Inhibition du système endocannabinoïde : Quelle place chez le

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Inhibition du système endocannabinoïde :
Quelle place chez le diabétique de type 2 ?
Pierre Gourdy
Service de Diabétologie, Maladies Métaboliques et Nutrition
Pôle Cardio-Vasculaire et Métabolique, CHU Rangueil
Le rimonabant, commercialisé en France depuis mars 2007, est le premier représentant
d’une nouvelle classe thérapeutique : les antagonistes des récepteurs cannabinoïdes de type 1
(CB1). En physiologie, le système endocannabinoïde, qui comprend deux types de récepteurs
(CB1 et CB2) et leurs ligands endogènes, contribue à l’homéostasie énergétique en exerçant
des effets modulateurs sur la prise alimentaire, la sensation de satiété, et les métabolismes
glucidiques et lipidiques. Les récepteurs CB1, dont l’expression n’est pas restreinte au
système nerveux central, mais concerne également les différents organes impliqués dans le
contrôle du métabolisme glucidique (foie, muscle, tissus adipeux), semblent présenter une
activation soutenue, chez le sujet obèse. Cette activation supra-physiologique du système
endocannabinoïde pourrait donc contribuer à la survenue et/ou à l’accentuation des désordres
métaboliques chez les sujets en surpoids.
Quels bénéfices attendre chez les sujets diabétiques de type 2 ?
Au cours des dernières années, l’impact pondéral et métabolique du rimonabant a été
évalué dans le cadre d’un large programme dénommé « RIO » (Rimonabant In Obesity),
incluant des sujets adultes présentant une obésité (IMC ≥ 30 kg/m²) ou un surpoids (IMC : 27
à 30 kg/m²), associés ou non à différents facteurs de risque cardio vasculaire (dyslipidémie,
diabète de type 2). Au total, quatre études randomisées, menées en double aveugle contre
placebo, ont inclus plus de 6000 patients. Chez les sujets non diabétiques, l’administration de
rimonabant (20 mg/jour), associée à des conseils pour la réduction des apports caloriques (600 Kcal) et la pratique régulière d’une activité physique, s’est traduite par un bénéfice
pondéral net avec un amaigrissement de 6,5 kg en moyenne (contre 1,6 kg contre placebo) à 1
an. De façon intéressante, cette perte de poids s’accompagnait d’une réduction significative
du tour de taille, témoin de l’impact favorable sur le tissu adipeux viscéral, et de répercussions
bénéfiques sur le plan métabolique (baisse des taux de triglycérides, hausse du HDL
cholestérol, diminution de la prévalence du syndrome métabolique).
L’étude RIO-Diabetes s’est quant à elle intéressée à des sujets diabétiques de type 2
obèses ou en surpoids bénéficiant préalablement d’une monothérapie par metformine ou
sulfamide hypoglycémiant. Dans cette population, la prise de rimonabant (20 mg/jour) a
entraîné une réduction du poids (-5,3 kg versus -1,4 kg sous placebo) et du tour de taille, mais
également une amélioration significative de l’équilibre glycémique avec une diminution de
0,7 % du taux d’HbA1C à 1 an (versus placebo). Chez ces sujets diabétiques, le bénéfice
métabolique s’étendait aux paramètres lipidiques avec principalement la réduction du taux de
triglycérides et l’augmentation du cholestérol HDL.
Plusieurs études, récemment achevées ou en cours, permettront d’évaluer l’intérêt de
cette molécule dans des situations cliniques différentes chez le sujet diabétique de type 2 en
surpoids : initiation en monothérapie, association à l’insuline…
Quelles certitudes vis-à-vis des effets indésirables ?
Les données de tolérance recueillies lors des essais cliniques précédemment cités ont
été particulièrement commentés au cours des derniers mois. Globalement, dans le cadre du
programme RIO, 15,7 % des patients ont interrompu la prise de rimonabant au cours de la
première année de traitement en raison de la survenue d’effets indésirables, contre 7,8 % sous
placebo. Résultant du mode d’action pharmacologique de la molécule de rimonabant, les
effets indésirables les plus fréquemment observés à la posologie de 20 mg/jour ont été
principalement d’ordre neuro psychique et digestif : nausées, troubles de l’humeur avec
symptômes dépressifs, anxiété... Ces effets indésirables ont été constatés de manière
sensiblement identique chez les sujets diabétiques et non-diabétiques.
Le risque d’événement dépressif majeur avec idées suicidaires a donné lieu au cours
de l’été dernier à plusieurs prises de position des instances américaines et européennes. Ainsi,
en juillet 2007, l’EMA (agence européenne du médicament), n’a pas remis en cause la
commercialisation du rimonabant en Europe, mais a renforcé la vigilance vis à vis du risque
d’apparition ou majoration de troubles dépressifs. D’après les données compulsées par
l’organisme européen, jusqu’à 10 % des patients traités par rimonabant ont présenté des
troubles dépressifs ou des troubles de l’humeur avec symptômes dépressifs et jusqu’à 1 % ont
présenté des idées suicidaires. Il est également crucial de noter que, d’une part ce risque
psychiatrique est nettement majoré chez les personnes présentant un antécédent de syndrome
dépressif sévère, d’autre part, les symptômes surviennent lors des premiers mois de traitement
et s’estompent à l’arrêt du traitement.
En pratique : respecter strictement les indications et les règles de bon usage du
médicament !
Compte-tenu des effets indésirables que nous venons d’évoquer, il apparaît crucial de
respecter à la lettre les contre-indications d’utilisation du rimonabant, chez les sujets
diabétiques comme dans la population générale. Ainsi, ce traitement ne doit jamais être
prescrit chez des sujets présentant une dépression caractérisée en cours et/ou un traitement par
anti-dépresseur. Une prudence extrême est également préconisée en situation d’antécédent
personnel de syndrome dépressif et/ou idées suicidaires. Dans ce cas, il est préférable de ne
pas utilisé ce traitement, sauf si le bénéfice métabolique escompté semble supérieur au risque
psychiatrique. Une vigilance particulière devra être mise en place, pendant les premiers mois,
incluant l’information de l’entourage et l’arrêt immédiat du rimonabant devant toute
modification thymique.
Le rimonabant a obtenu une autorisation de mise sur le marché pour le traitement des
patients obèses (IMC ≥ 30 kg/m²) ou un surpoids (IMC : 27 à 30 kg/m²) présentant des
facteurs de risque associés, tels que le diabète de type 2 ou dyslipidémie, en association au
régime et à l’exercice physique. Cependant, sur la base des résultats de l’étude RIO-Diabetes,
le remboursement du rimonabant est réservé aux patients obèses et diabétiques de type 2
insuffisamment contrôlés par une monothérapie par metformine ou par sulfamides
hypoglycémiants et dont l’HbA1C est comprise entre 6,5 et 10 % (Remboursement imposant
l’utilisation d’ordonnances pour médicament d’exception). Bien entendu, là encore, le
rimonabant doit être associé à une prise en charge diététique et à la mise en place d’un
programme d’activité physique adaptées.
Il est évident que le rimonabant peut présenter un intérêt particulier chez certains
diabétiques de type 2 en surpoids en dehors du périmètre de remboursement : monothérapie
initiale, trithérapie orale, association à l’insuline… Cependant, les données ne sont pas
suffisantes à l’heure actuelle pour juger de la balance bénéfice/risque dans ces situations.
Plusieurs essais en cours permettront dans les prochaines années d’établir plus précisément la
place du rimonabant dans la stratégie thérapeutique évolutive du diabète de type 2.
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