Cette logique interne de la langue aura aussi l`heureux effet de vous

"Je suis comme je suis", nous dit l'hébreu en douce
Deuxième partie : les schèmes
Fabienne Bergmann
L'hébreu est d'une cohérence mathématique.
Nous avons déjà évoqué le jeu des racines. Examinons à présent l'autre phénomène
régissant la langue : le schème. Toute la logique de la langue tient à l'interaction de la
racine et du schème. Ce dernier (mieux connu sous son nom hébraïque de michkal),
est la musique qui rythme chaque mot. Racine et schème se complètent dans chaque
mot et leur mariage toujours harmonieux est la clé de l'appréhension de la langue,
que celle-ci soit instinctive ou le fruit d'un laborieux apprentissage.
Les schèmes nominaux ou verbaux constituent des squelettes dans lesquels sont
coulées les racines. Ils sont en nombre limité et associés à des sens ou des usages
spécifiques.
Pour les verbes, ces schèmes sont les binyanim. A un temps donné, les verbes d'un
même binyan ont les mêmes consonances, ce qui les inscrit dans une essence
sémantique. Ainsi, l'infinitif de la forme paal aura toujours à la troisième personne du
passé (forme donnant son nom au binyan) la consonance a-a. Le piyel, catégorie dont
la vocation est de "renforcer" une action, aura toujours à cette troisième personne du
passé la consonance i-è. Les racines des différents verbes s'y fonderont. L'expression
« il a gardé », marquant une action simple, sera donc chamar ]רמש[, tandis que le
verbe « il a conservé » (plus fort, puisqu'on garde un enfant quelques heures, mais on
conserve des trésors pendant des milliers d'années) sera chimer ]רמיש[ et les boites de
conserves : des chimourim ]םירומיש[, puisqu'elles sont certes moins périssables que ce
que vous gardez au frigidaire ! De même, même si votre rejeton a cassé un verre
(chavar), ce n'est pas grave, ne vous fâchez pas. Rien à voir avec l'acte de Moise qui,
en voyant les Hébreux s'adonner au culte du veau d'or, brisa (chiber) les Tables de la
Loi.
Les schèmes des substantifs obéissent également à des règles subtiles, les
consonances ayant là-aussi un rôle sémantique. Chaque mot peut s'inscrire dans une
catégorie et se plie à ses règles. Les corps de métier, tels que coiffeur, menuisier,
tailleur de pierre ou ornithologiste (respectivement sapar רפס, nagar רגנ , satat תתס,
tsapar רפצ( ont une structure en deux syllabes, du mode a-a. Les maladies, elles, ne
débordent pas de leur cadre bien établi et se déclinent toutes sur le mode a-é-é. Pas de
risque d'épidémie non contrôlée avec la tsaévét )תבהצ jaunisse), la hazérét (תרזח les
oreillons) ou, D. nous en préserve, la garédét (תדרג la gale). L'hébreu a de même
catalogué les outils ou les lieux d'une action, pour ne citer qu'eux. Ce qui permet
instinctivement au locuteur hébraïque de saisir la signification d'un mot, même s'il ne
le connaît pas.
Cette logique interne de la langue aura aussi l'heureux effet de vous faciliter son
apprentissage, pour peu que vous acceptiez de la considérer comme elle est. (Eh oui,
une langue, et l'hébreu plus que tout autre, a besoin pour se faire aimer d'être
apprivoisée… Souvenez-vous du Petit Prince!) Plus vous serez attentif aux racines et
aux schèmes utilisés pour chaque type de mots, plus la langue vous sera facile.
CQFD !
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