec la quinidine et la flécainaïde, selon les métaanalyses. Il a cependant appelé à la prudence, car il n’existe aucune étude prospective comparant l’amiodarone à d’autres médicaments et que de telles études étaient essentielles avant de pouvoir tirer des conclusions sur l’efficacité relative de l’amiodarone comparative- ment à d’autres antiarythmiques. Il a aussi noté des résultats fort intéressants tirés d’une étude randomisée comparant l’amiodarone à un placebo dans le traitement de l’insuffisance cardiaque (l’étude CHF STAT mentionnée plus haut), dans laquelle 103 patients souffraient de fibrillation auriculaire au début de l’étude; après 4,5 ans le rythme sinusal était rétabli chez 31 % des patients du groupe amiodarone, comparativement à 8 % chez ceux du groupe placebo. De nouveaux épisodes de fibrillation auriculaire sont survenus chez 23 % des patients recevant un placebo, comparativement à 11 % chez ceux recevant l’amiodarone. Ces observations confirment l’efficacité de l’amiodarone dans le traitement de la fibrillation auriculaire, même chez les patients présentant une maladie cardiaque sous-jacente grave. Conclusion Comment le praticien doit-il interpréter cette montagne de données sur l’utilisation de l’amiodarone ? Nul doute d’après les données accumulées que l’amiodarone est efficace dans la prévention de la mort subite due aux arythmies et de la fibrillation auriculaire, particulièrement chez les patients présentant des extrasystoles ventriculaires fréquentes après la survenue d’un infarctus du myocarde aigu. Il est aussi clair que ce médicament est sûr, peutêtre même plus sûr qu’on ne l’imaginait, suite aux résultats d’études d’observation chez des patients présentant des arythmies ventriculaires graves et chez qui de très fortes doses du médicaments ont été administrées. Or, dans les résultats d’études qui ont été examinés, les doses prescrites étaient plutôt inférieures à 300 mg, et souvent en-dessous de 200 mg par jour comme traitement d’entretien à long terme suivant la dose de charge. Le risque de toxicité pulmonaire menaçant le pronostic vital semble être faible à ces doses, et les effets indésirables dans toutes les études ont été contrecarrés par une réduction de la dose ou le retrait du médicament au besoin. Il semble y avoir consensus à l’effet que si la situation commande un traitement antiarythmique symptomatique, l’amiodarone est le médicament le plus sûr et le plus efficace chez les patients présentant une dysfonction ventriculaire gauche ou des lésions myocardiques chroniques. Il existe des données intéressantes montrant que l’amiodarone est particulièrement efficace en association avec un bêta-bloquant. L’amiodarone ne peut cepedant être recommandée dans tous les cas comme traitement prophylactique pour réduire la mortalité globale due à un infarctus du myocarde chez tous les patients présentant des extrasystoles ventriculaires fréquentes ou une dysfonction ventriculaire gauche. Elle n’en demeure pas moins un médicament de choix chez certains sous-groupes de patients. Bien que l’amiodarone soit efficace chez les patients atteints de fibrillation auriculaire et d’une grave maladie cardiaque sous-jacente, d’autres études sont nécessaires pour pouvoir conclure à sa vraie valeur comparative. La version française a été revisée par le Dr George Honos, Montréal. ©1996 Division de cardiologie, St. Michael’s Hospital, Université de Toronto, seule responsable du contenu de cette publication. Édition : Snell Communication Médicale Inc. avec la collaboration de la Division de cardiologie, St. Michael’s Hospital, Université de Toronto. Tous droits réservés. Imprimé au Canada. Tout recours à un traitement thérapeutique, décrit ou mentionné dans Actualités scientifiques – Cardiologie, doit être conforme aux renseignements d’ordonnance au Canada. Snell Communication Médicale Inc. se consacre à l’avancement de l’éducation médicale continue de niveau supérieur. 120-22-F