utilisant des faits sordides, il serait l’un des coproducteurs de ce texte. Le laisser penser serait
d’abord désobligeant pour leurs auteurs, pas très flatteur pour l’avocat en question, mais, de
surcroît, déshonorant pour notre assemblée.
Pour cette raison circonstancielle, nous plaidons au moins pour le renvoi de l’examen des
dispositions de cette proposition dans le cadre plus général de la réforme annoncée de la
justice des mineurs. Cependant si, pour des raisons que je n’ose imaginer, vous persistiez,
avec votre majorité, dans votre volonté d’adopter ce texte au terme de cette séance, vous
pourriez au moins lever tous les soupçons qui pèseront immanquablement sur vos intentions
en ne programmant pas son entrée en vigueur à la veille du procès en question.
Voila pour ce qui me paraît relever des circonstances. Il faut maintenant s’en détacher
totalement pour en venir au fond, autrement dit, aux conséquences que l’on attend en général
des évolutions législatives décidées ici.
Comme l’a rappelé le président de l’Association nationale des praticiens de la cour d’assises,
M. Henri-Claude Le Gall, « la règle actuelle concernant l’organisation des débats devant la
cour d’assises des mineurs vise à assurer une protection particulière aux mineurs mis en
cause, en leur assurant une certaine discrétion. Il s’agit d’éviter que certaines erreurs de
jeunesse ne soient étalées sur la place publique alors que certains procès se déroulent très
longtemps après la majorité du mis en cause » et de citer l’exemple d’une affaire concernant
une infraction d’attouchements sexuels commise par un mineur de seize ans et qui fut jugée
quand l’intéressé en avait quarante et un. En effet, si la justice des mineurs doit répondre aux
actes délictueux et s’attacher toujours à ce que la justice s’accomplisse, elle doit le faire en
garantissant au mineur les meilleures chances de réinsertion et éviter toute stigmatisation.
C’est pour ces raisons que les articles 14 et 20 de l’ordonnance du 2 février 1945 posent le
principe de la publicité restreinte. Dans sa décision du 29 août 2002, le Conseil
constitutionnel a rappelé la valeur constitutionnelle de ce principe. La recommandation du
conseil des ministres des États membres de l’Union européenne relative aux mineurs
délinquants pose le principe du droit au respect de la vie privée des enfants. L’article 40 de la
convention internationale des droits de l’enfant impose de promouvoir l’adoption de lois et de
procédures spécialement conçues pour les mineurs délinquants dont le but est de faciliter leur
insertion dans la société. En 1993 et de nouveau en 1999, la Cour européenne des droits de
l’homme a confirmé que la minorité de la personne poursuivie permet d’écarter la publicité
des débats.
On mesure ainsi combien le souffle vertueux de l’ordonnance de 1945 a inspiré, jusqu’aux
plus récents, les textes de portée internationale sur ce sujet. Faudrait-il aujourd’hui accepter
d’être mis à l’index de la communauté européenne en remettant en cause la spécificité de la
justice des mineurs ?
L’émotion suscitée par cette proposition de loi a été telle qu’elle a conduit notre rapporteur à
modifier le dispositif initialement prévu afin de réaffirmer le principe de la publicité restreinte
pour les mineurs devenus majeurs, le maintien de ce principe lui paraissant conforme à la
nécessité de préserver une spécificité au statut pénal des mineurs en tenant compte de leur âge
au moment des faits. Dont acte !
Pour autant, en ouvrant considérablement les possibilités d’y déroger, ne risquez-vous pas, par
une autre voie, de fragiliser, jusqu’à l’anéantir, ce même principe ? Nous le croyons.
En effet, désormais ce ne sera plus seulement le prévenu mineur ou l’accusé mineur devenu
majeur qui pourra demander la publicité des débats, le parquet et/ou la partie civile, sans
doute sur les conseils et par l’intermédiaire de ses avocats, en auront également la faculté.
Autant dire qu’elle risque d’être systématiquement demandée, que s’ouvrira alors un procès