
448  |  La Lettre du Cancérologue • Vol. XIX - n° 8 - octobre 2010
La dépression, une pathologie fréquente à dépister systématiquement
Dépression et cancer
DOSSIER THÉMATIQUE
(métastatique plutôt que locorégional) est classi-
quement considéré comme un facteur de risque. 
Certaines périodes peuvent être à plus haut 
risque de décompensation sur un mode dépressif : 
première année suivant l’annonce du diagnostic, 
phase de rémission et confrontation au syndrome 
de Damoclès (crainte de la récidive), récidive, entrée 
en phase palliative et fin de vie.
La présence de symptômes physiques non contrôlés 
– tels que douleur, fatigue, troubles digestifs, 
lymphœdème et autre handicap associé (paralysie, 
stomie, trachéostome, perte d’autonomie, mutilation 
corporelle), entraînant des troubles de l’image du 
corps et une atteinte narcissique prononcée – est 
un facteur de risque important.
Des douleurs physiques mal ou non soulagées multi-
plieraient par 2 à 4 le risque d’un épisode dépressif, et 
ce indépendamment de l’âge (13). De même, certains 
“clusters” (groupes) associant fatigue, douleur et 
dépression seraient prédictifs d’une vulnérabilité psycho-
logique et d’une altération de la qualité de vie (14). 
Facteurs de risque  
liés aux traitements
Les traitements tels que la radiothérapie intra cérébrale, 
certaines chimiothérapies (vinblastine, procar-
bazine) ou immunothérapies à base d’interféron et 
d’interleukine sont réputés être dépressogènes, de 
même que les corticostéroïdes au long cours (15). 
Concernant l’effet dépressogène du tamoxifène (dû 
à son action anti-estrogénique), les études restent 
contradictoires. En dehors de cas anecdotiques, l’étude 
de cohorte rétrospective de K.C. Lee et al. (16), réalisée 
sur 2 329 cancers du sein traités par tamoxifène 
versus 614 non traités par hormonothérapie, n’a pas 
mis en évidence de lien de causalité entre dépression et 
prise au long cours de tamoxifène ni de différence signi-
ficative entre les 2 groupes. Des conclusions similaires 
ont été faites lors de 2 essais randomisés en double 
aveugle concernant 488 cancers du sein (254 sous 
tamoxifène versus 234 sous placebo), rapportant 
l’absence d’impact psychosocial de l’utilisation au 
long cours du tamoxifène (17). 
Facteurs de risque liés  
à une autre cause médicale
Les atteintes neurologiques (métastases cérébrales 
ou tumeur primitive), endocriniennes (dysthyroïdie, 
insuffisance surrénale) et métaboliques (sodium, 
calcémie, kaliémie, déficit en vitamines B12 et 
folates) peuvent être associées à la survenue de 
troubles dépressifs (3, 15). 
Dépistage
Le dépistage des troubles dépressifs par l’oncologue 
nécessite l’utilisation d’outils rapides, simples dans 
leur administration et efficaces en pratique clinique 
quotidienne. Un des biais potentiels des échelles 
utilisées est constitué par la présence d’items 
somatiques (perte de poids, anorexie, fatigue, troubles 
du sommeil, douleur, troubles de la libido) qui peuvent 
artificiellement majorer les scores supposés de 
dépression mais qui sont en fait rattachés au cancer 
et/ou à ses traitements, et qui rendent donc ce type 
d’échelles peu discriminant pour diagnostiquer objec-
tivement un état dépressif (18). 
En oncologie, l’échelle de dépistage d’auto-évaluation 
la plus fréquemment utilisée, car elle ne contient pas 
d’items somatiques, est l’HADS (Hospital Anxiety and 
Depression Scale) [19, 20]. Cet auto-questionnaire 
mesurant l’anxiété et la dépression par le biais de 
14 items est couramment utilisé en pratique clinique 
d’oncologie, car il répond à des critères de simplicité et 
de rapidité dans sa passation (quelques minutes) [19]. 
Toutefois, l’efficacité d’un auto-questionnaire, aussi 
performant soit-il, ne peut remplacer l’expertise clinique 
apportée par un psychiatre ou un psycho-oncologue 
dans le cadre d’un entretien clinique structuré. 
Ce dépistage effectué par le remplissage d’un 
questionnaire peut être complété par une anamnèse 
s’appuyant sur des questions ouvertes (“Comment 
est votre moral ces derniers temps ?”) ou fermées 
(“Durant les 15 derniers jours, avez-vous ressenti 
des moments d’abattement, de tristesse, de perte 
d’espoir ?”, “Durant les 15 derniers jours, avez-vous 
noté une perte de capacité à vous intéresser et à 
prendre plaisir à vos activités habituelles ?”). 
Des réponses affirmatives, fortement évocatrices d’un 
état dépressif, vont inciter le clinicien à recourir à l’inter-
vention d’un professionnel de la santé mentale (21).
Dans le cadre de la recherche, d’autres échelles 
peuvent être utilisées, telles que celle de Zung (22) ou 
de Beck (18). Toutefois ces 2 échelles comprennent 
des items somatiques (respectivement fatigue et 
appétit, pour l’échelle de Beck, et sexualité, consti-
pation, tachycardie et fatigue, pour celle de Zung) 
qui impliquent de pondérer le score de dépression 
en oncologie, puisque celui-ci peut être majoré par 
ces items somatiques.