Avant-propos
Depuis des siècles, les enfants « hors normes », présentant des capacités
cognitives nettement supérieures à la moyenne ont été remarqués.
Les conceptions de l’enfant exceptionnel ont évolué au cours du temps
(Vauthier,1997,2003).A l’époque gréco-romaine,on considère qu’il s’agit d’un
adulte en miniature ayant reçu un don par intervention divine. Platon, par
exemple, exprimait l’idée que « l’inégalité était naturelle, les dieux se mêlaient
d’assigner telle ou telle qualité aux hommes,l’intelligence était un don, elle faisait
partie du lot » (Durazzo,1997,p.22).Dans la période médiévale, les déviations
par rapport à la norme étaient vues comme pathologiques et éventuellement
associées aux démons. Au moyen âge,un tel enfant trouvait éventuellement sa
place en consacrant son énergie à une vie spirituelle dans l’église. À la renais-
sance,des enfants talentueux comme Michel Ange et Raphaël,puis à la période
romantique, des musiciens de génie comme Mozart et Schubert, ont capté
l’attention et suscité l’émerveillement du public. La période romantique s’est
illustrée par l’accent mis sur la fragilité et le tourment de ces enfants excep-
tionnels et « contre-nature ».
De nos jours, ces différentes conceptions persistent à différents degrés et
côtoient une conception de l’enfant représenté comme un être en devenir dont
le potentiel bio-psychologique se développe en fonction de l’environnement
socioculturel et éducatif. Au début du xxesiècle, dans ses travaux sur l’intelli-
gence,Alfred Binet,inventeur avec Théodore Simon d’un des tests d’intelligence
le plus célèbre,a porté un intérêt particulier aux différences individuelles obser-
vées chez des enfants et à l’adaptation de ceux-ci dans le système scolaire.Dans
son livre de 1911 intitulé « Les idées modernes sur les enfants », il fait état de ses
observations : « Voici encore l’écolier qui ne profite pas de l’enseignement, pour
une raison qui est vraiment paradoxale : il est trop intelligent . . . » (p. 109). Il
serait dommage, ajoute-t-il, que l’humanité ne bénéficie pas de ces individus à
l’intelligence supérieure dont il fait l’hypothèse qu’ils participeraient au progrès.
Les travaux de Binet ont eu un certain succès outre-atlantique.Lewis Terman
a mis au point le Test d’intelligence Stanford-Binet à partir des travaux de Binet
et Simon. Puis,il commença,en 1922,une vaste étude concernant 1800 enfants
présentant des scores très élevés aux épreuves intellectuelles, réalisée en
Californie.Ces participants à l’étude,actuellement dans le 3ème âge,font toujours
l’objet d’investigation,avec des recherches longitudinales assurées par les colla-
borateurs de Terman. Cette étude a eu un impact important, conjointement à
d’autres recherches - principalement anglo-saxonnes- portant sur ces enfants
qualifiés de « surdoués ».Les spécificités de cette population d’enfants et le déve-
Psychiatrie de l’Enfant et de l’Adolescent de Rennes, Centre Hospitalier
Guillaume Regnier et Université de Rennes 1
Laurence Vaivre-Douret, Professeur de psychologie du développement à
l’Université Paris X et neuropsychologue clinicienne AP-HP Cochin (INSERM
Unité 669)
Pierre Vrignaud,Professeur de psychologie du développement à l’Université
de Nantes,Laboratoire de Psychologie - Education, Cognition,Développement
(LabECD)
Catherine Weismann-Arcache,Maître de Conférences associé à Université
de Reims,chercheur associé au Laboratoire de psychologie clinique et de psycho-
pathologie (Université René Descartes – Paris V )
Franck Zenasni, Docteur en psychologie, chercheur à l’Institut Gustave
Roussy