maître se refuse d’intervenir comme proposeur de connaissances qu’il veut voir
apparaître. L’élève sait bien que le problème a été choisi pour lui faire acquérir une
connaissance nouvelle, mais il doit savoir aussi que cette connaissance est entièrement
justifiée par la logique interne de la situation et qu’il peut la construire sans faire appel
à des raisons didactiques. Non seulement il le peut, mais il le doit aussi car il n’aura
véritablement acquis cette connaissance que lorsqu’il sera capable de la mettre en
œuvre de lui-même dans des situations qu’il rencontrera en dehors de tout contexte
d’enseignement et en l’absence de toute indication intentionnelle.
»
Gérard VERGNAUD donne un exemple didactique d’une situation adidactique pour
des élèves en CM1 qui doivent travailler sur la proportionnalité. Il utilise comme support
un Tangram. « Il s’agit de découper les pièces dans du carton de façon à créer le même
puzzle en plus grand tel qu’une longueur de 4 cm devienne une longueur de 7 cm sur le
nouveau puzzle. Les élèves doivent trouver seuls comment découper les pièces du
nouveau puzzle. Il faudra probablement plusieurs essais infructueux avant qu’ils
élaborent un moyen sûr, qui donne la solution à tous les coups. L’enseignant, pendant ces
essais et ces recherches, n’est là que pour les encourager mais ne donne aucun
renseignement susceptible de les orienter vers une direction de solution, comme par
exemple de leur faire remarquer qu’une longueur d’un des morceaux du puzzle original
est double d’un autre du même puzzle. La proportionnalité des morceaux à découper est
un moyen qui doit être élaboré entièrement par les élèves.
» Ainsi, lorsque le puzzle est
terminé, ce n’est pas le maître qui valide le produit mais bien la forme du puzzle qui est
un carré ou pas.
Dans une situation adidactique, c’est la situation de recherche qui suscite
l’apprentissage. Le rôle de l’enseignant est d’apporter cette situation, d’en permettre la
dévolution et d’entretenir le désir de s’y engager. Nous sommes bien ici dans le monde
de la didactique dans le sens où d’une part il n’est nullement fait question de quelconque
prise en compte de l’hétérogénéité dans le groupe et d’autre part la situation dépend
grandement de l’introduction qu’en fait l’enseignant qui a pour intention l’appropriation
de connaissances spécifiques, dans l’exemple donné, la proportionnalité.
L’école du 3ème type est par essence adidactique. Elle a en plus la particularité que ce
sont les enfants qui choisissent la plupart des situations qui vont faire l’objet de leur
engagement, et que le rôle de l’enseignant n’est pas de penser la pertinence d’un support
parmi d’autres mais plutôt d’entretenir la richesse d’un milieu permettant à la structure
de la classe, par le processus d’auto-organisation, d’être un milieu perpétuel de
sollicitations adidactiques. Dans les faits, répondre à un courrier Marelle, préparer seul
ou avec d’autres une présentation, tenter de construire des objets roulants, faire une
création maths, s’entraîner à une ceinture ou à un brevet, sont autant de situations
correspondant à notre propos. Elles ont l’intérêt de ne pas dépendre de la tutelle de
l’enseignant, de ne pas être guidée par quelconque protocole didactique, de trouver une
évaluation dans la fin de l’activité, de permettre aux enfants des constructions de
connaissances pouvant être mobilisés dans d’autres domaines de la vie de classe.
BROUSSEAU Guy, « Théorisation des phénomènes d’enseignement des mathématiques, » Thèse de doctorat
d’Etat, Bordeaux, 1986, p 39.
VERGNAUD G., « Apprentissages et didactiques : où en est-on ? », Hachette, 1994, p 75.