EUTHANASIE et RESPECT de la VIE
L’euthanasie ou littéralement « bonne mort » est une notion dont les racines sont fort anciennes. L’école des Cyrénaïques, vers
l’an 300 avant J.C. en défendait la pratique en développant l’idée que la seule fin de l’homme est le bonheur et que celui-ci
consiste seulement dans le plaisir ; la mort est donc « la seule solution aux souffrances de la vie » (Hégérias de Cyrène). Ce
concept a été repris par Thomas Moore dans son œuvre « Utopie » (1516) où il évoque l’idée de « voluntary death ».
C’est aussi le terme d’euthanasie que reprendront les nazis pour mettre en place dès 1939 et jusqu’en 1941 l’élimination
systématique des handicapés mentaux et des vieillards impotents.
Pour la pensée religieuse occidentale, proche en cela de Platon (le Phédon) et d’Aristote (l’Ethique à Nicomaque - VIII), nul ne
peut souhaiter raisonnablement la mort, et, pour la philosophe Hannah Arendt, « la croyance au caractère sacré de la vie a
survécu, absolument intacte, à la laïcisation et au déclin général de la foi chrétienne » (Condition de l’homme moderne).
Depuis la chute du IIIème Reich, bien peu d’hommes politiques ont osé utiliser le mot même d’euthanasie et se contentent de
périphrases aux contours mal définis. On parle de « laisser mourir », on ne parle plus de mort mais de « fin de vie ». Il n’est pas
admissible que, pour une telle pratique que l’on songerait à légaliser, on puisse rester dans un cadre aussi flou, aussi vague. La loi
de 2002 relative aux droits des malades plaidait pour « un droit à quitter doucement la vie » (Bernard Kouchner).
Alors que dans son programme de campagne, le candidat François Hollande s’était engagé à ouvrir une réflexion sur une
« assistance médicalisée pour terminer sa vie dans la dignité », pas une seule fois, ni lors de sa campagne ni depuis, il n’a eu le
courage d’affronter le « mot qui fâche ». Il s’est contenté de confier une mission au professeur Didier Sicard dont le rapport a été
remis en décembre 2012. Tout y figure dans de multiples nuances dont le but est d’éviter de choquer la diversité des sensibilités
et des approches ainsi que des convictions philosophiques ou religieuses de chacun. Tout en entrouvrant une porte sur l’idée de
« suicide assisté », le rapport continue à fixer une barrière, comme un interdit qu’on ne saurait franchir.
La souffrance, la dignité, la mort elle-même restent des questions intimes profondément liées aux convictions de chacun. Pour la
pensée chrétienne, la dignité est constitutive de la vie, il n’est pas imaginable d’imaginer un être vivant sans dignité puisque c’est
son existence même qui fonde cette dignité, indépendamment de l’aspect extérieur de la personne ou de la souffrance qu’il
endure. Le rapport Sicard reste donc extrêmement prudent sur ce que l’on appelle « l’aide active à mourir » et évoque une simple
« assistance au suicide » qui pourrait être envisagée « dans certains cas de maladie incurable et évolutive ». Il met en réalité
surtout l’accent sur les « soins palliatifs » auxquels il conviendrait d’étendre et de généraliser le recours, ce qui est en fait déjà en
place la plupart du temps.
Les praticiens auprès desquels une enquête a été menée soulignent que 16% seulement des patients émettent au moins une fois le
désir d’accélérer leur mort et que les demandes d’euthanasie explicites sont encore beaucoup plus rares (1,8% des décès), soit
environ 9.000 demandes par an pour 500.000 décès. A partir de ces chiffres, le professeur Aubry souligne l’intérêt qu’il y aurait à
se livrer à une sorte d’extrapolation. Il avance ainsi que 17.000 décisions médicales pourraient être prises chaque année dans
l’intention de donner la mort dont 14.000 décès provoqués sans le consentement du patient. Seuls 3.000 malades bénéficieraient
donc d’une décision médicale entraînant consciemment la mort à leur demande, dont 1.000 par administration d’une substance
létale.
La véritable contradiction réside dans le fait que l’euthanasie est désormais présentée comme un enjeu pour l’humanité prise
globalement alors que le rapport à la vie et à la dignité est une notion par essence même d’ordre individuel. En affaiblissant
considérablement l’interdit du meurtre, l’ouverture à l’euthanasie ne doit pas nous faire oublier que le laisser mourir est avant tout
un accompagnement et un engagement éthique, scientifiquement et médicalement peu gratifiants, et qu’il ne peut trouver de
justification véritable que par le regard exigeant et élevé de la fraternité et de la compassion.
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