La vitamine D prévient la progression des cancers prostatiques précoces induite par le calcium L'équipe de recherche Physiopathologie des hormones PRL/GH : approches transversales (Inserm U1151 - Institut Necker Enfants Malades (INEM), Université Paris Descartes, Sorbonne Paris Cité) a démontré l’effet protecteur de la vitamine D nutritionnelle sur l’effet promoteur des régimes riches en calcium sur les tumeurs prostatiques précoces. Cette étude est publiée dans la revue Cancer Research (22 novembre 2016). Le dépistage du cancer de la prostate, en vigueur depuis une quinzaine d’années par la mesure du PSA (prostate-specific antigen), a permis la détection plus précoce de tumeurs localisées, de petit volume et de faible agressivité. La prise en charge de ces formes à risque faible de progression évolue aujourd’hui vers une désescalade thérapeutique. En effet, les traitements radicaux du cancer de la prostate (ablation chirurgicale de la prostate ou radiothérapie externe) ont un retentissement important sur la qualité de vie (troubles urinaires et sexuels) et s’avèrent donc peu adaptés à ces patients sélectionnés. Une « surveillance active » a donc été proposée pour ces patients, avec comme perspective un traitement radical uniquement en cas de progression du cancer. Cette surveillance active impose une réévaluation clinique (toucher rectal), biologique (PSA) et surtout biopsique régulière, qui est source d’angoisse et comporte un risque infectieux minime mais réel associé à la biopsie. Ainsi, plus d’un tiers des patients inclus dans les protocoles de surveillance demandent à en sortir à moyen terme et sollicitent un traitement radical. Un progrès majeur dans la prise en charge de ces patients sous surveillance active serait l’identification de facteurs génétiques ou environnementaux favorisant la progression de leur cancer prostatique. Les études épidémiologiques menées chez l’homme ont montré que les régimes riches en calcium augmentaient le risque de développer un cancer prostatique. Néanmoins, leur effet sur la progression de cancers existants n’a jamais été déterminé. Nous avons abordé cette question par le biais d’une étude préclinique impliquant deux modèles de souris génétiquement modifiées développant des tumeurs prostatiques de progression lente. Nous avons constaté que la consommation régulière de croquettes enrichies en calcium induisait une progression significative des lésions tumorales prostatiques, reflétée par leur aggravation histologique ainsi que par l’augmentation de leur taux de prolifération cellulaire, du degré d’inflammation intra-prostatique ou encore de l’expression de divers marqueurs tumoraux (voir Figure). De manière tout à fait remarquable, aucune progression tumorale n’a été observée lorsque les croquettes enrichies en calcium l’étaient également en vitamine D. Ceci démontre sans ambigüité l’effet protecteur de la vitamine D nutritionnelle sur l’effet promoteur des régimes riches en calcium sur les tumeurs prostatiques précoces. En utilisant des lignées de cellules tumorales prostatiques humaines, nous avons pu élucider le mécanisme moléculaire sous-jacent à ces effets antagonistes du calcium et de la vitamine D : alors que le calcium extracellulaire induit la surexpression du canal calcium TRPC6 et du récepteur au calcium, deux acteurs majeurs de prolifération cellulaire induite par la signalisation calcique intracellulaire, la vitamine D (calcitriol) prévient cette augmentation transcriptionnelle. Toute extrapolation de ces résultats à la pathologie humaine doit s’effectuer avec la plus grande prudence. Néanmoins, les supplémentations nutritionnelles utilisées dans notre étude préclinique (2 à 2,6 fois plus de calcium et 2,15 fois plus de vitamine D par rapport au régime de référence de la souris) sont dans la gamme des apports journaliers tolérés (calcium) et recommandés (vitamine D) chez l’homme tels que définis par l’Institut de Médecine. Notre étude suggère donc que l’apport journalier en calcium nutritionnel devrait être surveillé chez les patients ayant un cancer prostatique sous surveillance active, et que la supplémentation en vitamine D pourrait être envisagée chez les patients à risque de voir leur cancer progresser. Bien entendu, cette hypothèse se devra d’être validée dans le cadre d’une étude clinique ad hoc. Références Bernichtein, S. et al. Vitamin D3 prevents calcium-induced progression of early-stage prostate tumors by counteracting TRPC6 and calcium sensing receptor upregulation. Cancer Research (22 novembre 2016) Contact chercheur Vincent Goffin Inserm U1151 / Institut Necker Enfants Malades (INEM) Equipe 4 - Physiopathologie des hormones PRL/GH : approches transversales Tél : 01 72 60 63 68 - [email protected]