4 Diagonalisation et changement de base

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Yves Lafont. Calcul matriciel. Mars 2005.
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4 Diagonalisation et changement de base
4.1 Valeurs propres et vecteurs propres
Définition : On dit que le scalaire λ est une valeur propre de l’application linéaire f : Rp → Rp s’il existe un
vecteur u 6= 0 tel que f (u) = λu. Un tel u s’appelle un vecteur propre de f associé à la valeur propre λ.
Exercice 99 : Trouver les valeurs propres et les vecteurs propres de f : R2 → R2 dans les cas suivants : symétrie
centrale, homothétie de rapport ρ, symétrie orthogonale, projection orthogonale, affinité orthogonale de rapport ρ,
rotation d’angle θ.
Remarque : Le scalaire 0 est une valeur propre de f si et seulement si le noyau ker f = {u ∈ Rp | f (u) = 0}
contient des vecteurs non nuls, c’est-à-dire si f n’est pas injective, autrement dit, si det f = 0.
Exercice 100 : Montrer que le scalaire λ est une valeur propre de f si et seulement si on a det(f − λid) = 0.
Les valeurs propres de f sont donc les racines du polynôme Γ défini par Γ(λ) = det(f − λid). C’est un polynôme
de degré p (et de coefficient directeur 1), appelé polynôme caractéristique de f .
Les valeurs propres, les vecteurs propres et le polynôme caractéristique d’une matrice carrée A sont celles et ceux
de l’application linéaire f de matrice A. En particulier, le polynôme caractéristique de A est Γ(λ) = det(A − λI).
Remarque : Dans le cas où p = 2, on doit résoudre une équation du second degré. Selon le cas, il y a deux valeurs
propres réelles, ou une seule valeur propre réelle, ou aucune valeur propre réelle. Pour trouver les vecteurs propres
associés, on résout un système linéaire.
Exercice 101 : Quelles sont les valeurs propres réelles des matrices suivantes ?
!
1
1
1 0
0 1
0 1
2
2
,
,
,
.
1
1
0 2
1 0
−1 0
2
2
Dans chaque cas, on donnera les vecteurs propres et une interprétation géométrique.
a 0
Remarque : Si la matrice A est diagonale, c’est-à-dire de la forme
, alors ses valeurs propres sont a et b.
0 b
a b
Exercice 102 : Soit A =
. On note λ et µ les racines du polynôme caractéristique de A.
c d
1. Exprimer la somme λ + µ et le produit λµ en fonction des coefficients a, b, c, d.
2. Montrer que si det A < 0, alors A a deux valeurs propres réelles de signes opposés.
3. Montrer que si b et c ont le même signe, alors A a deux valeurs propres réelles distinctes.
4.2 Diagonalisation en dimension 2
Définition : Une base de R2 est la donnée de 2 vecteurs u, v non colinéaires. Autrement dit, det(u, v) 6= 0.
Exercice 103 : Montrer que, dans ce cas, pour tout w ∈ R2 , il existe un unique (x, y) ∈ R2 tel que w = xu + yv.
[Un système linéaire à 2 équations et 2 inconnues dont le déterminant est non nul a une solution unique.]
Remarque : Si u, v est une base de R2 , alors toute application linéaire f : R2 → R2 est de la forme suivante :
f (xu + yv) = (ax + by)u + (cx + dy)v, où a, b, c, d sont donnés par au + cv = f (u) et bu + dv = f (v).
a b
Définition : Dans ce cas, on dit que
est la matrice de f dans la base u, v.
c d
Définition : Soit f : R2 → R2 l’application linéaire de matrice A dans la base canonique. On dit que f (ou A) est
diagonalisable s’il existe une base de vecteurs propres de f , autrement dit, s’il existe une base telle que la matrice
de f dans cette base est diagonale. En particulier, un matrice diagonale est diagonalisable.
Exercice 104 : Montrer que si f : R2 → R2 a deux valeurs propres réelles distinctes, alors elle est diagonalisable.
[Choisir un vecteur propre pour chaque valeur propre, puis montrer que ces deux vecteurs forment une base.]
Exercice 105 : Réciproquement, montrer que si une matrice carrée d’ordre 2 est diagonalisable et non diagonale,
alors elle a deux valeurs propres réelles distinctes.
Exercice 106 : Parmi les matrices suivantes, lesquelles sont diagonalisables ?
1 0
2 0
1 2
1 1
1 1
2 1
,
,
,
,
,
.
0 2
0 2
0 1
0 2
−1 1
−1 0
Le cas échéant, on donnera une base de vecteurs propres.
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Faculté des Sciences de Luminy - Licence MASHS-MI-SPC - Année 1 - Semestre 2.
4.3 Changement de base
Définition : À une base u, v de R2 , on associe la matrice de passage dont les colonnes sont les matrices respectives
de u et v dans la base canonique.
1 −1
Exemple : Si u = ~ı + ~ et v = ~ −~ı, alors P =
.
1 1
Par définition, la matrice P est toujours inversible. De plus, elle permet de passer d’une base à l’autre :
1. si X est la matrice colonne de w dans la base u, v, alors la matrice de w dans la base canonique est P X ;
2. si X est la matrice colonne de w dans la base canonique, alors la matrice de w dans la base u, v est P −1 X.
Elle permet aussi de calculer la matrice d’une application linéaire f dans la base u, v à partir de sa matrice A dans
la base canonique. Pour cela, on considère la matrice colonne X d’un vecteur w dans la base u, v :
1. la matrice de w dans la base canonique est P X ;
2. celle de f (w) dans la base canonique est donc AP X ;
3. celle de f (w) dans la base u, v est donc P −1AP X ;
On en déduit que la matrice de f dans la base u, v est P −1AP .
Exercice 107 : Soient f et g les applications linéaires dont les matrices respectives dans la base canonique sont :
0 1
1 0
,
.
1 0
0 −1
Calculer les matrices respectives de f et g dans la base u, v, où u = ~ı + ~ et v = ~ −~ı.
Exercice 108 : Si B est la matrice de f dans la base u, v, quelle est la matrice de f dans la base canonique ?
Exercice 109 : Si B = P −1AP et n ∈ Z, exprimer B n en fonction de An et An en fonction de B n .
Exercice 110 : Montrer que si B = P −1AP , alors les matrices A et B ont le même déterminant, le même polynôme
caractéristique, et les mêmes valeurs propres. [Calculer P −1 (A − λI)P .]
4.4 Diagonalisation et changement de base en dimension 3
Définition : Une base de R3 est la donnée de 3 vecteurs u, v, w non coplanaires. Autrement dit, det(u, v, w) 6= 0.
On a de même la décomposition unique de tout vecteur de R3 dans la base u, v, w. On a aussi la notion de matrice
d’une application linéaire dans la base u, v, w, ainsi que les notions de matrices diagonales et diagonalisables.
Remarque : Dans ce cas, le polynôme caractéristique Γ est de degré 3 (et de coefficient directeur −1). Or un tel
polynôme a au moins une racine réelle. Donc toute matrice carrée d’ordre 3 a au moins une valeur propre réelle.
Exercice 111 : Trouver les valeurs propres et les vecteurs propres de f : R3 → R3 dans les cas suivants : symétrie
centrale, homothétie de rapport ρ, symétrie orthogonale plane ou axiale, projection orthogonale plane ou axiale,
affinité orthogonale plane de rapport ρ, rotation d’angle θ.
Exercice 112 : Soit A une matrice carrée d’ordre 3. Montrer que si det A > 0 (respectivement det A < 0), alors A
a au moins une valeur propre positive (respectivement négative). [Calculer les limites de Γ(λ) en +∞ et en −∞.]
Exercice 113 : Montrer qu’une matrice carrée d’ordre 3 est diagonalisable si et seulement si l’une des conditions
suivantes est satisfaite : elle a trois valeurs propres réelles distinctes ; ou elle a deux valeurs propres réelles distinctes
et il existe deux vecteurs propres non colinéaires associés à l’une d’elle ; ou elle est de la forme λI.


0 0 1
Exercice 114 : Soit f l’application linéaire dont la matrice dans la base canonique est A = 1 0 0.
0 1 0
1. Montrer que 1 est une valeur propre de cette matrice, et donner un vecteur propre u associé.
2. Donner un vecteur v non nul et orthogonal à u, puis calculer w = u ∧ v.
3. Donner la matrice de passage P associée à la base u, v, w et calculer P −1 .
1
1
1
4. Montrer que la base formée des vecteurs u′ = kuk
u, v ′ = kvk
v, et w′ = kwk
w est orthonormée directe :
u′ ⊥ v ′ ,
u′ ⊥ w ′ ,
v ′ ⊥ w′ ,
det(u′ , v ′ , w′ ) = 1.
5. Montrer que la matrice de passage associée à cette base est de la forme P Q où la matrice Q est diagonale.
6. Calculer la matrice de f dans la base u′ , v ′ , w′ . [Calculer (P Q)−1 à partir de P −1 et Q−1 .]
7. En déduire l’interprétation géométrique de f .
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