Chapitre 16 Espaces vectoriels de dimension nie Dans tout ce chapitre, E désigne un K-espace vectoriel, où K désigne R ou C. I - Dimension I.1 - Dimension nie Définition 1 (Dimension finie). E est de dimension nie s'il admet une famille génératrice F = (u1 , . . . , up ) contenant un nombre ni d'éléments. Sinon, on dit que E est de dimension innie . Exercice 1. Donnez des exemples d'espaces vectoriels de dimension nie. Définition 2 (Dimension). Si E est de dimension nie, non réduit à {0E }, alors toutes les bases de E ont le même nombre d'éléments. Par dénition, cet entier, noté dim(E), est la dimension de l'espace vectoriel E . Par convention, on pose dim({0E }) = 0. Exercice 2. Déterminer la dimension. . . 1. . . . des espaces vectoriels de dimension nie classiques. 2. . . . de l'ensemble Sn (K) des matrices symétriques. I.2 - Existence & Construction de bases Lemme 1 (Augmentation des familles libres). Soient F = (u1 , . . . , up ) une famille libre d'éléments de E et x ∈ E . Si x 6∈ Vect F , alors (u1 , . . . , up , x) est une famille libre. Lemme 2 (Diminution des familles génératrices). Soit F = (u1 , . . . , up+1 ) une famille de E . Si up+1 ∈ Vect{u1 , . . . , up }, alors Vect F = Vect{u1 , . . . , up }. Théorème 1 (Théorème de la base incomplète). Soient E un espace vectoriel de dimension nie, L = (u1 , . . . , up ) une famille libre de E et G une famille génératrice nie de E . Alors, il existe une famille de vecteurs (up+1 , . . . , un ) ∈ G n−p telle que (u1 , . . . , un ) soit une base de E . Exercice 3. Compléter la famille ((1, 1, 1, 1), (1, 1, 1, 2)) en une base de R4 . Théorème 2 (Extraction d’une base). Soient E un espace vectoriel diérent de {0E } de dimension nie et G une famille génératrice nie de E . Alors, il existe une sous-famille B de G telle que B soit une base de E . Exercice 4. Extraire une base de R2 [X] de la famille génératrice (X 2 , X 2 + X + 2, X + 2, 4). Corollaire 3 (Existence d’une base). Tout espace vectoriel de dimension nie, non réduit à {0E }, admet une base. I.3 - Dimension et Familles Lemme 3 (Lemme de Steinitz). Soit F une famille génératrice de E à n vecteurs. ∗ Si L est une famille libre de E , alors elle contient au plus n vecteurs. ∗ Si G est une famille de n + 1 vecteurs de E , alors G est liée. De plus, si E est de dimension n, alors toute famille génératrice de E contient au moins n vecteurs. Stanislas A. Camanes Chapitre 16. Espaces vectoriels de dimension nie MPSI 1 Exercice 5. Soit A ∈ Mn (R). Montrer qu'il existe un polynôme P non nul de degré au plus n2 tel que P (A) = 0n . En déduire qu'une matrice inversible à droite est inversible à gauche. Théorème 4 (Caractérisation des bases). Soit B une famille d'éléments d'un espace vectoriel E de dimension n. Les propriétés suivantes sont équivalentes. (i). B est une base de E . (ii). B est une famille libre et B contient exactement n vecteurs. (iii). B est une famille génératrice et B contient exactement n vecteurs. Exercice 6. Montrer que toute famille de n + 1 polynômes de Rn [X] à degrés étagés est une base de Rn [X]. I.4 - Dimension et opérations élémentaires Dans cette partie, E et F désignent deux K-espaces vectoriels de dimension nie. Propriété 1 (Dimension & Sous-espaces vectoriels). Soit G un sous-espace vectoriel de E . Alors, G est de dimension nie et dim(G) 6 dim(E). De plus, G = E si et seulement si dim(G) = dim(E). Exercice 7. Déterminer les sous-espaces vectoriels de R, R2 , R3 . Corollaire 5 (Existence d’un supplémentaire). Tout sous-espace vectoriel d'un espace vectoriel de dimension nie admet un supplémentaire. Théorème 6 (Isomorphismes entre espaces vectoriels). Soit n la dimension de E . (i). E est isomorphe à Kn . On note E ' Kn . (ii). E ' F si et seulement si F est de dimension nie et dim(F ) = n. Propriété 2 (Dimension & Produit cartésien). E × F est de dimension nie et dim(E × F ) = dim(E) + dim(F ). Exercice 8. Soient E un espace vectoriel de dimension n et p un entier naturel non nul. Déterminer la dimension de E p . Théorème 7. L (E, F ) est de dimension nie et dim L (E, F ) = dim E · dim F . I.5 - Dimension et Sommes Dans cette partie, E désigne un espace vectoriel de dimension nie et F, G des sous-espaces vectoriels de E . Propriété 3 (Dimension & Somme directe). Si F et G sont en somme directe, F ⊕ G est de dimension nie et dim(F ⊕ G) = dim(F ) + dim(G). Exercice 9. Déterminer la dimension de l'espace vectoriel An (K) des matrices antisymétriques. Théorème 8 (Formule de Grassmann). dim(F + G) = dim(F ) + dim(G) − dim(F ∩ G). Stanislas A. Camanes Chapitre 16. Espaces vectoriels de dimension nie MPSI 1 Exercice 10. Illustrer ce théorème en dimensions 2 et 3. Corollaire 9 (Caractérisation des sommes directes). Les trois propositions suivantes sont équivalentes. (i). F ⊕ G = E . (ii). F + G = E et dim(F ) + dim(G) = dim(E). (iii). F ∩ G = {0E } et dim(F ) + dim(G) = dim(E). Exercice 11. Soient F = {(x, y, z) ∈ R3 ; x + 2y + 3z = 0} et G = Vect{(0, 1, 0)}. Montrer que F et G sont supplémentaires dans R3 . Théorème 10 (Généralisation). Soient F1 , . . . , Fp des sous-espaces vectoriels de E . Alors, F1 + . . . + Fp est un espace vectoriel de dimension nie et p p X X dim Fk 6 dim Fk , k=1 k=1 avec égalité si et seulement si la somme est directe. II - Applications linéaires Dans cette partie, E désigne un espace vectoriel de dimension n, F un espace vectoriel de dimension nie et ϕ une application linéare de E dans F . II.1 - Rang d'une famille de vecteurs Définition 3 (Rang). Le rang de F , noté Rg F est la dimension de Vect F . Exercice 12. Déterminer le rang des familles suivantes. 1. (1, X). 2. (1, 2 + X). 3. (X 2 − 1, X 2 + 1, 1). Propriété 4 (Rang & Combinaisons linéaires). Soient p un entier naturel non nul, (u1 , . . . , up ) une famille de vecteurs de E , (λ1 , . . . , λp ) ∈ Kp et α ∈ K? . ( ) p X Rg{u1 , . . . , up } = Rg u1 + λi ui , u2 , . . . , up i=2 = Rg{αu1 , . . . , up }. II.2 - Rang d'une application linéaire Définition 4 (Rang). Le rang de ϕ, noté Rg ϕ, est la dimension de l'image de ϕ. Stanislas A. Camanes Chapitre 16. Espaces vectoriels de dimension nie MPSI 1 Exercice 13. 1. Déterminer le rang de l'application linéaire ϕ : R2 → R3 , (x, y) 7→ (x + y, x − y, 2x). 2. Déterminer le rang de la restriction de l'application dérivée à Rn [X]. Propriété 5. Soit ϕ ∈ L (E, F ) et (e1 , . . . , en ) une base de E . Alors, Rg ϕ = Rg{ϕ(e1 ), . . . , ϕ(en )}. Propriété 6. Soient u ∈ G`(E) et v ∈ G`(F ). Alors, Rg ϕ = Rg(ϕ ◦ u) = Rg(v ◦ ϕ). Théorème 11 (Théorème du rang). dim(Ker ϕ) + Rg ϕ = dim(E). Exercice 14. Soit ∆ : Rn [X] → Rn [X], P 7→ P (X + 1) − P (X). Montrer que Im ∆ = Rn−1 [X]. Corollaire 12 (Caractérisation des isomorphismes en dimension finie). Soient E, F deux espaces vectoriels de dimension nie tels que dim(E) = dim(F ). Alors, pour tout ϕ ∈ L (E, F ), ϕ bijective ⇔ ϕ injective ⇔ ϕ surjective. Exercice 15. 1. Montrer que ϕ : R[X] → R[X], P 7→ XP est injective mais non surjective. Qu'en déduisezvous ? 2. Soient a0 , . . . , an ∈ R distincts et ϕ : Rn [X] → Rn+1 , P 7→ (P (a0 ), . . . , P (an )). Montrer que pour tout (b0 , . . . , bn ) ∈ Rn+1 , il existe un unique P ∈ Rn [X] tel que pour tout i ∈ J0, nK, P (ai ) = bi . Propriété 7. Soit u ∈ L (E). L'endomorphisme u est inversible à droite (resp. gauche) s'il existe un endomorphisme v de E tel que u ◦ v = IdE (resp. v ◦ u = IdE ). Les propositions suivantes sont équivalentes. (i). u est inversible à droite. (ii). u est inversible à gauche. (iii). u est bijective. II.3 - Hyperplans Propriété 8 (Applications linéaires coordonnées). Soit (e1 , . . . , en ) une base de E . Pour tout i ∈ J1, nK, on note ϕi : E → K, n P xk ek 7→ xi . k=1 Alors, la famille (ϕ1 , . . . , ϕn ) est une base de L (E, K). Ces applications linéaires sont les applications linéaires coordonnées associées à la base (e1 , . . . , en ). Exercice 16. Soit n ∈ N? . 1. Déterminer les applications linéaires coordonnées associée à la base canonique de Rn . 2. Déterminer les applications linéaires coordonnées associée à la base de Rn [X] constituée des polynômes d'interpolation de Lagrange. Stanislas A. Camanes Chapitre 16. Espaces vectoriels de dimension nie MPSI 1 Notation. E désigne un espace vectoriel de dimension non nulle n. Définition 5 (Hyperplan). Un sous-espace vectoriel H de E est un Stanislas hyperplan de E si dim(H) = n − 1. A. Camanes Chapitre 16. Espaces vectoriels de dimension nie MPSI 1 Théorème 13 (Hyperplan & Formes linéaires). (i). Si ϕ est une forme linéaire sur E non nulle, alors Ker ϕ est un hyperplan de E . (ii). Soit H un hyperplan de E . Il existe une forme linéaire ϕ0 telle que H = Ker ϕ0 . Alors, Vect{ϕ0 } = {ϕ ∈ E ? ; H ⊂ Ker ϕ}. Exercice 17. Illustrer ce théorème en dimensions 2 et 3. Corollaire 14 (Hyperplans & Équations). Soit B = (e1 , . . . , en ) une base de E . H ⊂ E est unhyperplan de E si et seulement s'il existe n n P P un n-uplet non nul (a1 , . . . , an ) ∈ Kn tel que H = x = xi ei ∈ E ; ai xi = 0 . i=1 i=1 Exercice 18. Déterminer une condition nécessaire et susante pour que deux hyperplans d'équan n P P yk ek = 0 soient égaux. xk ek = 0 et tions respectives k=1 k=1 Théorème 15 (Caractérisation des espaces de dimension n − p). Soit E un espace vectoriel de dimension n. ∗ Si (H1 , . . . , Hp ) est une famille d'hyperplans de E , alors dim p \ Hk > n − p. k=1 ∗ Si F un sous-espace vectoriel de E de dimension n − p, il existe (H1 , . . . , Hp ) des hyperplans tels que p \ F = Hk . k=1 Exercice 19. Illustrer ce théorème en dimensions 2 puis 3. III - Introduction aux sous-espaces anes E désigne un espace vectoriel euclidien. Les éléments de E sont appelés des points . Pour tous −−→ points A, B de E , on note AB = B − A. On note les points par des lettres majuscules et les vecteurs par des lettres minuscules surmontées d'une èche. III.1 - Translations Définition 6 (Translation). − − → → Soit → u ∈ E . La translation de vecteur → u , notée t− u , est l'application t− u : E → E, M 7→ → − M + u. Propriété 9 (Propriétés des translations). − − Soient → u, → v deux vecteurs de E . → = IdE . (i). t− 0 → → → → → → (ii). t− u +− v = t− u ◦ t− v = t− v ◦ t− u. → → (iii). L'application t− u est bijective et sa bijection réciproque est t−− u. − → − → ne possède pas de points invariants. (iv). Si → u 6= 0 , l'application t− E Stanislas u A. Camanes Chapitre 16. Espaces vectoriels de dimension nie MPSI 1 III.2 - Sous-espaces anes Définition 7 (Sous-espace affine, Direction). Soient F un sous-espace vectoriel de E et A un point de E . (i). Le sous-espace ane de E , passant par A et de − − {A + → u, → u ∈ F }. direction F , est l'ensemble A + F = (ii). Si dim F = p, le sous-espace ane A + F est de dimension p. Si p = 1, c'est une droite ane, si p = 2 un plan ane, si p = dim E − 1 un hyperplan ane. (iii). Si (u1 , . . . , up ) est une base de F , les vecteurs (u1 , . . . , up ) sont des de A + F . vecteurs directeurs Exercice 20. Déterminer les sous-espaces anes de R2 et de R3 . Propriété 10 (Choix d’une origine). Soient F un sous-espace vectoriel de E , A un point de E et F le sous-espace ane de E passant par A et dirigé par F . Alors, pour tout point A0 de F , −−→ F = A0 + F et F = {A0 M , M ∈ F }. Définition 8 (Repère cartésien, Coordonnées). Un repère cartésien de F est un couple (O, B), où O est un point de F et B une base de F . Si dim F = p > 0 et B = (e1 , . . . , ep ) est une base de F , pour tout point M de F , il existe p P un unique p-uplet (u1 , . . . , up ) ∈ Kp tel que M = O + xi ei . Le p-uplet (x1 , . . . , xp ) est les i=1 coordonnées cartésiennes de M dans le repère R = (O, B). Propriété 11 (Intersection de sous-espaces affines). Soit F1 (resp. F2 ) un sous-espace ane de direction F1 (resp. F2 ). Alors, F1 ∩ F2 est, soit vide, soit un sous-espace ane de direction F1 ∩ F2 . Propriété 12 (Intersections & Sommes). Soit F1 (resp. F2 ) un sous-espace ane de E de direction F1 (resp. F2 ). (i). Si E = F1 + F2 , alors F1 ∩ F2 6= ∅. (ii). Si E = F1 ⊕ F2 , alors F1 ∩ F2 est réduit à un singleton. III.3 - Équations anes Définition 9 (Équation linéaire avec second membre). Soient u ∈ L (E, F ) et b ∈ F . Une équation linéaire est une équation de la forme u(x) = b, où x ∈ E est l'inconnue. Théorème 16 (Solutions des équations linéaires). Soit u(x) = b une équation linéaire. On note S l'ensemble de ses solutions et S0 l'ensemble des solutions de l'équation homogène u(x) = 0. (i). S0 = Ker(u) est un sous-espace vectoriel de E . (ii). S = ∅ si et seulement si b 6∈ Im(u). (iii). Si S 6= ∅ et a ∈ S , alors S = a + S0 = a + Ker(u) = {a + x ; x ∈ Ker(u)}. L'ensemble S est un espace ane . Exercice 21. 1. Déterminer les exemples d'équations linéaires rencontrées dans les chapitres précédents. 2. Montrer que toute suite arithmético-géométrique est solution d'une équation linéaire. Stanislas A. Camanes