Face à la fin de vie, il est important de prendre le temps de la réflexion, de sonder ses désirs,
sans se référer à des dogmes, de s’interroger sur l’humain et sur la dignité humaine.
Mais il faut admettre aussi que les malades ne sont pas toujours au clair avec eux-mêmes
dans leur demande : « vous m’aiderez Docteur ? » , »quand ce sera le moment »,
« aujourd’hui, je me sens bien, je vais mieux ». C’est le droit du patient d’hésiter, d’exprimer
son désir de vivre encore certains moments.
C’est donc aussi une difficulté supplémentaire pour le médecin. Celui-ci, s’il se rend compte
que la maladie progresse et que la médecine n’a plus rien à offrir à son patient, aura pour
attitude de soulager la souffrance et de faire appel aux soins palliatifs après une mise au
point avec son patient, sa famille et l’équipe médicale.
Son rôle est de l’accompagner jusqu’au bout, de ne pas l’abandonner, même quand tout est
perdu et de respecter sa volonté afin qu’il quitte la vie apaisé, conscient d’avoir été entendu
dans son souhait le plus intime quel qu’il soit…
J’estime qu’il est bon que la loi sur l’euthanasie existe, elle permet d’abréger des souffrances
intolérables. Une fin de vie respectueuse de nos limites, de notre seuil de tolérance à la
douleur est le dernier choix qui nous est laissé.
Libre à chacun d’entre nous de supporter la souffrance s’il estime que c’est la volonté de
Dieu. Dans la version religieuse, ma dignité consisterait à subir mon sort parce que ma
condition humaine suppose l’acceptation de ses limites. La souffrance est significative, il faut
l’assumer avec courage.
Pour d’autres, croyants ou non, nous sommes les obligés de la société, de notre famille, nous
devons accepter la souffrance au nom du caractère sacré de la vie ou par respect et amour
pour nos proches .
Dans les deux premiers cas, nous sommes désappropriés de notre propre vie au nom de
valeurs qui la transcendent.
Mais c’est librement aussi que le patient, dans un dialogue ouvert et constructif avec ses
proches et son généraliste, pourra décider de ses derniers moments. Et ce même s’il n’est pas
légalement majeur. Pour lui, sa seule dignité est sa liberté qui fonde son humanité.
Cette loi ne sous-tend aucune obligation. Elle donne juste la liberté de choix ; ce qui à mes
yeux reste une valeur fondamentale. Mais il y a là fracture dans la société entre ceux qui
pensent –comme moi-que la liberté individuelle est au sommet des valeurs et ceux qui ne
reconnaissent à l’humain qu’une liberté relative.
Pourtant ces trois positions restent très théoriques, car quelle que soit notre opinion
philosophique, face à la fin de vie, notre décision restera individuelle.
Même en tant que croyant, nous pouvons décider d’un acte euthanasique, comme le fit le
professeur de Duve, et même, en tant qu’athée, certains refuseront cet acte…