Quand les kilos pèsent lourd

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MA VIE DE PATIENT
Chirurgie de l’obésité
Quand les kilos pèsent lourd
Deux belles jeunes femmes. Toutes deux ont perdu plusieurs dizaines de kilos à la suite d’une opération
bariatrique, qui sont difficiles à ne pas reprendre.
E
22Lexique
Chirurgie bariatrique : techniques
chirurgicales utilisées dans certains cas
d’obésité sévère.
Bypass gastrique : réduction du volume
de l’estomac et dérivation du circuit
alimentaire. Les aliments vont directement
dans la partie moyenne de l’intestin grêle
avec pour inconvénients des carences et un
risque de dumping.
Dumping : syndrome également nommé
vidange gastrique rapide qui fait suite à
un passage trop rapide des aliments dans
l’intestin grêle. Les signes sont de type
digestif, douleurs abdominales, malaise
général…
Sleeve ou gastrectomie ou gastroplastie
verticale : résection de l’estomac dans la
longueur.
Anneau gastrique ou gastroplastie :
un anneau en silicone est placé autour de
la partie supérieure de l’estomac pour en
réduire la taille. Il rétablit la sensation de
satiété.
Pour en savoir plus : Recommandations
de la HAS, Obésité : prise en charge
chirurgicale chez l’adulte, janvier 2009.
Chirurgie de l’obésité pour les moins de
18 ans, mars 2016.
32
• N°115 • avril 2016
Elle a participé aux travaux de peinture
chez sa grand-mère, sans douleur, et ce
fut un pur bonheur pour Géraldine, qui,
elle le sait bien, est encore en pleine « lune
de miel ». Monter les escaliers avec les
courses, porter ses nièces lui était devenu
difficile. Il y a tout juste un an, elle s’est
soumise à un bypass gastrique, à propos
duquel, elle en convient, elle est « parfois
trop enthousiaste ».
Jusqu’à l’âge de 18 ans, Géraldine faisait
un 36-38. Elle a commencé à grossir « sans
s’en apercevoir », au moment de son entrée dans la vie professionnelle. « J’avais
accès financièrement à plus de loisirs,
plus de restaurants. » Autre « excuse », tous
sont gros dans la famille sauf son frère,
pompier. Alors elle prend 2 à 5 kg par an,
Par Audrey BUSSIÈRE
pendant plusieurs années, sans vraiment
prendre conscience de son état. « Mes parents ont suivi de nombreux régimes, qui
ont entraîné beaucoup de frustration. Le
surpoids est devenu quelque chose avec
laquelle on vit. » Elle consulte un nutritionniste, suit une cure en thalasso, mais
plutôt avec indolence. C’est l’infirmière
de la médecine du travail qui l’alerte sur
l’urgence d’une solution. « J’étais passée
de 85 à 100 kg en trois ans et elle m’a dit
que ça n’allait pas s’arrêter. Quand on voit
les trois chiffres sur la balance, c’est une
sacrée claque dans la figure, surtout pour
1 m 60 et la trentaine. »
Un endocrinologue lui propose trois semaines dans un centre spécialisé pour
apprendre à modifier ses habitudes de
22Ma pharma et moi
Lutter contre le nomadisme médical
« Concernant mon opération, c’est plutôt mon pharmacien qui me demande des retours,
raconte Géraldine, notamment sur les contre-indications ou les doses de vitamines et leurs
effets secondaires. Il est très à l’écoute et il connaît bien mon historique. Alors je n’ai pas
besoin de tout réexpliquer à chaque visite. Je sais qu’il n’hésitera pas à me mettre en contact
avec un autre client qui s’interrogerait sur l’opportunité d’une opération de ce type. »
« Le pharmacien a un rôle très important à jouer pour remettre dans le système de soins
les – nombreux – patients nomades, considère Anne-Sophie Joly. Une enquête a été menée
auprès de 80 pharmaciens qui ont déclaré accepter de participer à la prise en charge du
surpoids de leurs patients, à travers la délivrance d’une information ciblée, notamment sur
l’hypertension artérielle et l’usage d’outils connectés (par exemple, les montres wifi) qui
sont l’un des moyens d’observance pertinents. »
À titre personnel, elle s’est d’abord adressée à la petite pharmacie en bas de chez elle,
mal approvisionnée. Une réflexion déplacée de la part de la pharmacienne a fini de la
convaincre de ne plus y mettre les pieds et de lui en préférer une autre, où on « la regarde
comme tout le monde ».
Géraldine
vie afin d’éviter l’opération. Mais elle est
déterminée à se faire opérer. Son choix
initial se porte sur une sleeve, mais sa
tendance au RGO est incompatible avec
cette méthode. Elle opte donc pour un
bypass. Le danger de cette technique invasive est les carences, qu’elle s’applique
à compenser en respectant rigoureusement la prise quotidienne d’une complémentation en vitamines et minéraux.
Quant à l’alimentation, elle avait besoin
que « cela reste un plaisir ». «Le nutritionniste m’a dit : faites comme vous le sentez. Testez le poivron (qu’elle adore), et si
au bout de quelques minutes, rien ne se
passe, vous pouvez continuer. » La viande
rouge, elle, ne passe pas. Une fois, elle a
subi un dumping, à cause de « la frite de
trop ». Un malaise dont elle se souviendra.
Alors, ses astuces personnelles, c’est de
se servir dans une petite assiette, qu’elle
ne finit jamais quand elle mange au restaurant, de se plier à des horaires et surtout d’écouter plutôt son corps qui lui dit
stop que sa gourmandise.
Complications postopératoires
Elle a dû adapter sa garde-robe à ses 35 kg
en moins. « À la fin de ma période obèse,
je ne portais presque que des tuniques
avec leggings, aujourd’hui j’ai bien plus de
choix ». Se sent-elle plus belle ? « Je ne sais
pas car je ne me suis jamais vue comme
j’étais. Je crois que mon apparence correspond maintenant plus à ce que je suis
à l’intérieur. » Quand elle travaillait dans
un magasin de vêtements pour homme,
■■CNAO, passeur d’infos
Le CNAO est un collectif
national qui regroupe les
22 associations d’obèses
dans toute la France
et dans
les DOM-TOM.
Expert au sein
de différentes
commissions
de l’État, il se veut
« passeur
d’informations »
entre les patients et
les équipes
médicales. « Nous
souhaitons informer
le patient et le rendre
acteur », insiste Anne-Sophie
Joly, qui en est la fondatrice et
présidente. « Ma force mentale
m’a permis de toujours refuser
de me laisser envahir par la
cruauté des autres. Mais il y a
plein de personnes qui n’osent
pas, ne serait-ce que demander
de l’info. Alors j’ai ressenti
le devoir de leur en faciliter
l’accès et de leur offrir de la
compréhension. »
Depuis 7 ans, le CNAO organise
les Journées européennes,
qui auront lieu cette année
les 20 et 21 mai.
www.cnao.fr
Je me suis retrouvée
enfermée dans une
enveloppe corporelle.
Anne-Sophie
DR
Maintenant, mon
apparence correspond à
ce que je suis à l’intérieur.
❙❙Côté associations
il lui arrivait de tomber nez à nez avec
un miroir et de se surprendre à saluer la
personne en face d’elle !
Des kilos qui s’accumulent sans qu’elle s’en
rende vraiment compte, c’est aussi ce qui
est arrivé à Anne-Sophie quand elle était
étudiante. Pour elle, se réaliser dans ses
études était une forme de libération vis-àvis de son entourage affectif, et elle était
prête à en payer le prix. Sédentaire, boulimique de travail, elle s’est retrouvée « enfermée dans une enveloppe corporelle qui
n’était pas son choix mais la conséquence
de ce choix ». C’est la seule de sa promo
à être parvenue, 4 ans plus tard, au titre
d’architecte d’intérieur designer en monuments historiques. Elle a également gagné
25 kg. L’apparence physique n’a pas grande
importance pour elle mais lorsqu’elle a
commencé à travailler dans la presse médicale après un changement de cap professionnel et qu’elle a eu accès à l’information
concernant sa maladie, elle a pris la décision de passer par la chirurgie.
Après une bonne année de recherche,
elle a finalement opté en 2000 pour la
gastroplastie verticale Mason. Deux ans
et demi après sont apparus les premiers
problèmes postopératoires. Les agrafes
ont lâché ; on lui a proposé une autre
technique, celle de l’anneau gastrique.
Elle s’est également fait poser des implants mammaires, nécessaires suite à
son importante perte de poids, qu’il a
fallu retirer il y a environ trois ans car ils
provenaient de la marque frauduleuse
PIP, et donc, dans le même temps desserrer l’anneau. S’en sont suivis 5 mois
et demi d’infection. Bravant toutes les
mises en garde, elle « ose » envisager une
grossesse, alors à 130 kg. « Mon envie
d’un enfant était telle que malgré mon
âge (43 ans), mes dix opérations et ma
maladie, j’étais convaincue de réussir à
tomber enceinte de manière naturelle. »
Aujourd’hui, son bébé se porte à merveille, il est même un peu maigre ! Et elle,
qui vient de fêter joyeusement ses 45 ans,
pèse encore 35 kg de moins qu’avant sa
première opération. ■
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