
152 | La Lettre du Psychiatre • Vol. VI - n° 5 - septembre-octobre 2010
Résumé
La dépression est une comorbidité fréquente chez les patients atteints de cancer.
La prévalence des épisodes dépressifs au cours du cancer et de ses traitements est estimée aux alentours
de 25 %, avec une majoration durant les phases avancées jusqu’à plus de 50 %.
Son dépistage est fait par l’entretien semi-directif et par la passation d’une échelle de type HADS.
Les facteurs de risque de dépression sont importants à connaître, car celle-ci impacte la qualité de vie des
patients et majore les troubles psychosociaux.
Mots-clés
Dépression
Épidémiologie
Dépistage
Facteurs de risque
Échelle HADS
Hightlights
Depression is a frequent
comorbidity among cancer
patients. Prevalence rates of
depressive episodes during
cancer and its treatment are
estimated around 25%, with
increased rates more than 50%
in advanced cancer. Screening
can be done by semi-structured
interview and a screening tool
such as HADS. Risk factors of
depression are important to be
known, because it can impact
patients’ quality of life and
increase psychosocial disorders.
Keywords
Depression
Epidemiology
Screening
Risk factors
HADS
➤les modalités de détection (patients randomisés
parmi les nouveaux cas de cancer, patients adressés
par des médecins ou des infirmières, pré-dépistage
effectué).
Ainsi n’est-il pas surprenant de retrouver des taux
de prévalence variant, selon les études, entre
5 et 26 % (4), ou entre 0 et 38 % (2) pour les
épisodes dépressifs majeurs et entre 0 et 58 % pour
les différents symptômes dépressifs observables
chez les patients atteints de cancer (2).
Schématiquement, retenons qu’environ 25 % des
patients cancéreux présenteront au cours de leur
maladie un syndrome anxio-dépressif et, dans
5 à 6 % des cas, un épisode mélancolique (2).
Dans sa pratique clinique, l’oncologue devra être plus
vigilant devant certaines localisations tumorales,
classiquement susceptibles d’être associées à une
plus forte prévalence d’épisodes dépressifs (2, 4, 5) :
cancers oropharyngés (22 à 57 %), du pancréas
(33 à 50 %), du sein (1,5 à 46 %), du poumon
(11 à 44 %). À l’opposé, une plus faible préva-
lence serait observée dans les localisations colique
(13 à 25 %) et gynécologique (12 à 23 %) ainsi que
dans les lymphomes (8 à 19 %) [2]. Par ailleurs, le
contexte palliatif de certains cancers à un stade
avancé peut favoriser le développement de syndromes
dépressifs et donc majorer les taux de prévalence,
estimés pour certains auteurs entre 23 et 58 %
voire jusqu’à près de 77 % en phase terminale, dont
7 à 13,1 % d’épisodes dépressifs majeurs (6, 7).
Facteurs prédictifs
du risque dépressif
L’oncologue ne doit pas négliger de rechercher les
facteurs de risque prédictifs du développement de
troubles dépressifs chez les patients souffrant de
cancer. En effet, ces facteurs de risque peuvent majorer
les troubles psychosociaux et altérer la qualité de vie
des patients (6). Leur évaluation doit tenir compte
du contexte temporel de survenue des troubles de
l’humeur au regard de la situation carcinologique :
troubles préexistants, contemporains de la survenue
ou de l’évolution du cancer, ou secondaires à la prise
en charge instaurée (8). Une fois le rapport temporel
établi entre l’apparition d’un syndrome dépressif et
le cancer et ses traitements, l’enquête anamnestique
se focalisera sur la recherche de facteurs de risque
personnels et individuels, sociaux, liés au cancer, aux
traitements ou à une autre cause médicale.
Facteurs de risque personnels
et individuels
La survenue de la maladie à un jeune âge et la présence
d’événements de vie négatifs dans l’histoire person-
nelle de l’individu, comme un deuil ou des pertes
successives durant la période précédant le diagnostic
de cancer ou concomitamment à celui-ci, sont des
éléments à rechercher. De plus, la présence d’anté-
cédents psychiatriques de dépression, personnels ou
familiaux, de tentative de suicide ou d’addictions est
également à prendre en compte. Certaines caracté-
ristiques de la personnalité individuelle – telles que la
tendance à la répression des affects ou à un fatalisme
exacerbé (considérer les événements de vie comme
inévitables), une faiblesse de l’estime de soi et du
soutien émotionnel ou une tendance au pessimisme –
sont aussi des facteurs prédisposants (9). Ainsi, chez
les femmes traitées précocement pour un cancer du
sein, le risque dépressif serait plus associé à certains
facteurs personnels de vulnérabilité qu’à des variables
liées au cancer et à la durée des traitements (10).
Facteurs de risque sociaux
La vulnérabilité dépressive peut être en rapport avec
des conditions de vie précaires telles qu’un isolement
social, un statut marital fragile (divorce, séparation,
veuvage), un faible niveau de vie socio-économique,
l’appartenance à une minorité ethnique à faible
revenu, un faible accès aux soins et un manque de
relations interpersonnelles (11, 12).
Facteurs de risque
liés à la maladie cancéreuse
Le type histologique du cancer n’est pas à proprement
parler un facteur de risque. En revanche, le stade au
moment du diagnostic (métastatique plutôt que