Gastroplastie et obésité
L’obésité sévère a des conséquences dramatiques sur la santé et la qualité de vie. Les
complications vasculaires, respiratoires, ostéo-articulaires et métaboliques qui l’accompagnent
rapidement et que l’on définit sous le terme générique de " comorbidités ", diminuent l’espérance
de vie des patients [1]. Les études démographiques récentes ont montré une prévalence accentuée
de cette obésité dans nos pays occidentaux, plus particulièrement chez les jeunes [2]. Les
traitements médico-diététiques qui sont proposés ont fait la preuve d’une efficacité inconstante et
sont grevés d’un taux de rechutes élevé [3]. C’est ce constat d’échec qui a conduit à proposer un
traitement chirurgical dont la dernière technique en date, le cerclage gastrique ajustable, connaît
un développement spectaculaire.
Techniques chirurgicales de traitement de l’obésité
Les méthodes chirurgicales proposées sont basées sur deux principes : l’induction d’une
malabsorption et/ou celle d’une restriction gastrique.
Pendant longtemps les techniques chirurgicales proposées dans le traitement de l’obésité
morbide ont visé à induire une malabsorption par dérivations jéjuno-iléales ou
bilio-pancréatiques. Cependant, des complications post-opératoires graves et des carences
nutritionnelles les ont fait abandonner par la plupart [4].
Le principe de la restriction gastrique est actuellement le plus fréquemment employé.
Le court-circuit gastrique sur estomac calibré associe la restriction et la malabsorption : il
s’agit d’une poche gastrique proximale de petit volume connectée à une anse iléale branchée en
Y. C’est l’intervention la plus efficace, donnant une perte de l’excès de poids (PEP)
respectivement de 70 à 55% en 1 et 5 ans [5]; mais elle semble grevée d’un risque élevé de
carences nutritionnelles (en fer, folates et vitamine B12, anémie) et de complications
anastomotiques pouvant imposer des réinterventions. Elle est plus efficace que le traitement
médical seul [5, 6] et a récemment été adaptée à la laparoscopie [7] avec d’excellents résultats.
L’anastomose gastro-jéjunale au fundus reste de réalisation difficile chez l’obèse et le taux de
fistules est de 4% [8]. C’est pourquoi ont été proposées des techniques de restriction gastrique
isolée qui permettent de ne pas ouvrir le tube digestif. Elles sont basées sur la sensation de satiété
précoce que donne un premier compartiment gastrique de taille réduite et inextensible.
La gastroplastie verticale calibrée [9] est la technique de référence (Fig. 1) : c’est une partition
verticale longeant la petite courbure par application d’une pince mécanique à 4 rangées d’agrafes
réalisant une poche gastrique de 30 ml qui se vide dans le reste de l’estomac par un
rétrécissement maintenu à 10 mm de diamètre par un collier extérieur inextensible. Cette
gastroplastie permet une P.E.P. de 40 à 50% en un an. Sa morbidité est faible car elle ne requiert
ni ouverture du tube digestif, ni anastomose; elle préserve la continuité gastro-duodénale d’où
l’absence de carence nutritionnelle; mais le montage engage le reste de la vie des malades. Elle a
récemment été adaptée à la voie laparoscopique.
La mise en place d’un anneau périgastrique (Fig. 2) a déjà fait la preuve de son efficacité par
laparotomie dans le cadre de ces gastroplasties [10]. Et l’anneau de silastic réglable placé par
voie laparoscopique [11] améliore le confort péri- et postopératoire. Ce cerclage gastrique
s’inscrit dans le développement des techniques mini-invasives, par l’absence d’ouverture du tube
digestif et l’usage de la laparoscopie pour la réalisation d’un montage réversible. Il s’agit de la
mise en place d’un anneau périgastrique gonflable pour obtenir un calibre variable séparant du
reste du corps de l’estomac un compartiment d’amont calibré à 15 ml. Cet anneau est relié à un
site implantable placé dans le tissu sous-cutané sur la face antérieure du muscle droit de
l’abdomen. L’anneau est ajustable et permet d’adapter les contraintes diététiques.
Les indications
L’engouement pour le cerclage gastrique ajustable ne doit pas modifier les indications de la
chirurgie de l’obésité. Elle doit concerner l’obésité morbide telle qu’elle a été définie lors du
consensus de la N.I.H. en 1991 [12], c’est-à-dire celle qui diminue l’espérance de vie. C’est
pourquoi il est essentiel, avant toute décision, que l’évaluation des bénéfices et des risques soit
faite pour chaque patient de façon pluri-disciplinaire afin de respecter certaines règles
essentielles :
1. L’obésité doit être morbide, ce qui se définit comme un excès de poids de plus de 100% ou un
Indice de Masse Corporelle (IMC) supérieur à 40kg /m2. En effet, pour un obèse dont l’IMC est
supérieur à 40 kg/m2, le risque de mort subite est multiplié par 40 [2], entre 25 et 35 ans, son
risque de décès est multiplié par 12, et par 24 après 45 ans [13]. Ce sur-risque de décès est
notamment à l’hypertension artérielle, au diabète, aux dyslipidémies et aux apnées du sommeil.
2. L’âge du patient doit être compris entre 18 et 60 ans.
3. Le patient doit être en situation d’échec vis-à-vis du traitement médical correctement suivi
pendant au moins un an. La chirurgie ne se justifie que s’il est impossible de maintenir une perte
de poids suffisante, ce qui impose l’avis du médecin nutritionniste.
4. Le patient doit être coopérant et motivé : il faut qu’il souhaite volontairement cette opération,
donc qu’il en connaisse les avantages, mais aussi les risques et les contraintes diététiques. Le
patient doit comprendre que ce traitement n’est qu’un coup de pouce dont la réussite dépendra de
sa participation active à modifier son mode de vie et ses habitudes alimentaires et de la
surveillance qu’il doit accepter. D’où la nécessité d’un avis psychiatrique et d’une surveillance
diététique.
5. Il ne doit pas y avoir de contre-indication : le patient doit pouvoir supporter une anesthésie
générale, donc ne pas avoir d’insuffisance cardiaque, coronaire ou respiratoire susceptible de se
décompenser. Les autres contre-indications classiques sont les maladies endocriniennes, les
affections néoplasiques ou maladies de système, les syndromes de Willy-Prader et
crâniopharyngiomes. Les psychiatres récusent certaines psychoses et les compulsions
boulimiques ainsi que les dépendances à l’alcool ou à la drogue.
Résultats
La chirurgie est acceptable si elle permet une réduction significative et stable de l’excès de poids,
avec une faible morbidité et mortalité et des séquelles tardives minimales sur un suivi exhaustif.
Tolérance
La gastroplastie apporte les avantages de la laparoscopie : réduction des douleurs et des séquelles
pariétales, donc de la durée d’hospitalisation et d’arrêt de travail et elle s’accompagne d’une
faible morbidité (environ 10%) [14, 15]. Les complications les plus fréquentes sont les
glissements de l’anneau avec dilatation du compartiment d’amont : trop nombreux lorsque
l’anneau était placé à travers l’arrière-cavité des épiploons (17%) [16], ils sont moins fréquents
depuis que l’anneau est placé haut mais existent encore (5 à 9%), probablement en rapport avec
la persistance de mauvaises habitudes alimentaires qui conduisent les patients à ne pas respecter
en particulier la nécessaire fragmentation des repas. Ceci rend compte de la nécessité d’une
surveillance régulière : une consultation tous les trois mois permet de vérifier la bonne perte
d’excès de poids, de détecter des erreurs diététiques ou des complications. Un anneau bien toléré
est indolore et donne une sensation de satiété précoce. Un vomissement témoigne d’une erreur
diététique; acceptable en début d’expérience, il doit survenir de plus en plus rarement avec le
recul. Un pyrosis témoigne d’un anneau trop serré ou mal placé : il implique un traitement par
IPP et un desserrage et s’il persiste, un contrôle radiologique afin d’apprécier la position de
l’anneau. La constatation d’un premier compartiment dilaté témoigne d’un glissement de
l’anneau : le desserrage peut permettre à l’anneau de se replacer en bonne situation. Si une
intolérance alimentaire survient, il faut enlever l’anneau sous laparoscopie.
Efficacité
L’efficacité est jugée sur la perte d’excès de poids (PEP). Peu de séries font état de résultats à
plus de deux ans. La PEP à deux ans est d’environ 50%, et semble se stabiliser sur les séries les
plus anciennes, encore trop récentes [14].
Le véritable critère de jugement doit être une amélioration de la qualité de vie des patients avec
disparition des comorbidités en rapport avec l’excès de poids. Non encore publiés après les
gastroplasties, ces résultats sont attendus. En effet, des travaux plus anciens ont montré : une
guérison de plus de 90% des malades diabétiques après restriction gastrique [20], une diminution
de l’HTA dans les mois suivant l’intervention [21], une diminution des problèmes coronariens,
des douleurs et de l’impotence fonctionnelle articulaire en cas d’arthrose dégénérative [22] dont
95% des patients devraient pouvoir bénéficier [23].
Conclusion
Le cerclage gastrique ajustable est une technique sûre et efficace par une P.E.P. de 50% à 18
mois. Elle doit être réservée aux obésités morbides. La voie d’abord laparoscopique permet un
lever précoce, des douleurs post-opératoires modérées et une durée d’hospitalisation de 4 jours
en moyenne. Elle permet une reprise des activités professionnelles au dixième jour
post-opératoire et diminue fortement les complications pariétales. Elle permet d’obtenir chez
tous ces patients un amaigrissement qui ne peut être obtenu régulièrement par aucun autre
traitement médical. Le montage est totalement réversible mais il reste à confirmer la pérennité du
résultat sur le long terme et à prévenir les quelques causes d’échec. C’est ici que la notion de
prise en charge pluri-disciplinaire de la procédure d’amaigrissement prend toute sa valeur, car
chirurgien, nutritionniste, gastro-entérologue, endocrinologue et psychiatre doivent ensemble
discuter les indications et surveiller les patients.
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