La cystectomie totale : Techniques chirurgicales

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Progrès en Urologie (2002), 12, N°5, 833-856
CHAPITRE I.
La cystectomie totale : Techniques chirurgicales
MARC ZERBIB, JÉRÔME SLAMA, PATRICK COLOBY, OLIVIER BOUCHOT
1. NOUS
A. CHEZ L’HOMME : LA CYSTOPROSTATECTOMIE TOTALE
Il s’agit de l’ablation simultanée de la vessie et du bloc
prostato-séminal avec curage ganglionnaire ilio-obturateur bilatéral.
I. INSTALLATION DU PATIENT
1. DEUX INSTALLATIONS SONT POSSIBLES
- Malade en décubitus dorsal, jambes étendues. La
tablette est placée au-dessus des cuisses. Le bassin du
patient est cambré avec une table cassée à 30° pour
augmenter la distance ombilico-pubienne avec une
inclinaison en proclive pour avoir une meilleure vue
sur l’apex prostatique. L’opérateur est à gauche du
patient, le premier aide en face avec l’instrumentiste à
droite du premier aide.
- Malade en décubitus dorsal, jambes reposant sur des
appuis en flexion et en abduction modérée. La tablette
se situera au-dessus du thorax. L’opérateur est à gauche
et le premier aide en face de l’opérateur. Un deuxième
aide peut être placé entre les jambes du malade.
L’instrumentiste est à gauche du premier aide. Cette
installation est utile en cas d’urétrectomie complémentaire soit prévue en pré-opératoire, soit nécessaire en
raison de la positivité de l’examen histologique extemporané de la section urétrale.
II. VOIES D’ABORD
Il s’agit d’une incision médiane sous-ombilicale, pouvant
être prolongée en sus-ombilical à cheval sur l’ombilic,
d’environ 3 à 4 cm.
DÉCRIRONS LA TECHNIQUE DE CYSTO-
PROSTATECTOMIE PAR VOIE SOUS-PÉRITONÉALE
Successivement la peau, le tissu sous-cutané, l’aponévrose
des grands droits sont incisés. Les muscles droits sont séparés sur la ligne médiane jusqu’au contact de la symphyse
pubienne. L’arcade de Douglas est incisée sur la ligne
médiane le plus haut possible sans ouvrir le péritoine.
- a) Abord de l’espace de Retzius : l’index et le médius
droit de l’opérateur (main en pronation) abaissent de
part et d’autre de la ligne médiane la face antérieure de
la vessie et ramènent vers le haut la graisse pré-vésicale. La paroi antérieure de la vessie apparaît alors après
avoir ouvert l’aponévrose ombilico-prévésicale. Un
écarteur de Hartman, soulève alors la moitié inférieure
de la paroi abdominale droite. L’opérateur va alors
compléter l’ouverture de l’espace de Retzius par l’ouverture de l’espace latéro-vésical droit qui se récline
facilement si l’aponévrose ombilico-prévésicale a été
ouverte convenablement. L’ouverture de cet espace
doit être faite très en dehors, en passant sous la paroi
soulevée par l’écarteur afin de récliner le cul-de-sac
péritonéal vers le haut. L’axe vasculaire iliaque externe
apparaît alors avec l’artère surplombant la veine
iliaque externe. La même manœuvre est réalisée côté
opposé après que l’opérateur ait changé de côté pour
libérer l’espace latéro-vésical gauche. Un écarteur type
Bookwalter avec valves auto-statiques est ensuite installé permettant une bonne exposition de l’espace de
Retzius et de l’espace latéro-vésical droit et gauche
réclinant vers le haut les culs-de-sacs péritonéaux.
- b) Lymphadénectomie ilio-obturatrice bilatérale
« standard » parfois pelvienne étendue : elle va retirer de chaque côté et en monobloc le bloc cellulo-ganglionnaire ilio-obturateur, d’avant en arrière de l’anneau crural jusqu’à la bifurcation de l’artère iliaque primitive. en remontant, pour le curage étendu pelvien,
vers la bifurcation aortique en haut et vers la région
pré-sacrée en dedans.
Pour le curage « standard », cette exérèse va intéresser,
successivement (Figure 1) :
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- les ganglions iliaques externes pré-artériels et surtout
pré et latéraux veineux en commençant le plus bas possible en rétro-crural après avoir repéré le pédicule obturateur et en prenant garde à respecter le nerf obturateur
qui va être libéré tout au long de son trajet, délimitant
la partie inférieure de l’exérèse cellulo-ganglionnaire.
Cette libération nécessite de cliper les éléments lymphatiques et au moindre doute, de les lier par un fil
résorbable 3/0. Une fois la partie inféro-postérieure de
la lame ganglionnaire libérée, elle va être prise par une
pince triangulaire permettant une légère traction sur les
tissus. La libération sous-veineuse est facilitée par
l’utilisation d’un écarteur palpébral qui vient récliner la
veine iliaque externe exposant la partie postéro-externe
du trou obturateur.
- b) Section des canaux déférents droit et gauche : ils
sont successivement repérés à l’émergence de l’orifice
inguinal profond par leurs couleurs blanc-nacrée et
leurs consistance en « corde à fouet ». Le canal déférent droit est sectionné entre deux ligatures de fil résorbable. Le bout proximal est abandonné et le bout distal
est conservé sur un fil de traction (Figure 2). La face
postérieure du déférent est alors disséquée jusqu’à sa
pénétration au niveau des ampoules déférentielles. La
même manœuvre est réalisée à gauche.
- c) Libération et section de l’uretère pelvien : l’uretère droit est d’abord repéré au détroit supérieur en aval
de la division des vaisseaux iliaques primitifs.
L’uretère va être disséqué et un lacs va être passé permettant la traction vers le haut puis vers le bas en direction de la vessie. Cette libération urétérale va croiser
l’artère ombilicale qui va être sectionnée entre deux
ligatures. Le refoulement du cul-de-sac péritonéal facilite la dissection de l’uretère le plus bas possible vers la
vessie. L’uretère est alors sectionné, la recoupe urétérale est envoyée en extemporané pour vérifier l’absence de tumeur superficielle, infiltrante, de CIS ou de
dysplasie sévère. Son extrémité proximale est clipée
pour permettre sa dilatation per-opératoire facilitant
ultérieurement la mise en place d’une sonde urétérale
au moment de la reconstruction vésicale ou de la dérivation urinaire. La même manœuvre est réalisée au
niveau de l’uretère gauche.
- les ganglions hypogastriques sont être ensuite libérés
au niveau de la bifurcation de l’artère iliaque primitive
en utilisant des clips métalliques ou des ligatures de fil
lentement résorbable.
Pour le curage pelvien étendu, il faut également retirer :
- les ganglions de la fourchette aortique en remontant le
long des artères iliaques primitives ;
- les ganglions pré-sacrés.
Chaque lame cellulo-ganglionnaire droite et gauche est
envoyée à l’examen histologique extemporané pour
vérifier l’absence d’envahissement ganglionnaire
Figure 1 : Curage ganglionnaire ilio-obturateur “stan dard”. Exérèse de la lame cellulo-ganglionnaire sous-vei neuse avec " clipage " des éléments lymphatiques mettant à
nu le nerf obturateur droit.
Figure 2 : Section du canal déférent droit. La section s’ef fectue à l’émergence du canal inguinal. La partie distale
du déférent est gardée sur un fil de traction.
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Figure 3 : CYSTOPROSTATECTOMIE
TOTALE SOUS PÉRITONÉALE PAR VOIE ANTÉGRADE
Figure 3a : Dissection rétro-déférentielle. Le passage souspéritonéal est trouvé en suivant à droite et à gauche, la face
postérieure du déférent jusqu’à la saillie des ampoules défé rentielles.
Figure 3b : Extra-péritonisation vésicale. Une fois la
dissection réalisée, les deux index se rejoignent en souspéritonéal.
Figure 3c : Libération du dôme vésical. Section des adhé rences sous-péritonéales après avoir excisé le péritoine du
dôme vésical.
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Il est important de réaliser sur la recoupe urétérale un examen histologique extemporané pour éliminer un carcinome in situ. Si la recoupe est positive, les uretères doivent
être sectionnés en amont avec une nouvelle analyse
extemporanée de la recoupe. Effectivement, le risque de
récidive tumorale est élevé chez les patients présentant
une recoupe urétérale positive [34]. Dans de rares circonstances, il peut exister une dysplasie sévère ou un carcinome in situ envahissant la totalité de l’uretère d’un seul
ou voire des deux côtés. Dans ces cas exceptionnels où il
est impossible d’avoir une recoupe urétérale négative, il
est nécessaire soit de pratiquer une néphro-urétérectomie
totale unilatérale soit une réimplantation urétéro-iléale
malgré l’envahissement urétéral. Linker et Whitmore
[16], Johnson [14] ont rapporté des résultats surprenants
de faible taux de récidive tumorale chez les patients ayant
une réimplantation urétéro-iléale malgré une marge urétérale positive.
séminales. Cette incision de l’aponévrose de
Denonvilliers est au mieux réalisée par les ciseaux de
Metzenbaum, dont la concavité est maintenue vers
l’avant. Une fois le feuillet de l’aponévrose ouvert, on
peut facilement passer au doigt en avant de l’aponévrose de Denonvilliers au ras des vésicules séminales
et de la face postérieure de la prostate jusqu’au bec
prostatique, l’urètre étant repéré par la sonde vésicale
(Figures 4 a, b).
- Section des ailerons vésicaux et prostatiques : à ce
stade de la dissection, une arche fibreuse contenant le
feutrage vasculaire des artères génito-vésicales se tend
de part et d’autre du bloc vésico-prostatique. La section
de ces ailerons constitue le temps capital de la mobilisation vésico-prostatique. Elle est de difficulté très
variable. Parfois facile lorsque la tumeur vésicale est
peu infiltrante, ménageant alors un bon passage entre la
vessie et la paroi pelvienne. Parfois très difficile
lorsque la tumeur vésicale est volumineuse ou que le
patient présente un bassin étroit. On va donc sectionner
à droite et à gauche les ailerons par prises successives
entre deux pinces de De Bakey-Cooley permettant des
prises fortes et résistantes. Il faut utiliser du fil à
résorption lente 0 ou 1. Les ailerons vésicaux vont être
sectionnés petit à petit vers la prostate. A ce niveau, les
ailerons sont beaucoup plus minces et de section plus
facile. On peut également utiliser, pour la section des
ailerons, des agrafes automatiques TA55® articulée
(pince Roticulator®). La section progressive des ailerons à droite et à gauche permet de libérer le bloc vésico-prostatique qui va monter progressivement vers la
ligne médiane. Une fois terminée la section bilatérale,
le bloc vésico-prostatique ne tient plus que par l’urètre
et le plexus veineux de Santorini qui seront sectionnés
après ouverture de l’aponévrose pelvienne de part et
d’autre de la prostate et ligature du plexus veineux (cf
infra). L’analyse extemporanée de la recoupe urétrale
doit faire décider de la conservation ou non de l’urètre
• L A CYSTECTOMIE PAR VOIE RÉTROGRADE : cette technique plus récente est la conséquence de la pratique
depuis plus de 15 ans de la prostatectomie totale avec
abord premier du plexus veineux de Santorini.
L’urologue s’est familiarisé avec cet abord urétral premier qui rend la cystectomie par voie rétrograde plus
aisée et moins hémorragique.
- Cette technique permet théoriquement de préserver
les bandelettes vasculo-nerveuses et d’espérer une
conservation de l’érection [3, 22, 33]. Cette attitude de
préservation des bandelettes neurovasculaires a été critiquée par Pritchett [18] qui a mis en évidence des ganglions résiduels au niveau des ailerons para-vésicaux
pour près de 60% des patients. La signification clinique
de ces ganglions résiduels reste incertaine. Les pre-
A ce stade, deux possibilités techniques existent : poursuivre l’intervention pour réaliser une cystoprostatecto mie par voie antégrade, ou aborder le plexus veineux de
Santorini afin de sectionner l’urètre pour réaliser une cys toprostatectomie par voie rétrograde.
• L A CYSTOPROSTATECTOMIE PAR VOIE ANTÉGRADE : il
faut alors reprendre la dissection par mise en traction
des deux canaux déférents dont la face postérieure a
été disséquée le plus bas possible jusqu’aux ampoules
déférentielles au niveau des vésicules séminales.
- En suivant la face postérieure des deux canaux déférents, on trouve alors facilement le plan de clivage qui
va permettre l’extrapéritonisation de la vessie puis la
dissection du plan inter-prostato-rectal. La dissection
bilatérale se rejoint sur la ligne médiane en sous-péritonéal permettant d’isoler le dôme vésical et la calotte
péritonéale qui le recouvre (Figures 3 a, b, c). Un lacs
va être passé dans le tunnel ainsi ménagé en sous-péritonéal et rétracté vers le haut. Une pince en cœur tire le
dôme vésical vers le haut et l’avant, le sac péritonéal
étant rétracté vers le haut. Une extrapéritonisation est
alors facilement réalisée aux ciseaux de Metzenbaum
ou mieux à l’aide du bistouri électrique. Le péritoine
est souvent ouvert au cours de cette manœuvre. Il faut
alors veiller à réséquer une collerette péritonéale limitée au niveau du dôme de la vessie en réclinant vers le
haut les anses intestinales protégées par des champs
abdominaux. Cette extra-péritonisation sectionne,
entre deux ligatures, l’ouraque.
- L’ouverture de l’aponévrose de Denonvilliers : la
dissection reprend alors vers le plan prostato-séminal
en avant du rectum. Il existe un plan de clivage
exsangue à la face postérieure des vésicules séminales,
loin du rectum. Pour ouvrir ce plan, il faut commencer
l’incision sur la ligne médiane au sommet des vésicules
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FIGURE 4 : CYSTOPROSTATECTOMIE TOTALE SOUS PÉRITONÉALE PAR VOIE
L’APONÉVROSE DE DENONVILLIERS
ANTÉGRADE:OUVERTURE DE
Figure 4b : Clivage inter recto-séminal. Une traction
douce sur le dôme vésical, laisse apparaître le fascia de
Denonvilliers préalablement ouvert. Le clivage prostato rectal est alors réalisé jusqu’au bec prostatique.
Figure 4a : Ouverture de l’aponévrose. Elle est réalisée avec
les ciseaux de Metzenbaum, sur le sommet des vésicules
séminales.
miers résultats de cystoprostatectomie totale préservant
les bandelettes neurovasculaires n’ont pas montré
d’augmentation du taux de récidive locale ou ganglionnaire [4]. De plus, les patients présentant des
marges chirurgicales positives sur les pièces de cystectomie n’avaient aucune marge positive au niveau du
site de la préservation des bandelettes neuro-vasculaires [23].
distale par une double ligature de fil lentement résorbable 1 (Figure 5 c). L’épanouissement du plexus veineux sur le versant prostatique est contrôlé par prises
successives à l’aide d’une aiguille sertie de fil lentement résorbable 2/0. Une fois l’hémostase réalisée, le
plexus veineux est sectionné, laissant apparaître
l’urètre.
- Section de l’urètre : un dissecteur fin est passé sous
l’urètre. Les mors du dissecteur vont être écartés vers
le haut pour libérer l’urètre sous apexien permettant de
gagner de 5 à 10 mm de longueur urétrale (Figure 6).
La face antérieure de l’urètre est ouverte à l’aide d’un
bistouri à lame froide. Si une vessie de remplacement
est prévue, à ce stade il est possible de mettre en place
les fils de l’anastomose urétro-intestinale. Trois points
de fil lentement résorbable 3-0, doublement serti, sont
passés sur la face antérieure de l’urètre. La sonde urétrale est saisie et extériorisée permettant d’exposer la
face postérieure de l’urètre. Section de la sonde dont le
segment vésical est clampé par une pince de Kelly.
Passage des 3 points postérieurs urétraux de fil doublement s erti lentement résorbable 3-0. Section de
l’urètre.
- Hémostase du plexus de Santorini : la ligature du
plexus de Santorini commence par la préparation de
l’apex prostatique en exposant les ligaments puboprostatiques et l’aponévrose pelvienne après avoir retiré le tissu adipeux qui recouvre la face antérieure de la
prostate. L’aponévrose pelvienne est alors incisée au
niveau de sa réflexion sur les faces latérales du pelvis
largement en dehors de ces attaches vésicales et prostatiques (Figure 5 a). Il faut agrandir de part et d’autre
avec prudence l’incision de l’aponévrose pelvienne en
respectant les ligaments pubo-prostatiques (Figure 5
b). Le plexus veineux de Santorini apparaît alors tendu
par la traction vers le haut de la prostate à l’aide d’un
tampon monté. Un dissecteur ou un fil serti, passe sous
le plexus veineux et celui-ci va être lié dans sa portion
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FIGURE 5 : C YSTOPROSTATECTOMIE
CHEZ L’ HOMME : HÉMOSTASE DU PLEXUS DE
S ANTORINI
Figure 5b : Décollement du rebord interne des fibres des rele veurs de l’anus des faces latérales des lames celluleuses qui
entourent la prostate. Il doit être prudent pour éviter la bles sure des volumineuses veines latéro-prostatiques.
Figure 5a : Incision de l’aponévrose pelvienne. De part et
d’autre des ligaments pubo-prostatiques.
Figure 5c : Ligature du plexus veineux par une double ligature de fils sertis
lentement résorbables 1.
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- Dissection rétro-prostatique : une traction vers le
haut de la sonde urétrale est exercée pour ouvrir le plan
rétroprostatique à la face postérieure de l’aponévrose
de Denonvilliers en avant du rectum qui est facilement
refoulé. La partie basse des ailerons prostatiques est
libérée en ménageant les bandelettes vasculo-nerveuses pour espérer une conservation des érections. Au
cours de cette dissection, le muscle recto-urétral est
sectionné pour séparer le rectum de la face postérieure
de l’aponévrose de Denonvilliers. Celle-ci est ensuite
incisée au sommet de la face postérieure de la prostate
(Figure 7). Les vésicules séminales apparaissent. Elles
sont libérées après ouverture du feuillet viscéral de
l’aponévrose de Denonvilliers permettant d’atteindre le
sommet des vésicules séminales et de rejoindre ainsi le
temps de dissection préalable de la face postérieure des
déférents. Les déférents vont être sectionnés et abandonnés. Le bloc prostato-vésical ne tient plus que sur
les ailerons vésicaux.
- Section des ailerons vésicaux : à droite comme à
gauche, les ailerons sont facilement individualisés par
traction sur la vessie. Les ailerons sont sectionnés entre
plusieurs ligatures de fil lentement résorbable 0 ou 1.
Petit à petit, cette section permet de libérer l’ensemble
vésico-prostatique (Figure 8).
d’impuissance après la cysto-prostatectomie pour tumeur
infiltrante de vessie.
Depuis 1992, 209 patients présentant une tumeur infiltrante de vessie (165 hommes, 44 femmes) ont eu une cystectomie par l’équipe de l’Institut Mutualiste Montsouris.
Concernant les hommes, 56 patients (36%) n’étaient pas
candidats à une cystectomie conservant la prostate en raison d’un cancer de prostate associé, d’une tumeur urothéliale de l’urètre prostatique, d’un envahissement de la prostate par une tumeur vésicale. Les 106 patients (64%) restants avaient les critères pré-opératoires d’une conservation
prostatique. Six de ces patients ont été exclus en per-opératoire : 4 pour carcinome in situ de l’urètre prostatique sur
l’examen histologique extemporané, 1 patient pour une
tumeur urothéliale de la prostate et un patient pour un cancer de prostate découvert à l’analyse extemporanée des
copeaux de la RTU prostate pré-opératoire immédiate.
Finalement, après sélection, 100 patients (94%), d’âge
moyen 64 ans (48-82) étaient cliniquement des candidats à
une cystectomie avec préservation prostatique. Le bilan
pré-opératoire a consisté en un examen clinique avec un
toucher rectal prostatique normal, un PSA de moins de 4
ng/ml et pas de zone hypo-échogène à l’échographie endorectale. Depuis l’apparition du ratio PSA libre/PSA total,
un ratio supérieur à 15% était nécessaire à l’inclusion. Les
patients présentant un nodule palpable au toucher rectal ou
un PSA élevé ou un ratio inférieur à 15% ou une zone
hypo-échogène ont eu systématiquement des biopsies de
prostate pour éliminer un cancer. Seuls les patients avec
une biopsie de prostate négative étaient candidats pour cette
chirurgie conservatrice de prostate.
2. CYSTOPROSTATECTOMIE TOTALE PAR VOIE
TRANS -PÉRITONÉALE
L’ouverture première du péritoine sous-ombilical donne
d’emblée un accès à l’ensemble de la cavité pelvienne.
Après refoulement vers le haut des anses grêles, l’exposition du bloc vésico-prostatique est réalisée. Les anses
intestinales sont refoulées ainsi que le sigmoïde. Le péritoine est alors incisé selon le tracé suivant (Figure 9) :
- Deux incisions latérales intéressent le péritoine pariétal
postérieur et s’étendent des artères iliaques primitives
à l’orifice profond des canaux inguinaux en suivant
l’axe des artères iliaques externes.
- Deux incisions transversales, arciformes rejoignent
l’extrémité antérieure des incisions latérales en circonscrivant largement la calotte vésicale : l’incision
antéro-supérieure passe en arrière de la symphyse
pubienne et l’incision postéro-inférieure ouvre le fond
du cul-de-sac de Douglas selon un trajet identique à
celui décrit au temps d’extra-péritonisation vésicale de
la voie sous-péritonéale.
- La découpe péritonéale ayant été ainsi réalisée, l’exérèse vésico-prostatique est effectuée suivant les temps
latéraux et antérieurs déjà décrits.
3. TECHNIQUE
DE
CONSERVATION
TIQUE
a) La technique opératoire consiste :
- tout d’abord en une résection prostatique étendue du
col vésical jusqu’au veru montanum préservant la capsule prostatique. Cette RTU prostate a été pratiquée
dans 85% des cas en pré-opératoire immédiat avec analyse histologique extemporanée des copeaux de résection et dans 15% des cas dans les jours qui ont précédé
la chirurgie surtout en début d’expérience. Les copeaux
de résection de prostate étaient envoyés à l’examen histologique extemporanée en deux parties : les copeaux
comportant la muqueuse urétrale d’une part et les
copeaux prostatiques d’autre part. Une analyse histologique extemporanée était réalisée pour éliminer un
envahissement urothélial de l’urètre prostatique ou de
la zone de transition et pour éliminer également un cancer prostatique.
- puis la cystectomie est réalisée avec curage ganglionnaire ilio-obturateur avec examen histologique extemporané. Pour conserver la prostate, une incision antérieure est pratiquée 3 à 5 mm en aval du col vésical.
L’incision est alors complétée sur la face postérieure
pour séparer définitivement la vessie. En cas de tumeur
LA CYSTECTOMIE AVEC
DE
LA
COQUE
PROSTA -
[32]
Elle a pour but de diminuer le risque d’incontinence et
839
CYSTOPROSTATECTOMIE
RÉTROGRADE CHEZ L’HOMME
Figure 7 : Dissection rétro prostatique. En arrière du fascia
de Denonvilliers qui sera ouvert sur la saillie des vésicules
séminales. Les deux déférents sont sectionnés et les deux vési cules séminales facilement libérées.
Figure 6 : Dissection et section de l’urètre. Passage prudent
d’un dissecteur fin sous l’urètre dont la portion sousapexienne va être libérée.
C YSTOPROSTATECTOMIE TOTALE PAR
TRANS-PÉRITONÉALE
VOIE
Figure 9 : Cystoprostatectomie totale : voie trans-péritonéa le. Schéma de l’incision péritonéale permettant d’accéder
au bloc vésico-prostatique .
Figure 8 : Section des ailerons vésicaux. Seule attache du
bloc vésico-prostatique, ils sont sectionnés entre plusieurs
ligatures de fils lentement résorbables 0.
840
vésicale trigonale ou du col vésical, une marge de sécurité supplémentaire de 5 mm sous la jonction col-prostate est réalisée. Une analyse histologique extemporanée de la pièce opératoire est réalisée, avec un examen
soigneux de la capsule prostatique pour éliminer toute
marge positive. Le remplacement vésical est ensuite
pratiqué en utilisant la technique de vessie en Z.
L’anastomose prostato-iléale est réalisée par un surjet
sur la face postérieure et par des points séparés sur la
face antérieure. Le temps opératoire moyen de la résection de prostate est de 25 minutes (15-42) et le temps
moyen de la cystectomie avec remplacement vésical
est de 165 minutes (117-296). Les pertes moyennes
sanguines per-opératoires sont de 250 ml (90-1000) et
seulement deux patients ont nécessité une transfusion.
Les sondes urétérales sont gardées 7 jours et la sonde
urétrale 9 jours.
D’autres techniques de préservation de la puissance
sexuelle et de la fertilité ont été récemment proposées :
- Colombo [7] a publié une série de 8 patients de moins
de 50 ans chez qui a été pratiquée une cystectomie avec
cons ervation prostatique. Le bilan pré-opératoire
imposait une tumeur à distance du col, un PSA normal
et des biopsies du col et de l’urètre négatives. Le premier temps opératoire est une résection endoscopique
de la prostate allant du col vésical au veru montanum
jusqu’à la capsule prostatique en profondeur. Les
temps opératoires importants comprennent la conservation des déférents et des vésicules séminales, la section distale de la vessie au niveau de la partie proximale de la capsule prostatique et le respect des bandelettes
neurovasculaires en restant au contact des déférents et
des vésicules séminales. Les résultats sur la qualité des
érections montrent qu’elles sont conservées avec des
rapports sexuels jugés satisfaisants par les 8 patients.
Par contre, la fertilité n’est pas conservée par éjaculation rétrograde. La continence diurne et nocturne à 3
mois était de 100%.
B. L’URÉTRECTOMIE CHEZ
L’HOMME
La technique de l’urétrectomie, contemporaine ou réalisée
à distance de la cystectomie totale repose sur des descriptions déjà anciennes [21] mais n’ayant que peu évoluée,
en dehors de la possible préservation des bandelettes
neuro-vasculaires.
Installation en position de la taille sans flexion excessive
des cuisses. L’incision peut être médiane sur le raphé
médian périnéal de l’angle péno-scrotal jusqu’à 3 cm de
l’anus en regard du bulbe urétral, ou en U inversé si l’on
a besoin d’une exposition plus large.
Le tissu sous cutané est divisé pour exposer les muscles
bulbo-caverneux sur la ligne médiane. Un écarteur est mis
en place. Une incision prudente des fibres musculaires des
muscles bulbo-caverneux est réalisée de l’angle pénoscrotal jusqu’au noyau fibreux central du périné, d’abord
sur la ligne médiane, puis latéralement afin d’exposer le
corps spongieux de l’urètre dans sa totalité. Les artères
bulbaires doivent être repérées et ligaturées de part et
d’autre du bulbe de l’urètre. L’urètre bulbaire est disséqué
sur toute sa circonférence. Un lac peut, alors, être passé
autour de l’urètre (Figure 10).
Séparer le corps spongieux et l’urètre de la gouttière des
corps caverneux, progressivement d’arrière en avant, en
invaginant progressivement le pénis dans le fourreau
pénien jusqu’à la base du gland (Figure 11). Il est important d’éviter toute plaie des corps caverneux lors de cette
dissection, l’hémostase pouvant être difficile.
La séparation de l’urètre doit se faire sous contrôle visuel
jusqu’à la partie proximale du gland (Figure 12). A ce
stade, laisser le pénis revenir à sa position anatomique.
Il est alors nécessaire de se porter au niveau du gland.
L’excision de la fossette naviculaire est faite par une
double incision sur la face ventrale du gland (Figure 13).
L’urètre distal est alors libre et extériorisé par l’incision
périnéale.
- Horenblas [12] a décrit récemment une technique opératoire tendant à conserver la fonction sexuelle mais aussi
reproductrice. La technique opératoire décrite permet de
conserver la prostate et les vésicules séminales ainsi que
les déférents en sectionnant en premier le col vésical
puis en faisant l’exérèse vésicale de façon rétrograde en
avant des vésicules séminales sans avoir à disséquer leur
face postérieure épargnant ainsi l’émergence des nerfs
érecteurs. La vessie est ensuite remplacée avec une entéroplastie de type Hautmann. Cette technique a été utilisée pour 6 patients avec un recul moyen de 40 mois. Il
n’a pas été mis en évidence de récidive locale mais un
patient a développé un cancer de prostate à la 5ème
année. Les érections sont conservées dans 80% des cas
avec une éjaculation antégrade 4 fois sur 6.
La dissection en amont vers l’urètre membraneux est réalisée, séparant les muscles bulbo-caverneux du diaphragme urogénital. Cette dissection débute sur la face antérieure de l’urètre en direction de la symphyse pubienne,
où le plan est relativement avasculaire. En arrière et latéralement, il faut isoler et ligaturer les artères urétrales,
branches de l’artère pudendale interne, qui pénètrent dans
l’urètre à 4 et 8 heures. La dissection en amont est facile
lorsque l’urétrectomie est réalisée en même temps que la
cysto-prostatectomie, l’urètre membraneux ayant été préparé. Il est alors possible de préserver les pédicules vasculo-nerveux [3]. Lorsque l’urétérectomie est faite
quelques semaines après la cysto-prostatectomie, il faut
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L’ URÉTRECTOMIE
CHEZ L’ HOMME
Figure 10 : Urétrectomie : Incision périnéale et dissection
de l’urètre bulbaire. L’incision est le plus souvent médiane.
Après dissection des muscles périnéaux superficiels et pro fonds, l’urètre bulbaire apparaît sur la ligne médiane.
Figure 11 : Urétrectomie : Dissection de l’urètre périnéal
par invagination progressive. Libération progressive de
l’urètre de la gouttière des corps caverneux.
Figure 12 : Urétrectomie : Dissection de l’urètre pénien jus qu’à la portion proximale du gland . L’invagination de
l’urètre permet la libération de sa partie pénienne la plus dis tale.
Figure 13 : Urétrectomie : Dissection de la fossette navicu laire, préalablement incisée au niveau du gland avec hémo stase du corps spongieux.
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agrandir le hiatus urétral au niveau du diaphragme, et faire
attention à de possibles accolements entre l’extrémité
d’amont de l’urètre et l’intestin. La dissection doit donc
être progressive et prudente pour réaliser une urétrectomie
complète. L’urètre membraneux est souvent noyé dans un
tissu fibreux, et la traction doit être douce à ce niveau pour
éviter toute plaie urétrale, susceptible de laisser en place
un fragment urétrale, source de récidive.
2. CURAGE
GANGLIONNAIRE ILIO- OBTURATEUR
: la
libération latérale de la vessie et de l’utérus autorise
l’exposition de la lame cellulo-ganglionnaire ilio-obturatrice. Le curage va être iliaque externe, obturateur et
hypogastrique avec ligature, par des fils et par des
clips, des vaisseaux lymphatiques pour prévenir une
lymphorrhée post-opératoire. Chaque lame celluloganglionnaire est envoyée à l’examen histologique
extemporané pour vérifier l’absence d’envahissement
massif des ganglions pouvant contre-indiquer le geste
d’exérèse vésicale.
Le saignement est peu important, pouvant provenir des
artères bulbaires. Une lame de drainage est souvent nécessaire, extériorisée au niveau du périnée. Les muscles
bulbo-caverneux sont refermés sur la ligne médiane, ainsi
que le tissu sous-cutané et la peau, à l’aide d’un fil résorbable.
3. INCISION
PÉRITONÉALE se
divise en (Figure 14) :
- deux incisions latérales étendues des artères iliaques
primitives à l’orifice profond des canaux inguinaux en
suivant l’axe des artères iliaques externes ;
C. LA CYSTECTOMIE TOTALE
CHEZ LA FEMME OU
PELVECTOMIE ANTÉRIEURE
- deux incisions transversales, une antérieure rétropubienne, qui circonscrit en avant la calotte vésicale en
rejoignant l’extrémité antérieure des incisions latérales.
Une autre incision postérieure relie l’extrémité postérieure des incisions latérales et englobe l’utérus en cheminant à la base des ligaments larges vers le fond du
cul-de-sac de Douglas.
La cystectomie totale chez la femme obéit aux mêmes
impératifs carcinologiques d’exérèse étendue qui intéresse tout le continu urinaire et génital du pelvis antérieur
avec ses relais cellulo-ganglionnaires.
4. LIBÉRATION LATÉRALE UTÉRO- VÉSICALE : ce dégagement latéral est successivement réalisé à droite puis
à gauche. D’avant en arrière sont successivement sectionnés (Figure 15) :
- le ligament rond à son émergence de l’orifice profond
du canal inguinal,
- le ligament lombo-ovarien,
- les branches antérieures de l’artère hypogastrique et
leurs veines satellites à destinée ombilicale, vésicale et
utéro-vaginale.
I. INSTALLATION
La patiente est installée en décubitus dorsal, les membres
inférieurs sur des attelles. Les cuisses vont être fléchies
sur l’abdomen en faisant un angle de 120°. Il faut installer la patiente en légère abduction des cuisses afin de bien
exposer le vagin. Il faut prendre garde à ne pas trop fléchir
les cuisses sur l’abdomen pour ne pas diminuer la distance ombilico-pubienne ce qui gênerait l’opérateur pour le
temps abdominal.
5. LIBÉRATION DE L’URETÈRE : au cours de cette libération latéro-vésico-utérine, l’uretère va apparaître
dans sa portion pelvienne. Il va être mis sur un lacs et
libéré le plus bas possible dans le ligament large.
L’uretère ne sera sectionné qu’après résultat de l’examen
histologique extemporané du curage ganglionnaire ilioobturateur. Si le curage est négatif, chaque uretère sera
clipé à son extrémité proximale afin d’obtenir sa dilatation per-opératoire qui facilitera la mise en place de la
sonde urétérale pour le temps de dérivation urinaire.
II. TECHNIQUE CHIRURGICALE
1. 1 er
TEMPS ABDOMINAL : L’exentération pelvienne
antérieure chez la femme exige une voie d’abord transpéritonéale utilisant une incision médiane sous-ombilicale débordant l’ombilic de deux travers de doigt. Une
fois le péritoine ouvert, installation d’un écarteur autostatique muni de valves latérales et d’une valve postérieure pour maintenir la paroi et refouler les anses
intestinales vers le haut. Un léger Trendelenbourg est
conseillé pour avoir une bonne bascule postérieure des
anses digestives.
6. LIBÉRATION POSTÉRIEURE DE L’UTÉRUS
CUL -DE -SAC VAGINAL POSTÉRIEUR :
ET DU
- Le fond utérin est saisi par une pince type hysterolab et
attiré en haut et en avant de manière à bien exposer le
cul-de-sac de Douglas. La libération du cul-de-sac
vaginal postérieur est amorcée sur la ligne médiane à
l’aide de ciseaux longs courbes à pointe mousse tournés vers le vagin. Ce clivage est relativement facile
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