Quelques notions de base en morphologie

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P. Lambert - Linguistique française semestre 2
La morphologie : quelques notions de base
(d’après J. Gardes-Tamine (1990) : La grammaire, Armand Colin)
Qu’est-ce que la morphologie ?
Dans la langue orale, les phonèmes servent à créer et à distinguer des unités significatives
mais n’ont eux-mêmes pas de sens (on les appelle d’ailleurs des unités minimales non
significatives). Les morphèmes constituent quant à eux les unités minimales de signification
de la langue : ainsi, les différents phonèmes de coiffeur /k, w, a, f, oe, R/ ne signifient rien, ce
qui n’est pas le cas du mot, puisqu’il est constitué de deux unités minimales significatives :
coiff- /kwaf-/ et -eur /-oeR/.
La première unité indique le contenu de l’action et la seconde, l’agent de l’action. C’est
l’enchainement des morphèmes, leur concaténation, qui permet de construire les mots et les
phrases. Le domaine d’étude de la morphologie est d’abord lié de près à celui de la syntaxe
(qui s’occupe de décrire la construction des phrases), puisque les morphèmes portent la
marque des relations syntaxiques (par ex. accord verbe/sujet ; adjectif/substantif…). il est
également lié à l’étude du lexique (la lexicologie/lexicographie) puisqu’il touche aussi à la
formation des mots.
Le morphème : définition
Le morphème est donc défini en linguistique comme la plus petite unité de signification de la
langue. Le morphème est formé de phonèmes. Les morphèmes les plus petits peuvent ne
comprendre qu’un seul phonème, comme par exemple pour la préposition à /a/.
La limite supérieure du morphème est le mot, dont il représente généralement une partie : par
ex., dans le mot chou-fleur, on distinguera deux morphèmes, de même que dans le mot fleurir. En revanche le mot fleur ne comporte qu’un seul morphème (on ne peut donc pas le
découper en de plus petites unités significatives).
On définira le mot comme « la forme linguistique la plus petite qui ait une autonomie ». Cela
le distingue généralement du phonème et du morphème. Je m’explique : le phonème et le
morphème n’ont en principe aucune autonomie dans la langue. On ne les rencontre jamais « à
l’état libre », c’est-à-dire qu’ils ont besoin d’entrer en combinaison avec d’autres phonèmes et
morphèmes pour faire sens. Ainsi, par exemple, le morphème –eur que l’on trouve dans
chanteur ou le morphème in- que l’on trouve dans invisible… Lorsqu’un morphème est
autonome, alors il acquiert le statut de mot (comme fleur par ex.) et lorsqu’un phonème
présente un sens, alors il peut constituer un morphème (ou même un mot : la préposition à).
La plupart des mots graphiques s’appuient implicitement sur cette définition du mot. Mais sur
ce point l’écrit présente de nombreuses incohérences, par exemple dans la pratique du trait
d’union.
Vous voyez donc déjà que morphologie et segmentation graphique des mots ont quelque
chose à voir.
Différents types de morphèmes
On distingue d’abord des morphèmes lexicaux, ou lexèmes, qui permettent au mot d’avoir
une autonomie sémantique (fleur, là, moi, etc.) et des morphèmes grammaticaux qui
insèrent le mot dans des séries et indiquent souvent des relations avec d’autres éléments de la
phrase : par ex., dans chanteur, chant- est un lexème qui permet de distinguer le mot des
autres mots de la même série (rong-eur ; lav-eur ; balay-eur ; labour-eur, etc.) tandis que –
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eur est un morphème grammatical. Autre exemple : dans lavons, lav- est un lexème, et –ons
est un morphème grammatical qui signale l’appartenance du mot à la conjugaison verbale et
indique entre autres l’accord avec le pronoms sujet nous.
Ensuite, on peut opposer les morphèmes qui se rencontrent à l’état libre (fleur-, chant-, lav-)
et ceux qui, n’étant pas autonomes, doivent se combiner à d’autres morphèmes (-eur, in-,
-isme). Selon cette distinction, on oppose les bases et les affixes qui s’y combinent (autrement
dit : les affixes se combinent aux bases…). Un mot peut consister en un morphème libre, cad
une base : chant, ou alors comprendre une base + un ou plusieurs affixes : chanteur, enchanté
Lorsqu’on enlève les affixes à un mot, on obtient logiquement la base minimale sur laquelle il
est formé : cette base minimale s’appelle le radical. Par exemple : pour irréalisable, on
obtient une première base –réalisable si on enlève l’affixe ir- et on obtient le radical réalis(base minimale) si on retire encore l’affixe –able.
Selon la place qu’ils occupent par rapport à la base, on distingue différentes formes d’affixes :
les préfixes, qui se placent devant la base (dé-loyal) ; les suffixes qui se placent après (loyalisme).
Attention : gardez bien à l’esprit qu’il faut toujours bien distinguer langue et écriture (cf.
chapitre 1 du cours) et ceci est particulièrement important lorsqu’on s’intéresse à la
morphologie car le système orthographique impose souvent des régularités trompeuses qui
masquent la complexité de l’oral. Je vous conseille donc de procéder, comme nous l’avons
fait dans certains exercices, de façon méthodique en passant d’abord par une
transcription phonologique des segments que vous avez à étudier, comme par exemple dans
le TD suivant.
TD : entraînement à la segmentation en morphèmes ; différence entre oral et écrit
Proposez une segmentation en morphèmes pour les mots suivants, en considérant leur forme
orale, puis écrite.
intenable, inconnu, illisible, immoral, insupportable, illégal, irresponsable, inhabitable,
incapable, inhabituel, impossible, inanimé, inattentif, irréaliste, inopportun.
Creusez-vous la tête sans attendre le corrigé qui arrivera un jour prochain…
Suite au prochain épisode, donc… d’ici-là, bon travail !
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