rester les bras ballants devant la souffrance de l'un de nos compatriotes qui appelle
à ce que ça se termine." J'ajoute que plus de 90% des Français y sont favorables.
Cela mériterait un débat apaisé.
Jean Leonetti: La proposition de François Hollande est floue alors que la définition
de l'euthanasie est claire: il s'agit de donner la mort à un malade qui le réclame pour
abréger ses souffrances. En phase terminale d'une maladie, la loi actuelle,
lorsqu'elle est appliquée, est suffisante et permet d'accompagner et de soulager le
malade. Le médecin peut et doit utiliser pour cela tous les médicaments
nécessaires, même s'ils peuvent avoir pour effet secondaire de hâter la mort car, en
fin de vie, la qualité prime sur la durée de la vie. Le médecin ne donne pas
délibérément la mort. Changer la loi, c'est dépénaliser l'euthanasie.
M. T.: Quelle hypocrisie! On administre à des personnes en fin de vie des sédatifs
qui, donnés en grande quantité, ont pour effet secondaire de tuer; d'autres patients
meurent en souffrance ou isolés après l'arrêt du traitement, lorsqu'ils ne sont plus
alimentés ni hydratés. La loi qui porte votre nom a marqué une avancée très
significative, et il faut évidemment tout faire pour que les soins palliatifs se
développent. Mais cette loi ne recouvre pas l'ensemble des situations auxquelles
sont confrontés les malades, leurs familles, les médecins. On estime à environ 8000
le nombre de personnes qui ne trouvent pas de réponses avec la législation actuelle.
Parmi elles, certaines sont amenées à souffrir excessivement ou estiment qu'on
leur impose de vivre dans des conditions qu'elles ne jugent plus dignes. 2000
soignants ont reconnu avoir "en conscience aidé médicalement des patients à
mourir". On a besoin d'un cadre légal.
J. L.: Lorsque les soins palliatifs sont correctement mis en place, conformément à la
loi, ces situations que vous décrivez deviennent exceptionnelles. Cela ne
correspond pas à 8000 personnes. Il y a, en revanche, une situation à laquelle la loi
ne répond pas: lorsqu'un malade n'est pas en phase terminale et demande à ce
qu'on l'aide à mettre fin à sa vie parce qu'elle ne lui paraît plus digne d'être vécue:
c'est le suicide assisté. Toutes les affaires médiatiques de ces dernières années
entrent dans cette catégorie. Faut-il changer la loi pour ces cas? Je ne pense pas,
car il est impossible de dire à qui on accorde ce "droit" et à qui on ne l'accorde pas.
Comment refuser la mort à quelqu'un qui se sait atteint de la maladie d'Alzheimer et
qui n'a pas envie de vivre dans ces conditions, et l'autoriser à celui qui est atteint
d'une tumeur cérébrale?
M. T.: Mais parce que, justement, il n'est pas en phase avancée ou terminale! Je
trouve votre exemple scandaleux! Un malade ne va pas arriver à l'hôpital en disant:
"Tuez-moi", comme si on était au supermarché! Nous proposons une aide à mourir,
parce que nous reconnaissons à chacun, homme ou femme, la liberté de choisir
jusqu'au bout la manière dont il veut réaliser sa vie.
Cette aide pourrait survenir en "phase avancée", dites-vous, mais celle-ci est
beaucoup plus difficile à déterminer que la "phase terminale". Qui va décider
si le patient est entré dans cette étape-là?