PQRST 37 2012 2013 PQRST 37 Enoncé Vous recevez aux urgences Mr R., 44 ans, amené par les pompiers pour « malaise sur la voie publique ». Il n’aurait pas d’antécédents notables et ne suit aucun traitement particulier. Abandonnée par sa femme et sans emploi depuis 6 mois, il déclare une consommation excessive d’alcool (évaluée à 150 grammes/jour) et un tabagisme à 30 paquets -années. Il ne peut vous décrire son malaise dont il ne se souvient pas mais ne se rappelle pas avoir été agressé. A l’examen, ce patient à l’hygiène défectueuse, au pantalon souillé d’urines, est conscient et bien orienté. Outre les signes d’imprégnation alcoolique, vous notez une plaie linéaire de 4 cm de long de l’arcade sourcilière gauche. L’abdomen est souple ; le foie, palpable, semble augmenté de volume, sans reflux hépato-jugulaire. L’auscultation cardio-pulmonaire est normale ; le pouls est à 80 / mn ; la pression artérielle est à 120 / 60 mmHg. L’ECG ne montre rien de particulier. L’examen neurologique est normal. Question N°1 Quelle est votre prise en charge immédiate ? Question N°2 Un bilan d’imagerie cérébrale (Iconographie 1) est pratiqué le jour même en raison d’un syndrome confusionnel secondaire. Analyser le. Quel diagnostic devez-vous évoquer ? Icono 1 Question N°3 L’évolution est favorable sous traitement. Mr R. accepte la demande de sevrage que vous lui faites. En quoi consiste-t-elle ? Question N°4 Quelles seraient les méthodes de dépistage d’une fibrose hépatique à ce stade. Laquelle permettrait d’affirmer le diagnostic ? PQRST 37 2012 2013 Question N°5 Malheureusement, la situation de Mr R. n’a guère évolué favorablement puisque vous le revoyez, en tant que sénior cette fois, 5 ans plus tard, de nouveau amené aux urgences par les pompiers, en raison de vomissements abondants de sang rouge. La cure de sevrage a été un échec. Il vit seul, sans ressources, dans des conditions de dénuement. A l’examen, il est tachycarde à 102 pulsations/minutes ; la pression artérielle est à 110 / 80 mmHg. L'abdomen est distendu avec une matité déclive à la percussion, souple et non douloureux mais le siège d'une abondante circulation veineuse collatérale ; le foie est franchement dur. Il existe des angiomes stellaires sur le thorax… Quelles sont les causes les plus fréquentes d’hémorragie digestive haute ? Quel est le diagnostic le plus probable chez Mr R. ? Question N°6 Votre hypothèse se confirme. Les premiers résultats des examens demandés montrent : A la NFS : hémoglobine = 7.5 g/dl ; hématocrite = 25% ; 9.500 GB/mm3 ; 80.000 plaquettes/mm3 ; VS = 35 mm à la 1ère heure Bilan d’hémostase : TP = 57 % ; facteur V à 53 %. Albumine = 32 g/l ; créatinine = 80 µg/l ; Na + = 133 mmol/l ; K+ = 3.8 mmol/l. ASAT (SGPT) = 108 UI/l (N = 33 UI/l) ; ALAT (SGOT) = 65 UI/l (N = 30 UI/l) ; Gamma-GT = 200 UI/l (N = 50 UI/l). Quelle est la prise en charge thérapeutique ? Question N°7 L'hémorragie est facilement contrôlée et il n'y a pas de complication. Il quitte donc l'hôpital 10 jours plus tard, mais accepte de se soumettre à un suivi et promet d'être observant. Détaillez la prise en charge au long cours. Question N°8 Quelques mois plus tard, Mr R. doit être de nouveau hospitalisé en urgence en raison de douleurs abdominales apparues la veille, associées à un état de fatigue intense et à une fièvre à 38,7°C et à quelques selles molles dans la nuit. Il vous assure qu’il n’a pas fait d’écart et qu’il prend bien son traitement. A l’examen, l’état général est altéré, la coloration du tégument et des muqueuses est normale. L’abdomen est franchement distendu et douloureux, sans défense à la palpation, avec une matité déclive évidente à la percussion. L’auscultation cardiopulmonaire est normale, les aires ganglionnaires sont libres. L’examen neurologique est normal en dehors d’un discret asterixis. Le reste de l’examen est sans particularité. Quels diagnostics devez-vous évoquer ? Lequel vous semble-t-il le plus probable ? Comment le confirmer ? Question N°9 Votre hypothèse se confirme. Quel est le traitement à débuter ? Question N°10 La créatininémie est à 186 µmol/L, ce qui anormalement élevé par rapport aux valeurs habituelles de Mr R. Quelles sont vos hypothèses pour expliquer cette élévation ? Laquelle redoutez-vous particulièrement ? PQRST 37 2012 2013 PQRST 37 Q1/ Bilan étiologique du malaise : Glycémie au doigt (hypoglycémie ?) Ionogramme (hyponatrémie ?) Bilan biologique de l’alcoolisme chronique : NFS-plaquettes ; hémostase (TP) ; bilirubinémie totale et conjuguée ; électrophorèse des protéines plasmatiques avec dosage de l’albuminémie ; créatinine Alcoolémie +/- recherche d’autres toxiques Prévention du syndrome de sevrage : Hydratation et rééquilibration hydro-électrolytique, orale et parentérale, après mise en route d’une voie veineuse, adaptée à l’état clinique (pouls, pression artérielle, conscience), à la glycémie et au ionogramme : perfusion de sérum glucosé 5% avec 3 grammes de NaCl et 1 gramme de KCl par litre. Vitaminothérapie B1, B6 et PP intraveineuse (une ampoule quotidienne) Traitement benzodiazépine (Valium®) per os, à posologie suffisante ; Prise en charge de la plaie : Suture de la plaie (au fil résorbable de préférence) Rappel de vaccination anti-tétanique Bilan d’imagerie Radiographie de thorax F + P (pneumonie à Pneumocoques ; tuberculose ?). Echographie hépato-biliaire et abdominale Radios du rachis cervical : F + P + cliché bouche ouverte centré sur C1-C2 TDM cérébral en cas de confusion ou de troubles neurologiques secondaires. Hospitalisation pour surveillance clinique régulière (horaire en cas de pré-DT) Prise en charge du terrain : arrêt du tabac (+/- aide au sevrage) Q2/ Scanner cérébral sans injection intraveineuse de produit de contraste Image de lentille biconvexe spontanément hyperdense de localisation pariétale avec léger déplacement des structures médianes = Hématome extra-dural post-traumatique L’hématome sous dural (+ fréquent chez l’alcoolique) a une limite interne concave Icono 1 = HED Icono 2 = HSD 15 points 2 2 2 3 2 2 2 9 points 2 2+2 3 PQRST 37 Q3/ Cure de sevrage en hospitalisation spécialisée Isolement social et familial. Après évaluation de la consommation d’alcool et de la dépendance Buveur excessif par accès Signes de sevrage à l’arrêt (dépendance physique) Signes de tolérance (dépendance psychique) : augmentation récente de la consommation ; envie irrépressible Arrêt total et brutal de toute prise d’alcool. Prévention du syndrome de sevrage par une benzodiazépine de demi-vie longue pendant 4 à 7 jours : diazépam (Valium® : 1 cp à 10 mg, 4 à 6 fois/J, pendant 1 à 3 jours) puis réduction de 1 cp/J jusqu’à l’arrêt en 4 à 7 jours. Postcure indispensable en centre de post-cure : Consultations régulières contrôlant l’abstinence et consolidant les résultats Psychothérapie individuelle (TCC : conditionnement ; autorenforcement ; psychothérapie d’inspiration analytique parfois) ou de groupe (sociothérapie : intérêt des groupes de parole, de l’ergothérapie, du psychodrame) Support d’associations d’anciens buveurs (Alcooliques Anonymes, Croix Bleue) Traitement d’aide au maintien du sevrage proposé par certains : acamprosate (Aotal®) ou naltrexone (Révia®). Q4/ Fibroscan /Fibrotest Ponction biopsie hépatique, qui permet seule d’affirmer le diagnostic NB/ La PBH est toujours nécessaire pour le diagnostic de cirrhose en cas d’alcoolisme (peut être remplacée par le fibroscan si infection chronique à VHC) Q5/ Pathologie ulcéreuse gastro-duodénale (30 %) Rupture de varices œso-cardiales par hypertension portale (20 %) Ulcérations et érosions gastro-duodénales (20 %) Oesophagites (10 %) Syndrome de Mallory-Weiss (5 %) Le diagnostic le plus probable est la rupture de varices œsophagiennes par hypertension portale due à une cirrhose éthylique non sevrée, décompensée Q6/ Urgence vitale Laisser à jeun Hospitalisation en Unité de Soins Intensifs et mesures de réanimation : Oxygénothérapie nasale voire au masque, pour obtenir une saturation > 92 % Monitorage continu des constantes : pouls, TA, saturation ; scope. Pose de 2 voies veineuses de bon calibre Soluté de remplissage en cas de choc ou d'emblée +/- transfusion de concentrés globulaires en fonction de l'hémoglobine (objectif = 25 % < Ht < 30 % ou Hb ~ 9 g/dL) après contrôle en urgence du Groupe–Rhésus–RAI Maintien en position assise ou position latérale de sécurité +/- sonde nasogastrique en aspiration pour éviter l'inhalation de vomissements 2012 2013 9 points 2 2 3 2 8 points 2+2 2+2 12 points 2 2 2 3 3 15 points 3 2 PQRST 37 Contrôle de l’hémorragie : Par une drogue vaso-active splanchnique par voie intraveineuse à la seringue électrique = octréotide (Sandostatine) +/- inhibiteur de la pompe à protons intraveineux (oméprazole 20 mg en IV). Traitement de l’étiologie lors de l’endoscopie œso-gastro-duodénale en urgence précédée 30 à 60 minutes avant d’une vidange gastrique = érythromycine IV en 30 minutes chez un malade hémodynamiquement stable intubé et ventilé en cas de troubles initiaux de la conscience avec un triple but diagnostique, pronostique et thérapeutique = geste d'hémostase => ligature +++ (maintenant préférée à la sclérose) Prévention des complications associées : Antibiothérapie prophylactique des infections = fluoroquinolone (norfloxacine, 2 cp/jour pendant 7 jours) Prévention du syndrome de sevrage Renutrition : reprise alimentaire après 24 heures sans saignement Surveillance +++: risque de récidive hémorragique précoce (20 à 30 % des cas) Prise en charge sociale : Exonération du ticket modérateur et prise en charge à 100 % Allocations, aides à la réinsertion, foyer-logement… NB/ La baisse parallèle du TP et du facteur V signent une insuffisance hépatocellulaire, en rapport avec la cirrhose. Il n’y a donc aucun intérêt à supplémenter Mr R. en vitamine K. C’est la chute du TP, avec facteur V normal qui est évocatrice de carence en vitamine K, motivant une recharge, test diagnostique et thérapeutique dit de Köller, l’ascension du TP confirmant rétrospectivement le diagnostic. Q7/ Traitement étiologique : arrêt total et définitif de l’alcool + aide au sevrage Prophylaxie secondaire de la rupture de varices oesophagiennes: Traitement béta-bloquant non cardio-sélectif (propanolol), en l'absence de contre-indication (ECG obligatoire) : but = fréquence cardiaque au repos < 55/min (ou – 25 % par rapport à la fréquence de repos) Ligatures itératives de varices oesophagiennes (4 à 6 séances espacées de 2 à 3 semaines) jusqu'à éradication, puis surveillance endoscopique annuelle Contre-indication à l’aspirine et aux AINS Traitement de l’ascite : régime hyposodé + traitement diurétique +/- Ponctions itératives Surveillance clinique et biologique tous les 3 à 4 mois : Poids ; périmètre ombilical ; complications (ascite, encéphalopathie…) Score de Child-Pugh (demander systématiquement : NFS-plaquettes, bilan hépatique complet, TP, albumine, ionogramme, créatinine) Suivi addictologique (pour aider au maintien du sevrage) Dépistage du carcinome hépato-cellulaire par une échographie abdominale et un dosage de l’alpha-fœtoprotéine (peu sensible) tous les 6 mois Q8/ Devant une fièvre chez un patient cirrhotique il faut évoquer : 2012 2013 2 3 2 3 11 points 2 2 3 2 2 7 points 2 PQRST 37 2012 2013 Une infection spontanée du liquide d’ascite + décompensation de la cirrhose (encéphalopathie hépatique), diagnostic le plus probable. Une autre infection urinaire, pulmonaire, cutanée (érysipèle), ORL (dentaire), cardiaque (endocardite droite) Une hépatite alcoolique aiguë Le diagnostic demande à être confirmé par : Une ponction d’ascite en urgence (à l’union du 1/3 externe et des 2/3 internes d’une ligne joignant l’épine iliaque antéro-supérieure gauche et l’ombilic) avec examen direct et culture sur milieux aéro-anaérobie et sur Lowenstein (asciculture) : le diagnostic est retenu si taux de polynucléaires neutrophiles est > 250/mm³ ; la positivité des cultures est facultative (en pratique la culture est négative chez plus d’un patient sur deux) Un ECBU pour cytologie et bactériologie Des hémocultures. Q9/ Urgence +++ car le pronostic vital est engagé Antibiothérapie : ofloxacine per os ou IV ou amoxicilline - acide clavulanique IV avec relais per os possible à 48 heures ou céfotaxime IV pour une durée de 5 à 7 jours Perfusion intraveineuse d’albumine à J1 (1,5g/kg) et J3 (1g/kg) Surveillance clinico-biologique Température ; pouls, PA ; diurèse ; douleurs abdominales ; poids ; périmètre ombilical ; œdème des membres inférieurs NFS, VS ; CRP ; ionogramme, urée, créatinine ; tests hépatiques Ponction d’ascite de contrôle à 48 heures (une décroissance de plus de 50 % du taux de polynucléaires signe l’efficacité du traitement) Q10/ Une insuffisance rénale chez un cirrhotique décompensée doit faire évoquer : Une insuffisance rénale fonctionnelle liée au sepsis Une insuffisance rénale fonctionnelle en rapport avec le traitement diurétique (qu’il faut interrompre soit dit en passant) Une néphropathie glomérulaire à Ig A du cirrhotique Une néphropathie toxique liée à un agent néphrotoxique (aminoside,…) Un syndrome hépatorénal Un syndrome hépatorénal doit être particulièrement redouté car il est quasiment constamment associé à une insuffisance hépato-cellulaire sévère et à une ascite infectée, de pronostic défavorable à court ou moyen terme 2 3 7 points 2 3 2 7 points 2 3 2