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MARCHES PUBLICS
Introduction
Terre d’élection de l’intervention publique dans ses fonctions régaliennes ou de
constitution de moyens d’action publique, la commande publique approche tous les
domaines de la vie économique et sociale. Aucun secteur n’en est a priori écarté.
La commande publique se situe au carrefour de deux logiques complémentaires,
parfois contradictoires, qui veulent tout à la fois que l’action administrative soit
efficace sur le plan de la régularité et performante sur le plan économique. Malgré
l’affichage du législateur ou du pouvoir réglementaire en termes de simplification ou
d’économie, cette commande est enserrée dans un corset juridique aux mailles
étroites, d’autant plus étroites qu’il faut compter aujourd’hui avec le droit
communautaire avec lequel, une fois de plus, le droit national est en délicatesse…
Le nouveau Code des marchés publics (NCMP), c’est le nom qui le distingue du
précédent pour les praticiens, est d’autant plus nouveau qu’il a contraint les
organismes publics sur lesquels il agit à une réflexion originale qui est celle de
l’organisation de l’achat : centralisée ou décentralisée, et celle de la spécialisation
correspondante.
Cette novation n’empêche pas que le NCMP fasse déjà l’objet, notamment sous la
pression de la Commission et d’une judiciarisation croissante, d’un projet de réforme
présenté en Conseil des Ministres du 19 mars 2003 et de textes en préparation sur
les PME et PMI démontrant que, si les règles sont fixées au niveau communautaire, les
gouvernements nationaux cherchent évidemment à faire bénéficier leurs
ressortissants des avantages de la commande publique nationale.
Cette nouvelle réforme vise à mettre le droit français en conformité avec la
réglementation communautaire… au moment même où, transformant notre droit
national en Sisyphe, la réglementation communautaire prépare elle-même une
modification des directives qui l’ont fondée.
La commande publique constitue un domaine d’activité très technique et très formel.
On a parlé à leur égard de labyrinthe procédural, transformant la règle de droit en
contrainte plus qu’en outil. Le risque d’un oubli, d’une erreur, voire d’une interprétation
divergente est quasi constant. Il reste encore un long chemin à parcourir avant de
parvenir à une relation équitable, formalisée et équilibrée entre l’acteur public et son
cocontractant. C’est dire l’importance du contrôle juridictionnel. Elle concerne en
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outre tous les acteurs publics quelle que soit leur place dans l’organisation
administrative.
Voilà quelques-unes de raisons qui justifient que la commande publique recueille toute
votre attention. L’ensemble de ces raisons est détaillé par la suite. Il importe
aujourd’hui de comprendre cependant que cette attention, constante dans le
maniement de l’argent public, polymorphe, imparfaite, frappée au coin de deux
logiques exceptionnellement liées, cette attention donc, risque de dénaturer la
commande publique.
1. La nature de la commande publique justifie toutes les attentions
A Une réglementation touffue
La commande publique, dans notre pays féru de droit écrit, fait depuis longtemps
l’objet d’une attention soutenue des gouvernants. Risque de détournement des fonds
publics, entente entre les entreprises, favoritisme, modalités de passation de la
commande ont depuis l’origine été minutieusement examinés pour entourer l’acte
d’achat des formes les plus à me de le contrôler et d’éviter les errements
correspondants. Notre méfiance originelle s’y est largement exprimée.
Puis le droit communautaire est venu, dans sa conception libérale et égalitaire, le
compléter et l’harmoniser, rejoint par le droit international. Aujourd’hui, c’est vers
une homogénéité des principes que se dirigent les droits français et communautaire.
On distinguera traditionnellement les sources internes (1) des sources supranationales
(2), et, en droit interne, les sources directes des indirectes :
1) Sources internes
1) a. Sources directes : avant le décret du 7 mars 2001
- Premières traces du droit de la commande publique sous la monarchie de Juillet
(Louis Philippe, 1830 1848)
- Décret du 17 juillet 1964 formant les livres I et II du code des marchés publics
- Décret du 28 novembre 1966 en formant les livres III et IV
- Décret 89-236 du 17 avril 1989 créant le livre V (transposition d’une directive
communautaire)
- Décret n° 92-1310 du 15 décembre 1992, aujourd’hui abrogé, à l’origine du NCMP
- 1995 : la CCM entreprend de refondre le code. Une mission est confiée en
septembre 1995 à un parlementaire, M. TRASSY-PAILLORGUES, en vue de préparer
un texte général relatif à la commande publique.
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- Mars 1997 : le rapport T-P est remis et un projet de loi ARTHUIS-GALLAND est
préparé. Ce projet est abandonné après le changement de majorité (législatives de
juin 1997).
- Décembre 1997 : proposition de loi identique : sans suite.
- Avril 1999 : le Ministère de l’économie et des finances lance une vaste consultation à
partir d’un document d’orientation. Ce document propose 4 axes d’actions visant à :
ouvrir plus largement la commande publique aux PME,
renforcer la transparence des procédures et la sécurité juridique des acheteurs
publics
clarifier le champ d ‘application d’un droit de la commande publique simplifié et
rénové,
et, enfin, améliorer l’efficacité de la commande publique et les pratiques d’achat
en recourant davantage aux nouvelles technologies de l’information.
Mais la concertation s’enlise. Le nouveau ministre des Finances, L. Fabius, diffuse un
projet de décret en septembre 2000. L’élaboration de ce texte s’affine et le 7 mars
2001 (JO du 8) paraît le décret valant nouveau code des marchés publics.
1) b. Sources indirectes :
- Droit de la concurrence, droit pénal, droit du travail (loi du 31 décembre 1975 sur la
sous-traitance), Code civil (a. 1326 : « toute convention comportant un engagement
unilatéral de payer une somme d’argent doit, dans l’intérêt de la personne qui le
souscrit, exprimer de façon non équivoque la connaissance qu’a celle-ci de la nature et
de l’étendue de son obligation », applicable aux marchés publics : CE, 28 juin 1996,
Krief), Code de la Sécurité sociale ou de la Construction et de l’habitation pour
l’extension des règles du Code des marchés publics aux caisses de Sécurité sociale et
aux Organismes privés d’HLM
- Le plus dynamique : le droit de la concurrence par l’article 53 de l’ordonnance du 1er
décembre 1986, aujourd’hui codifié à l’article L. 410-1 du Code de commerce : « les
règles définies à la présente ordonnance s’appliquent à toutes les activités de
production, de distribution et de services, y compris celles qui sont le fait de
personnes publiques, notamment dans le cadre des conventions de délégation de
service public (DSP). » C’est donc l’ordre de juridiction judiciaire qui est compétent.
A cet égard, l’ordonnance du 1er décembre 1986 ne remet pas en cause la compétence
du juge administratif lorsque des prérogatives de puissance publique sont en jeu (TC,
6 juin 1989, Préfet de Paris c/ CAA Paris, affaire ville de Pamiers ; CJCE, 18 mars
1997, Diego Cali et Fili SRL sur le fondement comparable de l’article 86 du Traité).
Mais les juges judiciaire et administratif hésitent à invoquer l’ordonnance de 1986 :
CE, 23 juillet 1993, CGE et CCass., 14 décembre 1993, Sté Couach Plascoa c/
Ministère de la Défense.
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Puis, sous le contrôle du juge qui vérifie au coup par coup qu’il n’y a pas abus de
position dominante, les dispositions correspondantes sont intégrées au droit
administratif par le biais de la combinaison des articles 81 à 86 du Traité de Rome :
CE, 8 novembre 1996, Fédération française des sociétés d’assurance et autres
(position dominante MSA à l’égard des professions agricoles) ou CE, 3 novembre 1997,
société Intermarbres (position dominante du service des pompes funèbres).
- La doctrine des organes de contrôle de la commande publique : CCM fondue dans la
DAJ du Minefi créée par le décret 98-975 du 2 novembre 1998 modifiée par le
décret 2002-71 du 14 janvier 2002 et deux arrêtés du même jour : en son sein la
sous-direction de la commande publique ; la mission interministérielle d’enquête sur
les marchés publics et les DSP (loi 91-3 du 3 janvier 1991) ; l’observatoire
économique de l’achat public (article 135 du NCMP) a pour mission de rassembler et
d’analyser les « données relatives aux aspects économiques de la commande
publique ».
2) Sources supranationales
2) a. Sources communautaires
Au départ, les marchés publics sont absents des traités. Ils en constituent une part
sans cesse croissante aujourd’hui. C’est un droit jeune, compliqué, méconnu et peu
articulé avec les droits nationaux, ce qui pose un réel problème de sécurité juridique
aux entreprises et aux acteurs publics. Ce droit communautaire poursuit deux
objectifs essentiels : une ouverture accrue des marchés intérieurs nationaux et une
utilisation rationnelle des deniers publics.
- Commission européenne : 27 mars 1996 : « livre vert sur les marchés publics dans
l’UE : pistes de réflexion pour l’avenir » pour susciter réflexions et débats dans l’UE ;
11 mars 1998 : « communication sur les marchés publics dans l’UE » à l’origine d’une
proposition de nouvelle directive « marchés publics » ; 8 février 2000 :
« communication interprétative sur les concessions en droit communautaire ».
- De nombreuses directives sont aujourd’hui en vigueur. Les plus importantes :
D 92/50/CEE du 18 juin 1992 (JOCE du 24 juillet 1992) portant coordination
des procédures de passation des marchés publics de services, dite directive services
D 93/36/CEE du 14 juin 1993 (JOCE du 9 août 1999) portant coordination des
procédures de passation des marchés publics de fournitures, dite directive
fournitures
D 93/37/CEE du 14 juin 1993 (JOCE du 9 août 1999) portant coordination des
procédures de passation des marchés publics de travaux, dite directive travaux
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Et D 97/52/CE (Parlement + Conseil) du 13 octobre 1997 (JOCE du 28
novembre 1997) les a modifiées suite à l’accord sur les marchés publics de l’OMC.
- D’autres traitent de parties de la commande publique :
D 89/665/CEE du 21 décembre 1989 portant coordination des dispositions
législatives, réglementaires et administratives relatives à l’application des procédures
de recours en matière de passation des marchés publics de fourniture et de travaux
transposée directement en droit français par la loi modifiée 92-10 du 4 janvier 1992
et par le décret d’application du 7 septembre 1992 modifiant le code de justice
administrative et ouvrant droit à la procédure de référé précontractuel
D 93/38/CEE du 14 juin 1993 (JOCE du 9 août 1993) sur les secteurs
spécifiques (eau, énergie, transports, télécommunications), transposée en droit
français par la loi 92-1282 du 11 décembre 1992 modifiée par la loi 97-50 du 22
janvier 1997 qui intègre les marchés de services et le décret d’application 93-990
du 3 août 1993 modifié par décret n° 98-113 du 27 février 1998
D 98/4/CE du 16 février 1998 (JOCE du 1er avril 1998) qui rationalise les
textes antérieurs et intègre les règles tirées de l’accord sur les marchés publics
conclu à Marrakech après l’Uruguay Round
D 92/13/CEE du 25 février 1992 qui porte sur les recours en matière de
marchés publics dans les secteurs spécifiques transposée en droit français par la loi
n° 93-1416 du 29 décembre 1993
D 2000/35/CE du 29 juin 2000 (JOCE du 8 août 2000) du Parlement et du
Conseil concernant la lutte contre le retard de paiement dans les transactions
commerciales qui demande aux Etats de s’y conformer avant le 8 août 2002
A l’expiration du délai imparti aux Etats, les directives sont d’application directe et le
Conseil d’Etat considère qu’elles peuvent être invoquées directement : CE, 3 février
1989, compagnie Alitalia ; CE, 28 février 1992, SA Rothmans International France ;
CE, 23 juin 1995, SA Lilly France.
Avant l’expiration, l’Etat doit s’abstenir de prendre des mesures contraires :
CJCE, 18 décembre 1997, Inter - environnement Wallonie c/ région wallonne ou CE, 10
janvier 2001, France Nature environnement ; ou ne pas refuser l’obligation de mise
en concurrence : CE, 6 février 1998, M. Tête et l’association de l’Ouest lyonnais.
- Par ailleurs, la Commission s’efforce de promouvoir la normalisation :
D 2001/78/CE du 13 septembre 2001 (JOCE du 29 octobre 2001) relative à
l’utilisation des formulaires standards pour la publication des avis des marchés publics
Ou l’introduction des nouvelles technologies dans les marchés :
Projet SIMAP (système d’information sur les marchés publics) qui vise à la
dématérialisation des échanges (prévue dans le NCMP à l’article 56), voire la base de
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