ECHOGRAPHIE INTERVENTIONNELLE Technique et incidence sur l’hospitalisation à l’Hôpital Principal de Dakar M. DESRENTES*, J.P. EYNARD, L. KONDE, A.A. BA, Y. FAVRE, B. SYLLA échographies pratiquées, 1485 actes interventionnels ont été réalisés (tableau 1) se répartissant en : - 672 ponctions-biopsies dont : * 413 ponctions-biopsies rénales, * 235 ponctions-biopsies hépatiques. - 203 cytoponctions dont 82 pour hépatocarcinomes sur les 119 cytoponctions du foie - 520 ponctions drainages dont : * 161 ponctions d’abcès hépatiques, * 150 drainages de pyomyosite, * 59 drainages par néphrostomie percutanée. RESUME L’échographie interventionnelle telle qu’elle est pratiquée à Dakar est une méthode de diagnostic et de traitement ne nécessitant pas un important investissement et rentabilisant une hospitalisation, comme cela apparaît dans le suivi des abcès amibiens hépatiques ayant bénéficié de cette technique. 1 - INTRODUCTION La ponction guidée par échographie est un acte diagnostique ou thérapeutique simple et d’exécution rapide qui nécessite du matériel de biopsie et de drainage adapté. En raison des moyens limités des hôpitaux en Afrique, le service d’Imagerie Médicale de l’Hôpital Principal de Dakar a mis au point une technique de ponction peu onéreuse, simple et fiable. Nous apprécierons par ailleurs l’incidence de l’échographie interventionnelle sur la durée d’hospitalisation des patients porteurs d’abcès amibiens hépatiques ayant bénéficié de cette technique. La technique de ponction (2), tant pour les biopsies que pour les drainages est simple et univoque. L’opérateur utilise des sondes échographiques de 3, 5 ou 7,5 Mhz selon la profondeur de l’organe, sans artifice de guidage de l’aiguille. Il suit la progression de celle-ci après avoir placé l’ensemble cutané de la sonde, le point cutané de ponction et la zone cible de l’organe. Les ponctions-biopsies sont réalisées à l’aide d’aiguilles à prélèvement latéral type Tru-Cut de 14 à 20 G. Le matériel de drainage est représenté soit par une aiguille à ponction artérielle avec cathéter en téflon (14 à 18 G), soit un cystocath (6 F), soit un drain de Joly (CH 12 à 18). Le choix du matériel de drainage dépend de l’échostructure du liquide estimé en cours d’examen par l’opérateur. 2 - MATERIEL ET METHODE En six ans, de Janvier 1984 à Décembre 1989, sur 42 894 TABLEAU 1 Total des ponctions de 1984 à 1989 Année 1984 1985 1986 1987 1988 1989 Total 55 89 118 89 157 164 672 Ponctions biopsies Ponctions cytologiques 38 62 30 9 17 47 203 Ponctions drainages 35 58 74 64 171 118 520 - - - - 45 45 90 128/3758 209/5115 222/6494 162/8245 390/9259 374/9983 1485/42 894 Divers Total Travail du Service d’Imagerie Médicale. Hôpital Principal. Dakar. Sénégal. * Service de Radiologie CHA “A. CALMETTE” 56998 Lorient-Naval. Médecine d'Afrique Noire : 1991, 38 (6) ECHOGRAPHIE INTERVENTIONNELLE 3° - RESULTATS Au cours des 413 P.B.R. dont 373 réalisées pour néphropathie, l’histologie a montré 5 glomérules ou plus dans 343 cas soit 92 % des prélèvements. Dans 11 cas, le prélèvement ne contenait que du tissu musculaire ou graisseux. Une seule biopsie du foie était inexploitable tandis que les cytoponctions se sont révélées positives dans 82 %. Le taux de réussite des biopsies et des cytoponctions d’autres organes varie de 90 % pour le poumon à 30 % pour le pancréas Les drainages se sont toujours avérés positifs et ont remplacé une intervention : pyomyosite, abcès du foie, ou préparé le patient à un acte chirurgical : néphrostomie percutanée. Les incidents ont été peu nombreux. Au cours des 672 ponctions-biopsies, nous répertorié 10 incidents (1,48 %) survenus uniquement au cours des P.B.R., soit 5 cas d’hématurie restés sans conséquence. Au cours des 520 drainages, nous avons noté 19 incidents (3,6), soit : un cas de rupture du drain, 8 cas d’obstruction du cathéter et 10 cas d’arrachement. Deux accidents sont à déplorer. Un homme de 60 ans est décédé dans un tableau de choc septique douze heures après mise en place d’un drain de Joly (CH. 14) pour abcès amibien surinfecté et retrait de 3 l de pus sanglant. Un homme de 75 ans, en très mauvais état général, a présenté une hémoptysie qui n’a pu être tarie en milieu chirurgical, au cours de la pose d’un drain de Joly CH 16. 4° - COMMENTAIRES La technique d’échographie interventionnelle mise au point est peu onéreuse : celle ci est réalisable quels que soient le type d’échographe et la forme de la sonde en raison de l’absence d’artifice de drainage (7). Le matériel de ponction choisi est de plus peu varié, polyvalent, d’usage et de fabrication courante et d’utilisation facile. La technique est par ailleurs simple. En effet, après détermination du plan de ponction, la progression de l’aiguille vers la zone cible est suivie dans sa totalité et non par son “tip echo”. Enfin, la technique de ponction s’est avérée fiable. Le taux de réussite des ponctions-biopsies est superposable à celui d’autres auteurs : LANKESTER : 93 %, BACKMAN : 97 %. La ponction-biopsie fortuite d’un angiome hépatique pris pour un carcinome hépatocellulaire est resté sans conséquence hémorragique. Une seule ponction-biopsie du foie, sur 235 pratiquées, a rame- 429 né un matériel insuffisant, encore s’agissait-il d’un geste de débutant. Le taux des complications hémorragiques rénales après P.B.R. est de 2,4 % dans notre série et de 2 % pour BACKMAN. Les incidents au cours des drainages sont essentiellement représentés par des arrachements du cathéter comme le signale la plupart des auteurs. Les deux accidents sont survenus chez des hommes âgés de 60 et 75 ans présentant une importante altération de l’état général pour laquelle les chirurgiens et les anesthésistes avaient réfuté l’intervention. Le drainage posé sous échographie paraissait la meilleure alternative. L’échographie interventionnelle influe de façon nettement positive sur la durée d’hospitalisation. Dès que le diagnostic est confirmé par ponction-biopsie ou par cytoponction, le patient bénéficie d’un traitement adéquat (5). Le drainage des pyomyosites et des abcès a remplacé les interventions chirurgicales ou rendu celles-ci moins traumatisantes. Le néphrostomie percutanée permet de drainer une hydroou-pyonéphrose, d’améliorer la fonction du rein lésé, de préparer le patient à l’acte chirurgical, de faciliter celui-ci et donc de réduire la durée d’hospitalisation. Celle-ci a particulièrement été étudiée, en fonction du mode de traitement, par le suivi des 285 abcès amibiens hépatiques diagnostiqués entre 1984 et 1989 (4) et dont 201 ont bénéficié d’actes d’échographie interventionnelle. Au cours de ces années, le radiologue est intervenu de plus en plus souvent sur des abcès de plus en plus petits. En effet en 1984, tous les abcès amibiens hépatiques de plus de 10 cm sont drainés. En 1986, les dimensions ont été abaissées à 8 puis 7 cm. A partir de 1987, une meilleure maîtrise de la technique permet de pratiquer une ponction de tous les abcès en association avec le traitement médical. Il a toutefois été adopté une attitude différente selon la taille. Les abcès de moins de 5 cm bénéficient d’une ponction-vidange en une seule séance, tandis qu’un drain de Joly est mis en place pour les abcès de plus de 5 cm. Celui-ci est retiré 3 ou 4 jours plus tard, c’est-à-dire dès que le drainage est complet et que l’on note une petite cavité ronde (5 mm) et anéchogène à l’extrémité distale du drain, témoignant de la vidange complète de l’abcès. Cette cavité résiduelle disparaît en 2 mois environ. Dans le cas d’abcès multiples, la pose de deux drains a été rarement nécessaire. Dans la plupart des cas ils étaient communicants. Médecine d'Afrique Noire : 1991, 38 (6) M. DESRENTES, J.P. EYNARD, L. KONDE, A.A. BA, Y. FAVRE, B. SYLLA 430 TABLEAU II ANNEES PONCTION DIAGNOST. PONCTION VIDANGE DRAINAGE COMPLET POURCENT. INTERVENT. TRAITEMENT MEDICAL TRAITEMENT CHIRURGIC. TOTAL 45 1984 11 0 16 60 % 16 2 1985 14 2 28 67 % 21 0 65 1986 12 5 31 66 % 24 0 72 1987 2 4 34 76 % 12 0 52 1988 1 6 18 80 % 6 0 31 1989 / 10 7 85 % 3 / 20 TOTAL 40 27 134 / 82 2 285 DECES 0 0 1 / 1 1 / 1988 1989 6,1 TABLEAU III DUREE MOYENNE D’HOSPITALISATION EN JOURS ANNEES 1984 1985 ENSEMBLE DES CAS 31,79 NON DRAINES 38,4 DRAINES PONCTION VIDANGE 1986 1987 21,52 16,1 12,27 9,4 21,75 16,82 14,45 12,66 / 25,19 20,35 15,38 10,09 6,74 7,3 0 0 12,23 9,78 5,48 5,3 Ainsi, grâce à cette méthodologie, la durée d’hospitalisation moyenne est passée de 31,5 jours en 1984 à 6,1 jours en 1989 (Tableaux 2 et 3). Cette réduction est surtout apparue lorsque la ponction-vidange systématique couplée au traitement médical, a été pratiquée pour les abcès de 5 cm et moins. En 1989, sur les 20 abcès amibiens hépatiques diagnostiqués, 10 ont été évacués en une séance. 5° - CONCLUSION L’échographie interventionnelle, telle qu’elle est pratiquée à Dakar, grâce à l’utilisation de matériel de ponctionbiopsie et de drainage couramment répandu, est peu onéreuse, simple, mais aussi fiable. Elle facilite le diagnostic et contribue à traiter ou préparer les patients aux actes chirurgicaux. Elle permet de plus une réduction significative de la durée d’hospitalisation. Dans le cas particulier des abcès amibiens du foie, sa durée moyenne est passée de 1 mois à 1 semaine en 5 ans. Les charges financières de l’hospitalisation, élément non négligeable dans les pays en voie de développement, en sont ainsi réduites tant pour l’hôpital que pour le patient. BIBLIOGRAPHIE 1 - BACKMAN V., LINDERGEN G.P. - Percutaneous renal biopsy with real-time ultrasonography. Scand. J. Urol. Nephrol. 1982 ; 1, 65-67. 2 - DESRENTES M., KONDE L. BA. A.A., EYNARD J.P. - Ponctionbiopsie rénale sous échographie. A propos de 327 ponctions. JEMU 1989 ; 6, Vol. 10, 285-288. 3 - DESRENTES M., KONDE L., EYNARD J.P., FAVRE Y., BA A.A. Incidents et accidents en échographie interventionnelle. A propos de 1485 actes réalisés à Dakar. V° Journées Annuelles de Chirurgie-Dakar - 15/16 Juin 1990. 4 - EYNARD J.P., DESRENTES M., KONDE L., BA A.A. - Echographie interventionnelle des abcès profonds en Afrique. ICR 89 ; Paris 07.1989. 5 - FORNAGE B., SIMATOS A., CATTAN A. - La ponction à l’aiguille fine guidée par ultrasons d’organes profonds : Un progrès dans la rentabilité du radiodiagnostic. CM 1983 ; 105-20, p. 2229-2235. 6 - LANKESTER M., DUCROS J., LABASTIE J., LACOME P. , PASCAL S., SANGRIA S. - Ponction-biopsie rénale échoguidée. A propos de 200 observations. JEMU 1988 ; 8, n°6, 275-278. 7 - MATTER D. - Techniques de guidage en échographie interventionnelle. Encycl. Med. Chir. (Paris-France) Radiodiagnostic IV, 33680 A05, 9, 1987, 11 p. Médecine d'Afrique Noire : 1991, 38 (6)